• Raphaël Zacharie de Izarra - Présentation de l'auteur

     
    Oisif mélancolique, oiseau unique, ange joliment plumé, ainsi se présente l’auteur de ces lignes (une sorte de Peter Pan cruel et joyeux, mais parfois aussi un rat taciturne). Au-delà de cette façade mondaine, loin de certaines noirceurs facétieuses j’ai gardé en moi une part de très grande pureté. Dans mon coeur, un diamant indestructible d’un éclat indescriptible. Cette flamme, vous en aurez un aperçu à travers mes modestes oeuvres. Est-ce une grâce de me lire, pensez-vous ? Osons le croire.

    Raphaël Zacharie de Izarra


    =======

    Modestement à travers mes quelques 811 textes actuels j'ai embrassé de près ou de loin tous les aspects du monde -des choses comme des hommes- dans toutes les directions imaginables, du gouffre le plus bas au sommet le plus glorieux, de l'anodin au sublime, de la bête au divin, du simple caillou à qui j'ai donné la parole jusqu'aux feux galactiques que j'ai fait taire devant un battement d'aile.

    Sur le plan du palpable je suis parti du microcosme pour me hisser jusqu'au macrocosme, sans omettre de poser mon regard à hauteur des boutons de chemise de mes semblables. Du point de vue des choses de l'esprit j'ai exploré les vices les plus baroques autant que les vertus les moins partagées, je suis allé sonder les petits ruisseaux mentaux de mes frères humains mais aussi les fleuves nocturnes de mes chats énigmatiques.

    Je suis allé chercher le feu olympien à droite et à gauche, m'attardant à l'occasion sur mes doigts de pied.

    J'ai fait tout un fromage de vos mesquineries de mortels, une montagne de mots des fumées de ce monde, un pâté de sable de vos trésors.

    J'ai abordé de près ou de loin tous les thèmes : l'amour, la laideur, la solitude, la vie, la mort, les fraises des bois, les rêves, les cauchemars, l'excrément, la lumière, le houblon, la pourriture, l'encens, l'insignifiance, le grain de sable, les poubelles de mon voisin, les relents gastriques de Jules César, l'encre de Chine, le plaisir, le vinaigre, la douleur, la mer... Tout, absolument tout ce que contient notre pauvre monde et même au-delà a été intégré à mes textes.

    J'ai embrassé l'Univers d'un regard à la fois grave et loufoque, limpide et fulgurant, lucide et léger, aérien et "enclumier" : celui de ma plume.

    A travers ce blog je vous invite à faire un tour relativement rapide de l'humanité et de l'Univers, de prendre la mesure de tout ce qui existe et n'existe pas en quelques centaines de textes futiles et mémorables, éloquents et sarcastiques, répugnants et délectables, pleins de grains de sel et de justesse.

    Raphaël Zacharie de Izarra

    votre commentaire
  • 701 - Tout service ne mérite pas salaire

    De plus en plus, l'homme devient une source de profit pour l'homme.<o:p></o:p>

    Personnellement je supporte de moins en moins d'être considéré uniquement sous l'angle économique. Ainsi je viens encore de recevoir un appel téléphonique (mon correspondant adoptant ce ton commercial lénifiant, impersonnel si caractéristique...) de la part d'une énième grosse société s'informant sur mon mode de vie et mes habitudes de consommation... Ce genre d'appels téléphoniques brefs et efficaces à la courtoisie en carton-pâte et traités à la chaîne, irrespectueux de mon individualité, est une agression vénale de l'homme par l'homme, une atteinte profonde à la personne humaine conçue exclusivement comme source potentielle de profit. <o:p></o:p>

    Les puissants industriels qui entreprennent de telles enquêtes par voies téléphoniques ont même fini, à force de stratégies en marketing éprouvées, par s'imposer dans l'opinion publique comme une agréable, inoffensive, bienveillante efflorescence mercantile faisant partie du "paysage des télécommunications". Aujourd'hui tout le monde trouve cela normal. Pas moi.<o:p></o:p>

    Avec les nouvelles lois de protection des symboles commerciaux, le renforcement des droits divers protégeant les intérêts strictement économiques des citoyens, des professionnels ou des industriels (COPYRIGHT sur INTERNET pour la moindre insignifiance, utilisation réglementée des logos, port et détention prohibés de produits imités ou falsifiés qui ne sont pas dangereux, interdiction de citer publiquement les marques), avec également les récentes lois sur le droit à l'image impliquant la possibilité d'intenter des procès aux "fautifs" et de leur réclamer des dommages et intérêts substantiels, la société devient obsédée par les rapports économiques qui relient - ou plutôt divisent, montent les uns contre les autres, voire en certains cas déchirent - ses membres.<o:p></o:p>

    La notion de gratuité, de service désintéressé par amour du prochain, par fraternité envers l'humanité perd de sa valeur dans notre société déstabilisée par le chômage, la vie chère, hantée par le besoin impérieux de stabilité professionnelle (ou purement et simplement par les gains matériels), au profit d'une conception des rapports humains basée sur le profit, le gain, le commerce. La publicité envahit tout. Douce ou agressive, subtile ou triviale, elle est omniprésente. Tout se vend, s'achète, se fait fructifier, prend une valeur économique. Sauf la gratuité du geste, évidemment.<o:p></o:p>

    La moindre image d'actualité, la plus petite idée issue de la rue, la dernière lessive, la prochaine rentrée littéraire : tout est appréhendé sous l'aspect mercantile. Tous acceptent le jeu du bénéfice financier, de la spéculation, de la rentabilité. Pas moi.<o:p></o:p>

    Aujourd'hui la notion de "providence", l'idée de s'abandonner "à la grâce de Dieu", ou le choix de prendre le large au gré des vents de la vie passent pour des folies, de l'inconscience, voire de l'héroïsme...<o:p></o:p>

    De nos jours tout ce qui a rapport à l'argent est scrupuleusement calculé (par exemple, la moindre heure de travail, chaque impôt, le plus petit dû, les bénéfices professionnels : tout est soigneusement consigné au centime près, enregistré par des machines officielles pour la vie entière du citoyen), et cette approche économique de l'existence a banni de nos mentalités l'esprit bohème, ce panache, cette hauteur de vue qu'adoptaient fréquemment nos aïeux marqués pendant des siècles par l'esprit paysan. Eux n'étaient pas aussi torturés que nous par le confort matériel, les signes de réussite sociale, l'avidité pour la consommation, beaucoup plus conscients de leur mortalité que nous, aveuglés que nous sommes par les mirages matériels qui nous entourent et excitent nos appétits temporels.<o:p></o:p>

    Comble du comble : même le bénévolat est aujourd'hui remit en question dans le principe de son fonctionnement. Il est en effet question de le rémunérer. Si cette idée aberrante aboutit, les bénévoles vont peut-être devenir des bénévoles rémunérés, voire dûment salariés... <o:p></o:p>

    En refusant d'adopter ces valeurs dominantes consistant à considérer presque tous les aspects de la vie par rapport à des rémunérations, gains et bénéfices divers (du pourboire obligatoire des lieux huppés que je refuse systématiquement jusqu'au sourire commercial de base que je méprise profondément en passant par les vendeurs de rêves frelatés que je boycotte résolument, sans oublier ma répulsion extrême pour la publicité et tous ses proxénètes et prostitués de la pensée, de la culture, de la sensibilité), je fais le choix de la dignité, de la liberté, de la hauteur.<o:p></o:p>

    702 - Pesanteur du coeur, légèreté de l'âme

    Les vicissitudes de l'amour (texte autobiographique).<o:p></o:p>

    A Sillé-le-Guillaume vers la fin de l'été je montais en direction de la pierre pieusement érigée -l'église- à la rencontre d'une illuminée aux allures de vestale. Qui devinerait que Sillé-le-Guillaume avec ses torpeurs provinciales abrite mes secrets d'esthète ? Des souvenirs intimes et éblouissants, mélancoliques et fulgurants m'ont rendu chère cette cité... Jadis dans cette ville j'expérimentais prouesses amoureuses et éprouvais feux de l'esprit. Une fois encore je voulus faire se croiser ces deux sommets du coeur et de l'âme. Une jonction de la terre et du ciel, du temporel et de l'infini : amour terrestre et élévation spirituelle. <o:p></o:p>

    Ce jour-là c'est en compagnie d'un charmant oiseau que je souhaitai accéder à l'ivresse sacrée, désireux d'oublier les tourments d'une existence agitée : la légitime amante qui partageait mes jours, en effet, venait de fuir. <o:p></o:p>

    Cela dit, ma solitude devenait synonyme de liberté.<o:p></o:p>

    Messager céleste et femme glorieusement incarnée, cette créature que j'étreignis bientôt s'était manifestée à moi comme un mystère, une interrogation (un songe brillant fut à l'origine de notre rencontre, que l'on me permette de garder secrète cette partie intime de l'histoire). <o:p></o:p>

    Au fond de moi-même je cherchais bien évidemment à rendre jalouse l'inconstante, à la faire revenir. A travers cette amoureuse officieuse le Ciel m'avait exaucé puisque trois jours après nos baisers échangés à l'ombre du clocher, le miracle eut lieu : émue par le serment de nos lèvres, la fugitive revint à moi. Le tremblement de nos coeurs sous l'église avait réveillé ses ardeurs. J'avais pris soin, en effet, de mettre au courant celle qui m'avait quitté de mon rendez-vous avec sa rivale. <o:p></o:p>

    La rebelle devint repentante, son affection pour moi se raviva.<o:p></o:p>

    Mais, ironie du sort, à ce jeu complexe et périlleux les cartes s'embrouillèrent si bien que celle qui, par ses tendresses ostensibles, devait me faire revenir la fuyarde avait finalement pris sa place... A peine conçue, je devais étouffer ma flamme car l'aimée, celle dont j'avais tant pleuré l'absence, m'était revenue. Même si mes sentiments pour cette dernière n'étaient plus aussi ardents, sa rivale ayant involontairement détourné à son profit mes feux, la volonté céleste exigeait que je retournasse vers l'amante prodigue. <o:p></o:p>

    Ce que je fis avec une joie amère au coeur. Je retrouvais l'ancienne compagne certes, mais en même temps je perdais la nouvelle. <o:p></o:p>

    Au contact de ma nouvelle conquête, l'autre avait perdu un peu de prix dans mon coeur décidément changeant... Désemparé, tiraillé entre les tourments exquis de l'amour naissant et le désir de sauver un hyménée de longue date, devais-je écouter ses battements et faire offense au Ciel qui m'avait fait revenir l'amante de toujours, ou devais-je le faire taire et acquiescer avec reconnaissance à la grâce qu'Il m'avait accordé ? A force de prières j'étais parvenu à Le faire fléchir, et voilà que j'étais tenté de détourner les yeux du cadeau divin ! <o:p></o:p>

    Le temps, me dis-je alors, apporterait la réponse à mes hésitations. <o:p></o:p>

    703 - A Sillé-le-Guillaume

    Rencontre tendre et féroce avec une amante (texte autobiographique).<o:p></o:p>

    Je vous emmenais sur les hauteurs pies de la cité. L'ombre vespérale gagnait la nue, vous frissonniez sous le vent, je vous enlaçais. Mes lèvres croisèrent les vôtres.

    Les cloches s'ébranlèrent.
    <o:p></o:p>

    La pierre nous entourait comme une troisième présence. L'église, telle une tombe vive, nous ensevelissait de sa lumière : le monde d'en bas disparaissait, il n'y avait plus que le Ciel et ses hôtes. Mon baiser devenait une prière. Belle vous étiez, telle ce crépuscule, belle ainsi que le vent, belle comme l'airain sonnant dans le soir. <o:p></o:p>

    Cruels, mes mots sifflaient bientôt comme des ricanements. L'épreuve des apparences... Alliez-vous renier cet ange aux ailes cachées ? Je raillais, cynique, insolent, blessant... Votre regard cependant demeurait plein d'amour : vous étiez digne de mes feux. <o:p></o:p>

    Avec ce sacre informel, j'étais entré dans votre âme par la porte royale. Je vous raccompagnais plus bas, le coeur apaisé, un éclat neuf dans le regard. <o:p></o:p>

    704 - Ma vie d'avare

    Je souffre d'une avarice phénoménale. <o:p></o:p>

    Obsédé par l'économie, hanté à l'idée de la moindre dépense, tourmenté pour des histoires de centimes, je vis très largement en dessous de mes moyens.

    L'hiver je me chauffe à mes illusions, au printemps je puise mes forces dans la brise, l'été je songe à l'hiver pour me consoler de la touffeur, à la saison des récoltes je traîne dans les potagers de mes voisins en quête de fruits pourris. Ainsi toute l'année je me nourris de peu, bois le vin sans goût mais gratuit du ciel, passe mon temps à regarder les autres gaspiller leur bien.
    <o:p></o:p>

    Rebelle à la consommation, farouchement opposé au luxe comme au nécessaire, je fuis les marchands quels qu'ils soient.<o:p></o:p>

    Les poubelles sont mes seuls paradis. L'ordure m'agrée par-dessus tout en cela que son prix est égal à zéro. Là où rien ne peut s'acheter, je me précipite, affamé mais digne car en effet, j'estime qu'alléger ma bourse est indigne de ma condition d'avare convaincu. <o:p></o:p>

    Ladre je le suis par goût, par intérêt, par vocation. <o:p></o:p>

    Il m'importe de réduire à l'extrême mon niveau de vie plus par haine des frais, par refus de mettre en circulation mes finances, par horreur de la dilapidation de mon bien, par crainte du gaspillage de mes sous que par désir de m'enrichir. Je considère ma vraie richesse en termes de gains par rétention d'argent, par non-dépenses. Me séparer d'une seule piécette me coûte assez pour que je commette trop souvent ce crime que je ne parviens jamais à me pardonner. Rares sont mes achats.<o:p></o:p>

    Plus rares sont mes dons. <o:p></o:p>

    Je ne fais de cadeau à personne, à moi encore moins qu'aux autres. Je me prive de tout, même d'être pauvre. Mon idéal est de réussir à atteindre la misère pour n'avoir enfin plus rien à dépenser. La simple pauvreté à laquelle je me soumets depuis toujours me semble un luxe honteux. Je suis un fou de la cause. Fanatique dans mon avarice, je poursuis un absolu : retenir tout l'argent que je possède, ne rien laisser échapper de ma bourse.<o:p></o:p>

    Depuis plus de trente ans je consigne dans un méchant carnet mes plus petites dépenses. Du matin au soir je calcule, recalcule, estime ce que j'aurais pu économiser tel jour, tel mois, telle année de ma vie, regrettant tel achat scrupuleusement noté en langage codé (une manie de radin je suppose), lisant et relisant inlassablement mes minuscules colonnes de chiffres dans le petit carnet tout corné...<o:p></o:p>

    Ma passion pour l'économie est telle que je n'aspire qu'à vivre le plus longtemps possible afin de glorieusement mourir sur un amas de sous et de billets soigneusement accumulés toute mon existence durant.<o:p></o:p>

    705 - Un grand timide

    Certains s'imaginent que j'ai un caractère bien trempé, des moeurs étranges, des exigences supérieures. C'est vrai en ce qui concerne la deuxième et la troisième chose... Pour ce qui est de mon tempérament, on ne conçoit pas que je sois timide, effacé, discret.<o:p></o:p>

    En vérité je fais tout pour passer inaperçu dans la plupart des cas : au contact de la roture, lorsque je me mêle au commun, quand je suis entouré du tout-venant. Et plus particulièrement avec les minables. Je ne montre mon éclat qu'en flatteuse compagnie : beaux esprits de mon envergure et aristocrates de mon niveau.

    Me montrer tel que je suis à l'engeance crapuleuse (tout ce qui ne porte pas de particule en général), c'est nécessairement me compromettre à ses yeux. Incompris de mes semblables, je n'agrée qu'aux demi-dieux.
    <o:p></o:p>

    Mes positions intolérables sur la vie, mes opinions outrancières sur mes semblables, ma sensibilité hautaine, mes goûts austères et contradictoires pour les joies et singularités de l'existence font de moi un être invivable, haïssable, odieux.

    Ou adorable, selon la qualité de l'esprit de celui qui porte sur moi son regard.
    <o:p></o:p>

    Mais dans la plupart des cas je suis totalement détesté de mes contemporains. Montré du doigt non pour mes vices mais pour mes vertus, méprisé pour mon éclat plus que pour mes ténèbres absentes, réputé pour mes mystères et méconnu pour mes légèretés, on me soupçonne à raison de côtoyer des hauteurs grandioses.<o:p></o:p>

    Je laisse dire ce qui se dit, écoute chanter tous ces bardes sans lyre, n'empêche pas les messies de mauvais augure de me servir leur soupe froide. <o:p></o:p>

    Seule compte la gloire de mon chapeau.<o:p></o:p>

    706 - L'Univers et l'esprit

    On estime le nombre d'étoiles peuplant l'Univers égal au nombre de grains de sable que contiendrait une couche aréneuse de 1 mètre de hauteur et recouvrant la France entière. Combien d'êtres vivants dans cet Univers sans limite ? Au delà du vertige humain, le pur émerveillement, la divine révélation... Même en augurant avec la plus grande mauvaise foi qu'un seul monde pourrait abriter des hôtes -doués de raison ou non- pour 100 milliard d'autres qui seraient stériles -proportion infime au regard du nombre d'objets célestes existants- l'Univers serait encore un vivier sans mesure ! <o:p></o:p>

    En effet, n'admettre l'existence possible que d'une seule planète vivante par galaxie, cela ferait déjà 100 milliards de planètes semblables à la Terre... C'est exactement comme si l'on estimait que dans nos mers en moyenne une seule bactérie était susceptible d'être contenue dans chaque 10 mètres cubes d'eau... Un seul être monocellulaire pour 10 tonnes d'eau, cela ne ferait-il déjà pas des milliards de microscopiques miracles dans la mer ? Or en réalité il y a des milliers, des millions, parfois des milliards de bactéries dans chaque once d'eau de mer ou de la moindre flaque fangeuse de nos mares, sans compter tous les autres êtres bien plus complexes ayant colonisé les plus ténus espaces océaniques et terrestres...<o:p></o:p>

    Le rapport est le même entre le grouillement de vie sur notre planète dans chaque parcelle imperceptible de terre, d'eau, d'humus, et le nombre incalculable d'étoiles autour de nous : chaque étoile est comme une entité dans l'Univers -un univers dans l'Univers- et correspond à chaque fois à une bactérie dans l'océan, une cellule de vie dans la terre, un cristal de neige sur la montagne, un brin d'herbe dans la jungle, un grain de sable dans le désert. Qu'elles soient vives, inertes ou sur le point d'éclore, toutes ces étoiles sont comme autant de mystères macroscopiques.

    A toutes les échelles et dans chaque recoin de notre monde la vie crève la matière, perce la nuit, remonte à la lumière. Alors pourquoi pas ailleurs, là où grouillent tant de feux stellaires ? Et même si seulement une étoile sur 100 milliards abritait la vie... Le moindre papillon, le plus mince moucheron, le plus humble atome de poussière rivalisent de génie avec l'orange, la baleine, les vents tropicaux, les cristaux de glace, le photon, la plume du moineau, la goutte d'eau, le grain de sel.
    <o:p></o:p>

    Astre ou particule, le miracle est le même. <o:p></o:p>

    Face à ces 10 000 milliards de milliard de soleils ou bien face à un seul de ces soleils, à un cheval, à une brise, à l'ombre d'une feuille d'arbre, à la pensée d'un souffle, au souvenir de cette pensée, je crois n'être plus rien du tout alors que je suis dans le Tout. <o:p></o:p>

    Ces immensités galactiques, en effet, n'ôtent rien au prix des plus modestes actions humaines, des plus humbles sentiments de nos coeurs, des moindres mouvements de nos âmes. L'Homme dépasse d'une tête la matière... Ce qui fait la souveraineté, la grandeur, la noblesse de l'Homme dans l'Univers, aussi incalculable soit cet Asile cosmique et si petit que ce bipède pensant se sente dans cet océan, c'est qu'il est capable de "loger" cet Univers sans limite dans le volume infime de sa boîte crânienne, d'appréhender la totalité des galaxies dans cette tête d'épingle cérébrale, bref d'embrasser cette incommensurable réalité d'un seul regard.<o:p></o:p>

    Ce regard, c'est celui de son Intelligence.<o:p></o:p>

    707 - L'art du kitsch

    Le poste de télévision trône dans le salon du couple de retraités, impérial. Toute l'autorité de la demeure... L'écran parfaitement astiqué reflète avec gravité l'image déformée des hôtes de la maisonnée. Dessus, une Vierge en plastique vous regarde placidement avec des yeux de poupée maquillée. Un napperon sévère isole la "statue" mariale du téléviseur. Tout semble bien à sa place sous ce toit. La niche du chien casée dans le coin de la pièce avec la gamelle gravée à son nom "Sultan" et un joujou en forme d'os sifflant annonce des après-midis dominicaux paisibles à coudre ou à jouer aux cartes après des semaines sans histoire.

    Midi sonne en ce jour de Pâques. Un plat de sages quenelles fume sur la table recouverte d'une nappe en formica. Au mur, un souvenir du Mont-Saint-Michel en authentique coquillages de la côte normande. Plus de doute, nous sommes bien chez des crétins... Pardon ! chez des chrétiens fervents et disciplinés.
    <o:p></o:p>

    Ô saint, pieux, honnête foyer où jamais rien de mauvais ne se produit ! <o:p></o:p>

    Les assiettes-Jean-Paul II sorties pour l'occasion, les deux "seniors" dégustent leurs quenelles avec la tête du pape au fond de leur couvert, ravis de pouvoir côtoyer leur héros de manière si intime, à portée de fourchette.<o:p></o:p>

    Le repas réglé sur l'heure des jeux télévisés, l'écran diffuse sa lumière rassurante sur les fronts des deux mangeurs, telle une chandelle éclairant une scène virgilienne. Parfois les couleurs criardes d'une page de publicité jettent des reflets irréels sur les visages absorbés autant par les quenelles que par la face pontificale au fond de leur assiette.<o:p></o:p>

    Heureux couple d'abrut... d'aboutis ! Ha ! le bonheur de l'existence calme et rangée, avec ses petits riens essentiels qui meublent délicieusement des journées toutes semblables, égales dans le déroulement, sans heurts ni déceptions ! <o:p></o:p>

    Mais laissons à leur bonheur sans ombre ce couple de sénil... de seniors, souhaitons à ces charmants retraités de vivre longtemps entre le poste de télévision et l'assiette-souvenir en coquillages accrochée au mur.<o:p></o:p>

    Retirons-nous sur la pointe des pieds, non sans jeter un dernier regard plein de tendresse vers ces deux vieux imbéci... vers ces deux pieux impénitents, éternels tourtereaux.<o:p></o:p>

    708 - Présence dans la plaine

    Il ne sait plus quand il est né. Au-dessus de lui, l'azur, les nuages, des trous immenses de clarté et d'ombre dans le ciel. En bas, le sol, la poussière, le bruit de ses propres pas dans les herbes sèches. Dans sa tête, des mirages, une idée vague de bonheur. Une flamme aussi. Un joyau mal défini. L'amour ? Le vent, peut-être... L'effet des éléments sur son âme insatisfaite, fébrile.<o:p></o:p>

    L'amour, peut-être l'amour... Ou l'appel de la poésie. L'horizon, l'avenir, la mort. Comment savoir ? Il marche, ivre, le coeur tourmenté, la tête pleine de rêves étranges et suprêmes. <o:p></o:p>

    A présent il presse le pas, hanté par ses feux. Et de plus en plus résolu, se dirige vers les brumes dans le lointain. Le vent autour de lui est comme un silence grandiose, une caresse descendue de ces hauteurs radieuses dont il a l'intuition. Perdu dans sa mélancolie, il ne sent pas la fatigue. Des ailes l'emportent, son regard doux et effaré plonge dans d'invisibles profondeurs. Il vole plus qu'il ne marche, insensible aux lourdeurs de la pesanteur.<o:p></o:p>

    Une lumière l'attend.<o:p></o:p>

    Lui aussi attend la lumière. Depuis toujours, depuis un instant, il ne sait plus. Il a tout oublié, sauf le goût de l'infini, la saveur de l'éther, l'appel de l'esprit, l'éclat de la beauté, la vérité de la poésie. Tout s'embrouille en lui, tout s'éclaire aussi. Il chemine, se hâte, monte, trébuche, se relève, reprend sa course folle. L'horizon s'efface, la lumière s'amplifie. L'image se précise. <o:p></o:p>

    Il est mort, il est vivant, il est ici, il est là-bas, il est le ciel, les nuages, l'herbe, le vent, la poussière. Il se souvient maintenant. Devenu lumière lui-même, il irradie.<o:p></o:p>

    Il est mort, enseveli depuis un siècle, vivant depuis mille ans, tombé en marchant, mort de douleur, rendu à la poussière, mort en solitaire avec un secret d'amour dans le coeur, un secret inachevé qu'il poursuit sans cesse depuis un siècle, depuis mille ans.

    709 - J'accorde une interview à Marie-Joséphine Hautelain

    La célèbre et très séduisante journaliste belge Marie-Joséphine Hautelain est venue me poser quelques questions. Une interview qui fera date dans sa carrière !<o:p></o:p>

    Bonjour Maître, je ne vous cacherai pas l'admiration que je vous porte ni la joie extrême que j'éprouve en ce moment de pouvoir enfin vous interviewer, vous le phénomène radieux, l'astre qui domine le petit monde des lettrés et des vrais beaux esprits que compte l'actuelle francophonie. Quand avez-vous commencé à écrire et d'où vous viennent ces idées profondes, cette écriture originale, ce verbe éclatant que vous étalez sur le site FOXOO ?<o:p></o:p>

    - Bonjour Marie-Joséphine. Je comprends votre émotion, en toute modestie... Pour répondre à votre question, je dirai que je suis attentif à mes chats, voyez-vous. En outre je ne suis guère attiré par la saison estivale. En ce qui concerne les giboulées de mars, je serai plus nuancé...<o:p></o:p>

    Maître, je ne pense pas avoir saisi toute la pertinence de votre réponse... Pouvez-vous développer ?<o:p></o:p>

    - Ha ! quel beau métier faites-vous là ! Je disais, m'entendez-vous ?, que je comprenais votre émotion de pouvoir m'interviewer et que j'étais proche de mes petits félins. Je disais également que la saison estivale avec sa touffeur m'indisposait particulièrement. Quant aux averses glacées de la fin de l'hiver, je disais encore que mes sentiments à leur sujet étaient plus ambigus.

    Je n'insisterai donc pas. Frasque intellectuelle d'un grand esprit, n'en doutons pas... Maître, on vous pardonnera votre excentricité. Passons à la seconde question. Que pensez-vous de la littérature contemporaine ?
    <o:p></o:p>

    Je n'en pense pas grand-chose. En fait si, j'en pense beaucoup de choses.<o:p></o:p>

    En bien ou en mal Maître ?<o:p></o:p>

    - En mal.<o:p></o:p>

    Que voulez-vous dire ?<o:p></o:p>

    - Je veux dire que je n'en pense pas de bien, en règle générale.<o:p></o:p>

    Bien sûr ! Mais encore ?<o:p></o:p>

     - Etant donné que je suis nécessairement LA littérature, les autres auteurs ne sont par conséquent que des petits canards qui aboient derrière mes grandes pattes "hippotéiformes"... Inévitablement. "Coin-coin ! Coin-coin !", qu'ils font.<o:p></o:p>

     Vos pattes hippo quoi ?<o:p></o:p>

    - Hippotéiformes. C'est un mot que je viens d'inventer.<o:p></o:p>

    C'est très joli Maître. Et que signifie ce néologisme spontané ?<o:p></o:p>

    - Rien de vraiment particulier. Cela a juste un rapport éloigné avec le cheval, c'est tout ce que je sais.<o:p></o:p>

    Soit. Changeons de sujet. Vous possédez le secret des mots, êtes initié aux mystères du verbe, côtoyez les hauteurs littéraires et poétiques inaccessibles au commun. Et côté coeur ?<o:p></o:p>

    - Mon coeur est bon. Je ne fume pas et pratique des activités physiques quotidiennes.

    Certes, certes... Mais les femmes ? Elles vous admirent n'est-ce pas ? Et la plupart sont parmi les plus belles, même si vous êtes également désiré par d'authentiques laiderons. N'êtes-vous pas la plus chanceuse de toutes les  plumes ?
    <o:p></o:p>

    - Je suis loin d'appartenir à l'espèce sodomite, en effet.<o:p></o:p>

    Pouvez-vous raconter plus en détails pour nos lecteurs ? C'est ce qu'ils attendent surtout de cette interview, vous savez...<o:p></o:p>

     - Je ne m'adonne au commerce charnel qu'avec mes muses. Elles seules méritent l'hommage de ma virilité "plumesque". Et encore, pas toujours.

    Maître, vous seriez donc d'essence supérieure ?
    <o:p></o:p>

    - Effectivement. Je ne me frotte point aux trivialités de ce monde qui pue le caca, l'essence et l'artichaut.<o:p></o:p>

    L'artichaut ?<o:p></o:p>

    - L'artichaut, oui. Ne savez-vous pas ce qu'est l'artichaut ? C'est une plante d'aspect assez baroque mais de couleur terne cultivée essentiellement en Bretagne et qui, après cuisson, se mange avec une sauce. Je déteste ce monde qui sent l'artichaut, disais-je. Mais qui sent également l'excrément, le vil excrément de mes semblables qui chient tous les jours de leur vie. Ce monde qui sent l'essence aussi, le pétrole, le fuel. Le mazout. L'huile de roche. Ca pue le fuel, et en plus c'est un mot qu'est pas vraiment français, qui s'écrit mal.<o:p></o:p>

    Comme je vous comprends cher Maître ! Vos muses, vous devez les approcher souvent pour être si dur avec vos frères humains, non ? <o:p></o:p>

    - C'est vrai. Et je les malmène elles aussi... Invivable avec les hommes, intransigeant avec les déesses, je ne ménage pas ma plume.<o:p></o:p>

     Une dernière question Maître. Que prenez-vous le soir avant de vous endormir sous votre firmament izarrien qui vous inspire tant de textes immortels ?<o:p></o:p>

    - Je ne prends aucune substance nocive. Le soir c'est un tilleul et au lit ! La Poésie seule me donne assez de souffle pour vivre et résister aux attaques de la laideur, de la bêtise et de l'insignifiance...<o:p></o:p>

    Maître, cette interview est le couronnement de ma carrière. Je ne sais comment vous remercier. Tant de gentillesse, de grandeur d'âme, de simplicité... Permettez-vous que je vous fasse la bise ?<o:p></o:p>

    - Non je ne vous le permets pas. Baisez-moi la main plutôt, voulez-vous ? Je déteste les "bisous". Je vous remercie pour vos questions Marie-Joséphine, elles m'ont donné soif.<o:p></o:p>

    710 - L'homme qui vole

    La Beauté me donne des ailes. <o:p></o:p>

    Les muses sont ma force, les astres ma source, la pluie ma braise. La neige m'enflamme, la vase m'enivre, le brin d'herbe me donne le vertige. Le monde est codé, au-delà de toute compréhension je le contemple et me tais. <o:p></o:p>

    Et la beauté n'est plus un problème. <o:p></o:p>

    Les étoiles paissent dans l'empyrée et les champs de foin parfument le  firmament : le beau est complexe, le sublime est simple. Quand la voile est profonde, le voile épais, prendre le large devient facile.<o:p></o:p>

    L'alchimie qui donne son éclat au monde est hors de portée humaine : tout mystère s'appréhende avec des yeux candides. Un oiseau, un arbre, un visage, une montagne ? L'adulte est interrogateur, l'enfant est ébloui.<o:p></o:p>

    Je suis habité par des feux plus grands que moi. Une lumière me porte plus haut que l'aile de ma plume, une force me pousse loin de mon terrestre horizon, une voix d'un silence éclatant m'enchante mieux que les violons de bois. <o:p></o:p>

    Un rayon de la Lune suffit à embraser une âme, un grain de sable est comme une montagne, un cristal de givre vaut un iceberg. A l'échelle de la Beauté tout est égal. Ce qui est beau n'a pas de limite. Les reflets de la lumière partent dans tous les sens, rien ne borne l'immatériel. L'infini n'ayant pas d'aune, il ne fait rien de mesquin et tout de splendide. <o:p></o:p>

    A chaque frisson de mon esprit devant le galet, l'écume, l'aube, la mouche, la nue ou l'humble feuille du buisson, je file un peu plus vite vers l'immensité, emporté par le vent de la Poésie.<o:p></o:p>

    711 - La justice des ânes

    Un chanteur populaire vient d'être condamné par la Justice pour avoir payé 10 000 euros d'impôts au lieu de 3 millions qu'il devait réellement et risque pour cela 10 mois de prison ferme.<o:p></o:p>

    Ainsi aux fraudeurs fiscaux l'on réserve la prison, laquelle non seulement forme une atteinte à la dignité humaine du condamné à qui l'on reproche des impôts impayés (délit pour le moins relatif), broie certains -et parfois définitivement-, ne règle rien sur le plan financier, mais en plus fait supporter des dépenses supplémentaires à la société ! Chaque jour de prison en effet coûte au contribuable une centaine d'euro par prisonnier.<o:p></o:p>

    Laisser en liberté le fraudeur serait un meilleur calcul pour tous. <o:p></o:p>

    Cela permettrait déjà au fraudeur de s'amender, s'il le peut. La liberté lui est au moins nécessaire afin qu'il puisse s'engager à régler les impayés s'il est solvable. S'il ne l'est pas, la société pourrait lui demander d'effectuer des travaux civiques afin qu'il paye ses dettes sous une autre forme. Les deux parties seraient ainsi gagnantes, au lieu d'être perdantes en optant pour la prison. En faisant le choix de la prison le condamné est perdant, la société est perdante, le FISC est perdant.

    Mais la Justice - allez savoir pourquoi - préfère les pires solutions, destructrices, négatives, inhumaines et parfaitement stupides : l'emprisonnement coûteux, stérile, facteur de ressentiment, de perturbations et dérèglements moraux, mentaux, sociaux. Même si le fraudeur laissé en liberté ne peut pas réparer sa faute, la prison ne règlera de toute manière pas le problème. Elle ne fera que l'empirer. Pourquoi en ce cas ne laisserait-on pas le temps aux fraudeurs de se racheter au lieu de les enfermer ? Les priver de liberté ne contribuera jamais à remplir les caisses du FISC, mais au contraire à les vider encore un peu plus. L'homme y perd, l'économie y perd... Quelle cause sert-on en jetant des mauvais payeurs en prison ?
    <o:p></o:p>

    Emprisonné, le fraudeur fiscal risque de perdre travail, réputation, belles idées sur la république, sans compter les dégâts psychologiques à long terme. <o:p></o:p>

    Un fraudeur fiscal ne représente pas un danger pour la société. La prison en ce cas me semble être une pure vengeance de la société contre le citoyen mauvais payeur. La coupable incohérence, la parfaite irresponsabilité de la réponse judicaire face au fraudeur fiscal saute aux yeux : on enferme comme de vulgaires assassins les tricheurs fiscaux, avec l'argent du fisc précisément, les prisonniers étant encadrés et entretenus avec l'argent des impôts... Ne serait-il pas plus pédagogique, intelligent, constructif de laisser en liberté le condamné afin qu'il s'en serve pour réparer, du moins essayer de réparer sa faute ? 10 mois de prison ne régleront strictement rien et ne feront que retarder, compliquer, voire rendre définitivement impossibles les remboursements au FISC !<o:p></o:p>

    Les juges parfois sont de sinistres incompétents, de tristes clowns d'une république inique, des petits serviteurs d'un État sans hauteur, de vils rendeurs de justice servant des intérêts qui n'en sont pas. <o:p></o:p>

    712 - Nos magistrats ripoux

    Certains juges français (je dis bien certains -donc une minorité- et non pas tous) sont des âmes abjectes, de sinistres personnalités au service de leur propre cause... Authentiques incarnations de l'immoralité ou infâmes bandits oeuvrant en toute impunité dans le secret de leur conscience noire et sous la protection de leur blanche hermine, êtres malfaisants au-dessus de tout soupçon se livrant sans remords à leurs criminels dérapages professionnels ou privés avec dans la plupart des cas la complicité d'autres notables fortunés et puissants qui profitent de leur statut privilégié pour échapper aux foudres de la société, ces grands magistrats intouchables sont les dernières des crapules.<o:p></o:p>

    Ha ! Si l'on pouvait déchirer le voile de l'hypocrisie sociale, s'il nous était loisible de voir ce qui se trame derrière les apparences les plus honorables !<o:p></o:p>

    Le vice se développe plus souvent chez les mandarins de la société que chez le peuple simple.<o:p></o:p>

    Ce que je dis est une évidence. Il ne reste plus qu'à donner des noms. Personne ne les a mais nous avons tous l'idée de la chose, de sa réalité, aussi rare, exceptionnelle soit-elle. Cela existe et c'est assez pour que cela soit inacceptable. Une seule pomme pourrie sous les ors de la Justice suffit pour décrédibiliser, désacraliser, démystifier toute le reste de la magistrature de notre pays, les membres composant ce corps formant un bloc, une entité républicaine indivisible.

