• 157 - Je défie un piètre rival

    Monsieur,

    Je me targue, me vante, m'honore d'être un oisif, un esprit bourgeois, un hypocrite, un lâche, un profiteur. Mais je suis également un seigneur, contrairement à vous qui n'êtes qu'un vil serviteur incapable de me défier, de me toiser dignement. Vous faites partie de ce vaste et ordinaire troupeau sans coeur et sans hargne pour qui les politesses valent mieux que des coups d'épée. Je suis un Cyrano plein de morgue, de superbe, de panache et je suis toujours prêt à passer au fil de ma plume les gens banals de votre espèce qui ne savent écrire que des choses banales, mille fois entendues, et donc sans intérêt aucun pour un bel esprit digne de ce nom... Je vais vous donner une bonne leçon. Je vous prouverai que je suis ce que je prétends être : la chose la plus passionnante qui soit au monde. A mes yeux, bien entendu. Cela vous changera certainement de vos écrits nombrilistes et locaux qui ont le défaut immense de me déplaire.


    votre commentaire
  • 156 - On m'a reproché d'avoir dit "Nègre"

    Un détracteur, sans doute pétri d'un humanisme bien sirupeux, m'avait reproché d'avoir employé le terme "Nègre" pour désigner un Africain à peau noire, et voici ce que je lui ai répondu :<o:p></o:p>

    Sachez, inconséquent Monsieur, que la négritude n'est point une déchéance. Il n'est pas offensant d'user de ce terme pour désigner mon semblable descendant de Cham. L'espèce nègre est une espèce noble, comme toutes les espèces humaines. Auriez-vous mieux aimé que j'emploie le terme "black" pour faire jeune, pour faire moderne, et être en même temps lisse, docile, bovin dans l'esprit ? <o:p></o:p>

    Je ne saurais succomber aux phénomènes très à la mode de "gentillesses" faussement respectueuses, comme ces mots qui édulcorent les Nègres et les éclaircissent, pour en faire des presque Blancs (voyez Mickaël Jackson, il a pris au pied de la lettre cette manie d'édulcorer, de "dénoircir" les Nègres, et c'est grotesque, pitoyable - mais il est libre de se faire blanchir le visage si cela l'amuse, je ne vais pas lui interdire de dépenser comme il l'entend ses millions de dollars).

    Quant aux nains, que croyez-vous donc qu'ils sont ? Des Gulliver, des sportifs de haut niveau, des champions de hockey sur glace, des basketteurs  professionnels ? Et les vieux moribonds, que sont-ils pour vous ? Des nouveau-nés pleins de santé et qui ont la vie entière devant eux ? Allons, un peu de maturité, et de bon sens ! Ne soyons pas comme ces précieuses ridicules pleines d'une affligeante sensiblerie citadine et séniles avant l'âge. <o:p></o:p>

    Un peu de virilité, que diable ! Sinon la mort et la souffrance n'existeront plus du tout, puisqu'on les désignera du bout des lèvres, du bout des doigts, et les hommes ne seront jamais adultes. On en est arrivé à emprunter des chemins tortueux pour désigner les moribonds, comme si on voulait à tout prix se voiler la face devant la réalité. "Personne en fin de vie", dit-on à leur sujet de nos jours... Alors pourquoi pas "individu ayant involontairement accédé au degré le plus élevé de forme physique défaillante" ? Et pour les Nègres, pourquoi ne pas les désigner (pour ne surtout pas parler de leur négritude, si offensante quand on la nomme de manière trop évidente...) de cette manière-là : "personnes issues des terres blacks situées dans le continent au sud de l'Europe" ? <o:p></o:p>

    Cessez donc, vous les pauvres anonymes, d'être des victimes du nivellement culturel mondial, ne soyez pas des produits, des robots, des singes mimant les modèles imposés. Réfléchissez, inventez, soyez créatifs, soyez riches de différences, soyez critiques, soyez libres. <o:p></o:p>

    Soyez des hommes. <o:p></o:p>

     


    votre commentaire
  • 155 - Un cadeau pour la Camarde

    Madame la Mort aux beaux yeux noirs m'a prêté sa faux, sa belle faux sonore qui crisse quand elle tranche. Avec cet instrument jardinier magistral, j'ai eu l'idée de raser les herbes folles qui s'élèvent hardiment de mes terres : ronces des concessions, chaînes du quotidien, épines du prosaïsme, vanité du paraître. Je dois couper tout cela. Rien ne doit dépasser ma cheville.<o:p></o:p>

    Il faut que je sois le maître chez moi. Il me faut soumettre à ma loi la flore que je foule. Du matin au soir, tout doit donner l'impression que je domine. Sous le poids inconsidéré de mon ombre qui passe, la tige pimpante ploie jusque dans la poussière. Si elle a l'audace, la folle, d'ériger la tête, impitoyablement je la lui ôte.<o:p></o:p>

