• 180 - La beauté d'une gargouille

    Mademoiselle,

    Ainsi comme vous me l'avouez, il est flatteur pour vous d’être ma muse et vous voulez que je rende un juste et mérité hommage à votre beauté absente, à la pauvreté de votre éclat, à la tristesse de votre face plus humaine qu’angélique… Eh bien soit ! Point de vaines séductions stylistiques, pas d’artifices malvenus ni de mensongers violons au bout de ma plume pour vous honorer.<o:p></o:p>

    Pour vous plaire, je vais donc mettre un peu de ces réalistes arabesques autour de mes propos. Si vous êtes laide, alors votre laideur est toute gothique. Telle une cathédrale ornée de gargouilles, votre séduction est dans les grimaces de votre féminité. Et c’est là que vous m'êtes aimable : avec ce voile d’ombre et de pierre sur le front. Le bleu de Chartres est dans vos pupilles, et je crois voir dans votre regard cérulescent cette Vierge affligée déjà aperçue dans quelque vitrail. Votre mystère est austère, certes. Mais c’est précisément cette humilité qui fait chanter les poètes.<o:p></o:p>

    Vous n'êtes pas vraiment belle Mademoiselle, mais c'est en cela que vous brillez.<o:p></o:p>

     


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  • 179 - Une brise venue du Sud

    Je suis las ce soir, et mon âme éprouvée se tourne vers toi. Sois mon cierge Sandrine. Mon coeur lourd résonne jusqu’à toi, et c’est l’écho de sa solitude que tu entends. La quiète et officielle désignée est près de moi certes, mais moi je suis loin d’elle. Je suis seul comme un amant peut l’être lorsqu’il a perdu ses plus chères étoiles.<o:p></o:p>

    Je t’aime comme je t’ai aimée de loin dans le train de Louxor, dans les rues du Caire, dans l’avion, à la station Denfert-Rochereau… Je t’aime comme je t’ai aimée de près devant la légitime présence aux aguets, sans rien lui cacher, franc comme le soleil, droit comme une statue.<o:p></o:p>

    J’aime Toulouse à cause de ton nom Sandrine. Je ne connais pas cette cité que l’on dit rose, mais je connais Amiens que l’on dit triste. Et sais-tu pourquoi j’aime Amiens la grise ? Pas seulement parce que j’ai grandi dans la Somme, mais aussi et surtout parce que là-bas j’ai aimé cet autre oiseau bien nommé que tu as rencontré dans le train Louxor-Le Caire, jadis. Las ! Aujourd’hui le volatile s’est embourbé dans quelque fange et ses ailes sont devenues vaines.<o:p></o:p>

    Je te sais fille du Sud, soeur du mistral, enfant de la lumière et du sel : mûrie sous le soleil azuréen, enivrée des effluves marins. Je t’aime Sandrine, fleur sèche, mystère amer, belle et linéale créature, pauvre enfant aux cheveux d’or, chère affligée aux yeux clairs…<o:p></o:p>

    Ce soir je t’écris pour la millième fois Sandrine : écoute-moi, ne raille pas mon émoi, ne bafoue pas mes rêves, ne m’abandonne pas pour la millième fois. Et je n’ai pourtant d’yeux que pour celle qui me raille, me méprise et me maudit... Je n’ai de sentiments que pour cette fille qui m’ignore, me bafoue, m’afflige : ce soir je n’ai de coeur que pour toi Sandrine. J’aime une impossible conquête, hélas ! <o:p></o:p>

    J’attends une pauvre étoile que j’aime et qui ne m’aime pas.<o:p></o:p>

     


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  • 178 - Lettre à un fantôme

    Ce soir ton visage est loin de moi. Je n’ai plus revu tes yeux depuis onze mois et cinq jours. Je garde en mémoire ton sourire dédié à je ne sais quel mystère, là-bas à la station Denfert-Rochereau. Tu es partie comme une ombre. Je ne t’ai plus revue. Plus jamais.<o:p></o:p>

    Tu es belle à mes yeux parce que tu es absente Sandrine. Tu as le charme des terres lointaines. Ton nom c’est pour moi comme l’appel du large. Un coin de mon âme est sensible à ses sonorités. Tes yeux laissés à Paris, alors que coulent les jours, les semaines, les mois, et bientôt l’an, sont une invitation aux étoiles. Ils brillent dans ma mémoire, non comme des rubis, mais comme des yeux de fille. Un regard de femme, humain, charnel, tangible.<o:p></o:p>

    C’est l’éclat vivant des astres qui brûlent. Je ne crois pas aux diamants inventés, je crois seulement aux visages humains, aux traits de femme, à tes yeux Sandrine. Je t’envisage donc comme un point au firmament. Parce que le ciel est une réalité depuis longtemps vérifiée : il me suffit d’allonger le bras pour m’en rapprocher. Infiniment peu, mais d’une manière infiniment vraie. Tu es loin de moi Sandrine, et tes yeux en exil ont le prix des vérités cosmiques. Je sais qu’ils me sont désormais inaccessibles.<o:p></o:p>