    J'invite donc les esprit libres épris de hauteurs trans-républicaines à cracher sur notre Justice française.
    <o:p></o:p>

    C'est gratuit, c'est simple, c'est courageux et c'est JUSTE.<o:p></o:p>

    713 - L'état de notre police

    J'ai remarqué que pour faire un bon policier, au moins en France, il fallait correspondre à un certain type d'individus, presque caricaturaux. <o:p></o:p>

    L'État recrute des abrutis pour la sécurité intérieure du pays, je le confirme par l'expérience que je commence à avoir au contact de notre police. Pas dans cent pour cent des cas bien sûr. Quelques éléments de la police, en effet, sortent du lot. En général les chefs et quelques rares subalternes et officiers de base. Eux sont réellement plus subtils, cultivés et courtois. Ils n'ont rien à voir avec les éléments communs de ce corps étatique.<o:p></o:p>

    Je suis bien obligé de me rendre à l'évidence : les policiers sont presque tous de loyaux imbéciles, d'honnêtes brutes, des canailles disciplinées. Pas tous, mais une certaine majorité.<o:p></o:p>

    Jusqu'alors je m'étais toujours refusé d'émettre des jugements primaires, à l'emporte-pièce sur la police française. La plupart du temps, seuls les esprits épais, les êtres vulgaires et sans éducation éprouvent ce genre d'opinion sotte et tranchée envers la police. Ceux-là pensent ainsi par ignorance, haine stérile ou simplement par indigence, voire alcoolisme chronique. <o:p></o:p>

    Je ne connaissais la police que de loin, sous ses apparences les plus flatteuses, officielles. J'étais alors au contact d'une police bien vêtue, polie, aimable, serviable dans la rue avec les citoyens. Je n'étais jamais entré dans les commissariats.

    Aujourd'hui, en toute connaissance de cause, je peux avoir un avis à peu près juste, sain et authentiquement impartial sur les hommes qui composent notre police.

    Racisme, analphabétisme, agressivité, violence, bêtise, pauvreté intellectuelle, immoralité : tels sont les vices et tares partagés par la majorité des membres composant la police française. Bref, tout ce qu'il faut éviter pour faire un policier digne de ce nom. A croire que l'État recrute dans les prisons, les maisons de corrections, à la sortie des plus sordides discothèques de province, au bois de Boulogne la nuit ou bien sur les trottoirs les plus mal famés de la capitale...
    <o:p></o:p>

    Je n'ôte pas pour autant à ces policiers que je critique le droit d'être ce qu'ils sont, avec leurs tares et outrances. Je respecte les êtres comme ils sont. Chacun son caractère, ses qualités et défauts, chacun son rythme et son niveau sur le lent chemin de la vie et du progrès. Simplement j'affirme avec vigueur que ces individus certes grands et musclés mais humainement peu évolués n'ont pas leur place dans les rangs de la police. <o:p></o:p>

    Je pensais que la jeune génération de policiers allait régénérer la vieille maison, donner un lustre définitif à ce corps en perpétuelle perdition... Las ! Les mauvaises moeurs policières semblent se transmettre entre générations. Cependant je reconnais que certains des jeunes policiers sont irréprochables et ce dans une plus grande proportion que chez les plus anciennes générations. Il y a eu un réel progrès depuis une vingtaine d'années et c'est d'ailleurs très rassurant. Mais les autres, les autres qui forment la grande majorité de la police ne sont encore que le triste écho de leurs prédécesseurs... <o:p></o:p>

    Une seule explication à cela, selon moi (et cette explication vaut ce qu'elle vaut) : la police a surtout besoin d'éléments physiquement imposants, au caractère trempé et à l'esprit docile. Or ces critères très stricts ne se trouvent que chez une certaine catégorie d'individus, en général assez primaires sur le plan humain, limités quant aux capacités intellectuelles. Bien sûr la culture, la finesse et l'ouverture d'esprit seraient des qualités supplémentaires pour l'État qui recrute des policiers. Seulement rares sont les postulants répondant à tous ces critères. Alors les recruteurs prennent ce qu'ils trouvent, à défaut de mieux.<o:p></o:p>

    Résultat : nous sommes protégés par une majorité d'abrutis finis en uniformes. Et armés. Mais Dieu merci ! sous les ordres de gens plus éclairés qu'eux.<o:p></o:p>

    714 - Les bécasses osseuses

    Aberrations esthétiques de notre société obsédée par la minceur féminine : la mode des mannequins anorexiques.<o:p></o:p>

    Elles se prennent pour des créatures, des vestales, des hétaïres, ces grandes Camardes exhibant leurs os saillants sur les podiums de défilés de mode...<o:p></o:p>

    Ne sont-elles pas repoussantes avec leur long corps décharné, leur tête de mortes, leur poitrine de cadavres desséchés, leurs mains de sorcières ? Belles à faire peur !<o:p></o:p>

    Franchement affreuses comme des squelettes ambulants qu'elles sont, elles s'imaginent faire rêver le peuple des mâles... Seule la gent "bécassière" écervelée est éprise de ces mantes mondaines et tente d'ailleurs de lui ressembler : jeunes filles complexées parce qu'elles pèsent quarante deux kilos pour 1 mètre 70 et qu'elles se trouvent encore trop grosses. Ou pas assez maigres. Victimes de l'abrutissement du petit monde parisien s'étalant sur les pages glacées des revues aseptisées de la mode.<o:p></o:p>

    Ces longues connes de 1 mètre 72 et de moins de quarante kilos s'imaginent vraiment éveiller les viriles ardeurs avec leur corps comme un linceul ?<o:p></o:p>

    Mais qu'est-ce qu'elles ont donc dans la tête ces pintades à face de laitue ? Maigres et crétines. Comment des gens au goût esthétique aussi sûr que les créateurs de mode peuvent-ils faire appel à ces poupées macabres pour mettre en valeur leurs créations vestimentaires ?<o:p></o:p>

    Mystère total auquel je ne peux donner d'explication mais qui prouve en tout cas que la bêtise généralisée de cette société de bovins a atteint aujourd'hui les cercles les plus choisis !<o:p></o:p>

    715 - La marche sur le feu

    Dans le domaine indigeste des mystères éculés, des naïfs s'imaginent encore avoir affaire à l'inexpliqué à propos des fakirs du dimanche et de leurs dupes disciples marchant pieds nus sur le feu...<o:p></o:p>

    Sujet de questionnements abyssaux pour les cadres américains moyens en quête de "challenge" (dans le but d'améliorer la cohésion et la performance des employés de leurs entreprises) ou simplement pour les gros ploucs de la France profonde, la marche sur le feu n'a pas fini d'ébahir les gogos de tous poils et les pigeons de peu de plumes...<o:p></o:p>

    Nul besoin d'être grand gourou des "Adorateurs de la Connerie Humaine" ou même scientifique confirmé pour se rendre compte de l'extrême banalité du phénomène. Un minimum de bon sens suffit pour faire voler en éclat ce mystère de concierges, cette "énigme surnaturelle" des ménagères impressionnables : marcher sur le feu est à la portée de n'importe quel bipède venu. <o:p></o:p>

    Aucune force mentale, aucun don particulier n'est nécessaire pour poser le pied sur la braise sans grand dommage. Les lois les plus élémentaires de la physique permettent tout simplement ce "prodige", à condition bien entendu de ne pas s'attarder bêtement sur les cendres brûlantes... <o:p></o:p>

    Les lois physiques et mécaniques sur les échanges de chaleur entre les corps qui sont en action ici n'interdisent pas de marcher sur le feu avec le sourire. Sans traumatisme physique, donc. Dans une certaine mesure bien entendu : selon certaines conditions de sécurité. Pour peu que vous n'enduisiez pas sottement vos pieds d'essence ou d'huile avant de vous balader sur les braises et que vous alliez d'un bon pas, vous ne vous enflammerez pas, n'aurez aucune grosse brûlure, n'endurerez nulle douleur insupportable. <o:p></o:p>

    Le délai d'entrée en action dangereuse de ces lois sur les échanges de chaleur à partir du premier contact entre la braise et la plante des pieds étant d'une dizaine de secondes (variable à quelques secondes près selon l'épaisseur de la corne de la plante des pieds, la température de la braise, le temps de contact du pied contre la braise, la pression du pied sur le brasier -donc le poids du corps du marcheur-, la surface du pied et le mode de la marche), vous pourrez marcher 10 mètres sans aucun dommage majeur. <o:p></o:p>

    Mais essayez de marcher 50 mètres, 100 mètres sur la braise... Vous vous apercevrez alors que, appliqué à ces jeux, le prétendu défi aux lois physiques ne fonctionne plus ! L'expérience a ses limites et si vous insistez un petit peu, la braise commencera par vous brûler la plante des pieds, "force mentale" ou pas. D'ailleurs aucun gourou paradant sur la braise, très curieusement, n'a jamais dépassé le nombre de mètres nécessaires qui risqueraient d'anéantir son "supra-pouvoir paranormal" et ainsi de l'exposer au ridicule, fatalement accompagné de brûlures, fort normales quant à elles...<o:p></o:p>

    Des imbéciles payent cher des escrocs pour effectuer ce genre de stage : juste pour marcher une dizaine de mètres sur le feu et se croire extraordinaires, s'imaginer dotés de pouvoir paranormaux ou bien se persuader être doués d'une force intérieure peu commune... <o:p></o:p>

    Comment peut-on être sot, crédule, décérébré à ce point ?<o:p></o:p>

    716 - Courageux comme un chien féroce

    Certes SADDAM HUSSEIN est mort avec dignité, courage et même avec un réel panache au bord de la corde. Une gifle pour BUSH devant qui il n'a pas perdu la face, au moins dans son attitude personnelle. <o:p></o:p>

    Il y avait même un certain comique qui se mêlait au tragique et au sordide, à travers les échanges du condamné avec l'entourage : SADDAM apparaissait comme un diablotin monté sur ressort, ne perdant pas son sens de la répartie à deux doigts du baiser de la Camarde. <o:p></o:p>

    SADDAM restait imperturbable, semblant prendre son exécution comme un acte banal.

    Tout cela n'empêche pas qu'il fut aussi l'incarnation du Mal.
    <o:p></o:p>

    Responsable d'une guerre ayant coûté la vie à un million d'êtres humains, sans parler des tortures et diverses autres injustices pratiquées sur son peuple, SADDAM HUSSEIN était un être malfaisant. Jugerait-on à présent un homme sur sa capacité à mourir avec courage ou lâcheté et non sur ses actes ? N'oublions pas que SADDAM massacrait et torturait aussi avec "courage"... Les grands oiseaux de son espèce en général ont un rapport particulier à la mort.<o:p></o:p>

    Côtoyant depuis toujours le Mal, la souffrance, la ruine, ils ont appris à étendre avec gravité et panache leurs grandes ailes noires. Prêts à affronter toutes les tempêtes, ils ne s'effraient pas plus de leur propre mort que de celle des autres, qu'ils provoquent en masses et au quotidien. Alors, courageux SADDAM ? Je dirais tout simplement mauvais. Fort dans l'orage. Digne dans le drame. Noble dans la hideur. C'était un homme de la nuit, il en avait les funestes éclats. Les verseurs de sang ont toujours le courage du mal, jamais celui du bien. <o:p></o:p>

    Ce qui n'empêche pas que BUSH soit malfaisant lui aussi. L'un a le chapeau de l'emploi, l'autre porte un masque d'honorabilité. Tous deux répandent mort, larmes, misères.<o:p></o:p>

    Ainsi les choses en ce monde sont nuancées, contradictoires, déroutantes. Tout ne s'accorde pas toujours ou alors tout peut être fait d'un bloc, comme les bouteilles sont à moitié pleines, à moitié vides, les arbres dissimulent des mulets, les forêts sont vierges et les vierges collectionnent des timbres. Un nazi peut passer pour un saint aux yeux de certains à la suite d'actes humanistes de sa part sans rapport avec ses convictions et actes nazis, une bonne soeur peut faire des casses sanglants à la mitraillette (c'est un exemple certes improbable mais non absolument impossible) ou bien un héros à la barbe d'airain peut se fracasser le crâne en glissant sur un escargot de Bourgogne.<o:p></o:p>

    Oui SADDAM HUSSEIN est mort avec éclat et il a sinon forcé l'admiration, du moins étonné le monde entier.<o:p></o:p>

    Il n'en reste pas moins vrai qu'il fut un grand criminel, le fait de mourir le regard clair n'empêchant pas d'avoir les mains sales.<o:p></o:p>

    717 - De la confiture d'Abbé Pierre

    Les journalistes ne sont que de vulgaires arroseurs de potagers mouillés, des chasseurs de moucherons armés de gros calibres, des messies de l'insignifiance.<o:p></o:p>

    Récemment ils nous ont servi de l'Abbé Pierre froid à la pelle, au quintal, à la tonne, du parfumé aux cinq épices, du laqué accompagné de ses carottes, du sous forme de sirop épais, du lubrique, du chaste, du bien sucré, du plus croustillant, du beurré au sel de Guérande, du gros sec, du qui sent bon, du qui pue, du qui fait pisser, du qui constipe, du qui fait dégueuler...<o:p></o:p>

    Abbé Pierre labellisé vendu par paquet de trois pour le prix d'un seul, Abbé Pierre à droite, Abbé Pierre à gauche, en haut, en bas, au travers de la gorge, au fond du trou...<o:p></o:p>

    Over-dose ? C'est précisément ce que recherchent ces vendeurs de lessive : vous carrer de l'Abbé Pierre dans les tripes jusqu'à vous en faire péter la panse ! Jusqu'à ce que se déclenche dans votre tête reformatée selon leurs normes ce réflexe libérateur qui fera de vous un citoyen laineux heureux d'appartenir à l'espèce bêlante, obèse d'informations stériles, engraissée à la pensée médiatique du moment. Abrutis par le matraquage incessant de ces journalistes à la solde du dieu des bovins, vous allez enfin vous précipiter sur leur camelote : éditions spéciales sur papier glacé, babioles-souvenirs à tête d'Abbé Pierre en authentique plastique pas recyclable, biographies complètes dégoulinantes de photos inédites, DVD sur la vie du défunt, et même lessive qui lave vos péchés de mauvais acheteurs, qui vous ôte la crasse anti-journalistes que vous avez dans la tête.<o:p></o:p>

    Un journaliste (de la télévision surtout), ça vit sur l'air du temps, les ronds de carottes, sur le vent, la fumée, l'illusion, le rien du tout.<o:p></o:p>

    Un journaliste, c'est fait pour nous dire qu'il pleut quand il pleut, qu'il fait beau quand il fait beau, qu'il fait nuit quand le soleil se couche, qu'il fait jour quand il se lève. Bref, un journaliste c'est fait pour vous raconter de cent manières différentes ce que vous savez déjà depuis toujours : la lune est ronde, un carré a quatre côtés, les roues tournent sur elles-mêmes, vous êtes des imbéciles, l'Abbé Pierre est mort... Toutes ces vérités vérifiées mille fois, les journalistes s'ingénient à vous les rappeler chaque matin, chaque midi et chaque soir de vos vies de ruminants.

    Mais la dernière pelletée de terre a déjà recouvert la dépouille de l'Abbé Pierre, les journalistes passeront bientôt à un autre gueuleton médiatique.
    <o:p></o:p>

    Je pressens une très prochaine indigestion de "Ségolène-patates-poireaux" accompagnée de sa sauce Sarko... <o:p></o:p>

    718 - Les nuisances de la publicité

    La publicité est un déchet culturel hautement nocif.<o:p></o:p>

    Les publicitaires en mettant en scène leurs produits vous font croire que vous êtes tous des héros, de braves gens ou de beaux esprits alors qu'en réalité vous êtes tous des minables, des lâches, des crétins finis. <o:p></o:p>

    Ils vous montrent la vie et le monde selon des critères flatteurs, mensongers, outranciers, dans le seul but de leur mise en vente. Ils vous assurent, images et discours percutants à l'appui, que vous êtes des hommes dignes de ce nom. Mais moi je sais bien que vous n'êtes que des chiens. De misérables toutous même pas méchants : juste mis sous les somnifères de la pensée que vous avez vous-mêmes achetés. Et au prix fort encore. <o:p></o:p>

    Vous ne bronchez pas quand on viole votre cerveau à grands coups de matraques télévisuelles, radiophoniques. Les maquereaux de la pensée parviennent même à vous faire rire. Manière habile de vous rallier à leur cause. <o:p></o:p>

    La publicité, par son caractère trivial, populaire, faussement artistique heurte ma sensibilité d'aristocrate en particulier, offense le goût en général par son aspect clinquant, par ses artifices vulgaires, par ses éclats mensonger, ses bassesses de vue, de forme et de fond. Elle est une atteinte parfaite à la Beauté.<o:p></o:p>

    Mon rôle est de dénoncer l'abrutissement ambiant, de détourner les humains-bovins de leurs passions vulgaires, ineptes, de leur désigner des sommets et non des insignifiances.<o:p></o:p>

    J'ai pour la publicité un mépris définitif. Si c'est un art, alors c'est l'art de vendre du vent, l'art de tisser le mensonge, l'art de faire rêver les moutons afin de les faire mieux bêler. Il n'y a aucun rapport entre l'Art et la publicité, deux choses résolument incompatibles. L'esthète ne peut éprouver que mépris pour la publicité, oeuvre béotienne par définition.<o:p></o:p>

    Je ne fais qu'enfoncer des portes ouvertes ici. Il est bon cependant de rappeler la nocivité de la publicité, expression la plus achevée de la vulgarité, de l'ineptie, de l'abrutissement de masse que certains esprits contaminés par les médias assimilent à l'Art.

    719 - Anti-pédophilie : excès et chasse aux sorcières

    Il y a vingt ans la pédophilie passait quasi inaperçue. La preuve : Conh-Bendit a avoué sa pédophilie (que je crois réelle, sinon c'est un menteur et je ne fais plus confiance aux écrivains qui s'épanchent dans leurs livres) devant les caméras de la télévision dans une célèbre émission présentée par Bernard Pivot et personne n'avait réagi à l'époque. N'est-ce pas la preuve flagrante qu'il y a des scandales à la mode et des révoltes conditionnées par les médias ?<o:p></o:p>

    Il y a trois siècles la torture ne révoltait personne. Aujourd'hui les révoltes sont savamment choisies selon la sensibilité et les besoins du moment. Qui de nos jours est outragé par l'Armée, institution légale où l'on apprend à tuer son prochain avec méthode et adresse, par les abattoirs où l'on assassine encore des chevaux au nom de la gastronomie, etc. ? Qui s'offusque de tout cela ?<o:p></o:p>

    Lecteurs, il y a vingt ans vous ne vous seriez pas offusqués de la pédophilie comme vous le faites aujourd'hui, car aujourd'hui vous êtes dans le courant de la pensée ambiante. Et vous le suivez, tout simplement. <o:p></o:p>

    Ce qui est grave, car cela signifie que si la dénonciation de la pédophilie n'était pas à la mode aujourd'hui, vous ne dénonceriez pas la pédophilie : elle ne vous gênerait nullement comme elle ne gênait pas grand-monde dans les années soixante-dix.

    Comme la plupart des contemporains, votre humanisme ne découle pas de la qualité de votre coeur ni de la beauté de votre esprit, mais du courant de pensée qui vous emporte. En effet, si tel n'était pas le cas vous auriez dénoncé (à contre-courant) les abattoirs ou les boucheries par exemple.
    <o:p></o:p>

    Vous dénoncez la pédophilie comme d'autres défoncent des portes ouvertes. Moi je dénonce l'ineptie de la pensée ordinaire qui consiste à régler la morale universelle sur les textes de loi. Comme si les textes de loi avaient valeur universelle... N'oubliez pas que les textes de loi changent au gré de l'évolution des moeurs, des progrès de la civilisation. Hier la question de la torture ne se posait pas. On appelait cela la "question". Ces pratiques barbares légales étaient admises par tous. Seuls les êtres évolués dénonçaient la torture. Il en est de même aujourd'hui à propos d'affaires qui vous paraissent anodines. Les vrais humanistes ne sont pas toujours ceux qu'on croit. Vous êtes anti-pédophiles parce que les textes de loi vous demandent de l'être.<o:p></o:p>

    Par la seule qualité de votre conscience personnelle vous serez d'authentiques anti-pédophiles, et non par obéissance à la loi qui vous demande de l'être ou parce que c'est à la mode, socialement valorisant d'être anti-pédophile et de le montrer.

    Et si demain la loi vous demandait d'être de véritable enragés contre les détracteurs de mon espèce ? Vous le seriez.
    <o:p></o:p>

    Rappelons-nous que la pédophilie en elle-même n'a jamais été un crime. Le fait d'être sujet à des pulsions heurtant la morale, à contre-courant des moeurs, et même franchement contre-nature n'est en soi pas répréhensible. Etre né avec la peau blanche ou noire ne constitue pas une offense à la loi, ni à la morale. Il en est de même pour les orientations sexuelles des individus. <o:p></o:p>

    Etre pédophile, c'est-à-dire se sentir sexuellement attiré par les enfants, n'est en soi pas une chose illégale ni même immorale, je le répète. Un prêtre peut se sentir profondément pédophile, cela n'a jamais constitué un péché, encore moins un délit. Le pape lui-même peut être foncièrement pédophile (il l'est d'ailleurs peut-être, qui peut vraiment savoir ?), cela ne pose nullement de problème.<o:p></o:p>

    Nul n'est responsable de sa sensibilité sexuelle.<o:p></o:p>

    Le seul mal n'est que dans le passage à l'acte, et exclusivement dans le passage à l'acte sous quelque forme que ce soit. La loi et la morale ne reprochent pas aux pédophiles d'être des pédophiles, c'est-à-dire d'être nés ainsi, mais seulement le fait de passer à l'acte. La nuance est capitale. Tant qu'il n'y a pas passage à l'acte, n'importe qui peut revendiquer être un pédophile irrécupérable. Personne ne peut reprocher à quelqu'un de se sentir sexuellement attiré par les enfants, de même que personne ne peut reprocher à son semblable de préférer le chocolat à la fraise des bois.<o:p></o:p>

    Les prêtres pédophiles, tant qu'ils ne commettent pas de passage à l'acte, demeureront des gens fort recommandables. Leur pédophilie patente, tant qu'elle est contenue sur le plan social et personnel ne me gêne d'aucune manière.<o:p></o:p>

    Ne confondons pas pédophilie latente (ou pédophilie contenue) et passage à l'acte, deux choses fondamentalement différentes. Sinon, c'est comme si l'on confondait simple envie de tuer son voisin avec assassinat effectif. Ne lynchons pas la catégorie des pédophiles honnêtes qui, conscients du problème, ne passent jamais l'acte avec l'autre catégorie, les pédophiles sans conscience qui donnent corps à leurs pulsions.<o:p></o:p>

    La pédophilie congénitale répétons-le n'est pas un crime. Sinon le fait d'être né bossu, invalide ou attardé mental serait également un crime, et cela justifierait le racisme.<o:p></o:p>

    720 - Souffrir pour être laide

    Jennifer est un produit.<o:p></o:p>

    Dix-huit ans, jolie, vulgaire, sotte, inculte, elle a décidé de s'épiler, devenir blonde, se faire réduire le volume mammaire, remodeler les pommettes et gonfler les lèvres.

    Banal.

    Après six mois de travaux forcés mais nécessaires sur son corps juvénile et sa face de "dindonnette" caquetante, Jennifer est enfin devenue comme elle le souhaitait, c'est-à-dire uniforme, incolore, aseptisée, insipide, "poulaillère".
    <o:p></o:p>

    Bref, sans intérêt. Cela dit sa cervelle n'a pas bougé.<o:p></o:p>

    Jennifer est très fière : elle a accédé à une forme contemporaine de laideur populaire, certes démocratique mais qui n'est pas pour autant à la portée de toutes les finances...<o:p></o:p>

    Depuis ses multiples passages sous le scalpel de son "artisan esthéticien" et après s'être durablement endettée, Jennifer est donc devenue blonde, moche, maigre, malade.

    Mais heureuse.
    <o:p></o:p>

    D'autant plus heureuse que son bonheur est contrefait lui aussi, dans les règles de l'art...

    Enfin presque heureuse... En effet, il ne lui reste plus qu'à se faire sculpter les fesses en forme de coeur retourné et que sur ce nouveau cul charcuté son string soit bien visible derrière son jean-taille-basse afin de ressembler encore plus à sa chanteuse préférée du moment pour que son bonheur soit vraiment parfait.
    <o:p></o:p>

    721 - Leçon de séduction

    LES BELLES ET LES LAIDES<o:p></o:p>

    Amis blancs gantés, apprenez qu'une femme désirable est la première ennemie de l'esthète en tant qu'elle représente un danger pour sa crédibilité. Ce qui fait la grandeur du bel esprit, c'est que les femelles beautés s'inclinent devant lui et non l'inverse. La beauté des femmes leur confère un pouvoir immense, jusque dans les chapeaux de nos empereurs, aussi faut-il dès le premier regard contrer cette supériorité naturelle qui les rend si invincibles et je vais m'employer à vous expliquer la manière de procéder dans ce difficile exercice de domination. J'évoquerai brièvement le cas des laides, beaucoup moins fâcheux.<o:p></o:p>

    Ne flattez jamais la beauté d'une femme. Même pauvre, sotte, méchante, sans éducation, une femme qui se sait belle triomphera de tout. Partout, toujours. La plus grande force d'une femme consistant dans son éclat, la meilleure façon de rester le dominant est encore de le lui contester. Tout en finesse. <o:p></o:p>

    Plus la femme que vous désirez sera belle, moins il faudra vous intéresser à elle. Le prix de son hymen étant très élevé, vous agirez avec dissimulation, patience, perfidie, voire franche cruauté. Ne craignez pas d'être odieux avec les femmes de grande beauté. Accoutumées à exercer leurs charmes venimeux sur la gent masculine, les créatures sont loin d'ignorer les rouages de la férocité... Dans cette situation inédite, c'est contre elles que s'aiguiseront les crocs de la séduction et vous qui tirerez les fils du pantin. <o:p></o:p>

    Les belles femmes n'ayant pas l'habitude d'être traitées avec dédain, surprenez-les ! Sur vous elles lèveront les yeux. L'indifférence pour une belle femme étant la pire des offenses, vous en abuserez jusqu'à ce que, excédée par votre mépris, elle vienne vous manger dans la main. Dès cet instant vous deviendrez le maître du jeu : elle la mouche, vous le lion. <o:p></o:p>

    Le secret de votre succès ? Les belles femmes, nécessairement orgueilleuses, ne supportent pas de ne pas séduire... C'est sur ce point sensible qu'il faut influer. A votre injurieuse indifférence, elles réagiront avec une sorte de panache suicidaire en se jetant à vos pieds, folles non pas de vous mais de leur propre image.

    La beauté et ses poisons constituant leur mode d'action et de pensée privilégié (le fonctionnement psychologique de ces femmes étant essentiellement basé sur l'aspect avantageux de leur personne), osez remettre en cause leurs plus chères certitudes. Elles s'en émouvront, bien qu'elles feindront ne point en être touchées.
    <o:p></o:p>

    La grande règle avec les belles femmes, c'est de ne jamais ramper à leurs pieds. Succomber à cette faiblesse, c'est déchoir de son statut de seigneur.<o:p></o:p>

    Quant aux laides, vous leur ferez croire qu'elles sont belles. Ces jouets de chiffon, beaucoup plus malléables il est vrai que les poupées mondaines, ne vous en seront que plus dévouées. Toutefois soyez subtils si vous voulez qu'on vous croie : ornements de langage (sans en abuser), savantes amabilités et charmants détours seront vos meilleurs alliés lors de ces piètres conquêtes. <o:p></o:p>

    Bien entendu votre ton sera posé, sage, voire grave. Solennel même (votre pompe ne sera jamais ridicule aux yeux d'une femme laide, au contraire). Et vos mots, choisis mais non excessifs, parleront de choses vraies, à portée de vue. Ne soyez ni légers ni irréalistes avec les laides. Les femmes sans charme affectionnent plus que tout autres les séducteurs rassurants, les discours proches. Avec des artifices somptueux vous ferez rêver une créature, mais avec des leurres simples vous mettrez un laideron en extase.<o:p></o:p>

    Jamais un laideron ne méprisera un flatteur, pourvu qu'il sache simuler les accents chastes de la sincérité. Une femme même très laide restera toujours une femme : sensible aux mots veloutés de l'amour. Elle sera éveillée, attentionnée, séduite par vos mots sucrés, surtout s'ils sont banals et attendus : le tout est de porter un masque de grande sincérité. Renforcez ainsi le sol de son propre terrain, son éducation fera le reste : conditionnée comme toutes les femmes par certains schémas mentaux primaires mais efficaces, la femme laide y cèdera plus facilement que les autres, n'ayant pas de plus impérieuse exigence que de se sentir aimée. <o:p></o:p>

    Ainsi aucun cheveu de femme ne doit dépasser le front de l'authentique esthète. Cela dit, seules les belles femmes resteront les vraies adversaires de la canne et du chapeau. Les sujets plus communs, voire les vrais laiderons, auront droit à l'indulgence du bel esprit qui daignera leur cracher à la face non pour l'honneur mais pour la forme.<o:p></o:p>

    722 - Un trait de lucidité

    Je viens d'avoir un éclair de lucidité.<o:p></o:p>

    En passant dans la rue en voiture tantôt, je vois un clochard dormir sous un abri-bus. Un vrai clochard à l'ancienne : barbu, puant, alcoolisé, en guenilles. Plus loin je passe devant l'église du quartier du Pré, petite enclave bourgeoise dans la ville mancelle. Dans cette église plutôt huppée (mobilier soigneusement encaustiqué et oeuvres d'arts de prix accrochées aux murs) se réunit chaque dimanche la chrétienté locale.<o:p></o:p>

    Subitement me vient une pensée d'une simplicité confondante, éclatante de bon sens : comment le curé d'une paroisse aussi rutilante peut-il continuer à s'occuper à astiquer le mobilier de son église quand dehors à deux pas de chez lui son frère se gèle les pieds à dormir sous un abri-bus, imbibé d'alcool, désespéré, méprisé de tous ? La religion me dis-je, est-ce donc d'abord une affaire de messes le dimanche, d'entretien du mobilier des églises, ou bien est-ce quand il le faut une affaire d'hommes, de fraternité vécue, concrète, une affaire de rencontre avec le miséreux du coin, et sans prendre de gants ?<o:p></o:p>

    Je ne suis pas allé plus loin dans ma réflexion. Je me suis simplement arrêté à l'évidence. Volontairement.<o:p></o:p>

    A présent je commence à douter de la valeur des vocations de certains prêtres à cheval sur la qualité des plis de leur soutane, à douter de la pureté des intentions de l'Église officielle pleine de faste... Je me trompe peut-être cela dit, n'étant pas dans le secret des coeurs. Je ne fais qu'interpréter à ma manière une chose vue. Si la religion, les religieux et le sommet des églises qui tous, humains et cloches, prêchent la fraternité et la justice en ce monde ne font que s'organiser entre eux chaque dimanche de jolies messes avec de beaux chants et de rondes hosties, dédaignant cet homme dans la rue, alors à quoi servent les curés, les fidèles, bref tous ces croyants qui prônent un monde meilleur plein d'altruisme ? Je me pencherai donc sur le sort de cet homme en guenilles la prochaine fois que je passerai près de lui, si la honte du regard des autres ne me rend pas lâche. Et je serai à pied, donc à sa hauteur. Et non en voiture (la voiture est bien commode, elle permet de déculpabiliser les consciences). Non pas au nom de la religion mais au nom de la loi universelle et inaliénable décrétée par le coeur, aucune religion n'ayant le monopole de la fraternité.<o:p></o:p>

    D'où j'en conclus que la vraie religion des hommes de coeur, ceux qui ont une âme vibrante et non gelée, ne consiste pas en l'érection de belles églises ni en la régularité de la fréquentation des messes dominicales, mais dans le fait d'aller à la rencontre de ce déshérité qui souffre, et ceci bien entendu non pour la vanité de son petit ego mais pour l'amour de l'humanité.<o:p></o:p>

    L'élévation de l'esprit passe, que je sache, par la considération de son semblable dans sa souffrance. Chanter les hauteurs célestes tout en considérant comme secondaire la détresse de son voisin n'a pas de sens. En ce cas l'élévation n'a pas d'ancrage dans le concret. Elle n'est que pure théorie pour religieux frileux, humanisme de salon, légèreté mystique, voire franche foutaise. L'indifférence à l'égard du sort de son prochain est incompatible avec le désir d'ivresse de l'âme. L'on ne peut dignement s'enivrer, à mon sens, que de hauteurs basées sur le sol tangible de nos terrestres misères. S'élancer dans les airs oui, à condition de prendre appui sur la terre de nos réalités, c'est à dire sur des actes constructifs, humanistes et non sur d'inconsistantes, stériles rêveries sans rapport avec le monde réel qui nous entoure. Du moins la vue de ce déshérité dormant sous l'abri-bus m'a-t-elle fait intimement prendre conscience de la chose aujourd'hui.<o:p></o:p>

    On peut certes fonder une société et baser une culture sur des oeuvres tangibles et durables tels des cathédrales, des châteaux, des pyramides, mais on peut tout aussi bien baser des sociétés, des cultures sur l'immatériel, l'esprit, l'acte altruiste et non l'objet stérile. L'Art, la culture, l'Histoire ont bon dos pour excuser les injustices millénaires, comme si la pierre était indispensable à la hauteur, la permanence de notre pensée... Je ne crois pas au prétexte de la grandeur d'une société basée sur ses monuments ou oeuvres d'art. N'existe-t-il pas des cultures sans écriture exclusivement basées sur l'oral ? Ce sont pourtant des cultures à part entière, ni plus ni moins éclatantes que les autres.<o:p></o:p>

    Je ne dis pas que les églises de pierres sont vaines, je dis que les églises sans le coeur, cela ne vaut rien.<o:p></o:p>

    723 - Le germe divin

    Le sujet est aussi vieux que le monde, vaste comme le ciel et la terre, abyssal, sombre, tragique et agité à l'image des océans, mystérieux, serein et solennel -voire extatique-, ainsi que la voûte étoilée, tout cela à la fois puisqu'il s'agit de l'univers intime qui gronde dans le coeur de l'homme, quand il ne murmure pas pour faire place à un chant, une prière, un rire d'enfant... Aldéhy peint l'humanité entière. Mieux : il raconte l'histoire de chacun d'entre nous. Adam et Ève, c'est vous, c'est moi, c'est l'autre. Ses tableaux sont nos miroirs : ils affirment notre condition humaine, de la naissance à la mort.<o:p></o:p>

    Au fil de l'eau, omniprésente dans les tableaux, la quête du couple originel n'a pas de fin. Étape par étape, tantôt radieuse, tantôt méditative, Adam et Ève ouvrent la route à leur descendance. Aldéhy, à travers des sortes "d'interludes" -ou instantanées-, nous suggère l'éternel cheminement de l'homme dans sa marche vers son destin, que l'on devine certes pénible mais non funeste : rien de désespérant, en effet, sous le pinceau de l'artiste. Si parfois chez Aldéhy la lumière côtoie l'ombre, la première prend largement le pas sur la seconde. L'éclat de ses peintures, procédant à l'évidence d'autre chose que la simple virtuosité de coloriste, semble remonter des profondeurs de son âme. <o:p></o:p>

    Ses personnages évoluent dans un espace physique, onirique et poétique où l'eau rythme leur progression. Le chemin, interminable, âpre mais rédempteur, durera aussi longtemps que l'humanité sera debout. Le monde en plein essor où sont condamnés à vivre Adam, Ève, Abel et Caïn n'est-il pas l'écho vif, bruissant et tempétueux, mais aussi calme et radieux de leur nouveau destin d'hommes où tout commence, tout se joue ? Ses tableaux sont des aires de repos où l'on s'attarde sur l'homme -figé dans des scènes immortelles- pour mieux le contempler dans ses attitudes fondamentales, de la gravité à la légèreté en passant par des nuances plus tranquilles. <o:p></o:p>

    L'on s'émeut devant des paysages de genèse du monde où Abel et Caïn, ingénus, si fragiles et si grands à la fois -eux les petits d'hommes-, arborent ces visages presque connus avec leurs traits qui nous sont si proches... Ces tableaux s'adressent à nous-mêmes, collectivement mais aussi individuellement. Ils s'adressent à notre époque. Universels, intemporels, les visages, les éléments demeurent par conséquent interchangeables. C'est que le peintre, en effet, prenant modèle sur ses propres enfants, produit un raccourci fulgurant : en peignant ces visages actuels, il échappe aux contraintes conventionnelles, s'ouvrant à nous tous sans restriction. Sa peinture va bien au-delà des simples limites esthétiques du genre : l'auteur s'affranchit des grandeurs académiques pour se mettre à notre portée. Et c'est bien pour cela précisément que son oeuvre nous touche. Elle parle, simplement, non pas de pontife à disciple mais de mortel à mortel.<o:p></o:p>

    C'est toute l'originalité, mais surtout l'humanité de l'oeuvre d'Aldéhy.<o:p></o:p>

    724 - Les miroirs de Mourre

    Quand on se regarde dans un miroir de Daniel Mourre, on réfléchit : l'art est une grande affaire qui pose les vraies questions. Que dire de ces glaces aux parures ouvragées comme des écrins ? Avec de telles oeuvres, le cadre vaut le contenu, l'essentiel étant moins le reflet que l'ornement. Ici le cadre est objet d'art à part entière : c'est lui que l'on contemple. On admirera les sculptures élégantes et voluptueuses qui confèrent aux objets un certain académisme. Narcisse en oublierait son propre éclat. <o:p></o:p>

    Fenêtres ouvertes sur bien des perspectives, les miroirs de Daniel Mourre nous interrogent sur la place de notre image lorsque celle-ci se combine à l'art. Rôle secondaire ou prolongement insaisissable de l'oeuvre ? Objet central du cadre ou accessoire superflu ? La question mérite au moins d'être posée. Quoi qu'il en soit, l'effet est saisissant. <o:p></o:p>

    Le reflet est fuyant, l'art persiste. Les oeuvres de Daniel Mourre valent que l'on y regarde de près. De tout près. Éternels jeux de miroirs où le spectateur se pâme sans jamais se perdre de vue... <o:p></o:p>

    725 - De l'oeuf à l'art

    Etranges sculptures que celles de Daniel MOURRE. Formes verniennes, ovoïdales se parachevant dans des figures imaginaires qui ne manquent pas de style, ces conceptions évocatrices s'imposent avec vigueur comme autant d'objets de curiosité. <o:p></o:p>

    A la fois inédits et familiers. <o:p></o:p>

    A travers ces gros oeufs daliens on assiste à la rencontre surprenante de la courbe formelle avec l'angle fantaisiste. L'inconscient n'est pas loin, qui semble prêter ses mots à l'artiste : oeufs de l'esprit qui sont des sortes de songes... <o:p></o:p>

    Le sculpteur a pondu, sans le savoir peut-être, ce qui gît au fond de chacun. Ovule accompli ? Ventre maternel en éternelle gestation ? Coquille qui s'ouvre sur le monde des rêves ? Porte entrebâillée à mi-chemin entre onirisme et   réalité ? <o:p></o:p>

    Mais plus qu'un simple retour sur soi, les oeufs de MOURRE avec leurs tiroirs mystérieux, leurs jaillissements insolites, leurs excroissances baroques ne seraient-ils pas en définitive le commencement de tout ? L'auteur nous plonge d'emblée dans la perplexité : qui de l'artiste ou de son oeuvre mène la danse ? Est-ce le maître d'oeuvre qui naît à lui-même à travers ses créations ou est-ce l'oeuf qui accouche de son auteur, qui l'inspire au fil de ses propres pontes, comme s'il était lui-même fasciné par ces formes suggestives, exalté par ces ovoïdes sortis de ses mains et qu'il faudrait personnaliser, tordre, remodeler jusqu'à leur donner "forme humaine" ? Ici l'éternelle "rivalité" entre l'oeuf et la poule prend tout son sens. <o:p></o:p>

    Comme tous les oeufs fécondés par leurs créateurs, ceux-ci recèlent nécessairement leur part de mystère. Laissons-les achever leur lente éclosion au soleil de l'Art. <o:p></o:p>

    726 - Au fond des couleurs

    Dans les conceptions linéales de Colette Cotte, scènes, animaux, personnages entre allégorie et fantasmagorie -rêve et raison diront certains-, pas de place pour l'ombre. Toute obscurité est chassée de l'oeuvre. Partout, l'éclat, l'or, l'azur, la lumière.

