• 175 - Le soufre de l'amour

    Je suis la pluie, le vent, la poussière des chemins et le chant des étoiles. J’imagine ta main passant sur ma joue. Je vois d’ici tes épaules nues. Je vois surtout la brise agitant tes mèches blondes, et ton front qui s'allume. Je vois encore tes lèvres pâles... Je suis le ciel, tu es la lumière. Je suis le cierge, tu es la flamme.

    Je suis l’ange, tu es le diable.<o:p></o:p>

    Je t’aime Sandrine, inaccessible créature, lointaine toulousaine, invisible présence. Je t’aime cher souvenir, mauvaise amante, ange cruel, fiancée infidèle. J’aime tes yeux farouches et beaux, tes cheveux couleur de sable, ta peau comme la lumière, ta bouche de menteuse, ton corps désirable, tes ailes maudites.

    Oui je t’aime, mon bel oiseau de malheur. <o:p></o:p>

     


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  • 174 - Les vitraux de Chartres

    Dans mon imagination ardente, il est des lieux où je puis vous retrouver en toute heure. Ces endroits, véritables oasis intérieures, ce sont mes souvenirs des cathédrales. Les édifices ressurgis de ma mémoire sont mes refuges les plus sûrs en ce monde agité. C'est là, dans les tréfonds de mon âme en proie à ses plus chères réminiscences, parmi des colonnes jaillissantes, sous des voûtes élégantes à l'extrême, entre des rangées hautes de vitraux que m'apparaissent vos traits. Graves. <o:p></o:p>

    Désireux de fuir les bassesses de ce monde, les yeux fermés je me glisse dans l'ombre sanctifiée de cette cathédrale en souvenance pour vous rejoindre... Alors, ancré dans mes rêveries, je laisse libre cours aux fantaisies qui me prennent sur le moment et qui m'emportent plus loin que les admirables hauteurs gothiques. Voici un exemple de ces fantasmagories ascensionnelles : <o:p></o:p>

    J'imagine que nous sommes seuls, vous et moi, dans ce sanctuaire de pieuse beauté. Dehors la saison ne m'importe plus, tant je préfère au soleil cru (qu'idolâtrent les jouisseurs impies) le jour transfiguré diffusé par les vitraux. La foule hérétique peut bien danser, boire ou chanter, seuls valent à mes yeux le silence des pierres et le bruit discret de nos pas en cette maison de paix. Le reste du monde ne me préoccupe pas dans ces moments où je flâne en votre compagnie sous les ogives. Et ma rêverie se poursuit. <o:p></o:p>

    A genoux à vos pieds, je lève les yeux vers votre visage qui se baisse sur moi. A l'arrière plan resplendit, éblouissante et majestueuse, la rosace de la cathédrale. Je suis saisi devant la beauté solennelle de ce tableau impromptu formé par votre visage et la mosaïque de verres multicolores... Vos traits se croisent avec la lumière dans une perspective inattendue qui donne une féerie particulière à votre regard, à votre face dont les contours bien découpés se détachent sur le fond de clarté enluminée. <o:p></o:p>

    Puis peu à peu votre visage se morcelle, se disperse de manière surnaturelle avant de s'évanouir... Nullement effrayé par le prodige, mon émotion n'est est pas moins profonde, et front contre terre je verse les larmes pures d'une joie mystique. Une fois mon émoi versée, toujours agenouillé, je relève la tête et constate que vous avez mystérieusement disparu. Mais aussitôt je reconnais vos traits transposés dans les éclats de lumière de la rosace, radieux, glorieux, pleins de magnificence. <o:p></o:p>

    Et je demeure là, confondu, émerveillé, seul dans l'immense cathédrale face à votre regard incrusté dans le vitrail de la rosace, oeil unique dans lequel je vous vois tout entière et qui semble scruter pour l'éternité mon âme éperdue d'amour.<o:p></o:p>

     


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  • 173 - Des pensées élevées

    Quelque part à Manhattan, à côté de bouquets de tours serrées, agglutinées, lesquelles forment un véritable hérissement de béton, s'érige, semblable à un phare, une tour relativement isolée surplombant un des rares espaces encore libres de la ville. C'est une belle construction, élancée, élégante, longue et fine comme une tige, d'inspiration gothique, à l'architecture étudiée, raffinée.<o:p></o:p>

    Lorsque je la contemple de ma fenêtre rue Plymouth ou que je passe à proximité, empruntant le fameux pont de Brooklyn, j'aime à imaginer que je suis installé tout en haut, à l'étage ultime formé par son toit aux allures de clocher de village.<o:p></o:p>

    Dans cette pointe, minuscule vue d'en bas, intime comme une mansarde, secrète ainsi qu'une chambre, confidentielle telle une alcôve, je me projette, rêveur, charmé par ses sculptures de pierre et de bronze qui me rappellent les cathédrales de France. Cette tour semble vide, de haut en bas. Elle me fait songer à un donjon à l'abandon. Avec délices mon imagination m'entraîne dans les hauteurs magistrales de cette flèche... Alors les yeux fermés, le coeur léger, je pénètre sous sa toiture filiforme devenue le refuge de mon âme exilée.<o:p></o:p>

