• 152 - La grâce vaut mieux que le mérite

    En dépit des faits intégrés, admis et universellement applaudis de la Révolution ainsi que du caractère de plus en plus impopulaire et irréaliste de mes points de vue sur les choses et les hommes de ce monde, ma sensibilité de chevalier me pousse à demeurer très attaché à l'appropriation par l'élite aristocratique de la culture, des connaissances, de la science.<o:p></o:p>

    Je suis pour le non-partage de ces richesses immatérielles avec la masse. Transporter des cours universitaires jusque dans les bidonvilles pour instruire des illettrés est un non-sens, une mesure faussement humaniste. L'on voudrait donc donner accès aux études à n'importe qui, à des gueux, à des manuels ? Le rôle de ces exclus de la culture est de faire valoir la générosité des chevaliers de mon espèce caracolant sur leurs beaux chevaux blancs.<o:p></o:p>

    Les prolétaires sont faits pour être pris en pitié par les âmes nobles qui leur font de temps à autre l'aumône avec condescendance. Là est le véritable humaniste. Je ne suis pas spécialement pour la "méritocratie" mais pour "l'état de grâce".<o:p></o:p>

    Le mérite a ses limites. Celui qui par son travail, son courage et ses vertus accède à certaines richesses et à certaines palmes se hisse injustement, si on pousse jusqu'au bout de sa logique ce système, au-dessus des autres prétendants au bonheur, au confort, à la justice. Et de quel droit celui qui est né plus talentueux, plus courageux, plus vertueux que les autres s'accaparerait-il les richesses de ce monde ? Les bandits, les idiots, les paresseux ont aussi un droit de jouissance inné sur les biens de cette Terre. Ne sont-ce point des êtres humains comme tous les autres ? A ce titre ce droit leur est acquis.<o:p></o:p>

    La grâce élit des têtes sans distinction de classe ou de mérite. C'est un principe divin, gratuit, poétique et donc infiniment juste et beau. C'est précisément l'esprit des chevaliers.<o:p></o:p>

     


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  • 151 - Deuil

    Aujourd'hui est un grand jour. Raphaël est mort. Il est là, étendu dans son linceul morbide composé de draps douteux, les yeux clos, les traits pacifiés, les mains crispées, les cheveux sales. C'est un cadavre un peu bizarre. Il est mort après bien des souffrances. Il s'est débattu jusqu'au dernier souffle contre tous ses démons réels et imaginaires. Et il pue déjà, ce cadavre contorsionné !<o:p></o:p>

    On va inhumer cette dérangeante dépouille. Mais avant on va la contempler. Se repaître du spectacle morbide, pathétique de ses contorsions figées dans la glace de la Mort. C'est toujours fascinant à voir un macchabée : ça nous renvoie en pleine figure l'image de notre état de futur macchabée. <o:p></o:p>

    Sa peau a pris le teint blafard caractéristique de la mort. Il faut se rendre à l'évidence, il est bel et bien mort le bouffon. La Mort a fini par lui clouer le bec. Définitivement.

    Regardez-le comme il fait piètre figure à présent qu'il est passé de l'autre côté... Finies les fanfaronnades, finies les hâbleries, les grosses farces, les bravades, les joyeuses railleries... Il est mort le bouffon. Bel et bien mort. Maintenant c'est lui qu'on plaint. Il fait pitié à voir en cadavre échevelé, déguenillé, tordu comme un pantin brisé. Pas très joli à regarder. Il n'aura pas eu le dernier mot cette fois : il avait la Camarde pour détractrice.<o:p></o:p>

    Maintenant on va le mettre en terre. La cérémonie est vite expédiée. Ca y est, sa dépouille est dans les entrailles de la terre. <o:p></o:p>

    On va pouvoir continuer à se lancer en paix des fleurs et des roses guimauves à la figure. Parler entre nous de tout et de rien, de la météo ou de Tartempion... Mais plus de ce diable d'Izarra !<o:p></o:p>

    Sans lui on va peut-être s'ennuyer. Quand même, il risque de nous manquer le bougre... Allez, adieu Raphaël. On t'aimait bien tu sais... Tu es parti rejoindre tes chères étoiles, alors bon voyage dans ton éternité. <o:p></o:p>

    Adieu et bon débarras !<o:p></o:p>

     


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  • 150 - Monsieur travaille !