    La couleur n'est pas qu'au centre de ses tableaux, elle est aussi autour, elle déborde de ses sujets pour venir caresser notre imagination. Ces peintures apaisantes ont une place de choix dans les coins familiers de notre mémoire collective : ces scènes sans heurt qui en disent plus long qu'elles voudraient nous le faire croire, n'évoquent-elles pas les grands tableaux sages et silencieux qui nous tenaient compagnies dans les salles d'attente feutrées de notre enfance ?
    <o:p></o:p>

    Rappelons-nous : de semblables scènes accrochées aux murs, à la fois proches et mystérieuses, intimes et énigmatiques, peuplaient autrefois nos têtes rêveuses...

    Enfants songeurs, nous le sommes redevenus devant les tableaux de Colette Cotte : les chevaux, cavaliers et mages traversant les décors oniriques de nos premières années, et qui nous berçaient vaguement, continuent de nous poursuivre à travers son pinceau.
    <o:p></o:p>

    727 - L'or du peintre

    Afin de mieux faire connaître son oeuvre, j'ai proposé à Aldéhy de rédiger un texte de présentation qui soit à la hauteur de son art.<o:p></o:p>

    L'exercice a d'autant plus de mérite qu'il m'est par principe difficile de parler des oeuvres des autres (aussi bien celles de mes proches que de mes "détracteurs", pour ne pas dire mes "ennemis") avec cette coutumière et prétendue "impartialité" des critiques du genre. Étrange "objectivité" pleine d'indulgence qui semble, en effet, être la règle dans le milieu... Ce qui dans pareils cas fausse bien évidemment les avis qui se prétendent être au service de l'Art. Les analyses de ces "spécialistes" plus ou moins dévoyés à des causes peu avouables (amitié, copinage, rémunération, échange de services) ont-elles un réel intérêt dans le contexte actuel de l'Art où la diversité, la multiplicité, l'excès, l'inflation des productions picturales rendent leur promotion si difficile et par là même oblige à la rigueur la plus élémentaire, à la vigilance la plus extrême au lieu de ces suspects, systématiques panégyriques ?<o:p></o:p>

    En outre, et on verra peut-être la chose comme une singularité, voire comme une de ces belles contradictions qui font parfois l'exception, donc le prix (ou la nullité, l'affaire étant à double tranchant...) de tel ou tel art, je ne suis personnellement pas (ou peu) versé dans la peinture... Ce qui ajoutera à ma sincérité et à la spontanéité de mon analyse.<o:p></o:p>

    Pour parler des peintures de Aldéhy, je n'aurai par conséquent ni complaisance ni dureté. Juste ma sensibilité, rien que ma plume d'auteur honnête, sain, posé que seules animent la vérité, l'honnêteté, la simplicité. Qualités légendaires qui rendront mes sentences fiables, claires, crédibles. C'est en tout cas ma prétention, et je souhaite que tout artiste prenne comme un égal privilège mes piques et mes caresses, qu'il soit honoré autant par mes soufflets que par mes éloges. Là sont mes marques d'amitié vraie, sans aucun arrangement avec l'Art. <o:p></o:p>

    Mais entrons dans le sujet.<o:p></o:p>

    Voilà, Aldéhy a fait le choix -et pris le risque- des thèmes bibliques, pastoraux, pour ne pas dire virgiliens. Ou plus quotidiens. Ce qui est une façon comme une autre d'asseoir son art. Entre tradition et originalité, le peintre embrasse "large" donc... Que ce soient vues historiques ou individuelles, sujets académiques ou personnels, les thèmes abordés sont ouverts. <o:p></o:p>

    On s'embarque l'âme légère, l'esprit curieux, le coeur joyeux, ou parfois lourd, dans ces paysages aux horizons clairs traversés par des marcheurs prenant des destinations ultimes et graves (comme ce couple chassé de l'éden), dans ces vues citadines contemporaines, ces lieux parfois étranges ou familiers, ces scènes vivantes des cités avec leurs lumières ou leurs ombres, leurs passants ou leurs statues... Malice, ingénuité, proximité, complicité avec ces portraits de petits garçons grimaçant et souriant. Entre l'éphémère et l'intemporel, la spontanéité et l'universalité.

    Devant quelques autres conceptions baroques ou certaines scènes inattendues, surprenantes, on pourra certes être surpris. Ou heurté, selon la réceptivité de chacun. N'est-ce pas ce qui fait précisément le charme, le piquant d'un auteur ? Une chose est sûre : le pinceau est riche de ses tons acryliques avec lesquels l'auteur semble s'amuser, usant de toutes leurs possibilités, peu avare d'effets, imaginatif, prompt à faire jaillir lumière, couleurs, interrogations.
    <o:p></o:p>

    C'est, en effet, sur ce dernier point que vaut surtout la peinture de Aldéhy. Le spectateur n'est pas simplement charmé, étonné ou même figé dans un prudent, frileux retrait, il demeure également en questionnement devant ces formes vives, ces scènes oniriques, ces lieux énigmatiques, ces portraits bruts qui vous regardent en face ou bien de travers... Un point d'interrogation pour résumer l'oeuvre de Aldéhy, c'est peut être un peu bref me diront certains.<o:p></o:p>

     A ceux-là je répondrai qu'un questionnement en guise de récapitulation n'est-ce pas non plus un avenir royal pour une peinture, une voie ouverte sur l'infini ?<o:p></o:p>

    728 - Les notes perdues

    "Où sont les jouets cassés" est une perle de la chanson enfantine joliment accompagnée par le violon, un petit chef-d'oeuvre fleurant un XIXème siècle littéraire délicieusement obsolète, évocateur et charmant.<o:p></o:p>

    Avec son air nostalgique et immortel, tel "Lettre à Elise", cette chanson nous plonge dès les premières notes dans l'univers riche de nos souvenirs d'enfance. Par-delà l'évocation des jouets cassés, c'est le monde enchanteur et mélancolique propre aux enfants qui a été mis en paroles et musique : doux malaise des longs dimanches d'ennui, rêves tristes des siestes d'été et heures perdues à compter des petits riens...<o:p></o:p>

    729 - L'esprit de la loi

    Hans Schmitt est un brave, jovial et gras bavarois de 58 ans. Marié, quatre enfants géants tous grands buveurs de bière teutonne comme lui, il pratique avec assiduité le tourisme sexuel infantile. Mais exclusivement dans les pays où n'existe aucune réglementation pour la protection de l'enfance. Monsieur Schmitt a de la morale : il ne consomme que des enfants "autorisés".<o:p></o:p>

    Notre imposant citoyen germanique bouffe également de la saucisse pur porc matins, midis et soirs, accompagnée de bonnes grosses pâtisseries industrielles. Il s'impose ce régime fortifiant afin de soutenir l'économie triomphante de son pays où meurent de misère cybernétique quelques millions de déshérités n'ayant pas encore l'accès gratuit à Internet : monsieur Schmitt est un révolté sensible.<o:p></o:p>

    Mais notre homme décidément délicat se mit subitement à dégueuler à gorge déployée ses bonnes grosses saucisses de porc : la loi de son pays du jour au lendemain venait de changer. Il fut décrété que la saucisse de porc ne représenterait plus le produit national. <o:p></o:p>

    Monsieur Schmitt se mit aussitôt à la choucroute garnie, en conformité avec la nouvelle loi.<o:p></o:p>

    Il continua ainsi à vivre très heureux, assis sur son cul, sa gueule de boeuf bien en face de sa télévision, la conscience tranquille, le ventre débordant de bonne bière de Bavière.<o:p></o:p>

    730 - Pillage glorieux de mes textes

    Monsieur le Masque Rouge, <o:p></o:p>

    Je vous félicite pour ce pillage de mes textes hautement pédagogique ! La beauté du geste me touche. Merci de mettre en pratique mon idéal de partage universel et de gratuité des oeuvres intellectuelles ! Pillez, copiez, plagiez, signez de votre nom mes textes, je ne demande pas mieux ! <o:p></o:p>

    Certes pour être honnête j'avoue que je préférerais que l'on reconnaisse le véritable auteur de ces textes au lieu de voir un quidam être applaudi à ma place, cela dit je ne me fais guère de souci à ce propos : mes textes et mon style sont uniques, spécifiquement izarriens et par conséquent recèlent assez de force pour faire éclater mon nom à chaque paragraphe, même lorsque mon identité est masquée. Le lecteur perspicace ne s'y trompera pas...<o:p></o:p>

    Vous m'offensez en me signifiant que sur un mot de moi vous cesseriez ce glorieux pillage ! N'ai-je pas dit que je demandais à être pillé ? Pour qui me prenez-vous donc ? Pensez-vous que je n'aie pas de parole ? Pourquoi me contredirais-je ? Je souhaite que vous continuiez à utiliser mes textes pour votre gloire, la mienne et celle de la Littérature ! <o:p></o:p>

    Il y a des centaines de textes actuellement en ligne sur mon site, alors bon courage ! Profitez sans restriction de cette liberté qui devrait être la règle dans le monde idéal que depuis tout temps je conçois et que j'aime à imaginer proche. Si tous les amoureux de la littérature pouvaient apprécier mes textes comme vous le faites au point de les utiliser pour leurs propres comptes, je serais le plus heureux des internautes de la planète ! Répandez partout autour de vous la bonne nouvelle : mes textes sont gratuits, peuvent et DOIVENT être pillés, plagiés, utilisés sans nulle restriction ! Que mes textes soient ainsi pillés prouve qu'ils plaisent aux beaux esprits. En effet, mes écrits ne peuvent plaire qu'aux esthètes. Vous appartenez par conséquent à cette belle espèce et cela m'agrée singulièrement. <o:p></o:p>

    Merci encore de me rendre gloire par votre démarche qui m'honore. <o:p></o:p>

    731 - Le chantre de la pierre

    La mine est précise, le dessin ciselé, l'observation scrupuleuse. Rien n'échappe à l'oeil scrutateur du dessinateur, et surtout pas les signes tangibles des siècles chargés de légendes qui charment tant notre époque : le Luzéen s'est, en effet, spécialisé dans le dessin des monuments historiques. <o:p></o:p>

    Avec son souci du détail poussé à l'extrême, le Luzéen nous offre un travail soigné, net, fidèle, quasi photographique, sans pour autant tomber dans la stricte, froide illustration technique de l'architecte. Non, car il y a aussi l'âme de l'artiste dans ces relevés qui tiennent autant de la topographie que de l'art et de l'archéologie. A la fois ample et minutieuse, l'oeuvre est élaborée avec une patience toute monacale. Ainsi la "Tour Saint-Jacques" à Paris, érigée à la pointe de son crayon avec des traits d'orfèvre, est un exemple magistral de la maîtrise de son art. L'amour du travail bien fait exige de prendre son temps et le Luzéen le sait bien qui, en travaillant à révéler la patine, à nous raconter l'éclat des siècles révolus, à illustrer le visible et l'invisible, bref à transcrire l'essentiel de la pierre, nous initie aux mystères de l'Histoire.<o:p></o:p>

    C'est ainsi que, chose rare, ce technicien du crayon nous fait rêver. <o:p></o:p>

    Véritable géographe des mythes, le Luzéen met en relief le lustre des temps historiques. Il ne prend pas seulement l'empreinte de la pierre séculaire, il la fait bruire d'échos intimes et lointains... Avec lui l'Histoire se présente en habits d'apparat et robes longues, écussons et cottes de mailles, mais aussi en sabots et chemises de lin : pour nous, il convoque les princes et les gueux, les châtelains et le petit peuple qui hantent encore les vieux monuments. Ces ombres sans âge qui courent sur la pierre, il les capte sur son papier. Et les rend lumineuses. Le Luzéen côtoie les fantômes de granit et d'airain : cloches ou gargouilles, il les interroge, les sonde, tente de nous livrer leurs secrets.<o:p></o:p>

    Et nous écoutons... Et nous voyons sortir de la pierre qu'il dessine toutes ces âmes du passé, nous les sentons vivre à travers ses dessins en noir et blanc. N'en doutons plus : le Luzéen a l'art de faire revivre la pierre. <o:p></o:p>

    Et ressusciter les morts.<o:p></o:p>

    732 - Pantin public

    A propos de la chanteuse Britney Spears, voici un exemple de ce qu'est l'ineptie à l'état pur. <o:p></o:p>

    Cette femme d'une vulgarité inouïe à la solde de marchands de produits de discothèques à destination d'abrutis hormonés est une caricature de petite volaille nerveuse débitrice de musique à usage "commercial-chiottique" et de chorégraphie "gallinacétique". <o:p></o:p>

    Ce qu'elle chante est laid, insipide, affligeant, vide, creux, indigent. Aux antipodes du bon goût, de la mesure, des règles les plus élémentaires de ce que devrait être la musique. <o:p></o:p>

    Bien entendu, tout le monde est d'accord avec moi là-dessus. J'enfonce une porte ouverte ici. Alors pourquoi tant de degénérés indécrottables achètent encore ses disques, donnent leur argent chèrement gagné pour aller voir bouger sur scène son cul infiniment insignifiant de "dindonnette emplumée" élevée en batterie ?<o:p></o:p>

    Il faut que les foules soient complètement atteintes d'authentique crétinerie, écervelées, manipulées jusqu'à la moelle épinière par les marchands de disques pour aller écouter une putain de telle envergure qui chante des inepties que je crois inégalées, à ma connaissance...<o:p></o:p>

    Cette poulette yankee imberbe, piercée, "scalpelisée", reformatée incarne la déchéance de la jeunesse actuelle et même de certains adultes immatures. Une face chargée d'artifices douteux, un air d'une vulgarité extrême, une toilette à vomir, des moeurs béotiennes parfaitement insupportables.<o:p></o:p>

    Britney Spears est une offense même à la femme, la vraie. Une offense aux artistes aussi, aux vrais.<o:p></o:p>

    Cette poupée de latex est la honte de l'Occident, l'antithèse de la classe, un vivant outrage à la féminité, le symbole de la nullité féminine. Après cela, allez vous étonner que des femmes de fer fondent des mouvements féministes ultra radicaux...

    Je ne considère pas aussi sévèrement les individus pris à part, je m'en prends à l'état d'esprit de l'ensemble des personnes complices de l'abrutissement ambiant (une certaine catégorie de l'humanité : en général la populace, le tout-venant, le garagiste du coin, le téléspectateur de TF1, le petit esprit qui part en vacances de ski en hiver, bref le français moyen, le consommateur de base) victimes d'un affaiblissement temporaire -ou permanent- du ciboulot. Je raille ceux qui par leur conduite, leurs choix, leurs goûts infâmes, leur paresse intellectuelle, leur manque de discernement abaissent le niveau musical en cautionnant ce genre de chanteuse fabriquée sur mesure par les gros maquereaux à la tête de certaines maisons de disques, sûr que je suis de mon bon droit, de la supériorité de ma sensibilité musicale.
    <o:p></o:p>

    Ce genre de chanteuse yankee interchangeable m'est particulièrement insupportable. Quand je vois que des internautes publient sur DAILYMOTION les clips ineptes de cette créature triviale et sans talent, j'ai envie de leur dire ce que j'en pense, ce que je fais d'ailleurs ouvertement. Ces pauvres gens ne s'interdisent pas d'étaler publiquement leur indigence musicale sur DAILYMOTION, je ne vais pas me gêner pour leur dire ce que je pense de leur Bretney Spears, DAILYMOTION est fait pour cela précisément. <o:p></o:p>

    S'ils ne veulent prendre aucun risque de recevoir mes railleries sur leur espace personnel, ils ont la possibilité de ne pas poster les clips vidéos de cette putain américaine qui nous braille des nullités musicales jusque dans nos ascenceurs, nos kermesses, nos magasins de cabinets d'aisance.<o:p></o:p>

    Les abrutis sont partout, pullulent dans notre pays, sont présents sur les mers, dans les terres lointaines, envahissent tous les domaines de l'existence, allant jusqu'à piétiner les plates-bandes des beaux esprits de mon espèce. Les abrutis idolâtrent la nullité, l'ineptie, l'insignifiance, allant jusqu'à payer pour se gaver d'âneries. Ne méritent-ils pas de bons coups de pieds au cul izarriens ?<o:p></o:p>

    A ceux que ce discours déplairait, qu'ils sachent qu'il n'est nullement question de faire preuve de modestie ici mais de LUCIDITE. Je prétends que sur ce point les autres (ceux qui payent pour écouter brailler une imbécile "dindée" dans un micro) ont tort et que moi j'ai raison. Cela ne se discute pas, cette affaire subjective n'atteint pas la populace. Le Beau regarde les belles gens de mon espèce, je me dois de défendre la beauté, de dénoncer la vulgarité. Un bel esprit comme moi ne peut qu'avoir raison sur cette question essentielle et la populace tort puisque par nature, par réflexe, par infirmité de l'âme elle fait le choix de la laideur, de la vulgarité, de la bêtise. La preuve chez les disquaires, sur le NET, dans la rue.<o:p></o:p>

    Le Beau est constitutif du bel esprit qui raille, critique, toise, professe, pérore doctement, tandis que la laideur, la bassesse, la vulgarité caractérisent l'homme de la rue, l'automobiliste moyen, l'adepte de football, le pousseur de caddie, le payeur de place de parking, le possesseur de tondeuse à gazon, le propriétaire de maison Phénix, l'acheteur de CD de Britney Spears.<o:p></o:p>

    733 - La pierre pulvérisée

    Bien avant l'ère chrétienne les menhirs, les arbres et même les étoiles à travers d'abstraites constellations en formes d'animaux fabuleux remplaçaient nos églises. La croyance était dans l'air, l'autel était déjà en germe (et même plus élaboré qu'on ne le croit) dans l'oeil du berger, de l'analphabète, du cueilleur de baies sauvages qui s'interrogeaient sur les nuages, la lune, la tombe où gisaient leurs défunts. La pierre était habitée par des fées, des lutins animaient l'eau vive. Il y a eu des mystiques depuis la nuit des temps. Leur vue télescopique se manifestait sous d'autres formes que celles de notre ère. De même, des Hugo ont existé avant l'écriture. Ils n'écrivaient pas mais n'en possédaient pas moins des mondes intérieurs riches qui s'extériorisaient par d'autres moyens que l'écriture : oraux, picturaux, oniriques par exemples. Le fait que la plume et l'ordinateur étaient inconnus aux temps anciens n'a jamais rien ôté aux potentialités de l'esprit humain. Mais surtout, le mysticisme n'est nullement lié à la religion catholique dogmatique officielle. Le mysticisme est une sensibilité de la conscience éveillée aux réalités supérieures relatives à l'esprit et affranchie de toute chaîne dogmatique aliénante, une réceptivité aiguë de cette conscience au monde invisible et lumineux où évolue, progresse, se perfectionne l'être.<o:p></o:p>

    Les vrais mystiques se passent des églises, des dogmes religieux, des signes sacrés : la nature pour eux surpasse en beauté et vérité toutes les cathédrales qui ne sont que de pâles copies des oeuvres naturelles.<o:p></o:p>

    Cela dit, les églises, les autels, les rites pieux sont la syntaxe nécessaire au "discours démocratique et populaire" de la Vie. Sans cette structure grammaticale basique, qui est en fait une organisation de l'esprit comme les mathématiques sont une organisation du monde abstrait des chiffres, l'oeuvre du grand Architecte serait incompréhensible, inintelligible à l'homme de la rue. Les rites religieux, les églises, les chapelets ont leur utilité : ils permettent d'initier les âmes grossières aux richesses impalpables de l'esprit.<o:p></o:p>

    La lentille qui nous révèle l'existence des galaxies lointaines est tout humblement contenue dans une poignée de sable, à l'état brut. A travers ce sable brut le mystique voit directement le cosmos. Le profane quant à lui, pour percevoir la lumière des corps célestes invisibles à l'oeil nu aura besoin de faire fondre la silice contenue dans ce sable, puis patiemment la polir avant de la monter sur un tube télescopique. Grâce à sa vue intuitive extra-lucide le mystique fait l'économie de la fonte, du polissage, du montage de la lentille : pour voir les beautés de l'Univers il se contente d'une simple poignée de sable. Pour lui le mystère commence sous ses pieds, dans les grains aréneux. <o:p></o:p>

    A ses yeux une particule de poussière contient assez de miracles pour qu'il croie au reste de l'Univers et en perçoive les secrets éclats. La cathédrale, le missel, l'église sont le télescope du profane.<o:p></o:p>

    Seuls les êtres très évolués tels les mystiques peuvent se passer de ces intermédiaires palpables que constituent le mobilier sacré, les messes, l'organisation religieuse. A travers l'oiseau, le caillou, l'asticot, l'astre, les mystiques voient l'infini. Une molécule d'eau, un grain se sable, une mouche suffisent à l'esprit éveillé pour s'émerveiller et soupçonner le Ciel d'être l'auteur de ces prodiges que nous foulons du pied. Nul besoin au bel esprit de lui construire des édifices vertigineux. Il comprend vite, sans détour ni artifice. <o:p></o:p>

    Le peuple quant à lui, pour accéder aux hauteurs invisibles a besoin de diriger l'oeil vers la pierre sculptée, de caresser des missels, d'entendre des contes de fée religieux, de poser le genou sur le marbre. Cela est compréhensible, légitime, nécessaire. Tout comme la pyramide, la constellation ou le menhir, la cathédrale n'est que la forme. L'essentiel est ailleurs. Mais la forme est nécessaire pour la plus grande majorité des hommes. La pierre est secondaire certes, cependant elle est utile pour soutenir l'Esprit et le rendre visible afin qu'il se manifeste au vulgaire sous des aspects pompeux, spectaculaires plutôt qu'à travers l'évidence des miracles quotidiens qui l'entoure (qui entoure le vulgaire, je veux dire le peuple). Un brin d'herbe, une poussière, un chat, une étoile sont des réalités trop connues, trop quotidiennes, trop proches pour qu'elles puissent encore émerveiller l'homme du commun qui trouvera tout cela bien banal. <o:p></o:p>

    Il faut éblouir les abrutis pour les sensibiliser aux causes supérieures. Les églises sont faites pour cela, précisément.<o:p></o:p>

    734 - Les feux interdits

    A l'époque je venais d'entrer au séminaire : longue était ma soutane, brève ma vue.

    Mais bientôt troublé par la beauté d'un éphèbe de mon âge, je dus admettre l'inavouable évidence. Ma nature chavira : des flammes inédites s'éveillèrent dans ma chair, des séductions folles incendièrent mon âme. A l'inexpérience, l'ignorance, la mollesse de ma pieuse condition succéda une ivresse infernale. Mon coeur candide en proie à ces passions sulfureuses se mit à battre -pour la première fois de ma vie-, et de l'attente de voir se réaliser les abstraites et lénifiantes promesses faites par un clergé parfaitement dogmatique, promesses certes honorables mais qui me laissaient insensible, je passai aux tourments délicieux d'une réalité magistrale, immédiate, saisi par de plus vifs, plus ardents frémissements.

    Ces tremblements me firent pressentir les véritables sommets de l'existence, loin de mes studieux cours de théologie. L'Amour, le vrai, le tangible, le secret, l'impérieux, le brûlant, le honteux, le beau, le mystérieux, je le vivais dans ma chair, au fond de mon coeur, jusque dans mes songes, à chaque seconde du jour, le dédiant même à tous les astres de la nuit.
    <o:p></o:p>

    Aux antipodes de mes missels.<o:p></o:p>

    Je ne reniai point les hauteurs célestes pour autant, bien au contraire. Enchaîné à une cause aussi éclatante, je ne pouvais que louer l'Auteur de ces affres exquises. Auparavant la sagesse du livre saint, même avec ses ternes agréments, suffisait à me faire désirer porter la robe noire. Mais depuis que l'Amour était entré dans ma vie, depuis qu'à travers cette pédéraste alliance des corps et des âmes je venais de faire l'expérience divine, des ailes claires semblaient percer l'habit sombre que je convoitais tant. Je souhaitai plus que jamais endosser la bure sévère du prêtre, signe de mon appartenance à l'Eglise de l'Amour. Ce cruel paradoxe de l'amour constitué à travers cette tendresse sodomite que j'étais en train de vivre, n'est-ce pas précisément le grand paradoxe de Dieu ?<o:p></o:p>

    J'acceptais mon inversion sexuelle non comme une épreuve mais comme une bénédiction car c'est grâce à cette liaison que l'on dit éhontée qu'au séminaire l'excitation spirituelle la plus pure s'empara de mon être.<o:p></o:p>

    Gardant secret toute ma vie cet amour d'inverti, je fis un excellent prêtre que Dieu s'apprête à recevoir, maintenant que j'approche du grand Sommeil.<o:p></o:p>

    735 - Dieu n'est pas bête du tout !

    Dieu est un type bien, un être contradictoire mais très créatif possédant une personnalité tout de même assez complexe. Étonnamment doué pour les arts, la physique, le 100 mètres en natation, la mécanique automobile, il est imbattable aux échecs, incollable en Histoire. <o:p></o:p>

    C'est un poète qui a la bosse des maths.<o:p></o:p>

    Pas si sot, Dieu a choisi de se cacher pour mieux asseoir sa puissance. Cet animal est particulièrement susceptible : si on veut être dans ses faveurs il y a intérêt à croire à son entreprise multinationale. J'ai bien essayé de le mettre à l'épreuve, mais il est plus malin que l'on croit. Ainsi un jour au casino, alors que je venais de mettre mes derniers jetons dans une machine à sous, je me suis mis à le prier très fort : "si tu existes fais cracher le pactole à cette foutue machine qui m'a bouffé tous mes jetons, et là je croirai en toi, promis-juré !" Retenant mon souffle je mis mes derniers jetons, actionnai la manette, yeux fermés, doigts croisés... "Dieu si tu existes, fais que les rouleaux s'alignent sur les bons numéros " me répétai-je...<o:p></o:p>

    Les rouleaux n'en finissaient pas de tourner dans des cliquetis hystériques... Enfin ils s'immobilisèrent. Fébrile, j'ouvris les yeux.<o:p></o:p>

    Des chiffres apparurent, éclatants de promesses : je venais de décrocher le pactole !<o:p></o:p>

    Mais après une brève réflexion je me dis qu'en fait dans cet enfer du jeu, tirant les ficelles depuis les abîmes, c'est le diable qui venait de se manifester à moi, ce prince du mensonge et du hasard ! <o:p></o:p>

    C'est là que je dis que Dieu est une personnalité complexe, un être contradictoire, un sacré bougre de renard : la preuve que Dieu venait de me donner qu'il était bien derrière cette trouble affaire tout en ne l'étant pas, donc qu'il existait, était que je venais de gagner le pactole au casino. Ma prière avait été exaucée, bien sûr mais par qui ? <o:p></o:p>

    "Si le démon du jeu existe, c'est que Dieu l'a créé" pensai-je, perplexe.<o:p></o:p>

    Je fis don de mes gains à un pauvre diable qui tendait la sébile au sortir de l'établissement impie et ne remis plus jamais les pieds au casino.<o:p></o:p>

    Ainsi Dieu m’avait prouvé son existence en me dégoûtant des casinos. En creux il s'était manifesté : en me faisant gagner puis perdre aussitôt mes gains.<o:p></o:p>

    Il est fort Dieu, non ?<o:p></o:p>

    736 - Interview d'un damné

    Afin d'édifier les immoraux, assassins et autres odieux personnages se vautrant dans le vice, le Ciel m'a chargé d'une mission peu banale. <o:p></o:p>

    On m'a, en effet, présenté le pire des hommes qui vécut sur terre afin de le questionner, sorti du fin fond de l'enfer pour l'occasion. Ce n'était pas Hitler ni Gensin-Khan non, juste un anonyme, un homme du commun, simple, sans histoire si l'on peut dire... Un homme plein d'ordures qui toute sa vie s'adonna au crime, se rendant coupable d'horreurs, d'indignités, de bêtise et de bassesse. Le pire des hommes, disions-nous. Cette étrange affaire s'est passée lors d'un songe qui fut profond et troublant. Mais allons à l'essentiel sans plus tarder. Interview d'outre-flammes.<o:p></o:p>

    - Bonjour, parlez-moi un peu de vous. Qui êtes-vous, que faites-vous dans la géhenne ?<o:p></o:p>

    - Bonjour. Je m'appelle... En fait je n'ai plus de nom, je suis un damné. On me reproche mes actions. Il paraît que je suis le plus mauvais de tous les hommes ayant vécu sur terre. Je suis d'ailleurs resté fort longtemps sur terre où j'ai pu accumuler mes méfaits.<o:p></o:p>

    - Et quels sont ces méfaits qui vous valent d'être exclus des hauteurs paradisiaques ?<o:p></o:p>

    - J'ai tué, égorgé, éventré, brûlé, mis au supplice hommes, femmes, enfants. Je me suis amusé à mettre à mort mes semblables par les moyens les plus ignobles qui soient. Par milliers j'ai vu se tordre dans des souffrances inimaginables des enfants, des vieillards, des femmes. J'ai prolongé par tous les moyens leurs affres aux suppliciés, j'ai ri en entendant hurler et supplier mes victimes. C'était en temps de guerre, moi j'étais une bête. J'aimais ça tuer, répandre sang, désespoir, excrément. J'étais soldat dans une armée royale dans des temps où les Droit de l'Homme n'existaient pas encore, ivre de gains, assoiffé de guerre, je voulais m'amuser, m'enrichir, vivre. Il y avait de l'or a gagner lors de ces expéditions martiales, vous comprenez... J'avais le droit de tout faire alors j'en ai profité. J'étais le plus fort, le plus lâche, le plus atroce. Je ne vivais que pour le plaisir, que pour moi-même, que pour les biens matériels, n'hésitant pas à mentir, trahir, tromper, incendier, violer, étriper, tourmenter le premier venu afin obtenir l'argent, les femmes, la gloire, les vins. J'ai fait énormément souffrir les gens, surtout les enfants car c'était encore plus facile, plus amusant de m'attaquer à eux. J'ai fait cela en temps de guerre comme en temps de paix. J'étais ce qu'on appelle un abominable, un monstre, un démon. Le pire de tous les hommes qui ait jamais vécu sur terre.<o:p></o:p>

    - Vous n'aviez donc aucune pitié ? <o:p></o:p>

     - Aucune. Seuls comptaient mes profits personnels. <o:p></o:p>

    - Aviez-vous une femme, des enfants ?<o:p></o:p>

    - J'avais une femme et des enfants, oui.<o:p></o:p>

    - Et cela ne vous dérangeait pas de vous attaquer à des femmes et à des enfants qui auraient pu être les vôtres ? <o:p></o:p>

    - Ceux que j'ai mis à mort dans d'abominables souffrances n'étaient ni ma femme ni mes enfants. Pourquoi aurais-je eu pitié d'eux ?<o:p></o:p>

    - Comment un tel homme put-il vivre dans de telles immondices, sans aucune morale, insensible aux souffrances d'autrui, animé de desseins aussi vils ?<o:p></o:p>

    - Si je n'avais pas de morale, c'est parce que Dieu ne m'en a jamais donné. C'est de sa faute ! Moi je ne réfléchissais pas : l'or me rendait fou. Pourquoi Dieu a-t-il mis de l'or sur la terre ? C'est bien pour nous faire perdre la tête, non ? C'est Dieu le responsable de mes malheurs, maintenant que je suis en enfer ! Sur terre j'étais capable de tout pour obtenir de l'or. Je suis allé jusqu'au bout de mes désirs. Je suis devenu riche. J'ai joui de la vie, j'étais saoul tous les jours du matin au soir, m'adonnant à tous les excès sans le moindre scrupule ni retenue. Je vivais dans une époque barbare où l'idée des Droits de l'Homme était une totale hérésie. Que me reproche-t-on ? Je ne suis pas responsable de ce que j'ai fait. C'est la faute à mon époque, la faute à Dieu, la faute aux autres.<o:p></o:p>

    - Certes mais d'autres hommes qui vivaient à votre époque dans le même contexte de barbarie ambiante ne s'adonnaient point au crime pour autant... Certes les Droit de l'Homme n'existaient pas, cela empêchait-il aux hommes de faire preuve d'humanité ?Vous aviez bien des exemples de douceur autour de vous. Vous aviez la notion du bien et du mal. Pourquoi n'avoir pas fait le choix du bien ?<o:p></o:p>

    - Parce que le mal, ça rapportait plus d'or que le bien, parce que les autres, ce n'était pas moi. Moi je vivais pour moi, pas pour les autres. Quand j'embrochais un enfant, que j'ouvrais le ventre d'une femme enceinte, que je rompais les membres d'un homme, moi je ne ressentais pas de douleur et en plus cela me faisait vraiment rire. Alors pourquoi me serais-je privé du plaisir de voir souffrir les autres ? Je n'avais aucune raison de ne pas faire souffrir et tuer les autres. Au contraire j'avais toutes les raisons de le faire puisque cela me distrayait beaucoup et me rapportait des biens matériels, en temps de guerre comme en temps de paix. J'ai toujours aimé faire mal aux autres, voler, mentir, m'enivrer, me bagarrer, manger, violer, m'enrichir. Ma vie était belle ainsi.<o:p></o:p>

    - Et si c'était à refaire ?<o:p></o:p>

    - Si c'était à refaire je recommencerais car je préfère être sur terre en train de m'enrichir et m'amuser à supplicier et voir agoniser des enfants plutôt qu'être ici à croupir dans les flammes où je ne m'amuse pas du tout !<o:p></o:p>

    - Vous êtes à ce point mauvais, incorrigible, irrécupérable ? Je commence à comprendre le bien-fondé de votre présence ici ! Ne souhaitez-vous donc pas vous repentir et sortir de ces lieux, commencer à devenir humain ?<o:p></o:p>

    - Me repentir de quoi ? De mes plaisirs terrestres ? Au contraire, j'aimerais bien recommencer moi ! Je n'ai qu'un désir, qu'un seul : partir d'ici et me retrouver comme par le passé à jouir de la vie. Vous croyez que j'aime ça être en enfer ? Qu'est-ce que ça me rapporte d'être ici ? Ici je suis malheureux, sur terre j'étais heureux. Au moins dans le monde matériel où je suis né j'avais de l'or, des femmes, des victimes, plein de plaisirs.<o:p></o:p>

    - Mais alors pour vous c'est quoi la vie ?<o:p></o:p>

    - La vie pour moi, c'est MOI. Moi, c'est tout ce qui compte. C'est moi qui vit, qui me sens vivre. Les autres, ce n'est pas moi. Les autres n'existent pas pour moi. Je ne suis pas les autres, je suis moi. De toute façon en enfer ce n'est pas la vie. Ici ce n'est pas la vie non, ici c'est la souffrance car enfin l'enfer, l'enfer c'est également MOI.<o:p></o:p>

    C'est sur ces mots à la fois pleins de sens et de dérision que je pris congé de l'hôte de la géhenne, n'omettant pas toutefois de lui souhaiter ardemment d'accéder à la rédemption un jour. Ainsi après cette interview exceptionnelle du plus mauvais des hommes ayant vécu sur terre, dans un interminable soupir de lassitude ce dernier était reparti dans ses fonds remplis de ténèbres. Que ces mots vous soient ici rapportés fidèlement et qu'ils vous fassent réfléchir sur vos actions, vous les ignobles individus qui vivez sans aucune morale et agissez en votre nom et en votre nom seul.<o:p></o:p>

    737 - La femme de cinquante ans

    A vingt ans la femme est légère, voire insignifiante. A trente elle est désirable, à quarante elle est resplendissante, mais dès quarante-cinq ans elle devient douteuse.