    Je me figure être le seul locataire de la tour, installé au dernier étage, loin du sol. Ce sol si dur, lourd, vain... Oui, j’aimerais aller là-haut, habiter sous ce faîte étroit, fuselé, demeurer dans ce cloître charmant qui trône dans les airs. Avec pour seules compagnies le vent et les nues, mes souvenirs et le ciel entier, indifférent au monde d'en bas.<o:p></o:p>

    Je ne serais préoccupé que par le vol des grands oiseaux qui tournoient dans le ciel de New York, au-dessus de ses cimes de pierre et de béton, et qui viennent parfois frôler le sommet de cette tour isolée.<o:p></o:p>

    Au haut de cette singulière érection gothique surgie du XXème Siècle, mes rêves se sont accrochés, et ma mélancolie a pris place. Mes pensées, prenant appui sur la tour qui de son doigt doré me désigne un monde céleste à gagner, s'élancent vers un infini radieux, vers un imaginaire plein d'idéal. Et lorsque le soir de ma fenêtre qui donne sur les gratte-ciel mon regard se dirige vers cette tour isolée, insensiblement s'élève au ciel le chant triste de mon âme adressant ses prières aux étoiles.<o:p></o:p>

    Je sais que par-delà l'océan, à Chartres précisément, une autre âme m'entend.<o:p></o:p>

    Cette âme, c'est vous.<o:p></o:p>

     


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  • 172 - New York un dimanche d'hiver

    Exilé chez les Yankees, j'ai parfois éprouvé un immense ennui dans la Babylone de béton.<o:p></o:p>

    En hiver, sous le coup d'une lancinante averse de neige fondue ou d'une ondée mollement déversée par un ciel sans espoir, New York prend le visage morose et plombé des jours de deuil et d'ennui, qui est le visage universel des grandes villes sous les pluies de janvier.<o:p></o:p>

    Les rues sans soleil semblent soupirer sous la glace qui se brise, sous les pas qui s'enlisent, et les grands pans de murs qui s'élèvent de toutes parts pèsent comme des ombres démesurées sur l'âme des passants.<o:p></o:p>

    Les visages humains prennent alors le ton terne de la ville. Et les pierres comme les coeurs, définitivement, sont tristes.<o:p></o:p>

    Les têtes si hautes de New York, je veux parler des tours, soudain paraissent déshéritées, misérables. Leur majesté, leur gloire, leurs regards de géants, si fameux au soleil, s'effacent devant la grisaille immense qui s'étend, répercutée de pierres en pierres, de rues en rues, de gratte-ciel en gratte-ciel...<o:p></o:p>

    Des ailes sombres recouvrent ce monde qui est un univers entier depuis le Bronx jusqu'au fond de Brooklyn en passant par Manhattan et le Queens, et lorsque je longe les hauts murs de la rue ou j'habite, je me sens au bord d'une tombe sans limite.

    La cité a des allures de ville de province sous l'onde froide de la saison brumale, et je sens tous ses habitants prisonniers d'un interminable dimanche aux barreaux de béton gigantesques comme l'Empire State Building. Alors je vois un peuple encerclé de gratte-ciel, recouvert de froid, de pluie, de béton. D'ennui. Les tours de New York ne me font pas rêver.<o:p></o:p>

    Mon éden n'est pas ici.<o:p></o:p>

     


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  • 171 - L'honnêteté de la chair

    Daignez, Mademoiselle, prêter quelque attention au discours inattendu que je me suis mis en devoir de vous tenir ici, au lieu de plus accoutumés propos.<o:p></o:p>

    L'amitié que je vous porte est vive et constante, vous le savez. Mais je dois vous avouer que c'est essentiellement vers le siège de mes émois les moins avouables que se font sentir les effets de cette amitié. Les passions que vous avez su inspirer à mon coeur par trop sensible sont, paradoxalement, celles de la chair. Vous ne l'ignorez plus désormais. Ce commerce qui me lie à vous en devient certainement éhonté à vos yeux, cependant considérez je vous prie ces manifestations outrancières de ma virilité comme les immédiats, naturels et plus sûrs hommages qu'un ami puisse rendre à une femme de prix.<o:p></o:p>

    Sachez faire bon accueil à cette flamme que vous n'espériez point. Elle a au moins le privilège d'être durable, sincère.<o:p></o:p>

    Mais si vous estimez qu'à la proximité de votre beauté mon coeur s'est corrompu au point d'en vouloir à votre vertu, alors sachez que loin de refroidir ces feux que je vous destine, vos raisons, pour austères qu'elles fussent, ne feraient au contraire que les aviver.<o:p></o:p>

    Votre séant, bien plus que votre habituelle conversation, agrée singulièrement à mon coeur esthète. Quant à vos plus nobles appas, ils m'inspirent, Mademoiselle, autant de passion. Votre personne entière trouve grâce à mes yeux. Mais votre intact hymen est encore à conquérir, et c'est avec transport que j'irais vérifier la profondeur de votre piété.<o:p></o:p>

    Mais je vous sais sage et non corrompue. Aussi, si vous chérissez ce fragile écran de chair au point de refuser de le sacrifier en l'honneur d'un ami, je vous propose de recevoir plus à l'étroit mais avec autant de conviction l'hommage de ma ferme, profonde, impérissable amitié.<o:p></o:p>

     


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