    Tu es belle parce que tes pieds touchent la terre, parce que tes yeux ne se plissent pas différemment de mes yeux face au soleil qui nous aveugle aux mêmes moments, et parce que tu t’appelles Sandrine, et que tu n’es pas là.<o:p></o:p>

     


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  • 177 - En attendant la Ricaneuse

    L’existence est brève, ne méprisons pas les jouissances qui mettent tant de joie dans nos cœurs de mortels. Jouissons ma mie, jouissons sans entrave des plaisirs qui s’offrent à notre belle jeunesse. Goûtons aux vins rares, festoyons sans entrave, chantons, dansons sous tous prétextes ! Mais n’oublions pas cependant que l’amour est la plus exquise des ivresses.<o:p></o:p>

    Aussi je vous invite, ma bien-aimée, à m’imiter dans cette quête urgente de l’amour. Le jour où votre front sera chargé de rides, ma pauvre, si vous n’aimez pas aujourd’hui, avec quelle amertume il vous faudra passer la grande Porte ! Croyez-moi, pour bien mourir il faut avoir bien aimé. <o:p></o:p>

    Quel plus magistral soufflet flanqué à la face de la mort que sont les joies issues de l’amour ? Même si elles nous semblent éphémères, les semences de l'âme se propageront dans l'Eternité. Plantées sur Terre, elles perceront la tombe pour éclore au Ciel. L’amour est inépuisable, et survit à la mort des êtres de chair que nous sommes. <o:p></o:p>

    Buvons chaque jour à petites gorgées le vin insidieux de l’amour, buvons jusqu’à l’enchantement, jusqu’aux larmes s’il le faut, car l’amour est aussi un poison terrible et exquis. Il est non seulement la source de nos chagrins les plus chers, mais encore leur baume.<o:p></o:p>

    Osez les mots qui font oublier le mal de vivre, les dimanches de pluie, l’ennui de l’Homme. Je vous aime avec du sable dans une main, de l'or dans l'autre, de l'écume au coeur. C’est l’amour comme un cheval fou, l’amour au galop. Entrons dans le tourbillon la rage au ventre, les cheveux au vent.<o:p></o:p>

     


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  • 176 - La fleur et le sang

    Je ne suis pour toi qu'un astre obscur et vaguement importun qui passe dans ta vie. Tu voudrais que je t'oublie. Je ne parviens cependant pas à tirer un trait sur ton visage, sur tes sourires doux et pénétrants, sur tes yeux grands ouverts qui savaient si bien m'enchanter.<o:p></o:p>

    Laisse-moi au moins la liberté de t'aimer selon mon évangile Sandrine. Car enfin, je t'aime comme un trouvère, comme un diable, comme un mort. Je te chante un amour dolent, vain et macabre. Dolent parce que je suis un malade de la cause. Vain pour la raison que c'est encore plus beau ainsi. Et macabre pour mieux en rire. C'est donc un amour qui vaut.<o:p></o:p>

    Je rêve de tes lèvres refermées sur mes lèvres. Notre baiser, comme un voile pudique aux yeux du monde, dissimulerait de ténébreuses et moites étreintes. Nos lèvres unies par un pacte implicite et furieux se chercheraient querelle. Je boirais ton haleine Sandrine. Je plongerais mon souffle jusqu'au fond de ce puits de fièvre et de soupirs pour mieux me rafraîchir d'amour, me brûler de désir. Nos baisers échangés seraient le miel et le fiel tout à la fois de cet hyménée sauvage et barbare.<o:p></o:p>

    Je t'aime Sandrine ma belle souffrance, mon cher blasphème. Tu es mon étoile cruelle. Je brûle pour toi, pour tes lèvres que tu ne m'as jamais offertes, pour tes yeux d'hier, pour ta haine d'aujourd'hui, pour tes larmes futures, pour ton éclat lointain, pour ce poignard imaginaire dans ta main assassine, pour ton coeur sans fruit, pour ton chagrin versé au nom de rien. Je t'aime pour tes crachats sur mon visage, pour tes sourires devinés au téléphone. Je t'aime pour ton corps livré aux flammes du plaisir. Je t'aime pour les mots de vipère que tu ne dis pas mais que tu penses.<o:p></o:p>

     Je baise ta main traîtresse, ton pied perfide, tes lèvres venimeuses, mais aussi ton front couronné d'épines, ton coeur crevé, ta joue salée. Je baise le caillou perdu, la pierre jetée, l'étoile filante que tu es, et la Lune méchante que tu seras.<o:p></o:p>

     


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