    A cinquante ans, elle est devenue un fruit en voie de putréfaction.
    <o:p></o:p>

    Je les vois bien ces visages en fin d'épanouissement qui traversent les rues à l'heure de sortie des bureaux, ces corps femelles qui commencent à faner... Je les vois chanceler sur leurs souliers un peu plus épais, ces chandelles presque éteintes. Je les vois peser de plus en plus, ces traits empâtés qui sous le fard inutile annoncent déjà la décrépitude... Ce fard qui souligne la disgrâce naissante de la femme, trahit sa beauté dégradée, ce fard sans joie qui n'est que le dernier artifice de l'amour avant la tombe, l'illusion qui ne trompe plus personne.<o:p></o:p>

    Tandis que l'homme vieillit comme un vin exquis, grave et serein, comme un chêne, tout en force et hauteur, tout en charme et légèreté, beau et solennel qu'il est, la femme avec les ans hérite du masque de la pourriture.<o:p></o:p>

    En avançant en âge elle doit apprendre à regarder en face sa laideur. Les plus belles ne sont point épargnées (voir le cas douloureux de Brigitte Bardot).

    Rares, très rares sont les femmes qui gardent intact leur éclat jusqu'aux portes de la soixantaine.
    <o:p></o:p>

    L'originelle flamme qui fait d'elles le centre du monde les quitte en général avant cinquante ans..<o:p></o:p>

    La femme de cinquante ans est morte au monde, sur le plan des charmes. Et plus elle vieillira, moins elle sera désirée, et souvent sera méprisée.<o:p></o:p>

    Chez l'homme on constatera exactement l'inverse.<o:p></o:p>

    738 - La puissance de la beauté

    Le spectacle de la beauté me rend meilleur, plus sensible, plus grand, moins médiocre, quelle qu'elle soit, de la moins évidente à la plus éclatante.<o:p></o:p>

    Du simple caillou -humble et parfait avec ses formes sommaires- au visage de la femme née avec les grâces de sa nature, la beauté me subjugue.<o:p></o:p>

    Alors que la laideur seule m'inspire pitié, dégoût, voire haine, la beauté qui s'affiche aux côtés de la laideur me rend indulgent envers cette dernière : ainsi la femme aux traits méprisables ne sera plus raillée si une créature l'accompagne. Certes je n'aurai d'yeux que pour le cygne, mais dans son ombre l'oiseau déplumé bénéficiera de ma clémence. En effet, je ne crache point au visage des laiderons lorsque dans leur proximité la vision d'un astre retient mon regard : la beauté adoucit mes moeurs.<o:p></o:p>

    La beauté me fait croire à des sommets, elle agit comme un coupe-faim : sous son empire j'oublie les trivialités de ce monde. Je ne songe plus aux soucis du lendemain mais prends conscience de mes ailes.<o:p></o:p>

    La preuve que la beauté est supérieure à la laideur, c'est qu'une femme sans attrait sera toujours moins courtisée qu'une femme vénusiaque. Sur l'échiquier de la Vérité, les dindes seront toujours rattrapées par les gazelles.<o:p></o:p>

    Mes frères les esthètes, toujours chérissez la beauté. Vous les beaux esprits voués aux causes supérieures, sachez chaque jour rendre hommage à la beauté et n'omettez jamais de durement châtier la laideur lorsque celle-ci vous offense. Giflez les laiderons qui à votre vue exposent leur misère sans pudeur ni remords, mais soyez moins sévères envers elles lorsqu'une beauté les accompagne, de la même manière que l'on est plus complaisant face aux grognements de la truie qui allaite : le spectacle touchant des porcelets fait un peu oublier la grossièreté de la génitrice.

    Bref sachez que c'est la beauté et la beauté seule qui sauvera le monde, et non l'infirmité, la bêtise, la bassesse et la hideur.
    <o:p></o:p>

    739 - Un petit

    Monsieur Dupont est petit. Monsieur Dupont est médiocre. Monsieur Dupont porte en lui des rêves à la mesure de ses dimanches de minable : cannes à pêche et canettes de bières incarnent pour lui les sommets de la félicité dominicale.

    Maurice Dupont côtoie des minus qui lui ressemblent, d'ailleurs il appelle affectueusement ses amis "Ducon", preuve de l'estime faussement ironique qu'il porte à ses pairs... Ce Dupont serait-il conscient de sa petitesse, du caractère lamentablement "dupontesque" de sa personne ? Notre héros a un petit zizi et, assez sot pour en rougir, assure à qui veut le croire qu'il possède un "zobinard" digne d'un éphèbe qu'il n'est pas. Ce séducteur de caissières de supermarchés aime en outre épater amis et inconnus avec ses histoires insignifiantes. Dans ses aventures peu épiques mais terriblement pathétiques il affronte avec vaillance des dangers imaginaires à travers des jeux télévisés parfaitement débiles. Ainsi il sue avec les candidats auxquels il s'identifie furieusement (des minus habens de son espèce) en essayant de répondre à des questions ineptes du genre "Combien faut-il de grammes de lessive pour laver cinq kilogrammes de linge blanc à la température de 60 degrés Celsius ?" L'enjeu est de taille, il y a un téléviseur à écran plasma à gagner. Dupont a une existence vraiment trépidante devant ses programmes de télévision...
    <o:p></o:p>

    Dupont collectionne les bouchons de bouteilles de champagne, persuadé d'être un sacré original. Il n'hésite pas dans ses accès d'orgueil à revendiquer haut et fort sa passion pour les cylindres de liège.<o:p></o:p>

    Monsieur Dupont est petit. Monsieur Dupont est médiocre. Monsieur Dupont porte en lui des aspirations à la mesure des trésors proposés dans ses programmes de télévision. Monsieur Dupont a un secret. Un rêve à sa portée, un grand, un douloureux, un beau rêve : passer à la télévision afin de participer à son jeu favori et devant les caméras gagner le fameux téléviseur à écran plasma. Avoir la France entière pour témoin de son effroyable petitesse, tel est son plus grand rêve de minable.<o:p></o:p>

    Monsieur Dupont est petit. Monsieur Dupont est médiocre. Monsieur Dupont est heureux.

    Monsieur Dupont porte en lui la petitesse et marche d'ailleurs à petits pas, écrasé par le poids de son incommensurable médiocrité.

    740 - TF1, petit père du peuple<o:p></o:p>


    J’ai regardé avec hargne une émission populacière sur TF1. J’ai consciencieusement passé la tête à travers la lucarne donnant sur l’étable à vaches humaines pour mieux entendre meugler le troupeau hilare que sont mes semblables “TFunisés”.

    Qu’ai-je vu, entendu ? Des animateurs prostitués à la cause AUDIMAT caquetant à n’en plus finir. Emissions au concept simple, efficace, parfaitement aliénant : de la lessive et des jeux. Un format soigneusement conçu par les patrons-proxénètes de TF1 pour rassembler un maximum d’abrutis moyens.

    Le bavardage bouche-trous est la spécialité des émissions de TF1 : des femelles stéréotypées au sourire perpétuel blatèrent infatigablement sur des sujets ineptes entre deux interminables séquences de réclames. Plus c’est vulgaire, lourd, saturé de couleurs (remarquons la richesse de coloris des chemises portées sur TF1), plus la lessive se vend.

    Dans ces émissions la pauvreté cérébrale, l’insignifiance du propos, l’indigence de l’esprit sont chaudement applaudies par un public complice qui ne demande qu’à être bêtifié. Les têtes vides des animateurs, des invités, du public résonnent dans la nuit jusque dans les chaumières les plus reculées. Et la lessive n’en finit pas de se vendre. De Paris aux confins du pays, ça rumine, beugle, chie en cadence dans les familles : TF1 pacifie les masses.
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    741 - Pour combattre l’infamie télévisuelle de TF1<o:p></o:p>


    Je m’adresse à tous les détracteurs de TF1 pour leur faire partager mes opinions et éventuellement m’allier à eux dans le but de combattre l’entreprise TF1 (par tous les moyens pourvu qu’ils ne soient pas illégaux) qui répand impunément dans la société française le venin d’une culture basée sur les jeux du cirque et la consommation insatiable de biens temporels. Et qui par des méthodes dignes des mouvements sectaires les plus ineptes tente d’introduire dans notre société traditionnellement lettrée le culte impie des lessives.
    <o:p></o:p>


    Je suis sorti mercredi 26 août 2004 à 16 heures d’une garde à vue qui aura duré six heures de temps. La Police Judiciaire de ma ville (le Mans) est venue mercredi 26 août 2004 à 10 heures perquisitionner chez moi au sujet d’un coup de fil que j’ai passé chez TF1 le 14 août 2004 et où mes propos ont été déformés (volontairement ou pas, je l’ignore) par la standardiste.
    <o:p></o:p>


    Détail d’importance : entre 12 h 45 et 14 heures j’ai eu droit à la cellule provisoire ainsi qu’au tirage de mon portrait de face et de profil avec prise de mes empreintes digitales. Cela satisfera certainement la curiosité de ceux qui s’interrogent sur la destination d’une partie de l’argent public.
    <o:p></o:p>


    Le 14 août 2004 j’avais effectivement appelé TF1 depuis mon téléphone fixe et sous ma véritable identité (n’ayant rien à dissimuler de mes desseins hautement revendiqués) pour menacer l’entreprise d’une manifestation certes outrancière mais toute symbolique au pied de sa tour. Manifestation informelle, précisons la chose.
    <o:p></o:p>


    On m’a accusé d’avoir émis des menaces plus matérielles. J’ai dû m’expliquer lors de deux auditions éprouvantes que je n’étais pas du genre à menacer de la sorte les gens, que je ne m’adonnais pas à ces pratiques immorales et illégales, moi qui ne prône ordinairement que la poésie, le rêve et l’amour… La standardiste en question soutient que j’ai prononcé les termes “BOMBE A LA GUEULE” lors de ce coup de fil, ce qui est évidemment aussi infamant que mensonger. Je n’ai pas pour habitude, en effet, de baisser mon niveau de langage pour m’adresser à des inconnues, fussent-elles simples standardistes.
    <o:p></o:p>


    L’audition prit un tour franchement clownesque lorsque l’on m’interrogea sur mes prétendues alliances avec des organisations basques terroristes ou avec d’autres groupuscules politiques extrêmes et dangereux. J’ai pu constater que la république des zélés dûment diplômés n’était pas à une arlequinade près…
    <o:p></o:p>


    Les pontifes de TF1, en retrouvant l’enregistrement de ce coup de fil qui était (prétendument) recherché toute la durée de ma garde à vue auront souhaité éviter le ridicule, on le comprend. Dés lors, mieux valait pour ces bandits manipulateurs de foules ne pas déclarer officiellement avoir retrouvé cet enregistrement qui me disculpait superbement, et enfonçait lamentablement TF1 dans la fange du mensonge. Il faut savoir qu’en cas de “perte inopinée” de l’enregistrement de cette conversation téléphonique, c’était ma parole contre celle de la standardiste, avec présomption d’innocence en ma faveur en l’absence de preuve. La première chaîne de télévision française ne peut tout de même pas faire illusion en permanence… Je soupçonne tout naturellement TF1 d’avoir eu intérêt à ne pas retrouver ce fameux enregistrement tournant en ridicule les hôtes de la tour du premier au dernier étage…
    <o:p></o:p>


    La farce policière a cessé assez tôt pour que j’en rie, et non que je m’en afflige.
    <o:p></o:p>


    Je n’en veux pas à la pauvre standardiste, victime j’en suis persuadé d’une excessive émotivité. Pas plus aux responsables de TF1 qui n’ont pas porté plainte contre moi. Reconnaissons au moins la magnanimité inattendue de ces proxénètes de l’esprit qui dans un autre ordre d’idée n’hésitent pas à exercer un terrorisme culturel outrancier à l’échelle nationale, et ce au nom des grandes marques de lessive.
    <o:p></o:p>

    742 - Télédégénérée<o:p></o:p>

    Penchons-nous sur la cérémonie des 7 d’or à la télévision. Dans ce royaume de la futilité la plus achevée, de vieilles morues de journalistes disputent le titre suprême à d’épais présentateurs porcins en mal de reconnaissance populaire.<o:p></o:p>

    De foutues femelles de présentatrices hilares et mielleuses comme des gâteaux d’anniversaire dégoisent inepties sur inepties, applaudies par des célébrités de paillettes à la cervelle déchue.<o:p></o:p>

    Désignons-les d'un index pourfendeur, ces professionnelles décaties du caquetage pénétrées de leur minuscule importance, dénonçons-les, ces petits crétins prétentieux sans plume qui se donnent des allures d’écrivains mais qui ne sont finalement que de minables, de vulgaires présentateurs d’émissions de télévision, raillons-les, ces arrivistes plébéiens, petits journalistes et autres oiseaux sans envergure, sans talent, sans intérêt, sans consistance...<o:p></o:p>

    Tous de pauvres “ramollisseurs” patentés de cerveaux, héros des masses populacières, égéries de tous les minus habens que compte notre pays d’abrutis passant leurs soirées devant la télévision.<o:p></o:p>

    743 - Écran plat

    Si la télévision de TF1 est le reflet fidèle d’un des nombreux aspects de notre société contemporaine, je peux en déduire que nous vivons dans un monde d’abrutis finis où les journalistes qui nous montrent régulièrement leur belle dentition ne sont que des pauvres types, des ratés, des minables en cravate aux mains pleines de sucre à gaver les masses et de mélasse “ketchupisée” destinée à oindre le front plastifié de nos nouveaux-nés, où règnent partout des mangeurs insatiables aux ventres pleins et aux esprits vides dont les âmes sont depuis longtemps corrompues par le beurre de cacahouète et les jeux du cirque. <o:p></o:p>

    Dans ce monde l’ignorance, la vulgarité, l’excrément liquéfié, l’urine issue des asperges, le toc, la bêtise et l’avilissement sont des valeurs sûres. <o:p></o:p>

    Dans ce monde les femmes sont devenues des pondeuses de germes humains dûment “markrétinisés”, les mères de petits singes sans poil d’une nouvelle humanité qui se résume de plus en plus à de la chair à canon tendre, imperturbablement hilare, pour les marchands de lessives, de sièges de WC, de boîtes de conserve. <o:p></o:p>

    Dans cet univers tragique et irresponsable ces femmes sont toutes invariablement heureuses et se laissent volontiers décerveler, “désovairiser”, désodoriser jusqu’au dernier degré par des hommes non moins idiots, dûment écouillés quant à eux. Dans ce monde que me montre la télévision de TF1, l’humanité est certes déchue mais elle garde un sourire à toute épreuve. <o:p></o:p>

    A travers l’écran de télévision la société n’est qu’un énorme, monstrueux, insatiable conduit digestif, les écoles, les médias, les publicités, les productions artistiques ne sont qu’un interminable écoulement anal. Au bout de cette ouverture infâme, pestilentielle, épouvantable, une bouche géante s’ouvre, prête à recevoir sa fange quotidienne. <o:p></o:p>

    Cette gueule ouverte grande comme le monde, c’est celle des millions de petits vers de terre humains qui avalent avec délectation et dans des applaudissements assourdissants les fruits odieux de leurs propres digestions. Ainsi la boucle est bouclée. On ne sort pas ainsi d’un tel cercle d’initiés. <o:p></o:p>

    Bienvenue chez TF1, Disneyland merveilleux pour castrés de l’esprit.<o:p></o:p>

    744 - Farrebique face à TF1<o:p></o:p>

    Après avoir vu en cassette à la bibliothèque de ma ville “Farrebique”, chef-d’oeuvre de poésie pastorale tourné en 1946, je me demande comment les proxénètes de TF1 peuvent continuer à diffuser impunément à l’adresse de leurs troupeaux dénaturés (pudiquement nommés “téléspectateurs”) des films américains imprégnés de vulgarité, imbibés de violence, trempés de vices, complètement vides de sens, aux antipodes de la beauté, de la délicatesse, de la bienséance, de la poésie…<o:p></o:p>

    Après avoir vu “Farrebique”, je crache souverainement sur la tête des maquereaux de TF1, je les juge du haut de mon socle incorruptible, j’écrase ces vers de mes fers comme la charrue pulvérise le chiendent ! De mon talon de bois j’ensevelis leur face de prédateur dans la boue où ils veulent nous faire patauger, je brise contre le roc de la poésie leurs crocs de loup, et je les piétine encore, profondément. Je les châtie de ma semelle rédemptrice, j’étouffe bibliquement leur langue de serpent, martèle leur front de mes coups de sabot afin d’y ensemencer avec douleur quelque graine de vertu. <o:p></o:p>

    Leur crâne est dur, mais le diamant de la Beauté l’est plus encore.<o:p></o:p>

    745 - Rimbaud à l’examen<o:p></o:p>


    (Critique argumentée de la présentation par Jacques Rivière et Verlaine des "ILLUMINATIONS" de RIMBAUD ou procès des exégètes rimbaldiens.)
    <o:p></o:p>


    Voici ce qu’un spécialiste de RIMBAUD a pondu sur ce plaisantin de Charleville, discours applicable à n’importe quel texte "charabiatisant" :
    <o:p></o:p>


    "Ces poèmes sont complètement dépourvus d’égards, c’est à dire qu’en aucun point ils ne s’inclinent, ils ne se dérangent vers nous. Aucun effort pour faire passer dans notre esprit les spectacles qu’ils recèlent ; ils sont écrits au mépris de toute sociabilité ; ils sont le contraire même de la conversation. On y sent quelque chose de fidèle à on ne sait quoi. Ce sont des témoins. Ils sont disposés comme des bornes qui auraient servi à quelque repérage astronomique. Il faut prendre le petit livre des Illuminations comme un carnet échappé de la poche d’un savant et qu’on trouverait plein de notations mystérieuses sur un ordre de phénomènes inconnus. Nous n’étions pas là. Nous passons par hasard. Nous ramassons ces reliques inestimables qui ne nous étaient pas destinées." (Jacques Rivière)
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Il suffit qu’un recueil de baragouinages soit signé "RIMBAUD" pour que d’éminents spécialistes se persuadent de sa très haute valeur littéraire. L’auto-suggestion fonctionne à merveille. N’ayant rien à dire sur le fond, ils rédigent d’élogieuses pirouettes contribuant à donner encore plus de lustre aux "pages immortelles" qui décidément, ne les inspirent pas plus que ça... Au vide rimbaldien ils répondent par le vide de l’exégète. Remarquons que l’auteur Jacques Rivière s’en sort ici assez grossièrement. Il ne dit rien, n’éclaire pas, ne sait rien lui-même sur le texte de Rimbaud. Il se contente de justifier les vers rimbaldiens par des phrases oiseuses qui en disent long sur son habileté à retourner les situations les plus improbables. Ou l’art d’interpréter un texte absurde pour en faire un phénomène littéraire... Admirons ce déploiement de vent au sujet de Rimbaud.<o:p></o:p>


    Verlaine quant à lui n’est pas plus inspiré, cautionnant la sottise de son ami en ces mots immortels :

     <o:p></o:p>

    « Le mot Illuminations est anglais et veut dire gravures coloriées, - colored plates : c’est même le sous-titre que M. Rimbaud avait donné à son manuscrit. Comme on va voir, celui-ci se compose de courtes pièces, prose exquise ou vers délicieusement faux exprès. D’idée principale il n’y en a ou du moins nous n’y en trouvons pas. De la joie évidente d’être un grand poète, tels paysages féeriques, d’adorables vagues amours esquissées et la plus haute ambition (arrivée) de style : tel est le résumé que nous croyons pouvoir oser donner de l’ouvrage ci-après. Au lecteur d’admirer en détail. » (Verlaine)<o:p></o:p>


    On n’en saura pas plus. Verlaine nous demande de lire, d’admirer... Certes. Suivre ce sage conseil suffira-t-il pour emporter l’adhésion des beaux esprits ? Je rétorquerai à Monsieur Verlaine qu’il ne suffit pas de nous proposer d’admirer, encore faut-il que nous les recevions en plein coeur ces fameux mots rimbaldiens, et non pas que nous les adoptions sottement les yeux fermés, ébranlés que nous serions par tant de subtilités poétiques, insaisissables pour les non initiés... Comment un auteur comme Verlaine peut-il se fourvoyer à ce point, se ridiculiser de la sorte, s’exposer avec une telle légèreté au jugement des générations futures de plus en plus aptes à la critique ? Votre statut de grand poète ne vous garantit pas de vos propres âneries, Monsieur Verlaine !
    <o:p></o:p>


    Notons le trouble de Verlaine quand, prudent dans la sottise, il précise : "tel est le résumé que nous croyons pouvoir oser donner de l’ouvrage ci-après". Il se ménage tout de même une commode issue. On ne sait jamais, des fois qu’on se serait trompé sur ce prétendu génie nommé Rimbaud... Sot mais avisé, Verlaine !
    <o:p></o:p>


    Ces deux exemples pris au hasard suffiront-ils pour commencer à semer le doute chez mes détracteurs quant à la vanité des textes sibyllins du sieur Rimbaud ? La mauvaise foi il est vrai aveugle plus durablement les faux envoûtés amoureux des arabesques verbales de Rimbaud que la vérité qui, se révélant dans un seul éclair, éblouit les vrais initiés une seule seconde, ce qui a le don de leur redonner la vue pour la vie entière...
    <o:p></o:p>


    C’est que l’illumination, la vraie, est fugitive. Et la bêtise profonde comme les puits d’ignorance.
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    746 - La balle<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Le bonheur semble parfait dans le parc, sous la lumière de juin.<o:p></o:p>


    Un cygne glisse sur l'onde, des enfants pleurent, d'autres rient, un mendiant devise seul, des amoureux s'étreignent sur les bancs, quelques laiderons légèrement vêtus musardent dans les allées.
    <o:p></o:p>

    Mais là-bas sur la pelouse au pied d'un grand arbre un vieillard agonise à l'insu de tous. A le voir, il dort. En réalité il est en train de rendre l'âme. Ses soupirs rasent l'herbe, ne faisant même pas dévier l'aile du papillon. A vrai dire seules les mouches dansent au-dessus de la face immobile du moribond, attirées par l'odeur du sucre : un reste de confiture séchée lui fait une moustache couleur sang sur la lèvre supérieure.

    Un ballon s'égare jusqu'au gisant, rebondit sur son crâne inerte pour venir se loger sous son aisselle. Le presque cadavre esquisse un imperceptible mouvement au contact de la balle. Le bambin ignorant tout du sort funeste des êtres réclame son joujou à l'octogénaire étendu dont les paupières ne daignent pas bouger d'un cil devant les suppliques de l'enfant.
    <o:p></o:p>

    Quatre-vingts années se sont écoulées depuis cette scène. L'enfant au ballon a aujourd'hui quatre-vingt-sept ans. Il prend le soleil dans un parc, le même que celui de son enfance. Endormi dans son fauteuil roulant électrique, il ne sent pas la balle rebondir sur sa tempe, tomber sur le sol, rebondir encore pour finir sa course sur ses genoux. Sa lèvre supérieure barrée par une trace brune a attiré une abeille en quête de nectar. Une boîte vide de coca-cola gît par terre. <o:p></o:p>


    L'enfant s'approche du retraité assoupi.
    <o:p></o:p>


    Il reprend sa balle délicatement et repart sur la pointe des pieds, de crainte de le réveiller.

    Mais l'invalide jamais ne se réveillera.
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    747 - La beauté est un silex

     <o:p></o:p>

    J'aime me brûler au contact de la beauté. <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    L'éclat vénéneux de certaines femelles désarme le sybarite que je suis. Je perds pied sous leurs regards cinglants et leurs sourires de crotales sont un onguent mortel et exquis qui me déplume : ma lyre chaste se transforme en trompette de feu... Leurs paroles douces claquent comme des talons, leurs yeux sont des diamants opaques, leurs lignes rappellent les courbes du serpent. De leurs lèvres minces sortent des vérités féroces : leur langue ressemble à des badines qui sifflent dans l'air. Hautaines et vulnérables, ces petites pestes à la voix aiguë sont en réalité des tempêtes cachées capables d'ébranler tout esthète de mon envergure. De toutes petites choses qui détiennent le plus grand pouvoir au monde. <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Et qui le savent.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Ces femmes comme des flammes me séduisent, me ravissent, m'effraient. Venimeuse, terrible, dure et cassante à l'image du cristal, l'esthétique incarnation est mon plus cher enfer.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Sveltes, menues, redoutables, les femmes désirables sont le poison vital de l'homme de goût. Leur beauté acérée me tourmente, me caresse et me gifle, me vide de mes mots et me remplit de voluptueuse colère.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    La beauté qui joue de ses toxines procède d'un principe supérieur : c'est grâce à ses effets que se perpétue le bel esprit. <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    De la toxicité des charmes de la créature tentatrice dépend la qualité de la descendance de l'homme de goût qui lui aura déchiré l'hymen. 

    748 – La femme du mort<o:p></o:p>

    La veuve était magnifique.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Son regard posé sur le cercueil conférait à son visage un charme mélancolique qu'on ne lui connaissait guère. L'éplorée sur le défunt avait le chagrin sincère mais lucide : c'était la fin de son époux certes, mais non la fin du monde. Et puis, ne soupçonnait-elle point un royaume d'éternité pour le gisant, lui qui fut si droit en affaires, si loyal avec la religion ?<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Le mari inhumé, son sort était entendu. Quant à elle, il lui fallait songer aux lendemains.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    C'est là que j'intervins.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    - Madame, vous étiez radieuse aux funérailles. Je vous offre et ma fortune et ma renommée. Je suis le conte de Hauteterre, connu pour mes qualités artistiques, esthétiques, verveuses et, accessoirement, en tant que plume de choix. Acordez-moi votre main, et ma gloire sera aussi la vôtre. Et si par malheur vous trépassez avant moi, je vous composerai une ode et la ferai chanter par un barde car je chante faux. Mais si vous me survivez, vous vous consolerez de votre solitude par une existence remplie de mon souvenir éclatant.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Je reçus sa main.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Les médisants penseront qu'elle la destina à ma joue... <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Erreur ! La belle -qui avait un reste de beau sang- fut sensible à mes arguments hautains, sa fibre aristocratique réveillée par le son aigu de ma lyre...<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    A ce jour elle vit toujours, et moi aussi grâce à Dieu. <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Notre bonheur ostentatoire en ennuie plus d'un dans notre cercle d'amis, et nous comptons fleurir durant de nombreuses années encore la sépulture de celui qui me précéda dans l'hymen de ma légitime épouse.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    749 - Le travail sarkozien, l'allié des masses bêlantes<o:p></o:p>


    Sarkozi veut rétablir et récompenser la "valeur travail" comme référence absolue dans la société française actuellement sous son régime, critère de vertu individuelle et collective, mais aussi plus traditionnellement, il est vrai, gage de bon fonctionnement de l'économie. Soit. Pourquoi pas ? Il faut bien de toute façon jeter les bases d'un système donné, celles-là ou d'autres... Le modèle sarkozien est une conception honorable de la bonne marche de la société.


    A quelques aberrations près.
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Comme si la pénibilité du travail était une valeur en soi et devait être respectée et rétribuée pour ce qu'elle est, indépendamment des bénéfices objectifs que produit cette pénibilité...<o:p></o:p>


    On peut fort bien se lever tôt, travailler dur et longtemps sur un projet parfaitement inutile à la communauté humaine et inversement se lever tard, travailler peu pour produire d'excellents fruits utiles à la société...
    <o:p></o:p>


    Selon ces nouvelles normes sarkoziennes un jardinier qui se lèvera tôt pour trimer dur mais finalement ne produire que des légumes de mauvaise qualité devrait être plus récompensé qu'un jardinier qui se lèvera à midi et s'épanouira dans son travail, le vivant comme un jeu et non comme une corvée professionnelle pour en fin de compte faire pousser d'excellents produits ?
    <o:p></o:p>


    L'essentiel, est-ce vraiment la sueur fournie par l'ouvrier lors de son labeur, le nombre d'heures passées courbées vers le sol à le cultiver, le fait que le travailleur se lève tôt, qu'il se prive, qu'il fasse preuve de courage, de sobriété, d'humilité dans son travail ou bien n'est-ce pas plutôt la qualité des fruits qu'il produit, indépendamment des conditions dans lesquelles il les aura produits ?
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    De même selon ces nouveaux critères un travailleur sobre et courageux qui s'échinera 12 heures par jour à repeindre les routes de France en rose ou à former des élèves astrologues-voyants devrait être plus considéré qu'un travailleur modéré qui fera pousser des patates de qualité supérieure ? En d'autres termes n'est-ce pas plutôt la qualité, l'utilité, la noblesse des fruits du travail qui devraient être récompensées et non pas la masse musculaire ou le nombre de neurones mis bêtement en action tant d'heures par jour ?<o:p></o:p>


    Travailler certes. Mais travailler pour être utile objectivement, effectivement, et non pour asseoir une légitimité de citoyen dont la vertu principale consisterait en sa capacité à se lever tôt pour aller mêler sa sueur à celle de ses semblables dans les grandes étables humaines de l'industrie de l'inutile.
    <o:p></o:p>


    En somme Sarkozi aimerait que chacun tire sa fierté non pas de sa réelle utilité pour soi-même, sa famille ou la collectivité mais d'une vitrine d'honorabilité que conférerait l'exercice en soi du travail rémunéré. C'est oublier que l'on peut être utile, indispensable à autrui sans nécessairement passer par le travail. De même, on peut être totalement inutile, voire nuisible aux autres tout en travaillant comme un nègre... Le plus bel exemple de cette infamie se trouve chez les travailleurs qui transpirent dans les usines d'armement militaire, courageux maillons rémunérés de l'industrie de mort et de destruction.
    <o:p></o:p>


    Comme si le fait de se consacrer à autre chose qu'au travail rémunéré était nécessairement un signe d'inutilité, une preuve de déchéance, une dévalorisation du citoyen... Ce que craint Sarkozi, ne serait-ce pas plutôt le danger que représente pour le système actuel (que je qualifierais de "pensée tout-économique") l'inactivité professionnelle, source de prétendue oisiveté débouchant en fait sur la très subversive et très anti-sarkozienne REFLEXION du citoyen ?
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    750 - Abattoirs : lettre à Sarkozi<o:p></o:p>


    Monsieur le Président de la République,


    J’attire votre attention sur le sort cruel réservé aux animaux de boucherie au sein de nos abattoirs. Les conditions d’abattage de ces animaux sont indignes de notre société moderne traditionnellement soucieuse d’humanité et de plus en plus éprise d’idéaux à caractère universel.


    Il n’est pas rare que ces abattages soient accompagnés de maltraitances inouïes de la part du personnel insensibilisé à la souffrance du bétail dont il a la charge.


    Allant de la simple décharge électrique réglementaire à la brutalité gratuite pure et simple en passant par l’horreur indicible dans les cas où, affolés, incontrôlables, certains d'entre eux sont victimes d’accidents ou de négligences lors de leurs transfert et parcage dans le processus d’abattage, les conditions épouvantables auxquelles sont soumis ces animaux ne sont plus acceptables aujourd’hui.


    L’atroce n’est pas compatible avec nos critères humanistes. Le citoyen français de 2007 ne peut plus s’accommoder de l’abomination, d’autant qu’elle s’exprime de manière flagrante, sanglante, assourdissante derrière les murs de nos abattoirs.


    Nul n’ignore que les mammifères -mais également les oiseaux- sont des êtres doués de sensibilité et par conséquent réceptifs au stress, à la peur, à la souffrance, et particulièrement l’espèce porcine. Prendre en considération cette donnée essentielle devrait faire partie des priorités lors de l’abattage des animaux de boucherie.


    Tout citoyen responsable se sentant concerné par les grandes questions de son époque ne peut que réagir face au scandale des abattoirs.


    Au nom de tous ceux qui en France n’acceptent plus la barbarie exercée envers la gent animale, citoyens de plus en plus nombreux révoltés par les méthodes inhumaines d’une industrie implacable (certes extrêmement respectueuse des normes d’hygiène, très professionnelle quant aux techniques employées mais parfaitement inattentive, voire franchement abjecte sur le plan humain) je souhaite, Monsieur le président, que le gouvernement prenne ses responsabilités.


    Il est urgent que les conditions de transfert et d’abattage des animaux de boucherie soient réglementées selon des critères plus stricts que ceux actuellement en vigueur, dans le sens du respect de l’animal et, sinon de l’assurance de son bien être, du moins de la garantie qu’il ne sera plus exposé à des souffrances aussi inutiles qu’odieuses. Bref, assurer sa protection absolue contre les maltraitances ignobles dont il est victime depuis trop longtemps dans le contexte que j’ai évoqué. Cela, avec la certitude que l’application de ces normes « animalitaires » soit soumise à des contrôles sévères et réguliers.


    Je vous prie de croire, Monsieur le président, à ma parfaite considération.

     <o:p></o:p>

    751 - La magistrature<o:p></o:p>


    L'actualité nous montre fréquemment les aberrations de notre système judiciaire, plus particulièrement le manque de dignité, de pénétration, d'humanité de ceux qui exercent la fonction de magistrat.


    Attention, je n'affirme pas que tous les magistrats sont d'odieux imbéciles qui déshonorent la fonction. Il y a dans le corps de la magistrature un nombre important d'hommes pétris d'humanité, authentiquement justes, patients, humbles, consciencieux, soucieux d'autrui, voire magnanimes. Hélas ! Un nombre semble-t-il tout aussi important de juges incapables et vaniteux à l'esprit étriqué instruisent des dossiers graves dans lesquels la liberté d'innocents est mise en jeu...


    La première des choses que l'on est en droit d'exiger de la part d'un juge qui d'une signature peut envoyer un citoyen sous les verrous, c'est qu'il possède de grandes qualités humaines, prenne le temps d'écouter, soit capable de ressentir la souffrance de son prochain. Bref, qu'il fasse preuve d'humilité, de compassion, de scrupule. Or chez un certain nombre de théoriciens de la loi sans hauteur, purs légalistes pressés de monter en grade, les plus basses motivations les ont placés sur leur trône indu : assise sociale, éclat de la fonction, succès dans leur cercle mondain, revanche sur leur destin familial ou leur origine sociale...


    Rien que la vanité ! Sans omettre l'aspect lucratif de leur situation.