    Comment, vous vous abaissez à travailler, vous mon plus cher ami ? Eh bien ! Vous perdez d'un coup toute l'estime que j'avais pour vous Monsieur... <o:p></o:p>

    Ainsi vous vous adonnez à ces espèces d'occupations viles et méprisables qui consistent à besogner de ses mains comme un vulgaire manuel ? Vous n'avez donc pas, comme tout homme de bien qui se respecte, de valets, de bonniches pour faire à votre place les besognes et corvées manuelles ?<o:p></o:p>

    A partir de maintenant vous n'êtes plus mon ami Monsieur. Je ne vous connais plus. Vous me faites trop honte. Songez-vous donc à ma chère réputation ? Me faire l'ami d'un manuel... Quelle ignominie !<o:p></o:p>

    Je regrette infiniment de vous avoir eu pour ami pendant un temps Monsieur. Si j'avais su que vous vous adonniez au labeur et que vous n'aviez pas de domesticité à votre service il est bien évident que jamais je n'aurais contracté cette regrettable amitié avec vous... Déjà que vous étiez dépourvu de particule... J'ai daigné vous avoir pour ami du bout des doigts, avec un certain mépris de circonstance parce que vous n'aviez point de particule. Mais à présent que je sais que vous travaillez, tout est fini entre nous Monsieur. <o:p></o:p>

    Définitivement, irrémédiablement, fatalement.<o:p></o:p>

    Vous avez mon plus profond mépris, Monsieur le laborieux. Je vous crache au visage Monsieur le manuel. Je vous ignore, Monsieur le gueux.<o:p></o:p>

    Adieu, Monsieur.<o:p></o:p>

     


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  • 149 - Lettre envoyée aux proxénètes de la culture

    Monsieur le Ministre,<o:p></o:p>

    La pollution touristique à Montmartre a atteint des proportions insupportables. L'Etat cupide et démagogique que vous avez l'honneur de servir est en train de prostituer la France aux touristes vulgaires, laids, dégénérés et majoritairement incultes.

    Ces idiots de touristes bariolés et armés de caméscopes, ces mangeurs de glaces industrielles vêtus de shorts, enfin ces pauvres hères issus de la civilisation "sac banane" sont en train de dénaturer définitivement Montmartre, et cela avec l'assentiment des proxénètes de la culture de votre espèce.<o:p></o:p>

    Aujourd'hui il semble que le Ministère de la Culture n'est plus l'organe essentiel de la promotion de nos culture et art de vivre, mais plutôt le centre de gestion infâme d'un bordel culturel pour touristes. Avec l'invasion massive de ces clients de la France une nouvelle pornographie est née.<o:p></o:p>

    J'ose dénoncer ici les maquereaux oeuvrant dans votre ministère. Ils vendent sans scrupule la digne et belle France à une humanité déchue et ventripotente en mal d'authenticité frelatée : aux heures de pointes touristiques Montmartre est devenu le lieu le plus laid de la capitale.<o:p></o:p>

    Là, on vend aux troupeaux humains venus d'ailleurs (et au prix fort encore) de la France en plastique, de véritables colifichets « made in China », de l'authentique cuisine « qualité touristique ». Montmartre est la grande prostituée de Paris. Souillé, piétiné, envahi par des hordes d'imbéciles moyens, Montmartre n'est plus qu'un vulgaire supermarché d'une France de pacotille et de rapins. Là-haut sur la Butte la France a été mise sur le trottoir, à la merci de clients dénués de goût mais pleins de devises.<o:p></o:p>

    Et les collaborateurs de ce tourisme bas de gamme siégeant au Ministère de la Culture se félicitent de cette invasion : la France se vend, la Putain tricolore s'enrichit. Soyez loués vous les proxénètes du Ministère de la Culture. Grâce à vous « Montmartre la putain » assure des emplois. Elle rapporte un maximum d'argent à ses maquereaux. Montmartre fait du chiffre.<o:p></o:p>

    Et c'est la raison pour laquelle je vous écris cette lettre.<o:p></o:p>

     


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  • 148 - Homère, cet indigeste compilateur de vers

    Homère est l'auteur d'une oeuvre auguste, fondatrice, universelle. Il a jeté les bases de notre culture, il incarne les racines de notre littérature. Cependant, prises dans leur ensemble, les oeuvres de Homère sont ennuyeuses à mourir.

    Homère est donc un mauvais auteur. Célèbre depuis deux mille ans et reconnu certes, mais fondamentalement mauvais. Qui a lu jusqu'au bout, dans ses moindres détails et avec fébrilité l'Iliade, l'Odyssée ?<o:p></o:p>

     


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