    Madame la Mort m'a prêté sa belle faux qui crisse, et j'ai mis un peu d'ordre sur mes terres. Toute la sainte journée mon bras a fait sa besogne. Arpentant des heures durant les étendues de mon domaine, j'ai amassé l'herbe rebelle vaincue par le fer justicier. De ce foin de géhenne j'ai fait une meule. Puis j'ai engrangé.<o:p></o:p>

    Et le jour ou légitimement Madame la Mort est venue reprendre son outil, me demandant au passage de prendre ma vie, au lieu de lui remettre cette dernière, trop chère à mes yeux, je lui ai fait don de mon ivraie. J'ai côtoyé la grande Dame et me suis montré plus rusé qu'elle : je l'ai regardé repartir croulant sous le poids de mon offrande.<o:p></o:p>

    Depuis ce jour Madame la Mort aux yeux si noirs, si profonds ne m'a jamais plus importuné. Je ne songe plus aux ronces : emportées par la Faucheuse ! Exorcisées !<o:p></o:p>

    Voilà pourquoi aujourd'hui je suis encore de ce monde, plus vivant que jamais, le coeur léger. Plus fort que la mort, plus fort que les rêves qui se brisent contre la dureté du quotidien, c'est l'amour que je porte aux étoiles.<o:p></o:p>

     


    votre commentaire
  • 154 - Un directeur d'institution bien naïf

    Madame,

    J'ai pris connaissance avec un grand mécontentement de votre lettre. Ainsi vous prétendez que les jeunes filles de cette digne institution religieuse que j'ai l'honneur de diriger s'adonnent à la luxure la plus éhontée ? Vos affirmations choquent la morale, Madame. Vous vous faites ici l'écho de rumeurs parfaitement infondées, de ragots infâmes sans doute diffusés par les ennemis de la religion.<o:p></o:p>

    Comment avez-vous osé m'écrire de telles choses, vous qui êtes pourtant une ancienne pensionnaire de cette institution ? Est-ce donc là le résultat de la saine éducation prodiguée aux jeunes filles de bonnes familles entre ces murs choisis ? Vous corrompez l'éducation honnête que l'on vous a donnée en ces lieux Madame.

    Vous ne faites pas honneur à vos précepteurs Madame, en prétendant avec autant d'impudence que derrière les murs de cette institution nos Demoiselles se livrent à un commerce immoral avec des débauchés... Vous faites preuve d'une bien grande effronterie pour oser affirmer avoir vécu de telles turpitudes au temps où vous étiez chez nous, et jamais l'on a vu chez nos sages et vertueuses Demoiselles semblable impertinence, ni pareille démesure dans la licence, ni telle outrance dans le langage !<o:p></o:p>

    Aucune jeune fille bien élevée ne songe, sachez-le bien Madame, à des choses aussi horribles, aussi répugnantes et aussi impies que ces chimères libidineuses que vous avez évoquées. Et s'il en est quelques-unes qui évoquent de temps à autre quelque galant jeune homme ou bien tel Monsieur entr'aperçu et qui avaient une belle prestance, croyez bien Madame que c'est toujours en termes honnêtes. Jamais les propos entendus ne dépassent les limites bienséantes du coeur, et les pensées elles-mêmes, pourtant secrètes, ne vont pas au-delà, j'en suis persuadé, du discours public et platonique.<o:p></o:p>

    Lorsqu'une de ces honnêtes Demoiselles dont j'ai la charge s'émeut vivement au nom de tel ou tel visiteur étranger de l'institution, c'est soit à cause de sa belle toilette (à entendre certaines), soit c'est au nom de l'épée qu'il porte au côté. Curieusement ces épées sont très souvent un vif sujet d'émoi chez nos jeunes filles. Simple lubie juvénile, bien innocente ma foi.<o:p></o:p>

    Bref, soyez certaine Madame qu'aucune de ces Demoiselles ne songe à mal en ces circonstances. Mes élèves me sourient de manière bien innocente, lorsqu'elles me parlent de l'épée de tel ou tel visiteur, et je les laisse toujours aller s'ébaudir ensemble comme des enfants derrière les murs de notre chapelle, ne leur interdisant même pas de prendre la main à ces visiteurs impromptus, tant ma confiance en leurs vertus est grande. Ces étrangers de l'institution sont devenus des habitués d'ailleurs (je les connais bien à force de les voir, et ils sont plus amis qu'étrangers, comment pourrais-je les soupçonner ?).<o:p></o:p>

    De leurs chastes divertissements, ces Demoiselles me reviennent chaque fois apaisées, sereines, comme épanouies. Cela m'inspire d'ailleurs les meilleures certitudes quant à leur avenir conjugal. Ce seront des épouses honnêtes et ignorantes au jour de leur légitime hyménée car bien accompagnées aujourd'hui.<o:p></o:p>

    Avec quelle charmante naïveté elles évoquent les épées de ces Messieurs ! Elles me racontent qu'elles n'ont de cesse de les toucher, de les caresser (il faut dire que certaines sont ouvragées avec art), voire même de les baiser... C'est à rire de bon coeur tant c'est frais, touchant, charmant ! Je crois bien que toutes les jeunes filles de l'institution ont déjà goûté aux épées de ces prestes moustachus galonnés. Comment pouvez-vous donc raconter qu'il se passe chez nous toutes ces horreurs en rapport avec la chair ? Cela ne se peut, Madame.<o:p></o:p>