    Plus sensibles aux honneurs, à leur avancement, à leur salaire revu à la hausse qu'au sort des citoyens-pantins (parfois sans défense psychologique ou intellectuelle) broyés entre leurs mains, ces bandits sous hermine ont trouvé dans les textes de la loi de quoi se tailler une place en or dans la société.


    Une place dans l'ignominie des gens bien vêtus.


    La gloire et la gloire seule motive ces opportunistes haut placés. Orgueilleux à l'extrême, bêtes, vicieux, ces juges insolents refusent de reconnaître leurs erreurs. L'orgueil constituant leur inébranlable pilier, la soif de succès leur plus chère alliée, il leur est intolérable de regarder la vérité en face.


    La vérité qu'ils sont censés faire triompher envers et contre tout, ils préfèrent la couvrir d'un voile de pudeur professionnelle et faire éclater à la place leur révoltante bêtise.

    C'est que leur ascension sociale est incompatible avec la conscience... Ces businessmen du code civil n'ont pas de temps à perdre avec la vérité : l'iniquité est plus efficace et gratifiante pour leur carrière.


    Honte à ces magistrats coupables, mais honte également à notre système faussement égalitaire et en réalité pervers qui permet de placer des gens malfaisants aux sommets d'une institution aussi noble que la Justice !

    752 - Les mystères de l’infortune<o:p></o:p>

    J'ai remarqué que certains êtres tout au long de leur existence étaient malmenés par le sort. <o:p></o:p>

    Malchanceux-nés, ces "damnés à durée déterminée" nous offrent le spectacle navrant -et drôle pourtant- de leur vie vouée à l'échec, à la misère, à la souffrance.<o:p></o:p>

    De la naissance à la mort ces gens semblent attirer à eux les malheurs les plus divers, des plus insignifiants aux plus tragiques. Combien de ces tristes cas ai-je déjà rencontré ? Ils se ressemblent à peu près tous : abandonnés dès leurs premiers jours, élevés par l'Assistance Publique, on dirait que dès leur venue au monde ils signent un pacte avec l'Adversité à partir duquel leur vie ne sera qu'une succession de tragédies, de douleurs, d'épreuves insurmontables. Comme si l'enfer les avait désigné pour cible. <o:p></o:p>

    Quel étrange démon les poursuit ainsi ? <o:p></o:p>

    Expient-ils pour des fautes graves commises en autre autre vie ? Ou bien au contraire sont-ils les jouets innocents de forces maléfiques ? Toujours est-il que quoi qu'on fasse pour les aider, les soustraire à leur sort, inévitablement ils retombent dans leur fosse à misères, définitivement mariés au malheur. On dirait qu'ils ne sont sur terre que pour pleurer, recevoir coups et blessures, déceptions, punitions.<o:p></o:p>

    Sinistre et comique répétition de grandes et petites douleurs... Porteurs de destins maudits, proies du hasard (funeste autant que possible), ces éternelles victimes m'étonnent toujours. La foudre tombe-t-elle en un lieu ? C'est leur tête qu'elle frappera, qu'ils soient dans le désert ou dans une foule. Vous pourrez placer un paratonnerre sur leur toit -quand ils en ont un-, le feu du ciel roussira leur front. Vous aurez beau les mettre à l'abri de toutes chutes ou accidents imaginables, le sort leur en inventera des bien tordus, des bien féroces, des inattendus, des inédits... On en rit tellement c'est tragique, répétitif, anormal.<o:p></o:p>

    On se dit qu'ils doivent le mériter pour être aussi persécutés, harcelés par les événements...

    Ces gens pour moi sont un mystère. Ils traînent leur cancer incurable depuis des années -ou quelque maladie invalidante rarissime-, ne parviennent jamais à toucher leurs allocations de grands accidentés auxquelles ils ont pourtant droit (avec eux ça ne marche jamais, l'administration envers eux bloque toujours), se font cambrioler le peu de biens qu'ils possèdent, pour des raisons compliquées n'obtiennent aucun remboursement pour leur maison qui a brûlé alors qu'ils étaient dûment assurés, se font escroquer comme des naïfs par des banquiers, vont en prison pour des crimes qu'ils n'ont pas commis, en ressortent sans indemnité, trouvent encore le moyen de s'endetter avec des amendes pour mauvais stationnement alors qu'ils ne possèdent pas d'automobile (ni d'ailleurs de permis, ayant échoué à toutes les épreuves et examens, quand ils ont eu l'occasion de tenter leur "chance") vu qu'ils marchent avec des béquilles depuis des lustres... Etc. Etc...
    <o:p></o:p>

    L'accumulation de toutes ces calamités paradoxalement leur donne une force spirituelle proportionnelle à leur infortune. Désabusés, meurtris, déchirés corps et âme mais pleins d'espoir et d'humanité, conscients de leur malédiction et cependant inébranlables dans leur foi en un monde meilleur, ces hères foncent sans frémir vers la mort avec leurs haillons, certes persuadés de rendre l'âme dans d'affreux râles d'agonie, leur centième et dernier malheur, mais heureux de quitter cette terre de misères pour un Ciel cent fois mérité.<o:p></o:p>

    753 - Le poison de la publicité<o:p></o:p>

    La publicité omniprésente dans notre société d'opulence prend des formes de plus en plus vulgaires…<o:p></o:p>

    Agressive, lourde, laide, elle viole les esprits les plus faibles. Autant dire la majorité des citoyens. A travers les spots télévisés et les affiches publiques, les "héros" mis en scène censés incarner le consommateur moyen sont en fait les parfaits archétypes de ce qu'on pourrait appeler les minables, les pauvres types, les abrutis. Qui s'en rend compte ? Certainement pas les intéressés... <o:p></o:p>

    Le consommateur de base s'identifie ainsi à ces modèles d'inepties, heureux d'être "reconnu" dans sa misère, son insignifiance, son vide. La publicité édifie des autels à sa bêtise, glorifie sa docilité, cultive sa stérile avidité, flatte son goût pour la médiocrité. L'âne bipède, enivré par ces carottes agitées sous son nez ne songe plus qu'à se vautrer dans l'ornière.<o:p></o:p>

    Authentique pornographie culturelle, véritable obscénité esthétique, les boîtes de conserve, les aliments pour chiens et les paquets de lessives s'étalent en gros plans, impudiques, aux coins de nos rues, sur nos frontons, jusqu'au fond de nos consciences.

    Les minus affectionnent la bassesse. Ils appellent "liberté d'expression" les oeuvres insanes de ces odieux publicistes. Dans leur paresse intellectuelle savamment entretenue par ces publicistes qui les manipulent de la naissance à la mort, ils confondent la tolérance avec la criminelle bêtise consistant à accepter cette atteinte à la beauté, à l'intelligence, à la noblesse que représente la publicité... Les fabricants de rêves frelatés leur proposent de la bouillie pour bébés jusqu'aux services mortuaires, et entre les deux ils les font bêler au maximum de manière à pouvoir les gaver de bagnoles, de saucissons, de pots de fleurs...
    <o:p></o:p>

    "Braillez, chiez, mourez, on vous fournira les couches-culottes, le torchecul, le cercueil. Payez, on s'occupe de tout !", tel est le message de la publicité.<o:p></o:p>

    Aux minables la publicité propose vraiment tout et n'importe quoi pour les accompagner tout au long de leur existence : le réceptacle à excréments pour leurs bambins, la charcuterie pur porc qui les rendra heureux jusqu'au fond de leurs artères, le papier-toilette ultra-absorbant pour rafraîchir tout anus digne de ce nom...

    Et pour finir en beauté, les publicistes proposent même du marbre bon marché pour le jour où ces crétins de vivants sortiront du circuit des consommateurs !
    <o:p></o:p>

    Et tout cela en gros plans sur les affiches géantes.<o:p></o:p>

    La publicité est décidément la pire arme de destruction massive de l'intelligence.<o:p></o:p>

    754 – Le talent<o:p></o:p>

    Le talent est peu de chose. Le talent est mince. Le talent est étouffant. C'est un bois sec : il se casse, on le brûle, il s'évapore.<o:p></o:p>

    Le talent est une fumée qui sort des cheminées à mirages, un souffle bref qui fait siffler les moulins à vent, une vapeur qui fait résonner les violons creux, une bagatelle qui fait chanter les imbéciles, un costume amidonné qui fait braire l'Académie.

    La tare se distingue avantageusement du talent par son caractère universel, sage, serein. Humble, accessible, répandue, la tare est un air rafraîchissant qui met tout le monde d'accord. Si tare et talent élisent leurs sujets à la naissance, à l'heure de la mort seule la tare n'oublie personne en se rappelant à tous les autres, tarés et talentueux. Le talent est fait pour certains vivants et la tare pour tous les morts car enfin gésir c'est non seulement être définitivement privé de talent, mais encore plein de tares étant donné que nul n'a jamais vu un poète talentueux continuer à chanter une fois trépassé.... Dans les cimetières la parole est aux muets, par définition tarés.
    <o:p></o:p>

    Le talent est royal, traître, passager. La tare est républicaine, honnête, durable.<o:p></o:p>

    Le talent est funeste, la tare salutaire. L'un est un venin, l'autre une eau claire. Le premier prend racine chez la corneille, la seconde est issue de la foule des menus moineaux. Le talent jaillit comme une fontaine, c'est un monstre haut-perché enchaîné à ses bois hautains et qui croasse entre ses propres branches tout en s'attardant dans les ténébreuses profondeurs où plongent ses orteils, les plumes engluées dans du fromage qui pue... Tandis que la tare est telle une délicieuse tarte à la crème reçue en pleine poire. Le talent est une prison étroite de pierres où court et croît sur les murs le mot "LIERRE" qui à force de grandir devient molle liane autour de laquelle le plus rusé des renards finit par se prendre la queue, alors que la tare est une volière sans mesure où s'ébattent les oiseaux heureux de lustrer leurs courtes ailes.<o:p></o:p>

    Le talent est bourré d'artifices, la tare riche de sa graisse.<o:p></o:p>

    Le talent fait cligner les étoiles, alors que la tare ouvre les yeux aux hommes.<o:p></o:p>

    755 - Le discours autour de l'art<o:p></o:p>


    Le discours sur l'Art est en grande partie composé d'approximations oiseuses. De prétendues références historiques. De considérations générales ou au contraire extrêmement pointues. Bref, un ramdam érudit parfaitement arbitraire mais authentiquement verbeux plus ou moins consciemment fait pour impressionner le profane et suggérer une initiation au vaniteux.
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Moi-même je me suis essayé à maintes reprises aux discours traitant de l'art. Textes aux apparences sérieuses faits de doctes allusions, construits sur de savantes fumées, tissés de phrases creuses tonnant comme des mirages pleins d'autorité conventionnelle, voire avant-gardiste... On l'aura compris, ce genre n'est qu'imposture. Le plus fort, c'est que ça marche !<o:p></o:p>


    Nul ne comprend rien ou presque, tous acquiescent. Personne au fond de lui-même n'est d'accord avec le critique d'art, et pourtant même l'esprit le plus indépendant adhère. C'est que dans le domaine de l'Art officiel le poids de l'autorité des "initiés" est si grand, l'impact psychologique de l'artifice verbal si puissant qu'ils annihilent tout esprit critique.
    <o:p></o:p>


    On a applaudi à mes textes sur l'Art, ce n'était pourtant que de purs exercices de style à la "Christie's". Il suffit de lire les brochures distribuées dans les galeries d'Art pour se rendre compte de la grande farce académique que constitue la critique d'Art. Personne n'ose contredire ces solennelles âneries écrites autour de la plupart des oeuvres d'art. Il y a beaucoup de vent dans la critique d'Art, peu de propos réellement pertinent, et c'est d'ailleurs ainsi que le système fonctionne : une bonne dose d'imposture (faite d'hypocrisie culturelle, d'effets linguistiques brillants et d'artifices phraséologiques recherchés) est nécessaire à l'élaboration du mythe des oeuvres d'art.
    <o:p></o:p>


    Certaines oeuvres d'art parmi les plus vides doivent d'ailleurs leur célébrité à tous les discours creux inventés pour leur servir de projecteurs. Discours longs, denses, difficiles d'accès émis par d'éminents clowns diplômés des grandes écoles des Beaux-Arts. Le vent est la composante la plus importante dans le domaine de l'Art. L'on s'extasie sur des pots de chambre, sur des toiles couvertes d'un blanc uniforme, sur des tableaux peints avec de l'excrément, sur des sculptures prétendument abstraites et qui en fait représentent le vide difforme et monstrueusement boursouflé de leurs auteurs...
    <o:p></o:p>


    Qui aujourd'hui est encore capable de se dresser contre ces statues de sable qui éblouissent autant les imbéciles que les esthètes ?
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    756 - Les mâles honnêtes<o:p></o:p>

    Le NET est le terrain d'action privilégié des marchands d'illusions et d'amour frelaté pour mâles esseulés de tous horizons. Ainsi l'imbécillité de ces hères en quête de femelles stéréotypées est largement exploitée par les profiteurs en ligne très bien organisés. Ces derniers, sans la coupable et active complicité de tous les mâles crédules de la toile à qui ils s'adressent, ne pourraient pas prospérer comme ils le font. La sottise des hommes excités en quête "d'amour" est bien évidemment la clé du succès de tous ces vendeurs de mirages.

    Comment un homme normal, raisonnable, sensé peut-il devenir subitement crétin au point de s'inscrire -moyennant finance- chez MEETIC et autres sites de rencontres du même genre ? Soit-dit en passant, sites dit "génériques" formatés à l'image de TF1 dans le but de ratisser large.

    Dans la rue des panneaux publicitaires vantent les mérites de MEETIC en montrant la photo d'une femelle (très sûre d'elle et semblant sortir tout droit d'un concours de mannequinat) censée tomber potentiellement dans les bras de ces mâles insignifiants qui s'inscriront sur le site...

    Des ficelles aussi énormes parviennent donc à tromper des gens à priori structurés, à duper des êtres pensants, à anéantir le sens critique de citoyens responsables ?

    Des hommes sans imagination sont ainsi persuadés que grâce à MEETIC leur petite personnalité, leurs aspirations minables, leur calvitie fièrement assumée, leur paresse cérébrale, leur misère sexuelle et leur indigence amoureuse intéresseront des jeunes femmes de grande classe, exigeantes et superbes... Et ils s'inscrivent. Et ils payent.

    Et ils trouvent cela normal.

    Les seuls vrais gagnants sont les responsables de ces célèbres et honorables sites de rencontres ayant "pignon sur WEB" comme MEETIC, la référence en matière d'exploitation de la bêtise du mâle moyen.

    En s'adressant à des mâles communs, au tout venant du sexe fort, à des hommes de la rue gavés de stéréotypes sur la relation amoureuse, à la réflexion sommaire et peu exigeants quant à la manière de se faire séduire par les publicistes, enclins à se faire plumer pourvu que cela se fasse avec le soutien de grands panneaux publicitaires très officiels, publics, reconnus, ces nouveaux entremetteurs industriels -véritables brasseurs de masses et de vent- ont trouvé un filon à grande échelle, LE filon inépuisable par excellence : la bêtise masculine.
    <o:p></o:p>

    757 - Le baiser de la lune<o:p></o:p>

    La lune me tira du lit. <o:p></o:p>

    Dans mon sommeil agité, je ne cessai de lui jeter des regards troubles. Il fallait bien que je succombe... C'était l'été, je fus bientôt sous les étoiles en pleine campagne, ahuri. Je m'égarai vers la sylve. Quelque volatile de nuit frôla ma tempe, mais je ne vis rien dans la nue. Rêveur, j'imaginai alors la caresse triste de Séléné sur mon front. Tout en songeant de la sorte, j'errais vers les bois. Autour de moi, un grand silence. Et moi, hagard, hanté par une présence astrale irradiante, douce et vénéneuse, je cheminais le regard divaguant entre sol et zénith, le pas alangui.<o:p></o:p>

    Étendant dans les airs son grand voile d'éther, le spectre semblait projeter sur le monde ses songes silencieux et blafards. L'ordre cosmique s'ébranla dans ma raison ensorcelée par l'astre : je me demandai si je ne faisais pas partie des fantasmes sidéraux imaginés par ce globe luisant... Dans mon demi sommeil je le crus un instant. Tel une silhouette née des rêves de la lune, un pantin d'ombre et de nuée issu de ce crâne argenté errant au firmament, j'eus l'impression d'appartenir à cette tête pâle glissant dans l'empyrée... <o:p></o:p>

    Puis, dans un grand vertige où je vis tournoyer les constellations, je perdis connaissance. Ou plutôt je m'endormis d'un sommeil brutal et étrange. Je me réveillai avant l'aube, frissonnant parmi les herbes imprégnées de rosée. <o:p></o:p>

    Machinalement je passai la main sur mon front engourdi. J'eus la sensation d'y essuyer un sang funeste ou quelque écume mystérieuse. Retournant ma main d'un geste fébrile, je vérifiai.<o:p></o:p>

    Une cendre dorée fit luire ma paume, furtivement, avant de se désagréger quasi instantanément en des milliers de particules étincelantes.<o:p></o:p>

    758 - Le journalisme sans envergure<o:p></o:p>

    Le paradoxe de la caméra médiatique consiste à mettre un cache imbécile sur l'objectif, à consciencieusement dissimuler ce qu'elle est censée montrer.<o:p></o:p>

    Ainsi à la télévision cette pratique réglementaire, quasi systématique du floutage des enfants, des marques, des témoins et même de certains passants est révélatrice de l'état de total abrutissement de notre société incapable d'assumer la diffusion des différents visages de la vérité. <o:p></o:p>

    Ou du mensonge.<o:p></o:p>

    La mollesse des journalistes, l'inanité de leur prétendue étique, leurs minables concessions à des causes bassement mercantiles, leur frilosité, leur lâcheté confèrent à leur corporation une envergure guignolesque absolument méprisable.<o:p></o:p>

    Ainsi dans le moindre reportage télévisé pour justifier le floutage de la célèbre bouteille de soda à base de coca nommée COCA-COLA, ces vendus parlent de morale, de respect dû à l'entreprise multinationale qui fabrique cette merde liquide... Ils invoquent le respect de la loi relative à l'interdiction de la mention publique des marques pour justifier leurs odieux -et inutiles- floutages, ils osent même parler de déontologie professionnelle dans le fait de ne pas citer nommément le Coca-Cola ! Comment voulez-vous dénoncer -voire encenser- quand vous vous imposez le devoir de ne pas nommer ? Un journaliste n'est-il pas payé justement pour tenir ce rôle ? Si le journaliste s'interdit de dire ce qu'il pense, à quoi peut-il bien servir ? Si sous couvert de morale professionnelle il se croit obligé de faire le jeu de ceux dont il est censé ne subir aucune influence ni pression, où est son indépendance ? Ainsi de nos jours les marques, les juges, l'air du temps dictent au journaliste ce qu'il doit ou ne doit pas écrire, montrer, citer.<o:p></o:p>

    Insidieusement, à force de faire preuve de scrupules envers les entreprises connues pour leur réussite commerciale, célèbres pour leur logo ou leur puissance, et ceci grâce aux lois relatives à la protection de l'image des marques et à la pratique des journalistes relayant cette iniquité, les marques semblent jouir de plus de respect médiatique, de protections légales que les êtres humains. Sur le plan juridique il sera en effet plus périlleux pour un journaliste de salir l'image d'une grande marque de boisson ou de lessive que de s'en prendre à un individu anonyme ! Ce qui est révélateur de la déférence médiatique éhontée faite aux marques et prouve que les journalistes de nos jours se sont prostitués à l'éthique du marché imposée par les grand manitous du matérialisme occidental (qui va jusqu'à investir le code pénal), qu'ils se sont laissés acheter par les mirages dominants du siècle.<o:p></o:p>

    Ces journalistes à la solde des puissants ne citent aucune marque, comme si les dépositaires de ces marques n'avaient pas les moyens de se défendre d'eux-mêmes... La critique médiatique des marques est interdite en France. Mais si un produit est de qualité, la marque ne devrait-elle pas pouvoir se défendre d'elle-même sans autre réponse que le produit en lui-même, et ainsi voir la critique s'effondrer face à la "vérité" du produit ? Cela tombe sous le sens. Mais non, les grandes marques non contentes d'asseoir leur pouvoir quasi subliminal dans les esprits faibles ont encore besoin d'une protection juridique sévère ainsi que de la complicité des journalistes pour renforcer leur statut de tyrans industriels.<o:p></o:p>

    Les journalistes sont de moins en moins des inquisiteurs, des questionneurs impertinents et de plus en plus des publicistes, des protecteurs d'intérêts économiques. Au moins par omission : la marque n'est pas critiquée, pas citée, à peine suggérée, jamais montrée en images, ce qui contribue à la sacraliser encore un peu plus. Ce sont également des poules mouillées : le coupable qu'il faudrait montrer est au contraire protégé par leur "silence déontologique", le notable s'il est suspecté de quelque faute mineure est évoqué en biais, avec prudence, le magistrat chez eux ne s'affronte que par textes de lois interposés, jamais directement dans leurs lignes ou à travers leur objectif. <o:p></o:p>

    Dans ce contexte un journaliste est par définition un poltron, un menteur, un complice de l'immoralité, un esprit sous le joug des valeurs mercantiles.<o:p></o:p>

    Bref, un "flouteur" de vérités.<o:p></o:p>

    759 - Vue sur les étoiles<o:p></o:p>

    Je contemplais depuis des heures le ciel étoilé de septembre, étendu dans un près en quelque lieu reculé de la campagne sarthoise. La nuit était sereine, la brise douce.

    Je m'endormis sous le firmament.
    <o:p></o:p>

    Je fis un rêve dans ce champ d'herbe. Un rêve mystérieux et pénétrant, puissant et profond. Un songe à la fois étrange et réel, un mirage comme une vision. Une sorte de fantasmagorie faisant naître en moi des sensations étrangères et familières où je vis ce qui se trame dans les profondeurs des galaxies, ce qui s'y passe à l'échelle humaine... Comme si le temps d'un somme j'avais eu dans la tête les pensées du dieu Jupiter ou que des flammes divines avaient éclairé subitement le ciel devant moi. Bref, ma conscience s'ouvrit sur le cosmos, sonda les espaces infinis pour aller observer jusqu'au moindre insecte, jusqu'au plus petit grain de sable, jusqu'à la plus quelconque peuplade d'hommes vivant là-bas sur des planètes aux confins de l'espace... Par quel prodige eus-je accès au grand théâtre sidéral ? Peu importe. Toujours est-il que là, endormi par une nuit de septembre en pleine campagne, je vis couler au-dessus de moi l'incommensurable fleuve cosmique. Composé d'une infinité d'étoiles, ce flot que l'on nomme Univers charriant la vie à gros bouillons, sans fin, sous des millions de formes, je l'ai rêvé. <o:p></o:p>

    Et ce songe était palpable. <o:p></o:p>

    Voilà ce que je vis :<o:p></o:p>

    Des humanités par milliards peuplant l'Univers, des mondes minuscules ou gigantesques, certains aussi isolés dans l'espace qu'une coquille de noix en pleine mer, d'autres rassemblés en bouquets formés de millions d'étoiles. Partout, des peuples, des civilisations, des océans humains. Des races d'hommes variées, étonnantes, magnifiques, laides, effilées, trapues... De la vie même là où c'est inimaginable, des espèces animales par milliards répandues à travers autant de mondes. Ces mondes multipliés eux-mêmes par cent milliards : autant qu'il y a de galaxies, abritant chacune cent milliards d'autres formes de créatures ! Des contrées grandes comme des planètes et des planètes aussi vastes que des petits soleils. Il n'est pas rare que mille Chine puissent ne former qu'une province d'une partie plus étendue encore. Deux-cent milliards d'individus s'agitent sur certains globes. Dix milliards de sosies parfaits vivront et mourront simultanément sans jamais soupçonner que leurs doubles pussent exister à dix milliards d'exemplaires, dispersés à travers l'océan sidéral.... Moi, je les ai vus. <o:p></o:p>

    J'ai vu bien des choses encore : des empires paisibles de plus de 100 000 ans, des bâtiments étranges, des grandes villes silencieuses et mystérieuses, habitées par quelques personnes seulement. Et sur cet autre monde, qu'étaient ces déserts semés de cubes de verre oranges hauts comme des maisons ? Des cités endormies ou des champs de batteries solaires ? Ailleurs, par millions des habitants primitifs sortaient de leurs forêts et s'alignaient pour former des signes magiques. Il y avait des processions de toutes sortes, sur beaucoup de mondes très différents les uns des autres. On brandissait des espèces de noix géantes en pleurant dans les rues tortueuses d'une cité sombre sur tel monde. Sur un autre des voix à l'unisson scandaient des mots aigus le long d'une route étroite (cette route était creuse et faites d'un assemblage de plusieurs bandes de couleurs différentes) tout en faisant jaillir de la fumée bicolore dans lesquelles se formaient des images de paysages (des genres d'hologrammes ?) à partir de cônes géants translucides posés sur leur tête... Qu'était-ce donc ? Une manifestation de revendications sociales, des opposants politiques, des réjouissances profanes, des ingénieurs établissant des mesures lors de travaux publics ? Il m'a été permis de voir, non de comprendre.<o:p></o:p>

    Ailleurs il y avait un homme qui marchait dans une prairie vêtu d'une multitude de cercles -d'un rouge vif- très minces superposés, comme suspendus en l'air par je ne sais quel effet magnétique tout en épousant sa silhouette et ses membres (un peu comme le bonhomme Michelin). Ces cercles tournaient sur eux-mêmes lentement tout en flottant autour du corps de l'homme qui marchait. Je me dis : voilà une espèce de farfelu qui, comme chez nous, entreprend quelque exploit courageux et inutile. A l'image de nos "traverseurs" d'océans à la rame, de ces sauteurs de tours en parachute, de ces excentriques allant se perdre volontairement dans le désert munis de casques à pointe ou de ces funambules habillés en clown qui font du vélo en équilibre sur une corde suspendue au-dessus de quelconques chutes d'eau... A moins qu'il ne s'agît d'un citoyen banal d'une république utopiste ou d'un royaume complexe en train de vaquer à des occupations fort ordinaires échappant à mon regard profane... Comment aurais-je pu interpréter avec justesse ce que je voyais ? Des gouffres psychologiques, des abîmes philosophiques me séparaient de ces mondes. Je me contentais d'observer, émerveillé, étonné, amusé.<o:p></o:p>

    J'ai pu voir mille autres choses que je suis incapable de nommer, des merveilles impossible à relater, des phénomènes que je percevais comme extraordinaires et qui semblaient naturels à des milliards d'individus...<o:p></o:p>

    Lorsque je me réveillai l'herbe était humide, les constellations avaient changé de place. La vision avait duré deux heures... Je sais intimement que ce songe n'était point un mirage mais un voyage fulgurant vers des mondes disséminés à travers le cosmos, un voyage qu'il m'a été permis d'effectuer comme une grâce, emporté par les ailes de Séléné. <o:p></o:p>

    +++++++

    PRECISION DE L'AUTEUR
    <o:p></o:p>

    A ceux qui à travers ce texte me reprocheront de m'égarer sur les sentiers d'une imagination à leurs yeux peu réaliste :<o:p></o:p>

    Ne serait-ce pas plutôt le manque d'imagination qui paralyse les petits esprits et les empêche de projeter leurs pensées plus haut que leur friteuse électrique, plus loin que leur programme télévisé du samedi soir ? La réalité dépasse de toute façon tout ce que l'on peut imaginer et ce dans tous les domaines, la preuve à chaque instant sous nos yeux que ce soit à travers le mystère mille milliards de fois reproduits du brin d'herbe, du moucheron, à travers l'incroyable complexité du cerveau humain ou bien tout humblement à travers les atomes de l'air qui nous entourent... Tout procède d'une imagination infiniment plus fertile, plus folle que la simple imagination humaine qui elle ne prend qu'une infime mesure de la réalité des choses.<o:p></o:p>


    Qu'aurait donc pensé un laboureur du Moyen-Âge s'il lui avait été donné de voir son descendant taper sur un ordinateur dans son exploitation agricole ? Il aurait dit :
    <o:p></o:p>

    - J'ai vu un paysan s'entretenir avec un carré plein de lumière et le carré lui répondait avec des signes magiques qui apparaissaient, disparaissaient. Puis naissaient des images fulgurantes qui s'agrandissaient, rétrécissaient... Et même des bruits étranges sortaient du carré lumineux. Ensuite le paysan est sorti de sa maison et un énorme animal de fer l'a avalé. Et je vis l'homme dans la tête du monstre qui rugissait, il se maintenait accroché à une roue derrière les yeux du dragon, il était vivant mais ne bougeait pas, tournant juste la roue devant lui, et la créature avançait pour emporter sa proie jusque dans un immense champ de blé dans un grondement de tonnerre.... Un oeil orange clignait au-dessus du démon d'acier et cet oeil éclairait le champ de blé comme une torche qui s'allumait et s'éteignait cent fois par minute !<o:p></o:p>

    Le paysan du Moyen-Âge viendrait juste de décrire avec ses yeux médiévaux un paysan contemporain faire ses comptes sur son ordinateur avant de monter sur sa moissonneuse-batteuse surmontée d'un gyrophare. Un fait qui nous semble à nous parfaitement banal peut être observé avec effarement, incrédulité par un témoin d'une autre époque ou d'une différente mentalité.<o:p></o:p>

    Je ne fais rien d'autre à travers mon "rapport de voyage" à travers les étoiles : je raconte avec mes mots de terrien du XXième siècle ce que j'y ai vu. Je n'ai pas affirmé que je comprenais ce que je voyais, je n'ai fait que raconter ce que j'ai perçu du haut de mon esprit non initié, de la même manière qu'un citoyen de la Rome antique raconterait à ses contemporains le métropolitain de TOKYO du XXIème siècle ou notre aviation de transport de masse...<o:p></o:p>

    Soyez persuadés que des habitants d'autres planètes observant certains de nos comportements seraient aussi incrédules que vous face à ce que je rapporte de mon voyage onirique. Marco Polo racontant certaines scènes orientales n'avait pas été cru de ses contemporains qui l'accusaient d'affabulation (même si certains historiens prétendent qu'il ne fit jamais son voyage en Chine).<o:p></o:p>

    On pourrait ainsi multiplier les exemples.<o:p></o:p>

    Ce n'est pas parce que je raconte des faits avec mes mots que ces faits n'existent pas. Qu'on me laisse au moins la liberté de proposer à mes lecteurs l'évocation de ces autres mondes. Libre à eux de ne pas y porter crédit, de restreindre leur vue à leurs clochers, leur LOTO, leurs vacances en Normandie et leurs croquettes pour chiens<o:p></o:p>

    760 - Le cirque<o:p></o:p>


    Novembre 1880, juste avant la tombée du jour.
    <o:p></o:p>


    Le petit cirque s'installe dans un pauvre village du nord de la France. Avec la pluie, le convoi s'est embourbé aux abords de la commune. Et, arrivés sur la place, hommes et bêtes -fatigués- doivent encore patauger dans une terre trempée. Sur la carriole une affiche crasseuse annonce les "numéros incroyables" et autres "tours de magicien".

    Prodiges misérables qui éblouiront les ignares de ces lieux...
    <o:p></o:p>


    La venue des forains a déjà attiré laboureurs, enfants et commères. La pluie est glaciale, l'ambiance solennelle : tous observent ces "troubadours" aux têtes sinistres censés divertir les villageois, crottés eux aussi... Le glas n'en finit pas de se lamenter : une âme dans le village s'est éteinte vers la fin de l'après-midi. Mais le cirque est l'évènement exceptionnel du bourg, plus rare que la mort. Même le curé s'en émeut. Pensez : un cirque au village !
    <o:p></o:p>


    Après le souper les habitants, fébriles, s'agglutinent autour de la charrette des forains. La pluie s'est mêlée de neige fondue. Les plus pauvres n'ont pas eu droit aux places sous la bâche rapiécée. Qu'importe.
    <o:p></o:p>


    Que le spectacle commence !
    <o:p></o:p>


    Contre quelques sous on y voit une chèvre savante et famélique trembler de terreur sous la baguette d'un clown ombrageux à faire peur. Devant trente paires d'yeux écarquillés on sort un singe récalcitrant de sa cage pouilleuse pour une exhibition des plus exotiques. Le clou du spectacle. Quelques coups de bâton lui font réintégrer sa prison puante sans trop d'histoire. Un trompettiste lugubre joue un air connu des campagnes. La démonstration sonore fait pleurer deux ou trois enfants impressionnables. Un jongleur vêtu de haillons raconte des vieilles blagues. Personne ne rit vraiment mais tout le monde est fasciné par les trois balles passant d'une main à l'autre dans un "tourbillon céleste effarant" ! Une jeune enfant chante l'hymne patriotique, le regard triste, le ton blasé. Lorsque, la lèvre marquée par l'habitude de la chique, la mine crapuleuse, l'équilibriste se lance sur la corde tendue pour y gesticuler avec fausse maladresse, il répand sur l'assistance une odeur aigre de vinasse. La soirée s'achève sur un tour de passe-passe anodin exécuté par un magicien à l'air patibulaire. Tour raté d'ailleurs.
    <o:p></o:p>


    Le troupeau d'illettrés s'en retourne à ses masures, les sabots boueux, les têtes pleines de sons inconnus et de lumières inédites.
    <o:p></o:p>


    Le lendemain, sous de grosses flaques éclaboussant les bas de pantalons, la troupe d'artistes repart émerveiller d'autres villageois, là-bas au loin à trois kilomètres d'ici.
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    761 - La déchéance du beau sexe


    De nos jours la femme occidentale a beaucoup perdu les qualités de sa nature.


    Sous prétexte d'indépendance, de libération, et même de liberté tout court, elle a succombé aux moeurs infâmes du siècle.
    <o:p></o:p>


    Sous le règne actuel de la "femelle vulgaire" les bassesses d'hier sont devenues normes. Ainsi ce qu'elle appelle "force de caractère" ou "fierté de femme" n'est en vérité qu'odieuse licence consistant à cracher son fiel en direction des gentlemen, à hausser le ton devant la mâle autorité, affichant sans rougir sa détestable éducation...

    <o:p></o:p>

    Impertinente, impolie, immodeste et dévoyée, elle injurie, outrage, blasphème à la moindre contrariété. D'un geste ou d'un mot, elle signe sa définitive déchéance. Ayant perdu le sens du commerce galant, elle foule de ses talons hauts toute bienséance, n'hésitant pas à publiquement user des termes les plus vils pour qualifier plus beau, plus noble, plus honorable qu'elle. Qu'un bel esprit accorde sa charmante attention à l'une de ces femmes en termes chastes et choisis, pour peu que la chose lui semble incompréhensiblement surannée et lui fasse l'impression d'une délicatesse étrangère à ses us, elle répondra au compliment par l'offense la plus crue. <o:p></o:p>


    Un baise-main ? Une formule exquisément courtoise ? Un geste de raffinement ? Une allusion à ses charmes galamment codifiée ? Elle réagira avec la brutalité d'une femme ayant perdu toute décence. Dans les circonstances ordinaires de la vie (métro, rue, établissements d'agrément, lieux de proximités), certaines se permettent même de tutoyer directement leur interlocuteur sous prétexte d'incompatibilité sociale, culturelle, vestimentaire ou d'humeur. Ou tout simplement par pur relâchement.

    <o:p></o:p>

    Et même, comble du comble, de s'octroyer le droit de l'insulter !<o:p></o:p>


    La plupart des femmes occidentales aujourd'hui n'ont plus de tenue. Déplaisantes, provocantes, agressives, en accédant à l'argent, au pouvoir, à l'invincibilité, elles ont perdu cette fragilité qui faisait leur gloire, jadis.
    <o:p></o:p>


    Les femmes de classe sont de plus de plus rares. Celles qui au milieu de cette plèbe ont su garder intacts les codes de la séduction et des relations humaines traditionnellement en usage dans le monde -et même plus simplement les codes de la courtoisie élémentaire- n'en sont que plus estimables aux yeux des beaux esprits.
    <o:p></o:p>


    Au contraire des femmes asiatiques et des femmes nord-africaines qui sous le poids de leur culture ont su rester décentes, polies, soumises, respectueuses, aimables, les femmes européennes ayant rompu les liens de la grâce sont de plus en plus haïssables, viles et vulgaires.
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    762 - Les Beaux Assassins<o:p></o:p>


    Bien sûr ils sont beaucoup plus intelligents que les autres. Nécessairement.


    Fortunés, instruits, bottés, coiffés de leurs parures de chefs et bien à l'abri dans leurs salons feutrés en train de déguster thé et biscuits fins, ils devisent avec science et gravité sur la situation, causant économie martiale, tactique et stratégie. Marcel Constantin dans son trou à Verdun vient de recevoir un éclat d'obus à la face. Son corps patauge dans la boue. Le sang de ce qui est à présent un cadavre chaud fait des bulles rouges sur la terre mouillée. Le thé de ces beaux messieurs à cent lieues de là est trop chaud. Léger mouvement de moustaches.


    Il y a là le ministre de la guerre, deux ou trois généraux, un grand industriel automobile recyclé dans l'artillerie lourde, quelques personnages importants joliment costumés de cuir et de soie. Marcel est exsangue. Peu importe, il est mort. Son visage mutilé qui fait face au ciel est vite recouvert par une épaisse couche de terre déplacée par un obus ennemi. L'industriel est préoccupé... Le ministre de la guerre exige des garanties de livraison, par conséquent il lui faudra restructurer tout son système de production. Pas simple. La signature est retardée. Il faut trouver un accord rapidement. Le thé est un peu moins chaud, les moustaches se relèvent. Tout s'arrangera bien... Entre gens éduqués, intelligents et bien vêtus, tout s'arrange toujours. D'un sourire courtois on conclut un accord tacite, de principe. La signature se fera le jour-même. De Marcel Constantin il ne reste plus grand-chose. Enfoui dans la terre, enseveli sous le fer et le Mal, on ne retrouvera plus rien de lui, il fait déjà partie de ces milliers de disparus de la Grande Guerre, pulvérisés, détruits, broyés, effacés de la surface du globe par la mitraille et dont pas un seul ossement ne témoignera de leur existence sur cette terre. A cet instant tout est fini pour Marcel. En haut lieu, à cet instant, à cet instant-là, à cette même minute où Marcel vient d'avaler sa dose de boue par la gorge, les orbites, les oreilles et le cul, on ressert du thé aux grands décideurs de ce monde aux moustaches décidément bien frétillantes.


    Ils sont beaux, ils sont aimables, ils sont respectables ces personnages importants à la tête des affaires de l'État, de l'industrie, de l'économie... Marcel quelque part sous la boue de Verdun ne les connaissait pas, tous ces beaux messieurs pleins de hauteur et de gravité. C'est normal puisqu'ils sont plus intelligents, plus fortunés, plus instruits et mieux placés que lui.


    Eux sous les lambris de la République courroucée contre le Boche, lui dans sa fosse à charognes de Verdun.


    763 - L'écologie en question
    <o:p></o:p>


    Après avoir vu à la télévision une intervention argumentée d'un fervent représentant de la cause écologique, Nicolas Hulot, qui dans son discours général particulièrement hystérique prétend que si nous ne changeons rien nous courons à la catastrophe planétaire, de saines, sages, sereines réflexions ont fusé de ma cervelle impartiale. Dans mon esprit clair, critique, apte à la réflexion et pas encore contaminé par l'exaltation collective, des éclatantes évidences se sont opposées aux obscures, approximatives constructions intellectuelles de Nicolas Hulot.


    Je commence à me demander si le problème de la pollution de la planète ne serait finalement pas une vaste chimère, une énorme psychose mondiale, un fantasme planétaire comme il y eut en d'autres époques des fantasmes cosmiques (par exemple avec les passages de comètes), religieux, astrologiques, magiques, ainsi que moult autres terreurs irrationnelles... Bref, une pollution universelle des esprits par des fumées médiatico-scientifico-politiques.


    L'obsession écologique me semble avoir des point communs avec certains mythes obscurantistes. Hier les sorcières, aujourd'hui la pollution.


    Que dit l'adepte de la verdure à tout prix ?


    Que nos rivières polluées vont répandre mort, maladie, désastre, que nos pots d'échappement vont provoquer des raz-de-marées, faire fondre la banquise, empoisonner l'atmosphère, que nos activités économiques vont déclencher des cataclysmes, faire gronder le ciel, la terre et encore ébranler les océans...


    Et pourquoi pas déclencher l'écroulement des montagnes, faire pâlir le soleil, éteindre -ou raviver- les volcans, provoquer la chute des étoiles ? Soyons sérieux. Cessons d'adhérer à la sottise ambiante, redevenons sensés.

     <o:p></o:p>

    Les rivières françaises sont polluées, je ne le nie pas. Et alors ? Cela fait belle lurette que nous ne mangeons plus de poissons péchés dans les rivières ! Il y a les piscicultures pour satisfaire nos exigences : des truites toujours bien dodues, saines, disponibles à profusion. Dieu merci, l'homme civilisé a su depuis longtemps imiter et même améliorer les bienfaits de la nature. Il n'a pas attendu que les rivières soient polluées pour produire des fruits de la nature encore plus savoureux que la nature jamais ne le fera elle-même... Par conséquent je ne vois pas en quoi la pollution de nos rivières est si catastrophique. Certes cela n'est guère réjouissant et même assez ennuyeux que nos rivières soient ainsi polluées. Je l'admets. Et j'aimerais mieux qu'elles ne le soient point, cela s'entend. Mais c'est ainsi, nos rivières sont polluées et ce n'est pas une raison pour ajouter à cette pollution chimique une inutile bêtise à notre réflexion.


    Le problème de la pollution des rivières n'est de toute façon pas si grave qu'on le prétend puisque la blessure que nous avons infligé à la nature s'est tout naturellement accompagnée de son remède. En effet, nos usines de retraitement des eaux ne sont-elles pas nées pour contrer ces pollutions, précisément ? En ce cas où est le problème ? De quoi nous plaignons-nous ? N'avons-nous pas de l'eau pure à la sortie de ces centres de retraitements des eaux ? N'est-ce pas là un réel progrès ? Nous sommes étrangement -et de manière parfaitement stupide et irrationnelle- plus prompts à nous désoler de voir couler l'eau sale en amont de nos usines que nous réjouir à la voir jaillir, claire, en aval... Nous grossissons de façon outrancière la boue initiale tout en occultant l'onde limpide qui en naît. Et pourtant, en cela l'homme a fait bien mieux que la nature : il l'a purifiée en un temps record. Là où la nature aurait mis des années à régénérer ses eaux polluées, l'homme avec son génie a été cent fois, mille fois plus vite !

     <o:p></o:p>

    Et puis qui se baigne encore dans les rivières ? Les plages depuis presque un siècle ont remporté les suffrages des vacanciers.


    Que prétend encore l'écologiste ?


    Que nos émanations carboniques vont étouffer le globe terrestre à petit feu, le réchauffer, le vider en partie de ses hôtes, jusqu'à changer les contours des côtes par l'effet de la fonte des glaces aux pôles... Rien que cela. Depuis la création de la terre aucune éruption volcanique n'est jamais parvenue à engendrer de tels bouleversements, encore moins à éradiquer la vie sur la planète. Sérieusement, quel est l'impact de l'action de deux milliards de pots d'échappement durant cinquante ans sur une planète dont le poids et le volume de l'atmosphère sont infiniment plus consistants que ces rejets de fourmi ? Cela n'équivaut même pas -du moins je le suppose- au dixième d'une seule éruption volcanique de type Vésuve en 79 de notre ère en terme de masse de matières "polluantes" !


    Que des espèces disparaissent, en quoi cela est-il catastrophique ? Depuis la création de la terre, des millions d'espèces sont apparues, puis ont disparu. De manière parfaitement naturelle, dans l'ordre normal des choses, à l'image de tout ce qui existe dans l'univers. Des espèces animales et végétales disparaissent de nos jours sous l'action de nos activités économiques, culturelles, gastronomiques, voire politiques. Je ne vois là que minuscules événements amplifiés par la subjectivité humaine. Des étoiles disparaissent également dans notre propre galaxie et partout ailleurs sous le simple effet du temps qui passe, sous l'action des atomes, bref sous le vent du destin... Telle est la loi des choses. Les écologistes n'échapperont pas à cette loi : eux aussi disparaîtront.


    Que ce soit sous le poids de nos activités économiques ou sous les nécessités bien plus féroces encore de la nature, tout change, disparaît. Espèces, montagnes, océans, astres, systèmes galactiques, rien n'est épargné par le grand ordre naturel. Pourquoi les ours et les loups échapperaient-ils à cette loi ? Et pourquoi ne pas inclure l'action humaine dans cet ordre naturel ? L'homme avec sa réflexion, ses choix, sa volonté, son action sur la matière, les saisons, l'ordre "naturel" des choses, n'est-il pas issu de la nature lui aussi ? N'en n'est-il pas d'ailleurs le chef-d'oeuvre ? En quoi les effets de l'action humaine sur la nature seraient-ils pervers ? La disparition du loup, du choléra, de la peste ou du moustique vecteur de la malaria seraient donc des malfaisances selon la logique écologiste ? La nature ne s'occupe-t-elle pas elle-même de faire disparaître des espèces, et par milliers encore ? Certes elle le fait à l'échelle géologique. On reproche à l'homme de le faire à son échelle. Fondamentalement, je ne vois aucune différence. Ni perversion. Il est vrai que la volonté de préserver les espèces est également dans l'ordre naturel des choses humaines, fait partie de notre pensée. Je ne suis pas contre la préservation des espèces. A condition de ne pas sombrer dans la folie consistant à s'ingénier à réintroduire un corps étranger dans un système déjà bien établi. On ne met pas de loups dans une bergerie, pas plus qu'on ne lâche des ours en pleine nature ! Et pourquoi pas la réintroduction des lions à l'orée des villages africains, des tigres tueurs autour les agglomérations du Bengale ?


    Entendons-nous : je ne fais nullement l'apologie de la pollution et de la destruction de la nature. Certes j'aimerais que la pollution n'existe pas sur notre planète, que les océans soient nets, les terres propres, les eaux claires. Qui ne le souhaiterait pas ? Simplement je prétends que nous avons fait de la pollution une sorte de quête du Graal moderne, un mythe idéologique et social fou, et donc par définition irrationnel, inutile, voire dangereux.


    La pollution de la planète est réelle et ses pires effets se font sentir actuellement, je l'admets. Les effets de cette pollution planétaire sont catastrophiques, il est vrai. Mais dans les têtes.


    Et rien que dans les têtes.

    764 – Les économes<o:p></o:p>

    Les deux époux s'échangent des banalités autour d'une soupe bien chaude. Une buée dense sort de leur bouche, trahissant la température glaciale de la demeure. Assis sur d'énormes sacs de bon bois de chauffage définitivement clos, ils devisent dans la maisonnée gelée, satisfaits de n'avoir pas succombé à la tentation du feu. Trop heureux de préserver leur immense stock de bois, ils mangent leur soupe, seule source de chaleur dans leur igloo. Un quart d'heure par jour, ils peuvent se réchauffer les doigts autour de leur bol vespéral, l'unique plaisir coûteux, le seul réconfort d'avares qu'ils se sont accordé. Le matin et le midi, c'est repas froids.<o:p></o:p>

    A force d'avoir économisé sur le feu des années durant en passant leurs hivers à tousser et à frissonner dans leur grotte de radins, ils ont accumulé une imposante réserve de bois. Que jamais ils ne se décident à entamer. D'hiver en hiver, ils repoussent l'échéance. Chaque année dès les premières gelées, c'est la grande question qui revient sous le toit pris par les glaces : "Va-t-on chauffer ou non ?"<o:p></o:p>

    Et chaque année, pris d'angoisse à l'idée de brûler leur bois, il se rendent à l'évidence : invariablement ils se disent que jusque là ils n'en sont pas morts, d'avoir passé l'hiver sans "gaspiller" leur précieux bois... Ils ajoutent que ce n'est pas parce que le bois de chauffage est gratuit (ils le ramassent en quantités quasi illimitée dans la forêt qui les entoure) qu'il faut le brûler pour un oui, pou un non... Avec eux tous les prétextes sont bons pour ne pas mettre des bûches dans la cuisinière. Et ça fait 34 ans que ça dure ! 34 hivers sans se chauffer.<o:p></o:p>

    En faisant durer au maximum la chaleur de la soupe autour de leurs mains, ils dissertent à l'infini sur l'opportunité de conserver leur bois. Il se disent que se serait tellement dommage, après 34 ans d'efforts, de rompre un cercle aussi vertueux... La seule idée de mourir sur un trésor de bois sec les rend chaque année un peu plus résolus.

    A chaque fois plus intransigeants que l'année précédente, ils préfèrent se serrer la ceinture, grelotter trois mois durant plutôt que commettre le sacrilège de brûler ne serait-qu'une bûche !
    <o:p></o:p>

    Pour leur soupe, du méchant, menu bois leur suffit. Et encore, ils trouvent que c'est trop.

    Courage ! se disent-ils, dans une vingtaine d'années on aura accumulé 50 ans de bois d'hiver.
    <o:p></o:p>

    Rien que l'idée d'économiser un demi siècle de bois de chauffage les galvanise. "C'est beau", se répètent-ils sans cesse pour unique justificatif à leur obsession d'économie.<o:p></o:p>

    765 – L’inégalité des sexes et des âges<o:p></o:p>

    Alors que l'homme avance en âge sans crainte, la noblesse au front, le port altier, le pas sûr, le regard sage et pénétrant, la femme que rongent les ans pénètre dans l'ombre de la vie avec des terreurs qui affligent sa face et l'enlaidissent davantage. Ses fards tardifs, loin de soigner le mal, accentuent sa décrépitude.<o:p></o:p>

    Tandis que l'homme se bonifie de décennie en décennie, la femelle qui déjà est altérée, déformée, gâtée par l'orgueil s'étiole au fil des saisons, vaincue par le temps, le simple temps qui passe. Les années sur l'homme ont des effets flatteurs, charmants, exquis. <o:p></o:p>

    Mais dégradent les dernières arrogances de la femme... Irrémédiablement. <o:p></o:p>

    L'homme avec le temps présente un miraculeux allongement et glorieux durcissement pénien, ses productions séminales s'avivent, son coeur bat avec sérénité, son esprit s'éclaircit comme un astre, ses pensées s'approfondissement tel un puits immense, il arbore une irrésistible grisaille dans les cheveux, ses sourires matures et virils ont des charmes fous qui séduisent même les tendrons. La femme du même âge au contraire devient repoussante : sa chair tombe, sa chevelure teinte est pleine d'indécence, sa face reflète la ruine.<o:p></o:p>

    Et sa bêtise s'enracine avec plus de vigueur dans les vanités déçues de sa féminilité dévastée.

    C'est la raison pour laquelle l'on voit toujours des jeunes créatures aux bras de vieux messieurs galants et jamais d'éphèbe courir après des vieillardes, sauf si elles sont fortunées, bien entendu.
    <o:p></o:p>

    766 - Neige de minuit<o:p></o:p>


    CONTE DE NOËL
    <o:p></o:p>


    En cette fin de journée du 24 décembre je quittai mon refuge de province et fonçai sur les petites routes de campagne en direction de la prochaine entrée d'autoroute menant vers la capitale. Comme tous les ans je partais assister à la messe de minuit à la cathédrale Notre Dame rejoindre mes pairs, gens distingués et importants de la scène parisienne. Je me faisais un devoir mondain de me mêler à cette assemblée hautaine en perpétuelle représentation. Il fallait qu'en belle société l'on me vît, que parmi les personnalités de mon espèce ma présence fût remarquée, applaudie.
    <o:p></o:p>


    Bref, imitant les notables de mon rang, le spectacle de ma vie ne devait jamais s'arrêter.

    Tout à ces pensées futiles, je roulais dans la nuit. Une neige fine et abondante se mit à tomber. Très vite la campagne blanchit et je dus bientôt ralentir. La chute de la poudreuse redoubla d'intensité. Je ne reconnus pas ma route, fis demi tour, faillis choir avec mon véhicule dans le fossé avant de m'engager dans une fausse direction... Egaré en pleine campagne à trois cents kilomètres de Paris, seul dans ce paysage glacé, âpre et magnifique, loin des lumières et du tapage de la cité, imperceptiblement je sentis naître en moi une immense lassitude pour cette existence superficielle que depuis toujours je menais.
    <o:p></o:p>


    La roue de ma berline dérapa, puis s'enlisa dans l'écume. Bloqué au milieu de nulle part, je décidai de rejoindre à pied la première habitation venue pour y demander de l'aide. Une humble lumière attira mon regard. Elle émanait de l'église d'un hameau sans nom. J'entrais dans ce refuge, réconforté à l'idée d'y trouver secours et chaleur. Là, je fus saisi par un spectacle à la fois misérable et grandiose : à la lueur de quelques cierges cinq ou six fidèles aux crânes gris et aux épaules voûtées priaient avec ferveur avec le curé, et de cette rustique assistance s'élevait un chant. Le choeur chantait faux tout en grasseyant avec force... Devant cette scène navrante et sublime d'un autre siècle, j'oubliais tout : la voiture embourbée, les amis qui m'attendaient à Paris, mes devoirs mondains... On ne fit guère attention à ma présence. En me réchauffant les mains, je demeurai au fond de l'église à observer discrètement ces chanteurs maladroits et touchants.
    <o:p></o:p>

    Puis le chant prit des allures plus solennelles : un enfant dont je n'avais même pas remarqué la silhouette -si bien enfouie parmi ces vestes sombres et ces fronts ridés- mêla sa voix juvénile au morne concert. Sa voix cristalline domina peu à peu celles des vieillards qui l'une après l'autre finirent par se taire. Le chant solo du jeune garçon résonna dans la semi-clarté de l'église, pur. L'expérience de la Beauté me figea. De temps à autre on pouvait entendre dehors quelque rafale de vent faire trembler un vitrail. Certes l'enfant à la voix d'ange ne semblait pas maîtriser parfaitement les règles élémentaires de la prosodie, mais qu'importe, c'est son âme qui chantait. <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Submergé par des sentiments inédits et suprêmes, j'assistai jusqu'au bout à cette messe des pauvres.<o:p></o:p>


    Paris et ses séductions frelatées, Paris et ses feux mensongers, Paris et ses hôtes vaniteux n'existaient plus : j'étais aux anges sous ce clocher sans fard. Asile de la piété simple et sincère, aux antipodes des ors de la capitale festive, on chantait faux près de cet autel, mais on chantait avec coeur.
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Je passai la veillée de Noël dans l'église de ce hameau perdu dont j'ai oublié le nom, la plus belle de toutes mes nuits de Noël, en compagnie de ces âmes vives.<o:p></o:p>


    Après la messe un veilleur m'aida à sortir mon véhicule de son ornière, si bien que je rejoignis tardivement la capitale, définitivement désillusionné sur ses artifices vides de sens et de beauté.
    <o:p></o:p>


    C'était il y a plus de trente ans.
    <o:p></o:p>


    Certain de n'avoir pas rêvé, pendant longtemps j'ai essayé de retourner dans ce hameau, passant et repassant par tous les chemins possibles mais jamais, jamais je n'ai pu retrouver ce lieu qui depuis plus de trente ans me hante. Depuis, chaque soir du 24 décembre une mystérieuse nostalgie me gagne lorsque je me remémore ces vieillards, cet enfant, cette messe de Noël sous la nuée nivéenne, au milieu de nulle part, étrange et belle.
    <o:p></o:p>


    767 - Réactions étranges lors de licenciements économiques
    <o:p></o:p>


    Pendant les informations télévisées on voit souvent des reportages au cours desquels des ouvriers se font licencier de leur usine. Ils sont toujours graves, en colère ou hébétés. Certains pleurent.
    <o:p></o:p>


    Je n'ai jamais compris leur affliction. Pourquoi se mettent-ils donc dans un état pareil devant une si heureuse nouvelle ? Il y en a même qui se suicident. Sont-ils devenus fous ?
    <o:p></o:p>


    Non vraiment je ne les comprends pas. Moi à leur place je serais HEUREUX de me faire licencier de la sorte. Heureux. Enfin la liberté ! Avec quel bonheur je tirerais un trait définitif sur l'usine qui pendant tant d'années m'aurait aliéné, abruti, empêché de vivre ! Je me sentirais des ailes. Eux, non.
    <o:p></o:p>


    Un licenciement, n'est-ce pas une heureuse nouvelle pour un ouvrier ? N'est-ce pas la promesse d'une existence débarrassée de chaînes héritées parfois de plusieurs générations ? Et d'ailleurs pourquoi montre-t-on toujours du doigt les "méchants licencieurs" ? Quel mal y a-t-il à licencier des travailleurs ? Non seulement licencier un ouvrier c'est donner la liberté à un oiseau qui, de toute sa vie, n'a connu que la cage et qui, depuis le nid, a subi l'enfermement mental pour raisons strictement économiques, mais en plus c'est lui accorder un consistant pécule pour un nouveau départ ! En effet, les patrons qui licencient rendent leur liberté et leur dignité à ces hommes en leur octroyant en plus des indemnités de licenciement.
    <o:p></o:p>


    Et, eux, ils pleurent, enragent, désespèrent, se suicident.
    <o:p></o:p>


    Comble du bonheur, comme si cela ne suffisait pas ils ont, en outre, le droit de toucher des allocations de chômage pour vivre pendant des années sans devoir aller travailler loin de chez eux en affrontant le froid matinal et la pluie du soir. Alors qu'ils ont trente, quarante, cinquante ans, ils peuvent enfin pour la première fois de leur vie se lever le matin sans se soucier d'aller gagner leur pitance dans des endroits sales, bruyants, dangereux... Et ils ne sont pas contents !
    <o:p></o:p>


    Ce n'est pas tout : certains parmi eux qui avaient misé sur leur usine-providence pour recevoir pendant trente-sept ans un salaire mensuel qui devait surtout servir à rembourser leur ignoble maison Phénix s'étaient déjà endettés avant même leur licenciement, parce qu'en plus de leur maison Phénix ils avaient eu d'autres envies : grands écrans plats, grosses voitures "comme-celle-du-patron". Mis au chômage, ils pourront faire une demande d'aide pour sur-endettement et ainsi soit abandonner leurs rêves ineptes et coûteux de minables, soit les faire payer à l'État.
    <o:p></o:p>


    Personnellement, avec le peu d'expérience professionnelle que j'ai accumulée dans ma longue carrière d'esthète, les meilleurs moments vécus sur mes lieux de travail n'étaient pas quand on me donnait ma paye, non pas quand j'écoutais avec mon coutumier dédain les inepties des collègues parlant de leur voiture ou de leurs points-retraites, pas même quand je me restaurais à la cantine, non... Les meilleurs moments vécus sur mes lieux de travail étaient ces instants cruciaux où l'on m'annonçait mon "licenciement" en raison d'inaptitude, d'incompétence ou de désintérêt pour mon poste.
    <o:p></o:p>


    A chaque fois c'était, pour moi, un immense soulagement. Une inexprimable sensation de liberté retrouvée. Un sentiment de bien-être extrême, comme une respiration libératrice, un poids énorme que l'on me retirait. A chaque fois qu'un patron m'annonçait que je devais cesser de travailler pour son entreprise, je me sentais renaître, voler, aimer, vivre !
    <o:p></o:p>


    Et encore, on ne m'a jamais accordé le moindre dédommagement lors de ces sorties forcées du circuit professionnel. J'étais heureux, pourtant.
    <o:p></o:p>


    Comment se fait-il que ces ouvriers pleurent et vont même jusqu'à se suicider sous prétexte qu'ils ne reverront plus jamais leur usine alors qu'ils ont tout avantage à la quitter ?

    En fait c'est moi qui dois me tromper... Ce n'est pas possible, ils ne peuvent pas être malheureux parce qu'on les a licenciés de leur usine. Je dois me tromper...
    <o:p></o:p>

    Je crois plutôt qu'ils pleurent de joie et se pendent par amour.<o:p></o:p>


    768 - Ce siècle de minables
    <o:p></o:p>


    J'observe depuis un certain nombre d'années un phénomène qui ne cesse de s'amplifier dans la publicité télévisée, laquelle est le reflet le plus direct de la société, l'écho cru et éloquent de la France moyenne, le révélateur fidèle et durable des aspirations du tout-venant : les "héros" masculins en quête de bonheur fromager, bancaire, cosmétique ou automobile sont tous des incarnations stéréotypées du pauvre type, du citoyen minable, du mâle médiocre.
    <o:p></o:p>


    Le consommateur de base est censé s'identifier farouchement à ces représentants de la gent masculine sur la voie de la déchéance. Et ça marche ! Le minus fondamental se sent rassuré en voyant à travers des spots publicitaires d'autres minus primaires de son espèce. Les publicistes l'ont bien compris : il ne faut pas heurter l'acheteur, il faut le caresser dans le sens de sa bedaine, le conforter dans sa petitesse afin qu'il se sente à l'aise avec ses pairs, et même, comble de la perversité consumériste, qu'il soit fier de son insignifiance !
    <o:p></o:p>


    Ainsi les films publicitaires télévisés sont peuplés de petits Sancho en quête de chaussettes, de piètres Dupont béats d'admiration devant leur cuvette de WC, de frileux épargnants avec des charentaises dans le coeur, d'imbéciles pères de famille hilares face à leur écran plasma...
    <o:p></o:p>


    L'offense faite à homme, l'indignité avec laquelle il est représenté dans ces publicités sont tellement quotidiennes et si bien entrées dans les moeurs que nul ne s'en offusque. L'homme à travers la publicité est devenu un âne, pitoyable client-pantin des grandes enseignes, un crétin heureux de son sort, un abruti total, un parfait vermisseau sans pensée, sans gloire, sans destin, sans plus rien de ce qui fait sa grandeur de bipède éclairé. Depuis ce miroir contemporain que constitue la publicité, l'homme n'est plus qu'une pauvre chandelle morte. Pire : l'indolent réceptacle de la vulgarité du siècle.
    <o:p></o:p>


    Bref, la publicité -qui tire tout vers le bas- pour fonctionner aujourd'hui et tourner à plein régime a de plus en plus recours au procédé miracle consistant à mettre en scène les figures variées et navrantes de l'universel pauvre type.
    <o:p></o:p>


    Ce qui est éminemment dans l'air du temps.

     <o:p></o:p>

    769 - 11 septembre 2001 : le règne du mensonge<o:p></o:p>


    A la lumière des faits il est incontestable pour qui a un minimum de sens critique que les attentats terroristes du 11 septembre 2001 sont le fait du gouvernement américain. Démoniaque opération de manipulation psychologique des foules à l'échelle mondiale ! L'état américain n'a pas hésité à sacrifier 3000 de ses citoyens pour tromper, émouvoir puis rallier à sa cause le reste du monde et ainsi pouvoir continuer à exercer "légalement" son hégémonie planétaire à travers invasions, agressions et pillages de pays pétroliers.


    Celui qui après avoir pris connaissance des enquêtes de journalistes indépendants (et même des contre-enquêtes menées par les journalistes à la botte du gouvernement américain censées ridiculiser la version alternative) adhère toujours à la version officielle en dépit des évidences, celui-là par son coupable et volontaire aveuglement se fait le complice des crimes du gouvernement américain.
    <o:p></o:p>


    Face à l'énormité de la version officielle qui entre autres fables prétend que deux tours de 400 mètres de hauteur constituées de béton armé et d'acier ignifugés se sont non seulement écroulées mais pulvérisées en 10 secondes sous l'impulsion d'une pichenette, je suis aujourd'hui définitivement convaincu de l'entière responsabilité du gouvernement américain dans les attentats du 11 septembre 2001 perpétrés sur son propre sol... Cela n'est plus discutable : les preuves allant dans ce sens abondent, autant que les incohérences et invraisemblances de la thèse officielle. Le mensonge, le crime, l'ignominie sont les armes sataniques de ce gouvernement qui n'est en fait qu'une insidieuse dictature déguisée en démocratie, la plus dangereuse au monde car détentrice du feu nucléaire qu'elle n'a d'ailleurs pas hésité à expérimenter par deux fois en 1945.
    <o:p></o:p>


    Bref, aujourd'hui JE SAIS que les USA sont aux mains de grands criminels. Le gouvernement américain est l'instigateur des attentats du 11 septembre 2001. Les naïfs qui adhèrent à la version gouvernementale sont les victimes du règne du mensonge qui prévaut sur ce monde façonné (avec subtilité ou brutalité selon les circonstances) depuis 1945 par la "secte yankee" et sa volonté agressive de suprématie martiale, idéologique, commerciale et culturelle.
    <o:p></o:p>


    Les crédules d'aujourd'hui qui font confiance au gouvernement américain font preuve de la même inconscience, du même aveuglement que les béats et amorphes citoyens de 1933 qui de l'autre côté du Rhin affichaient une foi inébranlable en leur gouvernement.
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    770 - Rue de Pologne<o:p></o:p>


    Il y avait cette rue -rue de Pologne-, terne, droite, anonyme, léthargique.
    <o:p></o:p>


    Mortelle.

    Il était né dans cette rue et sa vie ressemblait à un dimanche qui ne finissait jamais, un jour d'ennui qui durait depuis vingt, trente, quarante ans. Eté comme hiver la rue s'assoupissait, se rétrécissait, s'aplatissait, stagnait dans un continuel, désespérant soupir. Il connaissait par coeur les maisons sans goût, les jardinets sans joie et les habitants sans relief de "sa" rue où jamais rien ne se passait, à part la pluie de mars et les échos de la télévision des voisins les samedis de juin. Enfer indolent qui lui ôtait les ailes ou bien paradis névrotique qui le rassurait, comment pouvait-il songer à quitter cette matrice médiocre ?


    Cette rue, seul horizon de ce prisonnier sans désir condamné à y mourir, il l'avait en lui. Quitter ce cordon ombilical, c'était voir s'écrouler le monde sous ses pieds.


    Célibataire sans histoire entouré d'une famille bienveillante mais sans  consistance   -voire insignifiante-, citoyen transparent aux convictions modérées -et à vrai dire sans conviction du tout-, homme stable bien intégré dans son travail, bref moineau sans plume édifié dans une routine parfaitement huilée, son existence se résumait en un mot : torpeur. On pouvait ajouter : tristesse.
    <o:p></o:p>


    Et puis un jour... L'apparition !
    <o:p></o:p>


    Une femme.
    <o:p></o:p>


    Une femme dans "sa" rue. Pas une femme comme les autres femmes habitant la rue, pas une de ces ombres si reconnaissables, épouses ou ménagères, mères ou travailleuses à la vie simple et aux aspirations limitées qu'il avait vu vieillir sous leurs tabliers non, pas une de ces femmes sans visage, invisibles. Lui avait vu un fantôme, un ange, un démon, une déesse, la lumière, l'inconnu, le souffre, le ciel... Enfin une femme, une femme belle, désirable, mystérieuse. La première qu'il voyait hors de son monde, loin de son éducation, aux antipodes de ses petitesses. Une femme...
    <o:p></o:p>


    Tout se déchira en lui : sa famille d'humbles ouvriers, son existence morne, son célibat apathique, et surtout, surtout "sa" rue qu'il se mit à détester de toutes ses forces pour la première fois de sa vie. Une femme. Qui aurait pu penser à un événement aussi prodigieux chez cet homme sans existence ? Une femme, c'était la fin du monde.
    <o:p></o:p>


    La fin de SON monde.
    <o:p></o:p>


    Il se mit à aimer. Pas comme il aimait son caniche, pas avec cette tendresse apprise, singée de dimanche en dimanche en compagnie de ses pairs, pas avec cette tendresse misérable de pauvre vieillard qu'il a toujours été depuis sa naissance, non.
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Il aima comme un astre. Il aima avec une dignité nouvelle qui le rendait homme, mâle, grand, beau, fort, radieux, Homme enfin.<o:p></o:p>


    Il aima cette apparition au point de la rechercher au-delà des bornes de "sa" rue. Ainsi à quarante ans le mort-né tira un trait passionnel sur la rue de Pologne, quitta sa famille de séniles, quitta son existence de minable et retrouva la passante au regard de flamme. Il goûta à la pierre, goûta au sang, se délecta des fruits amers de la vérité, bu à satiété l'eau de mer et se noya dans un étang de soleil.
    <o:p></o:p>


    Bref il expérimenta la vie, la vraie. Elle n'aima point cet oiseau à l'essor tardif toutefois, ce qui limitait ses choix entre le suicide et le retour à la rue de Pologne... Il opta pour l'entrée dans les ordres.
    <o:p></o:p>


    Il avait quitté rue, famille et travail pour connaître les affres du coeur en proie aux passions les plus chères de l'homme et se retrouvait crucifié sous la bure que désormais il portait pour la gloire de l'Amour, cause pour laquelle il avait décidé de dédier le reste de ses jours.
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    771 - Vue perçante sur mon psychiatre<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Stupéfaction mais également heureuse nouvelle ! <o:p></o:p>


    Ce matin mon psychiatre m'a annoncé, à la onzième consultation, que je présentais des "troubles importants du comportement" induits par un "culte de la personnalité", troubles m'interdisant de subvenir par mes propres moyens à mes besoins matériels et qu'en vertu de ce fait il était légitime que je fasse une demande de prise en charge médicale à cent pour cent pour maladie de longue durée.
    <o:p></o:p>


    Ce qui signifie que je viens de franchir avec succès la première étape importante dans mon édification personnelle et, indirectement, dans celle de mes frères humains enchaînés à leurs misères sociales et spirituelles. Ils pourront peut-être bénéficier d'une plus grande liberté d'action de ma part grâce à la reconnaissance officielle de mon statut de "sauveur de foules abruties", ou plus modestement de "bel esprit oeuvrant à son niveau pour le salut de la masse". Certes ce que je viens de qualifier en termes glorieux, les psychiatres nomment cela plus sobrement et plus imbécilement "maladie".
    <o:p></o:p>


    Peu importent les mots.
    <o:p></o:p>


    La prochaine étape consistera -théoriquement- à percevoir une pension pour "invalidité", donc de mon point de vue à recevoir un salaire pour asséner à longueur de temps la vérité salvatrice à mes semblables. En d'autres termes je serai payé pour éclairer le monde de mes lumières izarriennes. Payé par ceux-là mêmes qui cotisent afin que moi, sujet marginal demeuré sain et qu'ils estiment néanmoins "malade", je bénéficie de la sécurité matérielle me permettant d'agir de manière bénéfique, sans souci du lendemain, sur leur esprit infirme.
    <o:p></o:p>


    Noble mission !
    <o:p></o:p>


    Autrement dit les handicapés de la pensée qui travaillent dans cette société -"handicapés" à cause précisément de leur investissement exagéré dans leur vie professionnelle (que je pourrais aussi appeler "assujettissement au siècle") qui nécessairement borne leur vue à des considérations strictement matérielles, les rend aveugles aux hauteurs que je m'efforce de leur désigner- cotiseront pour que je puisse percevoir un salaire de "malade", salaire me conférant une liberté individuelle et sociale accrue et surtout une légitimité supplémentaire pour les aider à se réveiller, à s'élever, voire pour les rudoyer s'il le faut en cas d'insensibilité, de surdité et de cécité importantes.
    <o:p></o:p>


    Ce que dans mon cas mon psychiatre nommerait "aide financière au malade que je suis", moi j'appelle cela "salaire de bel esprit destiné à éduquer mes frères cotisants qui pataugent dans l'abrutissement ambiant".
    <o:p></o:p>


    Finalement le monde n'est pas si mal fait que cela.
    <o:p></o:p>


    P.S.