    Cela est vraiment touchant de voir à la fin de la récréation vespérale ces Demoiselles revenir de derrière les murs de la chapelle, où je les laisse jouir un peu de leur liberté, si restreinte le reste du temps (pensez donc, ce sont des pensionnaires cloîtrées toute l'année à l'institution)... Elles me reviennent à chaque fois les yeux ravis, le sourire aux lèvres et les habits biens mis, consciencieusement réajustés et... Et ma foi c'est curieux à vrai dire... A présent que j'y songe...<o:p></o:p>

    Certaines ont des brins d'herbes dans la coiffe, d'autres des mèches folles qui sortent du chignon et presque toutes ont l'haleine singulière... Mais suis-je bête !<o:p></o:p>

    Tous ces signes, ces symptômes ne peuvent tromper : c'est la preuve qu'elles ont joué à colin-maillard ou à je ne sais quel autre jeu d'enfant, et que prises dans ces espiègleries, ces farandoles et tourbillons qui siéent à leur jeunesse, elles n'ont point vu la racine malencontreuse ni pris garde à la pomme trop mûre cueillie à la hâte, dans la fougue de leur âge (il pousse nombre d'arbres fruitiers derrière la chapelle de l'institution), gâtant ainsi leur fraîche haleine... Omettant se s'essuyer après avoir croqué le fruit et l'avoir savouré en toute innocence, leur haleine exhale naturellement quelque effluve superflu.<o:p></o:p>

    Enfin bref, l'important est que ces galants visiteurs qui rendent parfois visite à nos jeunes filles leurs changent les idées avec leur épée (ces jeunes filles ont vraiment d'étranges centres d'intérêt, j'en conviens, mais c'est là un mystère que je ne suis pas encore parvenu à percer chez elles).<o:p></o:p>

    Maintenant n'allez plus m'inventer, Madame, d'odieuses considérations. A la lumière de ce que je vous ai relaté, constatez que les évocations libidineuses sont étrangères de mes élèves et qu'elles sont vôtres uniquement, parce que votre âme est perturbée, parce que votre chair a des penchants contre-nature, et parce que le péché semble vous plaire, Madame.<o:p></o:p>

    Adieu Madame, et laissez-moi me consacrer à l'éducation des jeunes filles que m'ont confiées les meilleures familles du pays. Je suis trop lucide pour ne discerner que piété, pureté et jolies pensées dans le regard de ces Demoiselles.<o:p></o:p>

    Tout le reste, ce sont vos vues mensongères Madame. Ce sont vos vices, et rien que vos vices.<o:p></o:p>

     


    votre commentaire
  • 153 - Les poètes du vent

    De nos jours l'art poétique s'est démocratisé en bassesse et incompétence. Et, se répandant dans toutes les sphères du possible (de la plus inepte à la plus insane, de la plus populaire à la moins honnête, de la plus minuscule à la plus infâme), la poésie est devenue prétentieuse, soporifique, creuse.<o:p></o:p>

    Et pour lui donner plus de poids, un cachet, bref pour faire impression sur les imbéciles, on la fait comiquement hermétique. Là où je ris, d'autres s'extasient. Ou feignent de s'extasier. A moins qu'ils ne croient vraiment à la valeur de ce qu'ils lisent, dupés par l'imposture du verbe mis en vers sous les plus ridicules prétextes.

    Ici on chante le ciel bleu et les oiseaux, mais on les chante dans un langage parfaitement abscons. Là on peint l'imaginaire "émoi cosmique" issu de la cervelle la plus ordinaire qui soit, et c'est grotesque, pitoyable.<o:p></o:p>

    Ainsi l'art poétique a été si dévalué qu'un simple, inoffensif ciel bleu devient chez le poète une affaire d'état ou un enjeu phraséologique aux conséquences infinies... Ou bien la plus insignifiante des humeurs tourne, sous la plume d'immatures auteurs, au raz-de-marée verbeux.<o:p></o:p>

    Nul ne sait plus discerner l'art véritable des simples gammes que fait sur son piano l'élève qui a encore tout à apprendre de la musique. Un quidam improvise selon son intuition maladroite sur le clavier : il en sort du bruit et les ânes applaudissent... Ils n'entendent eux-mêmes rien à la musique mais ils applaudissent quand même, trop heureux de pouvoir ajouter du bruit au bruit, histoire de s'exprimer eux aussi, à leur manière, dans cette cacophonie générale.<o:p></o:p>

    Chacun s'exprime avec ce qu'il possède : pour certains ce sera avec le vide, pour d'autres ce sera en tapant des mains. Remarquons que les premiers offrent un écho aux seconds, sachant que le vide fera toujours résonner le moindre son.

    Surtout lorsqu'il émane de cloches.<o:p></o:p>

     


    votre commentaire