    J'inclus partiellement mon psychiatre dans la catégorie des "pataugeurs".
    <o:p></o:p>


    +++++++

    J'ajoute trois réponses que j'ai faites à certaines personnes ayant réagi à l'article ci-dessus :
    <o:p></o:p>


    1 - Certains auraient honte d'avouer une telle tare. Moi je suis FIER d'apprendre aux gens normaux que j'ai des chances de toucher un "salaire" pour ma "démence" et le trompette d'ailleurs sans retenue. Pour moi ce serait le signe d'une réelle réussite : le triomphe de l'esprit individuel sur la bêtise du siècle.
    <o:p></o:p>


    2 - Ceux qui ne saisissent ni la portée ni l'éclat de mes mots me taxent de déséquilibré. Les beaux esprits qui savent discerner mes trésors izarriens me considèrent comme leur égal, voire leur supérieur. Ce qui est le cas pour certains d’entre vous. En reconnaissant que je les dépasse d'une tête, ces admirateurs de ma personne nous prouvent leur très haute intelligence.
    <o:p></o:p>


    Bref, seuls les beaux esprits se délectent de mon verbe. Les autres, ceux qui méprisent mon égocentrisme qu'ils assimilent à une stérile autosatisfaction, mes positions justes qu'ils qualifient sottement d'extrémistes, ma hauteur de vue qu'ils pensent chimérique, irréaliste, oiseuse, ceux-là ne voient en moi qu'un être inutile qui ne travaille pas, ne produit rien de palpable, ne rapporte aucun salaire. Leur vue reptilienne se borne à ce genre de considération "alimentaire". Et c'est très humain, je les comprends au même titre que je comprends les grognements des porcs pataugeant dans leurs excréments.
    <o:p></o:p>


    Mon psychiatre pour en revenir à lui, je le laisse faire son travail de psychiatre.
    <o:p></o:p>


    De deux choses l'une :
    <o:p></o:p>


    - Ou la psychiatrie est un art suprême consistant à débusquer les travers et tares humains, et selon cette psychiatrie je suis réellement malade.
    <o:p></o:p>


    - Ou cette discipline médicale comporte une part d'approximation, d'imposture, voire de franche hérésie, et ma « maladie » avec ses aspects si brillants est enviable.
    <o:p></o:p>


    Dans les deux cas je suis là pour éprouver la sagacité de mon psychiatre. L'enjeu n'est pas inconsidéré puisqu'il s'agira de m'attribuer ou de me refuser une pension d'invalidité, financée par le grand club des travailleurs qui selon moi sont les plus malades dans cette affaire (mais ce n'est là que mon point de vue "de l'autre côté de la barrière"...)
    <o:p></o:p>


    A noter qu'il y a deux siècles, avec ma particule et ma pensée, le roy m'aurait gratifié d'une pension à vie en plus de quelques autres privilèges pour "éclat d'esprit" et "hauteur de vue au service de ses frères humains". De nos jours les beaux esprits de mon espèce sont considérés comme des déséquilibrés. Cela dit il y a tout de même une justice en ce qui concerne les oiseaux d'envergure dont je suis la plus belle incarnation puisque la pension qui m'aurait été attribuée il y a deux siècles par le bon roy change simplement de nom dans notre société : aujourd'hui elle est appelée "AAH" (Allocation Adulte Handicapé).
    <o:p></o:p>

    3 - Je ne joue nullement le malade. Je n'aime pas la tricherie en ce domaine. Je suis RELLEMENT malade, du moins selon les critères actuels de la société.<o:p></o:p>


    Vous semblez ne pas avoir compris mon texte. Mon psychiatre a vraiment diagnostiqué des "troubles importants du comportement" chez moi. Je lui ai répondu que ce qu'il nommait "troubles importants du comportement", j'appelais cela "hauteur de vue". Il a acquiescé, ajoutant que j'étais libre de nommer cela comme je voulais. Il a également prétendu que cela semblait d'ailleurs constituer mon équilibre et qu'en vertu de ce fait il n'y avait pas lieu de me rapprocher de la norme, mon état ne présentant aucune inquiétude. Il me permettait juste de faire une demande de prise en charge médicale à cent pour cent. C'est un droit, non un privilège, aussi vais-je faire exercer ce droit, pour le bien de tous.
    <o:p></o:p>


    Si une pension d'invalidité m'échoit, en la dépensant chez mon boulanger, chez le pompiste ou chez mon professeur d'équitation, par mes efforts consuméristes je participerai à leur personnel essor. En faisant tourner la roue économique j'aurai mon utilité parmi les hommes, tout en me faisant plaisir.
    <o:p></o:p>


    Ce qui est très moral.
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    772 - La bêtise canine<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    On prétend que les chiens sont des animaux très intelligents. <o:p></o:p>


    Moi je les trouve stupides.
    <o:p></o:p>


    Quelle plus grande offense à l'intelligence, en effet, qu'un chien qui aboie bêtement pendant des heures pour un oui, pour un non ?
    <o:p></o:p>


    Et leurs maîtres qui ajoutent leurs propres cris de roturiers pour essayer de faire taire ces furies sur pattes, que c'est pitoyable !
    <o:p></o:p>


    Aucun chien au monde ne sait faire la distinction, pourtant très élémentaire, entre un facteur et un cambrioleur : aux deux il réserve sa morsure sans objet. Ou bien au contraire, à l'invité et au voleur il fait le même accueil caressant, habitué à sauter au cou de tout ce qui entre chez le maître. Ou à poursuivre loin dans la rue de sa hargne stérile ce qui en sort : homme, chat, vélo, papier dans le vent... Quand il n'affiche pas une olympienne indifférence pour l'humanité et toute la création, le gros toutou placide qui ne sert à rien et qui mange comme quatre !
    <o:p></o:p>


    Le chat est subtil, le chien épais. Le félin grimpe aux arbres, file sur les gouttières, côtoie les sommets, l'aboyeur rase le caniveau. Le mistigri sent bon la plume, la paille et l'aventure, le fils de Cerbère pue à faire vomir.
    <o:p></o:p>


    L'hôte des belles gens est distingué, discret, élégant, mystérieux, le gardien de maison de la plèbe est grossier, bruyant, trivial, sans surprise.
    <o:p></o:p>


    Les chiens ne me semblent faits que pour aboyer, mordre, chier sur les trottoirs.
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Et, accessoirement, pour mesurer la bêtise, l'abrutissement ou la sénilité de leurs maîtres selon leur poids, leur race ou leurs taux d'aboiements.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    773 - La vie<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    La vie c'est une humeur qui naît de l'air, de l'or qui n'a l'air de rien, une heure qui n'est pas leurre.<o:p></o:p>


    Miracle qui ne se nie, ni ne meurt, point qui demeure, plus léger qu'un mirage et pourtant plus grand que tout, telle est la vie. Indéfinissable dans le dictionnaire.
    <o:p></o:p>


    La vie c'est une racine qui plonge dans la lumière, s'abreuve d'infini, se nourrit de rien, se contente de l'Univers entier, et plus encore. La vie n'exige que l'impossible, laissant les miettes aux rêveurs.
    <o:p></o:p>


    La vie est un songe quotidien, une vérité dure comme un sommeil, un soleil imbibé de pluie, une pierre qui s'évapore, une neige sans fond, une flamme qui sort du lot. La vie c'est un crâne qui rit, l'amour qui pleure, l'eau qui réfléchit, le ciel en suspens... Mais surtout, un mystère à notre porte : l'éther sur terre, la matière qui déborde d'idées.

    La vie frappe l'esprit, caresse la peau, cogne les fesses. Et ne cesse d'étourdir les têtes...

    La vie ça fait aussi être, ça fait naître et ça fait paître. La vie est gratuite mais valant tout et n'importe quoi elle ne vaut plus rien puisqu'elle est égale à la poussière, aux astres, aux vers et au vent... C'est dire combien la vie nous est d'autant plus utile qu'elle ne sert à rien du tout, et plus on s'en sert, plus on en a envie. Et plus on la veut, moins elle est utile.
    <o:p></o:p>


    Et moins elle est utile, plus on l'aime, la vie.
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    774 - La Beauté universelle<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    J'aime la beauté. La beauté innée des choses.


    Beauté des astres, beauté de l'Homme, beauté des éléments. De tous les éléments : des plus éclatants aux plus humbles. Même le fumier m'élève. Tout est mystère, grandeur, divine ingéniosité. Je regarde les choses avec hauteur et je vois leur lumière. Gloire de l'atome inextinguible, de la matière organisée, des êtres vivants... La beauté universelle se révèle à peu d'hommes. Par delà la sensibilité individuelle de chacun, l'araignée immonde pourtant est pure merveille. Merveille est la bactérie dont on ignore si elle vit, si elle végète. Merveille, le brin d'herbe côtoyant le chêne et qui l'égale en profondeur.


    La particule de sable inerte est aussi énigmatique que la dynamique synapse humaine. A l'échelle de la Création tout se vaut, tout est égal car l'univers entier est un permanent, immense, insatiable miracle.


    La sphère, la flamme, l'éther, le souffle, la pensée, les chiffres, les impalpables principes : les formes de la beauté se manifestent dans toutes les directions de l'Univers. Et au-delà.


    Le monde est gouverné depuis des hauteurs qui ne se mesurent pas : ses lois sont puisées dans l'infini, ses inventions inspirées par une folie sans limite. Ce qui nous semble simple est impénétrable. Le moindre atome nous dépasse et cependant l'Univers est à nos pieds.


    En effet, l'Homme n'est-il pas le fruit pensant de cet Univers ? Par la seule pensée nous appréhendons le Tout, en un éclair. Avec quelques synapses nous intégrons le monde et tout ce qu'il contient, et ne contient pas. Une étincelle dans la tête, une immatérielle lueur capable d'englober la Création, notre pensée y compris.


    Lorsqu'on est conscient de cela, comment ne pas s'émerveiller devant le vermisseau, l'azur, la vache, l'hydrogène, l'onde, le cri de l'autruche, le temps, la cendre, le vol de la mouche ?

     <o:p></o:p>

    775 - L'effet bière<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    La sève féconde me caresse le gosier, embrase mon âme, met de l'artifice dans mon coeur qui se noie, se noie...<o:p></o:p>


    De mous éclairs d'ivresse traversent ma conscience. La bière est un fluide cosmique, la pisse des étoiles, le sel de l'esprit, l'eau des dieux.
    <o:p></o:p>


    Je nage en plein bonheur, buvant à lentes gorgées le vin jaune de l'orge. Le soleil qui me coule dans la gorge, c'est l'or de l'esthète, le chant de la muse : le breuvage doré me confère de la plume et me donne des ailes.
    <o:p></o:p>


    Sous l'onction olympienne - flamme liquide qui m'imprègne et me chauffe - je m'élève en délectable direction, volant vers des champs de mots pleins de rimes sages et de prose folle.
    <o:p></o:p>


    Ici l'herbe devient verve. Là, le verbe est vin et le vers est bleu.
    <o:p></o:p>


    Et le verre, jaune. Toujours.
    <o:p></o:p>


    Quant au rêve, il est de mise.
    <o:p></o:p>


    La bière, ce miel qui pique, cette lumière qui se boit, cette idée divine dont on a fait une essence est une encre céleste avec laquelle j'écris ces mots.
    <o:p></o:p>


    Buvez-les vous aussi, mes mots. Ils vous donneront des pensées légères et des vues profondes.
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    776 - Prise de bière<o:p></o:p>


    Un verre de bière m'attend.


    En portant à mes lèvres l'ampoule brune, il me semble descendre dans un fût au bois séculaire. Les vapeurs délicieusement rances imprègneront bientôt mon cerveau...


    Tandis que les bulles amères et sucrées se dissolvent dans ma gorge, l'onde qui imbibe mes voies nobles s'évapore mollement dans mon âme. A la dixième gorgée, des astres se présentent à moi avec des politesses d'un autre siècle. Je les vois, ils me tournent autour en me faisant des signes empreints de majesté. Leur danse hypnotique m'entraîne vers des hauteurs soudaines : mes pas deviennent des sauts et je vole.


    Mes ailes débordent de mon verre et je me noie dans l'air. Et je ris d'un rien. Et je me fous de tout.

    Alors que la bière coule en moi, je monte aux étoiles, m'en prends aux dieux romains, grecs, latins, enfin je veux parler de ces drôles de rois qui gouvernent les buveurs, et je descends des escaliers galactiques, me prends les pieds dans un tapis de brume, tombe dans un tas de chimères.


    Je me relève, perds l'équilibre, retombe dans mes nues, la semelle pénétrée de joie, le coeur humecté d'éther. Le houblon parfume mon ciel. Sa voûte ouatée est ambrée, chaude, généreuse. Je ne monte plus, je flotte.


    Le temps de trois autres gorgées.


    Puis lentement je glisse, je succombe, je sombre, je m'endors, je rêve.


    Non, je ne rêve pas. Je suis ailleurs. On me parle, je balbutie. En fait je ne sais plus.


    Je dois être en train de picorer des constellations, de faire sonner quelque clocher ou de courir je ne sais quel gibier fabuleux. Bref, je suis saoul, je suis plein, je suis rond.


    Fier d'être mort... Non, mort de bière. Enfin je veux dire livré de bière, rire de mort. Ou à peu près cela... Quelque chose comme ivre de mort, fier de vivre.


    Ou peut-être mis en bière.

     <o:p></o:p>

    777 - Buvez !<o:p></o:p>


    Le vin vaut bien vingt dieux, deux ou trois faux pas et quelques jurons !
    <o:p></o:p>


    Buvez car la vigne n'est pas mauvaise pour le coeur assoiffé. Buvez, des lutins dorés vous descendront dans le gosier. Buvez surtout de peur de vous noyer dans une eau qui nécessairement sera plate.
    <o:p></o:p>


    Buvez, humains. Buvez, chiens que vous êtes ! Buvez, braves braillards ! Votre joie vous sanctifie, fait de vous des hommes. L'ivresse est bonne, saine, féconde : elle délie les langues, rosit la sombre mélancolie, rallume les âmes. Et inspire toutes les natures.

    Le breuvage alcoolique bonifie les caractères, allège les idées et adoucit même les crapules. Ce qui fait tourner les têtes fait monter les âmes.
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Il n'y a que les fous qui chantent sous l'eau de pluie.<o:p></o:p>


    Et vous les abstinents buvez plus que les autres car en vérité je vous le dis, le salut de votre gorge asséchée est dans la bière, le petit rosé et l'eau-de-vie.
    <o:p></o:p>


    On prétend que le vin rend méchant, sot, imprudent. Fadaises ! Les corrompus, les ânes, les écervelés, ce sont les buveurs de lait ! Ces mesquins ne connaissent pas l'or de l'esprit. Méprisant les hauteurs éthyliques, ils ne sont jamais dans le secret des dieux de la bouteille. Ce bonheur à portée de lèvres, ils le boudent pour un oui, pour un non. Et ils meurent un jour. Sans feu, sans joie, sans bruit.
    <o:p></o:p>

    Imbibés d'eau. <o:p></o:p>


    Et ils font un petit plouf ! Et ils appellent cela "dignité"...
    <o:p></o:p>


    Tandis que le buveur, hydraté avec l'onde dorée, brune ou verte, meurt à voix haute, la tête la première, le souffle vif, le coeur battant.
    <o:p></o:p>


    Et fait un magnifique plongeon.

     <o:p></o:p>

    778 – Jean-Louis Costes<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Je ne connais Costes que par échos, bribes d'interviews, rumeurs. Je n'ai pas lu ses oeuvres littéraires. J'ai juste aperçu des extraits de ses "opéras" outrageants... Je ne me suis jamais penché sérieusement sur ses productions artistiques, cependant je sens chez lui certaines profondeurs propres au mystique. Profondeurs qui ne sont pas nécessairement hauteurs... N'importe ! Chez lui il y a une consistance, une énergie qui sans être tout à fait sacrée n'a rien de profane pour autant. Disons qu'il serait sur la voie, en chemin vers l'éblouissement. Certes moi non plus je n'aime pas du tout son côté glauque, scatologique ou prétendu tel, enfin toutes ses outrances répugnantes, mais après tout je me dis que cette apparente ordure est secondaire. Peu importe l'odeur de fumier qui se dégage de ses oeuvres, finalement je ne le trouve pas si choquant que cela tant que je ne m'arrête pas à mes premières impressions, superficielles. Ses tableaux scéniques, aussi misérables et décadents puissent-ils paraître ne sont que les supports trompeurs et anecdotiques -et peut-être même maladroits- de ce qui brûle en lui. L'essentiel chez lui, me semble-t-il, n'est pas dans cette esthétique dégénérée. L'important, c'est cette flamme qui l'habite. Ce feu qui le porte toutes ailes déployées là où peu d'entre nous accepteraient de poser ne serait-ce que le bout de la semelle. <o:p></o:p>


    Avec Costes ne nous arrêtons surtout pas aux apparences. Le personnage mérite mieux que notre mépris mondain.
    <o:p></o:p>


    Derrière cette façade d'excréments, de scandale, je sens chez lui une pureté, un éclat, une beauté supérieure, non pas sottement esthétique mais plus universellement -et plus simplement- mystique. Son parcours fangeux me fait songer à un cheminement vers le divin. La merde n'empêche pas la lumière. Il n'y a que les froids, hautains et frileux contradicteurs aux fronts délicats, aux dentelles fines et aux pensées molles qui font les dégoûtés-révoltés devant Costes. Face à lui ils font les caniches de salon. Ils parlent de lui depuis leur hauteur de petits insectes secs et dignes, bien propres sur eux, ne daignant baisser leur vue ni la lever au-delà de leur horizon lustré. Attitude bornée, confortable et lâche que j'adoptais moi aussi, au début. Mais Costes la bête, Costes l'ogre est aussi et surtout Costes l'Homme. L'Homme sous tous ses aspects : l'humanité totale, paradoxale, révoltante et glorieuse. Du bébé angélique au moribond crapuleux, de l'individu au collectif, de l'ordinaire au monstre, de l'insignifiant au génie, de l'insipide au vomitif, bref l'humanité de la terre, de notre terre, de notre temps, l'humanité de "notre monde". Et non l'humanité indolore, incolore, flasque, insensible et irresponsable de ces livres d'images bêtes que nous avons dans la tête.
    <o:p></o:p>


    L'astre et la pourriture, la fange et le cristal, la cendre et la chair, le sang et la fleur, tels sont les trésors flatteurs et dérangeants que porte en oui cet infréquentable champion de l'indicible.
    <o:p></o:p>


    Costes incarne magistralement et avec une insupportable sincérité les paradoxes odieux du monde et de l'homme, entre abîmes et sommets, entre "gouffres sans issue" et céleste essor. Là où nous fermons les yeux, il ouvre les siens. Nous détournons le regard de la mare humaine, il y plonge son âme. Parcours christique, cheminement rédempteur, explorations abyssales de l'âme... Costes n'est-il pas descendu dans nos enfers cachés pour mieux s'en extraire à présent que le fond a été atteint ?
    <o:p></o:p>


    Avec sous ses pieds ces tonnes d'engrais malodorant (qui n'est à mon sens que la simple illusion de celui qui n'a qu'une vue partielle des choses), que peut-on attendre d'autre de Costes qu'une montée fulgurante et extatique vers lui-même, doté depuis toujours de ce que je soupçonne être des ailes ?
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    779 - La société d'abrutissement<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    En parcourant les centaines de chaînes de télévision accessibles grâce aux technologies numériques, on a un aperçu édifiant de l'état pitoyable des sociétés du monde occidental. <o:p></o:p>


    Même les sociétés orientales (que l'on aurait pu croire à l'abri des séductions superficielles) à force de singer nos travers et aberrations se corrompent dans les bassesses qui forment nos normes. A travers leurs chaînes de télévision elles offrent le même spectacle affligeant. Désormais Occident et Orient se ressemblent de plus en plus, le premier exerçant sur le second une imbécile influence. A travers la télévision -un des plus immédiats reflets de l'âme des sociétés citadines-, la vulgarité, la médiocrité, la bêtise, la laideur, l'insignifiance sont les ingrédients essentiels -on ne change pas une formule qui marche- pour l'assouvissement des masses. Les cruels jeux du cirque ont, il est vrai, été abandonnés depuis des siècles. A la place on a adopté la bêtise.
    <o:p></o:p>


    On s'est détourné du sang pour se vautrer dans la vomissure.
    <o:p></o:p>


    Certes, parmi ces centaines de chaînes de télévision diffusant des programmes tous semblables dans l'ineptie, l'inconsistance, voire la profonde débilité, il en existe de bonnes, voire d'excellentes.
    <o:p></o:p>


    Elles sont rares.
    <o:p></o:p>


    La grande majorité des chaînes européennes, asiatiques, africaines ne diffuse que du vent, de la lavasse et beaucoup de ronds de fumée, le tout emballé dans un "format-concept" plein de couleurs très vives agrémentées de rires hystériques et maints autres artifices crétinisants. Ne parlons même pas de l'Amérique du Nord : dans la course à la stérilité, il n'y a pas de plus grand champion.
    <o:p></o:p>


    Bref, ces télévisions déversent sur les populations moyennes -par définition faibles, malléables, peu exigeantes- ce que les spécialistes du marketing de masse (les mêmes qui semblent être à la tête de ces chaînes) nomment pudiquement du "divertissement".

    C'est qu'il s'agit de vendre de la lessive et du coca-cola à des millions d'abrutis qui s'ignorent, les mêmes hélas qui iront voter... Ou pire, qui seront élus maires de leurs villages !

    Dans ce monde frelaté, repeint en rose et bleu par les gourous des causes mercantiles qui ont élargi leurs nuisances jusque dans le domaine public (agressions publicitaires sur la voie publique), tout est spectacle, même la laideur.
    <o:p></o:p>


    Surtout la laideur.
    <o:p></o:p>


    Le rire à but vénal, la consommation superflue, l'exploitation mentale des moins lucides, le viol intellectuel des plus vulnérables, l'infantilisation de tous, la culture intensive du divertissement forment ce que j'appelle une société de total abrutissement.

    La nôtre.

     <o:p></o:p>

    780 - Les sites payants de rencontres, mirages pour abrutis<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    MATCH.COM, pour prendre ce seul exemple, fait partie des grands sites payants de rencontres dont les membres sont représentatifs de tout ce que le WEB peut compter de minables de base et autres petits mâles inconsistants capables de débourser une vingtaine d'euros -voire beaucoup plus selon le degré de leur imbécillité ou la profondeur de leur bêtise- pour s'offrir de pâles illusions d'aventures donjuanesques...<o:p></o:p>


    Ces minus qui s'inscrivent par milliers ont vraiment l'air de croire aux boniments de ces invisibles marchands de vent... Sinon ils ne paieraient pas pour s'inscrire sur ces sites, c'est l'évidence même. La preuve par le paiement de leur ineptie, voire de leur misère psychologique ! D'ailleurs ils s'imaginent naïvement que parce qu'ils payent, ils auront droit à une de ces poupées irréelles, plus ou moins numériquement retouchées, postées à l'entrée de ces sites pour appâter le gogo.
    <o:p></o:p>


    Sous prétexte que ces pigeons engraissés de partout (depuis les artères jusqu'au coeur en passant par la cervelle) ont pris l'option payante leur offrant divers avantages et promesses tous frelatées, ils sont persuadés qu'ils auront plus de chance que les non-inscrits de rencontrer une de ces déesses vulgaires qui les font tellement rêver tout au long des jours ordinaires de leur existence de minables.

    Ces créatures crapuleuses parfaitement stéréotypées et au sourire frauduleux, toutes faites de toc et de faux serments, sont des Graal informatiques à la hauteur de leurs rêves de petits mâles bedonnants. Ils y croient tellement à ces sourires fabriqués, ils sont si certains qu'une de ces bombes virtuelles leur tombera potentiellement sous la souris dès que leur inscription "privilégiée" sera validée qu'ils n'hésitent pas à payer cette inscription, et au prix fort...
    <o:p></o:p>


    Qu'ont-ils dans la tête ces anti-séducteurs, ces pitoyables crétins qui pensent pouvoir s'acheter des liaisons et même d'idéales histoires d'amour grâce à leur carte de crédit ? Et même qui se persuadent que leur chance de pouvoir compter fleurette à de dociles écervelées toujours promptes aux délices de la chair sera proportionnelle à la somme qu'ils se seront fait débiter en ligne ?
    <o:p></o:p>


    Les vrais gagnants de ces arnaques légales sont comme toujours les créateurs de ces sites payants qui ont, il faut au moins leur reconnaître cette prouesse, l'art de faire croire au mâle moyen plus ou moins insignifiant que d'insatiables femelles à la toilette clinquante (et aux charmes douteux, du point de vue de l'esthète) vont se jeter dans ses bras après une ou deux conversations insipides sur les forums de ces sites à péage...
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    781 - L’androgyne<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Son charme indécis en effraie certains. <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Il fascine, scandalise, éveille des passions inédites, provoque d'hypocrites répulsions, fait se détourner les regards ou au contraire les attire. Et déclenche aussi des rires.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    On déteste ce qu'il a d'ambigu, chérit ce qu'il a de différent. Paradoxal, fantasmagorique et pourtant semblable à tous, il inspire les plus délicates nuances de l'amour.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Ou de la haine.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Sa beauté suspecte intrigue, inquiète, enflamme : l'essentiel chez lui, il faut le lire entre les lignes. Son visage est une grêle vernale, un rocher aux angles lisses, une plaisanterie pleine de gravité. Sa mâchoire est carrée, son front dur, son corps viril. <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Ses sourires de femme font toute la différence.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Douteux, énigmatique, presque maléfique, l'androgyne est un ange entre l'enfer et le Ciel : les uns vacillent sous son ombre, les autres s'élèvent sous ses feux. Il charme les brutes, irrite les esthètes, corrompt les chastes, converti les débauchés. Ami de la vertu, il est entouré de curés pédérastes, d'épouses aussi dépravées qu'épanouies et de mystiques éphèbes. Est-il vierge ? Est-il sodomite ? Seule certitude : son âme est intacte. Ni mâle ni femelle, elle plane au-dessus des hommes et des femmes, ne s'attachant qu'au principe supérieur de l'amour, flamme qu'il semble toucher de son aile.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Partagé entre le soleil et la lune, tiraillé entre Mars et Vénus, l'androgyne à la voix de pastel est dans le secret des sexes. Entre le Cosmos et la fleur des champs, quelle différence ? Ses traits reflètent ce que vous êtes, ce que je suis, l'autre, nous, eux. Tous. <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Rassemblant ce qui est séparé, identifiable et confus, alliant le noir et le blanc, à la fois différent et commun, le plus grand mystère de l'androgyne c'est qu'il donne un visage trouble à l'universel.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    782 - L'étable des morts-vivants<o:p></o:p>

    (Texte biographique.) <o:p></o:p>


    Midi sonne dans la salle à manger de l'hospice.
    <o:p></o:p>


    Le centre est spécialisé dans le "traitement" de la vieillesse défaillante. Pour dire la vérité, c'est tout simplement l'antichambre de la mort. On est loin des refuges dorés pour vieillards fortunés. Ici on accompagne les grabataires, pour certains démunis. Ou presque.
    <o:p></o:p>


    C'est l'heure du déjeuner, midi sonne disions-nous.
    <o:p></o:p>


    Moi, jeune stagiaire de vingt-cinq ans qui découvre sur le tas le métier d'auxiliaire de vie, j'observe. Je suis nouveau, inexpérimenté, curieux. Resté à distance dans un angle de la vaste salle à manger de l'hospice, j'observe la scène qui -je ne le sais pas encore à cet instant- me marquera profondément pour le reste de mes jours.
    <o:p></o:p>


    Le spectacle qui est en train de se dérouler sous mes yeux est pour moi seul : le reste du personnel soignant, que je suppose habitué à la chose ou tout simplement bien trop pris dans son labeur pour prêter attention à ce genre de vision subtile et fulgurante, me semble parfaitement étranger à ce que je considère encore aujourd'hui comme la plus impressionnante "pièce de théâtre grandeur nature" à laquelle j'ai pu assister de toute ma vie. Les soignants font d'ailleurs eux-mêmes partie intégrante du tableau.
    <o:p></o:p>


    Je suis donc le seul pour qui la scène se joue. A l'insu de tous.
    <o:p></o:p>


    Lentement, progressivement, la scène apparemment anodine se construit, s'élabore pour prendre bientôt des allures magistrales, dantesques, quasi bibliques. Et ce n'est plus un simple fait du quotidien que je vois, ce n'est plus une scène banale, insignifiante qui s'offre à ma vue...
    <o:p></o:p>


    C'est un drame. C'est une toile de Caravage. C'est une leçon de vie et de mort.
    <o:p></o:p>


    Effaré, ému, subjugué, incrédule, découvrant un aspect inconnu de l'existence humaine, je reste dans mon coin à observer.
    <o:p></o:p>


    Voilà ce que je vois :
    <o:p></o:p>


    Comme surgit de nulle part, au son de la cloche une troupe claudicante de petits vieux décharnés s'avance avec mollesse, désespoir, infinie lenteur vers les tables... Un sombre, funèbre, sépulcral cortège de vieillards en "expédition alimentaire".
    <o:p></o:p>


    Certains cheminent affaissés dans leur fauteuil roulant d'un autre âge, poussés par des infirmiers ou secondés par leurs compagnons d'infortune eux-mêmes invalides, d'autres -avec ou sans béquilles- arrivent au bras d'un infirmier. Rares sont ceux qui marchent sans aucune aide. Tous sont voûtés, sinistres, saisis de stupeur.
    <o:p></o:p>


    Que le chemin est long pour aller se restaurer !
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Vue cauchemardesque sur le monde de la vieillesse ! Des visages à faire peur, des corps usés, un rythme au ralenti extrême. Une marche solennelle et pitoyable de centenaires avec leurs petits pas de reptiles ridés... Une procession de morts-vivants convergeant vers les assiettes fumantes... (L'image, effroyable, romantique, cruelle mais aussi profondément humaniste restera à jamais gravée en moi.) <o:p></o:p>


    Le tout dans un silence de mort.
    <o:p></o:p>


    C'est cela le plus impressionnant, c'est le silence. Ce silence -terrible, effrayant- qui n'est que l'écho atténué du Silence qui bientôt viendra refermer les yeux de ces tortues ternes et tristes qui se meuvent avec une mortelle léthargie.
    <o:p></o:p>


    Fantômes hors du temps, oubliés du reste du monde, ces êtres font partie d'une autre réalité, tragique, universelle, où l'ombre de la mort recouvre plus de la moitié de leur face. Et qui fait qu'ils deviennent invisibles à notre monde.
    <o:p></o:p>


    Et comme je suis le seul à les voir, ces êtres devenus invisibles au monde, je continue de les observer au fond du réfectoire, fasciné, muet, interdit.
    <o:p></o:p>


    Ces ruines de chair et épaves d'esprit ignorent qu'en retrait dans un coin de la salle une jeune âme émotive mais lucide qui a toute sa vie d'homme à faire les regarde se traîner lamentablement vers leur destin finissant, enregistre l'instant pour toujours...
    <o:p></o:p>


    Comment pourrais-je, en effet, oublier cette marche cérémonieuse et misérable, pittoresque et macabre de gérontes boiteux et accablés vers un repas sans joie ?
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    783 - Les silhouettes<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Les hommes sont des silhouettes qui traversent les siècles, des ombres animées sur l'immuable fond cosmique.<o:p></o:p>



    Les humains avec leur destinée individuelle deviennent d'anonymes insectes quand, assis à côté du philosophe, on les observe depuis les hauteurs du Théâtre. C'est bien connu, la prise de distance donne de l'acuité.
    <o:p></o:p>


    Ainsi François Dupont, parisien cinquantenaire inconnu du XIXème siècle avec ses humbles drames et ses petites gloires, avec ses "petits blancs" dominicaux et ses pot-au-feu du mardi n'est plus qu'une ombre parmi les milliards d'autres enfouies sous la terre, recouvertes par le temps, perdues, oubliées des vivants. Ce François Dupont est le passant sans visage, la personne sans nom aperçue avec des milliers d'autres sur telle ou telle pellicule de film tournée au début du XXième siècle.
    <o:p></o:p>


    Sur ces vieux films datant des années 1900 où apparaissent des scènes de rues, les passants aux traits indistincts apparaissent tous identiques sur la toile de fond. Vainement je tente de les identifier, de leur donner un nom, d'imaginer leur destin individuel... Et je me rends compte que ces silhouettes uniformes, ces têtes d'une autre époque reproduites sur le même modèle, ces milliers de moustaches sur ces visages tous semblables, c'est moi, c'est vous, c'est nous.
    <o:p></o:p>


    Nous nous croyons "mieux" (c'est à dire plus individualisés) que ces anonymes qui traversent la pellicule et dont les tombes, pour la plupart, ne sont plus que pierres effondrées aux épitaphes érodées au fond de nos vieux cimetières, et pourtant nous aussi nous sommes des ombres, nous aussi nous sommes les insignifiants anonymes des observateurs de demain en dépit de nos vanités de "gavés de technologie", de nos certitudes clinquantes et imbéciles d'internautes moyens. Éblouis par nos écrans, nous nous croyons à l'abri de l'Ombre...
    <o:p></o:p>


    Nous sommes tous des François Dupont.
    <o:p></o:p>


    Tous des silhouettes furtives dans la grande, inaltérable, immémoriale arène cosmique.
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    784 - L’homme vieillit comme un chêne<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Comme je l'ai déjà écrit à maintes reprises, de manière générale, aux abords de la cinquantaine la femme devient sexuellement, esthétiquement et socialement repoussante, aux abords de la soixantaine, crapuleuse voire franchement répugnante, passée cet âge elle est invisible, insignifiante. Quand elle n'est pas purement et simplement méprisable, pour peu que sa laideur croissante n'entraîne la bêtise et la méchanceté.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Il m'en avait fallu du courage pour écrire les âpres vérités qui fâchent ! <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    C'est pourquoi aujourd'hui je vais m'attarder avec sérénité sur l'homme vieillissant. Un sujet qui m'est cher : je sais que ces vérités-là ne chagrineront point les lecteurs. <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    C'est à partir de cinquante ans que le mâle entre dans l'âge d'or de son existence, ce qui coïncide exactement avec l'âge de l'entrée de la femme dans sa déchéance. A partir de la cinquantaine plus l'homme vieillit, plus il rayonne. Et plus il rayonne, plus il s'élève, s'approfondit, s'allège, s'éclaircit. C'est bien connu, l'homme embellit avec les ans. Que l'on me pardonne cette banalité, mais elle est si vraie, si belle et si juste que l'on a tendance à l'oublier. <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    En bien des points le cinquantenaire est préféré à ses cadets. Le soixantenaire plaît aux jeunes femmes. La barbe argentée de soixante-dix ans séduit l'âme verte. Le vieillard qui n'a plus d'âge, quant à lui, agrée aux dieux. Plus l'homme avance en âge plus il charme, impressionne, fascine. Chez lui le nombre d'années fait la loi, les qualités, la séduction. <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    L'homme avec les années devient seigneur, prince, roi. Et d'un regard foudroie une femme.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    L'âge rend l'homme meilleur, volontaire, viril, plus vivant. L'intelligence qui s'enracine en lui ennoblit sa face. Ses rides sont belles, ses claudications solennelles, ses allures graves et supérieures. Et quand il rit, le patriarche a la femme à ses pieds. N'importe quelle femme car enfin, répétons-le, l'homme vieux est beau, fort, instruit, irrésistible. C'est pourquoi l'homme ne doit pas craindre la vieillesse. <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Dieu a fait naître la femme belle, mais a dégradé son éclat en la faisant vieillir. C'est le modèle floral.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Tandis que, sur le modèle de l'arbre, il a mis plein de grâces dans les rides de l'homme.

     <o:p></o:p>

    785 - La soumission naturelle de la femme<o:p></o:p>


    La femme naît soumise. Son destin est d'être enchaînée à la virile autorité. Malheureusement la société a perverti la femme, avec la complicité du mâle dévirilisé.

    Notre monde occidental obsédé d'égalité et de modernité nie bêtement ce principe naturel. Ainsi la femme dénaturée se croit libre sous prétexte qu'elle vote, conduit, boit, fume, jure, crache... Or la vraie liberté de la femme est de se contenir sous la coupe de l'homme. La femme n'est véritablement femme que lorsqu'elle ne sort pas de son rôle, qu'elle demeure sur le trône où l'a placée sa naissance : à mi hauteur entre le mâle et la casserole.
    <o:p></o:p>


    Quoi de plus détestable, de plus vulgaire qu'une femme qui ignore les préceptes les plus élémentaires du savoir-vivre et qui se rebelle contre les lois cosmiques ? Une femme de classe sait se taire, se placer dans l'ombre pour laisser la lumière éclairer son maître. La femme digne de ce nom aime faire valoir son seigneur. Je sais bien que, à l'heure où tout le monde trouve normal que la femme moderne -que j'appellerais volontiers "dégénérée"- cherche à humilier l'homme au lieu de lui faire honneur, mon propos semblera insupportable...
    <o:p></o:p>


    La société est à ce point corrompue par la dictature de la vulgarité féminine, par l'hystérie générale faite autour de l'égalité contre nature des sexes, que prétendre que la femme doit élever l'homme et non l'écraser, le célébrer et non le maudire, le servir et non l'opprimer passe pour un crime aux yeux de la plupart des gens !
    <o:p></o:p>


    La femme de par la volonté céleste, terrestre, cosmique et même atomique est soumise à l'homme de la même façon que la lune est soumise à l'attraction de la Terre.

    Toutes les femmes sont soumises.
    <o:p></o:p>


    Beaucoup l'ignorent tant notre société frileuse, molle, éprise de nivellement envers les êtres (qu'elle appelle "égalité") a formaté leur cervelle dans le sens du sexuellement faux. Certaines se croient autonomes, insoumises, libres parce qu'elles gagnent leur vie seules, vivent en solitaire, ont remplacé la présence souveraine et magistrale de l'homme par un vulgaire salaire. Voire son phallus par une prothèse en plastique qu'ont réussi à leur vendre des professionnels du marketing exploitant le filon de la "femme libre". Bref, loin de l'autorité de leurs seigneurs et maîtres, les "femmes libres" mènent des existences vides qu'elles meublent avec de la vanité.
    <o:p></o:p>


    Elles ont beau arborer des apparences de liberté triomphante, dans le secret de leur âme elles restent des femmes, fondamentalement. Même si elles l'ignorent, s'en défendent, se rebellent. Le mensonge social ne résiste pas devant la force, l'éclat, l'évidence de la Nature qui dicte à la femme ses lois justes, belles, vraies.
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Il suffit juste que la femme cesse d'alimenter son sot orgueil, renonce à adopter les modèles artificiels de cette société pour que la nature sur elle reprenne ses droits et que tout aille pour le mieux dans le plus ordonné des mondes.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    786 - La contamination des sexes<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Le commerce charnel de mes contemporains est à l'image de cette société d'impuissants chimiquement assistés, d'homosexuels pleurnichards et de mâles culturellement castrés : incolore.<o:p></o:p>


    Le romantisme citadin parfaitement niaiseux d'influence médiatico-cinématographico-publicitaire a corrompu les rapports amoureux de millions de couples moralement avachis. Jusque dans l'intimité des hyménées, au fond des secrètes alcôves cette idée frelatée de l'amour -fabriquée de toutes pièces par les marchands de lessive et également colportée par Hollywood- s'est imposée dans notre civilisation d'eunuques.
    <o:p></o:p>


    La soupe aux navets est devenue la norme.
    <o:p></o:p>


    Les Vénus redoutables, amantes originelles, hôtes superbes et vaillantes de l'Olympe ont disparu. Cette société de castrats frileux a fait de la femme une ménagère, une écervelée éprise de "partage amoureux", une poire aspirant à des "moments sublimes", une idéaliste d'opérette en quête de niaiseries érotico-égalitaires et de contacts protégés, d'échanges hygiéniques...
    <o:p></o:p>


    Le mâle quant à lui est devenu un coquet. Un douillet. Un scrupuleux à l'écoute des "revendications féminines". Bref, un coquelet épilé qui sent le parfum de la crête à la plume finale. Le prince charmant ne pique pas, ne transpire pas, ne crache pas. Mais pleure. Bien entendu il sera émasculé, depuis le cerveau jusqu'aux ongles des pieds qu'il aura, éventuellement, finement oint de vernis.
    <o:p></o:p>


    Notre société a inculqué à ses membres ramollis une image parfaitement dénaturée de l'amour et du plaisir. Il en ressort une culture érotique polluée par le bavardage publicitaire et médiatique se manifestant par une sorte de mélasse relationnelle insipide où humanisme de salon et pratiques lénifiantes se côtoient pour un résultat "politiquement édulcoré". Ce qui fait que les vrais mâles sont entourés de dindes aseptisées pleines de chimères "romantico-lessivières" dans la tête, la mentalité pervertie par les "contes de comdom" et les histoires d'égalité des sexes, de féminisme, de partage, de respect, de tendresse...
    <o:p></o:p>


    Egalité des sexes, partage, respect, tendresse : principes élémentaires de la relation amoureuse, prétendront les efféminés.
    <o:p></o:p>


    Faut-il que tonne plus fort la voix virile de la vérité, qu'elle couvre le sifflet de leur hérésie, qu'elle les fasse trembler, ces moineaux, ces vaincus-nés ? Le vrai mâle, celui dont on n'a pas encore bagué les doigts de pieds, lui prétend que ce sont là des moeurs intimes à la sauce urbaine, pitoyables. Des bêtises inconsistantes issues de cervelles de poulets. Des sornettes inventées par des esprits châtrés contaminés par la publicité, le cinéma et les médias !
    <o:p></o:p>


    Edulcorants hollywoodiens alliés aux antiseptiques cérébraux, ainsi est composée la soupe aux navets évoquée plus haut.
    <o:p></o:p>


    Cette conception de l'amour totalement indigente -aux antipodes de la flamme charnelle ardente- initiée par les vendeurs de fromage blanc et de poudre à laver est devenue le lieu commun de l'homme et de la femme d'aujourd'hui. Comment s'étonner après si des femelles élevées aux "idées chimiques" et qui ont par conséquent grandi avec des habitudes contre leur nature dans le culte de l'insignifiance amoureuse, non contentes de rêver stérilement de "partage", de "moments sublimes" comme elles disent si sottement, réclament concrètement ce genre d'imbécillités quand un mâle, un vrai, daigne honorer leur petitesse congénitale ?
    <o:p></o:p>


    Ces dindes farcies de balivernes inodores, pétries d'idéal conjugal standard déclarent avec un air éthéré de circonstance que le sexe est sacré, que le plaisir des sens est un temple, que l'accouplement humain a une dimension quasi religieuse !
    <o:p></o:p>


    La vérité, c'est que ce sont les vendeurs de Coca-Cola de Hollywood qui ont sacralisé le sexe afin de mieux vendre leur jus ! Ils auraient pu sacraliser les betteraves à sucre, les roues de brouettes, les tuyaux d'échappement des tracteurs ou les orteils des eunuques sénégalais, mais ils ont choisi le sexe car c'est ce qui fait le mieux vendre.
    <o:p></o:p>


    C'est même un blasphème que de sacraliser ainsi le sexe car c'est l'esprit qui devrait être sacralisé et non les instincts de reproduction ! Nous avons été contaminés par les vendeurs de soupe. Ils nous ont inculqué leurs valeurs mercantiles outrancières au point que l'on s'est insidieusement mis à penser selon leurs normes. Ce qui est réellement sacré, c'est la pensée, l'esprit, la réflexion, l'âme et non le sexe. Si on accepte de sacraliser ainsi le sexe, pourquoi alors ne pas sacraliser le plaisir du manger, les nécessités de la défécation ou l'inanité du bavardage insipide ? Ce sont aussi des actes naturels à l'homme...
    <o:p></o:p>


    Après les bagnoles, les lessives, les pots de yaourt, ce sont les téléphones portables qui ont été "sexualisés" par les professionnels du marketing.
    <o:p></o:p>


    La femme est devenue un menu volatile et l'homme un gros mulet.
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    787 - Différences fondamentales entre l'homme et la femme vieillissants

     <o:p></o:p>

    La femme est sotte, faible, hystérique, l'homme est grand, fort, sage.<o:p></o:p>


    La femme dépense, l'homme achète. La femme ignore, l'homme apprend. La femme est belle, l'homme pense.
    <o:p></o:p>



    Entre l'homme et la femme les différences s'accentuent encore plus lorsqu'ils prennent de l'âge. Tandis que l'une vieillit purement et simplement, l'autre s'ennoblit.
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    La femme avec l'âge blanchit, devient cendreuse, perd ce qui faisait, plus jeune, son principal intérêt : l'éclat. L'homme tout au contraire mûrit idéalement avec les ans, prend de la valeur en s'argentant. Lorsque la première entre dans la plus infâme décrépitude physique et mentale, le second devient un marbre, un socle, un mythe. L'homme se déifie pendant que la femme s'amenuise.<o:p></o:p>


    La femme est une poule d'eau, l'homme un lion.
    <o:p></o:p>


    De la tête aux pieds l'homme de grand âge est noblesse, hauteur, force. Il sourit comme un seigneur, mange avec des grâces célestes et viriles, détaché des choses vulgaires avec grande classe. Digne, beau, magistral, exquisément intemporel dans sa toge aux plis esthétiques (car le vieillard porte le linge blanc avec une naturelle élégance pleine de simplicité et d'authenticité), l'homme âgé impose le respect. Le mâle qui a vécu a le front antique, ses allures sont olympiennes, ses pensées profondes, radieuses... Et quand il parle, de ses lèvres marmoréennes sortent des sentences immortelles.
    <o:p></o:p>


    La vieillarde n'est que petitesse, mesquinerie, avarice, acrimonie, charogne hurlante, parfaite abjection, objet de répugnances et sujet de moqueries. Mais surtout elle est
    <o:p></o:p>

    l' image sordide, immonde de l'originelle beauté gâtée par le temps. La femme vieille incarne la marche inéluctable de Vénus vers les gouffres de Vulcain.<o:p></o:p>


    Le patriarche est auguste, la femelle devenue inféconde est grotesque, fielleuse, pitoyable.
    Les jeunes filles sont attirées par le noble centenaire au pas réfléchi et au regard clair. Mais quel éphèbe aurait l'idée de poser ne serait-ce qu'un demi regard sur une sorcière de soixante-dix, quatre-vingts ans ? La déchéance n'a jamais allumé aucune flamme. Mais la sagesse, la gravité, la majesté sont de mâles trésors que toutes les femmes -les belles encore plus que les autres- cherchent en secret.

    <o:p></o:p>

    Ce qui est encore le signe le plus certain de la valeur grandissante de l'homme qui prend racine dans le temps.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    788 - Le miracle de la Beauté<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    La beauté me désarme, me subjugue, m'électrise.<o:p></o:p>


    Esthète avant tout, je fléchis d'extase devant la "lumière qui engendre la lumière", ce que nous appelons la Beauté.
    <o:p></o:p>


    Ce qui dépasse mon front est radieux, ce qui touche le ciel est rayonnant, ce qui met le feu à mon âme est éblouissant. La Beauté est bonne, juste, pure. La Beauté est bleue, blanche, translucide.
    <o:p></o:p>


    Invisible.

    Le firmament, un visage, une mare : le Beau fait pleurer l'Homme.
    <o:p></o:p>


    Toutes les femmes ne sont pas belles. Les nuits étoilées n'inspirent pas une flamme invariable. On voit aussi ce qui est laid dans la terre.
    <o:p></o:p>


    Mais dès qu'une femme est belle parmi les laiderons, qu'un astre chante dans le grand silence sidéral, que le clabaudage du crapaud fait l'herbe mystérieuse, l'esthète s'illumine et trouve la Création admirable : aussi bien le vermisseau dévorant la charogne que le marbre hellène, la cendre dans l'âtre du pauvre que l'artifice dans le palais du prince, l'être minuscule qui d'une particule d'eau fait son univers que la galaxie aux bras incommensurables.
    <o:p></o:p>


    Une seule étincelle de beauté suffit à tout enflammer dans le regard de l'esthète qui percevra le reste monde d'une nouvelle façon. Dès que brille le moindre grain de sable dans le regard de celui qui s'émerveille, dès que l'observateur éveillé voit des diamants dans une pincée de simple poussière, dès que l'être sensible perçoit l'essentiel, qu'il capte non avec l'oeil mais avec l'esprit cette "vibration supérieure" qui donne à la matière son relief, sa hauteur, son éclat, alors pour lui l'Univers entier prend le même aspect : il n'est plus qu'un réservoir de Beauté.
    <o:p></o:p>


    La Beauté est une voie vers l'infini, une vérité universelle, une preuve d'immortalité de tout ce qui vit car ce qui est beau procède d'un principe suprême, est issu d'une inextinguible source de lumière, et est fatalement d'inspiration divine. C'est pourquoi la Beauté est éternelle.
    <o:p></o:p>


    La Beauté, c'est un mouvement perpétuel transposé dans l'immatériel, un principe auto-créateur car, miraculeusement -à l'image du kaléidoscope aux combinaisons incalculables-, à l'infini le Beau engendre le Beau.
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    789 - Tante Jeni<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Aujourd'hui dimanche, pour la jeune et joyeuse famille c'est jour de visite chez tante Jeni, vieille célibataire roumaine arriérée à la mentalité, aux moeurs et au corps définitivement rigides<o:p></o:p>


    La vieille parente porte avec mauvaise humeur ses soixante années de chasteté hargneuse. Elle reçoit avec ostensible retenue les bambins et leurs géniteurs qu'elle appelle d'ailleurs "géniteurs" afin de bien faire comprendre aux invités que son coeur est un glaçon en forme d'arête... Chez elle les embrassades familiales, c'est mi bise, mi gifle. Les enfants incarnant à ses yeux le "péché du plaisir conjugal", elle tire grand orgueil de son célibat qui a préservé ses flancs de toute "souillure" et ne manque jamais une occasion de rappeler la "pureté" de son hymen à sa nièce pleine de joie et de vie ayant enfanté trois fois... Ce qui pour tante Jeni équivaut à une triple damnation.

    Ce puits de haine, de bêtise et de sécheresse en chignon amuse beaucoup ses hôtes à la vérité ! Tante Jeni est laide, sotte, méchante, et c'est bien ce qui fait son prix. Qui d'ailleurs ignore les vices cachés de l'hypocrite ? Même les enfants savent les secrets de la vieille chèvre. Après la messe du dimanche, combien de fois l'a-t-on vu s'attarder sur la statue de Saint Sébastien, reluquant d'un oeil pervers ce corps lascif percé de flèches, allant jusqu'à baiser avec fausse ferveur les pieds du plâtre ? Même le curé qui n'a jamais été dupe de sa piété frelatée observe son manège, encore plus amusé que les autres.
    <o:p></o:p>


    Tante Jeni est, il est vrai, son ouaille la plus fidèle. Et la moins crédible. L'exemple type pour les autres de ce qu'il ne faut pas être. Cela dit son curé est miséricordieux, indulgent, charitable envers cette coche libidineuse déguisée en sainte icône.
    <o:p></o:p>


    Le plus drôle chez tante Jeni, c'est sa manie de nettoyer avec acharnement les poignées de portes de sa chaste et mortelle demeure une fois les invités partis... Tante Jeni, obsédée par le plaisir sexuel et ses mystères, suspecte sa nièce et son époux d'avoir copulé juste avant leur visite. Idée insupportable pour cette vieille carne acariâtre, ce qui justifie les réactions hygiéniques les plus extrêmes ! Jusqu'au grotesque, l'hypocrite ne craint pas de prouver le degré de sa "très grande pureté" en allant jusqu'à exhiber à qui veut les voir les chiffons artificiellement souillés ayant servi au nettoyage des poignées de portes après la visite de sa nièce et de sa  famille ! Elle pousse parfois le vice jusqu'à conserver les chiffons usagés pendant toute la semaine afin de les montrer à la nièce le dimanche suivant.
    <o:p></o:p>


    Alors, avec un air plein de dignité, toute triomphante, elle étale devant sa nièce les chiffons ayant servi à la désinfection des poignées de portes de sa maison de "femme honnête", tandis que mentalement elle profère les injures les plus immondes à l'adresse de la jeune mère qui silencieusement l'écoute avec un mélange de lassitude et de pitié amusée...
    <o:p></o:p>


    Tante Jeni est un trésor, sa nièce le sait. Un trésor de monstre humain échappé d'un roman pittoresque et improbable, lui-même issu d'un siècle qui n'a jamais existé... Tante Jeni n'est pas de ce monde.
    <o:p></o:p>


    Et c'est d'ailleurs pour cela qu'elle existe, la tante Jeni : parce qu'aucun romancier n'aurait pu concevoir ce personnage, s'il n'existait réellement.
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    790 - Morphéose et Ophyngiée<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Morphéose était singulièrement belle, quoique infâme par le caractère. Eprise d'un verveux et indifférent éphèbe nommé Ophyngiée auquel elle prodiguait un amour étrange et désespéré, elle perdait son temps à essayer de le séduire.<o:p></o:p>


    Lui était égoïste et cruel, même si paradoxalement on lui trouvait des qualités humaines incontestables.
    <o:p></o:p>


    Bref, Ophyngiée recevait la flamme de Morphéose avec froideur, voire avec les plus féroces railleries selon qu'il avait mangé ou non à satiété la veille au soir ou selon la température qu'il faisait dans la région, tandis qu'à côté de cela il consacrait temps, énergie et argent à aider des orphelins en Espagne.
    <o:p></o:p>


    Morphéose se mourrait de langueur pendant que l'objet de ses feux se dévouait sans compter à ses oeuvres charitables. Un jour, lassée de la goujaterie de l'adonis au coeur ambigu l'amoureuse éconduite tenta le tout pour le tout : elle lui ouvrit son corsage sous le nez afin qu'il pût apprécier le prix de ses ardeurs, la profondeur de ses sentiments, la sincérité de ses vues.
    <o:p></o:p>


    Heurté par tant d'impudeur Ophyngiée répondit à cette provocation mammaire par une moue hautaine à peine forcée qui fit sur Morphéose un effet encore plus insupportable que son ordinaire indifférence.
    <o:p></o:p>


    Ils se marièrent cependant, eurent un seul enfant qu'il appelèrent sobrement François, vécurent une dizaine d'années sans histoire avant d'envisager une séparation. La perspective joyeuse d'un célibat retrouvé eut raison de leurs dernières réticences.

    <o:p></o:p>

    François fut abandonné aux bons soins d'une institution religieuse fort sévère, ce qui permit aux parents déçus de leur mariage de trouver une paix qu'ils avaient longtemps cherchée.<o:p></o:p>


    Morphéose profita de sa nouvelle liberté pour s'adonner à l'art de la couture et de la broderie. Ophyngiée quant à lui, n'ayant plus d'orphelins espagnols pour occuper son temps se tourna définitivement vers l'étude stérile des étoiles, n'ayant aucune compétence scientifique en ce domaine.
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    791 - Le citoyen de base est un minable<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Le socle de la société est composé d'hommes ordinaires sans histoires ayant des préoccupations à la hauteur de leurs pieds. <o:p></o:p>


    Minus de naissance, ils suivent l'ornière avec des espoirs "d'ascension bancaires", attendent pendant des années leurs promotions d'employés, de comptables, leurs augmentations de salaire de chauffeurs-routiers, leurs réductions d'impôts d'ouvriers spécialisés ou de patrons d'entreprises, aspirent à rembourser leurs maisons achetées à crédit, passent leur temps libre à s'engraisser le corps tout en se vidant l'esprit, sont contrariés -voire franchement énervés- par une rayure sur la portière de leur voiture, vivent avec des soucis d'assurés, meurent avec des rêves de retraite qui ne sortent jamais de leurs têtes. Chez eux la perspective de la retraite est comme un appendice mental, un mystère quasi génétique dont ils ne parviennent définitivement pas à faire abstraction. Ils appellent cela un "acquis social". Pour eux c'est sacré, la retraite. Tellement essentiel qu'ils passent leur existence à l'attendre.
    <o:p></o:p>


    Précisons que ces minables qui travaillent toute leur vie pour se constituer une retraite meurent souvent avant la retraite, ce qui prouve que la justice divine existe, au moins en ce qui concerne les abrutis.
    <o:p></o:p>


    Du berceau à la tombe ces citoyens ordinaires rasent le sol de leurs pensées triviales, caressant des chimères aussi volatiles que des gains de LOTO, aussi clinquantes, plates, vulgaires, superficielles que des écrans de télévision à plasma.
    <o:p></o:p>


    Pour eux les vacances sous les cocotiers représentent le sommet de la félicité. Ils sont fiers de leurs automobiles. Ils vont aux enterrements avec des lunettes noires, fêtent leur anniversaire tous les ans de leur vie, se promènent aux Champs-Elysées en famille, sont farouchement opposés à la chasse mais pas contre leur "steak" du midi. Bien entendu leurs habitudes alimentaires sont infâmes, grossières, voire ignobles. Mais eux ne voient rien, c'est le principal.
    <o:p></o:p>

    Leur morale se borne au code civil. Leur bonté est basée sur les arguments commerciaux des publicistes. Leur vue humaniste est réglée sur les fluctuations économiques. Les pieds bien sur terre, jamais ils ne décollent.<o:p></o:p>


    Il faut toutefois reconnaître leurs mérites : assoiffés de confort aussi bien mobilier qu'intellectuel, ils font d'excellents patriotes, de bons ouvriers, des pions dociles pour le marketing, la politique, la télévision.
    <o:p></o:p>


    Ce sont les citoyens de base. Ils sont gentils, aimables, parfois même assez courtois. Il n'empêche que ce sont des minus, des infirmes de l'esprit, des atrophiés de l'âme, des pauvres types pour qui la mort se résume à des préoccupations strictement funéraires : le choix du "prestataire de services", voilà ce qui compte pour eux.
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    792 - Marie-Josette et Arthur<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Marie-Josette, célibataire dans la fleur de l'âge, n'a pas vraiment conscience d'être un authentique laideron. Du moins elle semble vouloir l'ignorer.<o:p></o:p>


    Ou pire : feindre de croire être une belle femme.
    <o:p></o:p>


    Certes elle arbore une grande chevelure blonde assez impressionnante qui la rend réellement séduisante vue de dos, certes elle a une large dentition bien carrée à faire enrager de jalousie une californienne de souche, certes elle se maquille avec goût et sa toilette est toujours luxueuse. Il n'empêche, Marie-Josette quand on la voit de face, avec ou sans fard, est ce qu'on peut appeler une femme laide.
    <o:p></o:p>


    Et même fort laide, pour être juste.
    <o:p></o:p>


    Ajoutons que son abyssale bêtise n'arrange rien au tableau déjà peu reluisant de sa personne physique.
    <o:p></o:p>


    Marie-Josette non contente de n'avoir point de poumons, ni de hanches, ni de flancs, ni de grâces, ne possède pas plus de cervelle. Bref, elle n'a rien de ce qui fait les charmes habituels d'une femme. Privée de l'essentiel, elle se rattrape sur le   superflu : Marie-Josette, en effet, affectionne singulièrement la compagnie du vent, la contemplation incessante de ses souliers vernis, s'enquérant auprès de son concierge des rumeurs colportées par les journaux mondains, bavardant à n'en plus finir avec sa boulangère sur tout et rien.
    <o:p></o:p>


    Un jour, sous l'empire d'une de ses furies utérines elle s'ingénia à chercher l'ivresse charnelle au-delà des bornes de sa réflexion et de ses moyens de séduction : elle fit des propositions libidineuses à un Apollon (nommé Arthur) deux fois moins âgé qu'elle et vingt fois plus attrayant.
    <o:p></o:p>


    L'inconcevable se produisit : l'éphèbe ne repoussa pas l'indigente, fit honneur à sa féminité absente, ne rechignant pas ensuite à s'afficher publiquement avec cette blonde chamelle au cerveau d'autruche.
    <o:p></o:p>



    Ils sont toujours ensemble, le prince charmant ayant été fidèle à sa Cunégonde écervelée. Ils n'ont pas eu d'enfants mais plein de critiques et se consolent de leur stérilité par des satisfactions égoïstes.
    <o:p></o:p>


    De quoi s'interroger sérieusement sur les mystères de l'amour...
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    793 - Lettre aux publicitaires<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    La publicité ramollit la cervelle du citoyen moyen, et cela d'autant plus que des esprits dégénérés ont osé l'élever au rang de l'Art... Ce dernier point est pervers car oser élever les ritournelles et saynètes "lessivières" au rang de l'Art est un argument commercial mensonger supplémentaire (subtil et détourné) en faveur des yaourts, des chaussettes, des pneus de voitures et de leur glorification par ce procédé prétendument artistique.<o:p></o:p>


    A l'exemple de l'église de scientologie qui n'est devenue légalement une "église" que pour entrer dans un cadre fiscal plus avantageux mais aussi pour devenir plus respectable sur le plan moral. Avant d'obtenir son statut d'église, la scientologie était une vulgaire secte à but hautement lucratif. Aujourd'hui elle plume autant de pigeons qu'avant et avec la même énergie, sauf qu'elle le fait dans un cadre plus officiel, ce qui la met à l'abri des foudres de la loi.
    <o:p></o:p>


    Il en est de même en ce qui concerne la publicité : c'est une vaste opération de manipulation des esprits faibles à but strictement mercantile, une espèce de poison culturel qui de manière agressive s'étend sur le monde et dans les esprits depuis maintenant deux ou trois générations. La publicité est une machine tentaculaire destinée à fabriquer des abrutis assoiffés de coca-cola, et ce depuis des décennies. Voici une lettre destinée à des gens que bien des naïfs assimilent sottement à de "géniaux créatifs"...
    <o:p></o:p>


    Messieurs les créateurs,
    <o:p></o:p>


    Je vous qualifie de "créateurs" mais ce n'est pas ironique du tout. Vous êtes de très grands esprits, des gens utiles, des hommes libres.
    <o:p></o:p>


    Mieux : des "artistes".
    <o:p></o:p>


    L'art de prendre les êtres humains pour des minables, c'est un métier. Une vocation. Il faut être né avec du souffle dans la cervelle, je veux dire une chambre à air, bref avoir ça dans le sang, aimer faire du vent avec rien, ou plutôt aimer faire du rien avec du vent, l'air de rien.
    <o:p></o:p>


    L'engagement pour la cause publicitaire, ça s'apprend, ça se mérite. Je vous comprends... De tels efforts, ces études poussées, tant d'argent dépensé, ces belles énergies, toutes ces réflexions pour rendre bêtes et laids vos semblables, cela ne mérite-t-il pas d'immortelles statues en nouille ?
    <o:p></o:p>


    Vous êtes admirables messieurs les publicitaires.
    <o:p></o:p>


    Vous êtes indispensables surtout, vous qui embellissez les esprits sur papiers glacés, approfondissez les grandes questions du siècle plus blanc que blanc, habillez les abrutis (mais attention je parle des vrais abrutis-maisons, ceux qui rigolent et même qui semblent se pâmer sexuellement quand on les filme avec leur pot de yaourt), dénudez les têtes, vous qui savez mieux que quiconque ce qu'il faut mâcher, vous qui calculez au gramme près combien de légumes il faut manger quotidiennement pour ne pas que l'on devienne obèse, vous qui connaissez les secrets millénaires des ânes, des vaches et des petits pois, vous qui débitez des vérités fluides comme du plasma au son de violons numériques, vous qui décrétez que le sang menstruel de nos femelles aseptisées est bleu... Sans vous, avec quoi meublerait-on nos écrans, que lirait-on dans nos journaux, que penserions-nous dans nos pauvres têtes du matin au soir ?
    <o:p></o:p>


    Et surtout, que mangerions-nous ? Des patates ? Tous les jours des patates ! Ce serait l'enfer sans vous, messieurs les publicitaires. Pardon, messieurs les "artistes".
    <o:p></o:p>


    Merci de nous éclairer. Grâce à vous on mange cinq fruits et légumes par jour. Sur vos conseils on sait comment faire pour devenir intelligents, propres, bien chaussés, bien lavés, bien nourris, ipodés, protégés. Même nos cheveux brillent.
    <o:p></o:p>


    Vos vérités nous rendent beaux, bons, bien vêtus et même immortels. Les morts sont des ringards : ils ne vous écoutent pas les pauvres !
    <o:p></o:p>


    Avec les shampoings qui font luire nos trésors capillaires, nous les vivants on a des idées nouvelles sous le crâne. Vous nous avez sauvés, messieurs les "artistes" !
    <o:p></o:p>


    Votre merde a l'apparence de la merde, l'odeur de la merde, le goût de merde.
    <o:p></o:p>


    Et c'est effectivement de la merde.
    <o:p></o:p>


    Mais vous la vendez au prix de l'or, alors là vraiment je vous dis chapeau les "artistes" !
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    794 – L’éclair originel<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    A présent je sais.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Je sais sa puissance, sa violence, sa force, ses profondeurs, son radieux mystère.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Et son infinie légèreté.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    C'est une énigme visible à l'oeil nu, un principe immatériel plus essentiel que la pensée, plus limpide que l'air, plus solide que le roc, plus durable que le temps. C'est une étincelle susceptible d'embraser une chambre, un champ, le globe terrestre, la galaxie, l'Univers : une intangible mais infaillible preuve de vie. C'est une onde qui fait rentrer le ver dans sa fange, sortir l'imbécile de son antre, frémir les ruisseaux, trembler les vivants, danser les morts, vibrer le monde entier.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Cette flamme voyageuse purement cosmique, quasi éthérique, certainement divine, miraculeuse, fragile, inextinguible, insaisissable, éternelle, magistrale, aussi éblouissante que dérisoire qui de l'atome à l'étoile fait disparaître toute zone d'ombre porte un nom.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Pour désigner cette essence universelle que l'on explique approximativement avec de savantes formules mathématiques, qui s'échappe toujours de nos éprouvettes pour fuir vers l'infini et qui pour cette raison précisément donne du prix à nos jours et une base inébranlable à nos certitudes, constatations ou théories scientifiques, religieuses, humaines, pour désigner cette chose née d'ailleurs, on prononce un mot humain, nécessairement humain.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    LUMIERE.<o:p></o:p>

    795 - Richesses et misères du travail<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Le travail peut être aussi bien être une aliénation qu'une libération si on tient compte des diverses sensibilités collectives et individuelles des personnes qui s'y adonnent.<o:p></o:p>


    Pour la plupart des personnes le travail (dans le sens du travail rémunéré pratiqué hors de chez soi à raison de huit heures par jour, bref ce qu'on nomme le "système") est non seulement un moyen commode, ordinaire d'obtenir honnêtement, régulièrement et légalement des ressources, mais constitue également un équilibre vital tant sur le plan psychologique que physique.
    <o:p></o:p>


    Que cela soit par choix, par nécessité ou par atavisme peu importe, le fait est là : pour cette partie de l'humanité le travail est une libération, un privilège, et sera même vécu comme une distraction.
    <o:p></o:p>


    Pour d'autres il sera une aliénation. Évidemment tout dépendra des circonstances socio-économiques, du contexte où se pratiquera le travail ainsi que de l'état d'esprit, de la culture, de la sensibilité de chaque individu. Cela dit le travail du "système" n'est qu'une forme consensuelle, traditionnelle du travail en général. Mais l'écrivain, le poète, voire même le joueur de tiercé professionnel travaillent eux aussi, sauf que la forme est différente.
    <o:p></o:p>


    Le plaisir pour chacun d'eux est le même, rien ne diffère dans le fond. Que ce soit le labeur de l'ouvrier qui trouve son bonheur dans son usine ou le travail d'écriture de l'écrivain qui vit tous les jours son "paradis intellectuel" à travers ses pages noircies, le travail quand il est accepté comme un mode de vie épanouissant prend nécessairement une dimension positive.
    <o:p></o:p>


    Ouvrier, paysan, poète, PDG : dans tous les cas le travail fournira à celui qui s'y adonne avec coeur de glorieuses satisfactions. Il formera les muscles du premier, donnera une qualité de la vie au second, agitera les neurones du troisième, contribuera à l'assise socio-culturelle du dernier, chacun selon ses qualités dominantes. Bref le travail rend heureux socialement et/ou individuellement ceux qui s'y adonnent avec conviction : épanouissement physique et social pour le manuel, satisfaction matérielle l'artisan, enrichissement bancaire pour le commercial, jouissance cérébrale pour l'intellectuel, bienfaits culturels pour l'artiste...
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Dans l'idéal tout le monde trouve son compte dans le travail tel qu'il est défini selon les critères pédagogiques de notre époque, qu'il soit professionnel ou privé.<o:p></o:p>


    En ce sens le travail, qu'il soit effectué sous une forme privée ou professionnelle, rémunérée ou non est utile et structurant pour la personnalité du travailleur, épanouissant pour lui car accepté et vécu comme tel. Entre l'homme qui passe ses journées dans son usine et celui qui la passe au bord de la plage, quelle différence dans le fond ? N'est-ce pas plutôt la manière de vivre les activités qui en font leur valeur, leur saveur ?
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Bien vivre une journée à l'usine n'est-il pas préférable que mal vivre une journée à la plage ? S'il y a des gens qui sont heureux de travailler dans le "système", pourquoi vouloir à tout prix leur ôter ce plaisir ? Ils sont utiles tant à ceux qui travaillent qu'à ceux qui ne travaillent pas. Personnellement je m'ennuie très vite sur une plage. Une heure à ne rien faire étendu sur une plage est un maximum pour moi. J'imagine mal un ouvrier passer ses journées à ne rien faire après 40 ans d'usine. Même moi qui n'ai jamais travaillé je m'y ennuie au bout d'une heure...<o:p></o:p>


    Je prône certes la libération de l'homme par rapport au travail, mais exclusivement pour ceux qui y trouvent avantage. D'ailleurs le travail ainsi supprimé dans les usines où l'on aura mis des robots à la place des hommes sera de toute façon remplacé par un autre, plus ludique certes mais le fond ne changera pas : l'homme s'adonnera à des activités distrayantes quoi qu'il en soit.
    <o:p></o:p>


    Pourquoi ne pas admettre que l'ouvrier moyen considère son travail à l'usine comme une immense distraction permettant de meubler son existence, de donner un sens à sa vie entière, voire à sa descendance ?
    <o:p></o:p>


    L'activité de l'ouvrier que l'on aura remplacé par le robot dans l'usine ne sera de toute façon que déplacée, mais non supprimée car enfin il faut bien faire quelque chose de ses journées. Quand bien même cette activité nouvelle serait ludique, l'ouvrier sera-t-il heureux pour autant de se retrouver à faire du ski, du tir à l'arc, des siestes, des activités artistiques ou des promenades pédestres toute ses journées ? Il se pourrait bien qu'il regrette son usine...
    <o:p></o:p>


    Donc, prudence. Ne nous hâtons pas d'imaginer de belles théories en ce domaine. L'homme est bien plus complexe -et paradoxalement plus simple-, mais aussi plus imprévisible que ce qu'on pourrait croire. La théorie c'est bien, mais la pratique nous montre souvent que l'homme n'est pas toujours fait pour ce qu'on croit et nos belles idées n'ont plus de poids face à la réalité, laquelle est parfois beaucoup plus simple.
    <o:p></o:p>


    Ainsi on ne peut pas vraiment juger de ce qui fera le bonheur des autres. Moi je ne juge plus celui qui travaille et qui aime ça. Je demande en retour à ce que l'on ne me juge pas sur ma situation par rapport au travail professionnel, qui pour la plupart des travailleurs habitués à leur mode de vie sera considérée comme une calamité (mais qui à mes yeux est un immense privilège).
    <o:p></o:p>


    Ma situation me convient à moi, elle ne convient pas nécessairement au voisin. Nous sommes tous différents, c'est ce qui fait que les problèmes liés au travail ne sont pas applicables à tout le monde. Ainsi le travail remplacé par les machines peut être un progrès pour certains mais un non-sens pour d'autres. Je le répète, un travail bien vécu, épanouissant ne sera jamais considéré comme un travail. Et passer ses journées à faire des activités autres que des activités professionnelles ne sera pas nécessairement un gage de bonheur pour certains.
    <o:p></o:p>


    Après, que ce travail épanouissant soit rémunéré ou non, cela est un autre problème.
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    796 - Lettre aux mineurs de fond<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    On vous appelle les "gueules noires" avec respect et admiration sous prétexte que vous vous encrassez la face du matin au soir comme de gros souillons à trente mètres sous terre ... Moi je vous nomme "têtes de cochons" car vous n'êtes que de sales pervers s'adonnant au travail de force, ce qui nécessairement vous fait puer la sueur comme des porcs !<o:p></o:p>


    Vous êtes des petits crasseux côtoyant de la naissance à la mort cette saleté de charbon que vous magnifiez bêtement comme si votre existence de "pataugeurs professionnels" représentait le summum de la félicité sociale, l'exemple de la réussite personnelle, le modèle du courage collectif alors qu'en vérité, incapables de vous extraire de votre fange atavique, vous ne cultivez que l'échec, la misère, la faiblesse, la lâcheté.
    <o:p></o:p>


    On vous appelle les "héros du quotidien", vous n'êtes que d'indicibles cancres de pères en fils pour qui la mine est la seule alternative à votre héréditaire paresse scolaire ! Et puis tout le monde sait bien que le pinard est votre seul réconfort, bande de poivrots à la peau noircie ! Et même si ce n'est pas vrai, on le croit. Ce qui suffit à vous déclasser aux yeux du monde.
    <o:p></o:p>


    Mais surtout cette puanteur qui se dégage de vos personnes.... Cette sempiternelle, satanée, écoeurante odeur de transpiration qui imprègne vos bleus de travail, n'avez-vous donc pas honte d'arborer de la sorte les larmes de vos corps éprouvés ? Indigents que vous êtes, au sortir de la mine n'avez-vous pas d'autre étendard à brandir que ces sourires austères sur vos visages sales, grossiers, burinés quand d'autres plus réfléchis, mieux éduqués et bien moins malpropres que vous affichent leur éclatante santé sous leurs coquets chapeaux de feutre ?
    <o:p></o:p>


    Décidément vous les "gueules noires", vous incommoderez toujours les esthètes de ma carrure...
    <o:p></o:p>


    Retournez donc au charbon puisque vous êtes assez bêtes pour vouloir continuer à creuser vos trous à rats de génération en génération !
    <o:p></o:p>


    Moi pendant ce temps, je vais maintenir bien au chaud mon précieux front de sybarite auprès des braises réconfortantes, régénérantes de ma cheminée à charbon.

    797 - Mangeurs de porcs<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Les gens de nos contrées, accoutumés depuis des générations à ingérer quotidiennement de la chair porcine vivent sans le savoir dans l'ignominie alimentaire. Le cochon, symbole de la fange, bête certes sensible mais puante, "ogresque", répugnante, sinistrement offre depuis des siècles sa chair abjecte aux populations grossières qu'elle engraisse. <o:p></o:p>

    En outre la viande du porc ressemble beaucoup, paraît-il, à la chair humaine quant à son goût. Ne serait-ce que pour cette raison, l'on devrait bannir définitivement ce mets de nos tables, le honnir résolument. Malheureusement les siècles l'ont solidement établi sur le trône indigne de nos faveurs gastronomiques...<o:p></o:p>


    Consommer la viande de ce rose animal qui hurle à fendre le coeur quand on l'assassine est un double crime. Crime contre la créature "objetisée" jusque dans ses derniers viscères mis en bocaux, crime contre le bon goût. Préparer du porc au repas, se délecter de la chair de ce quasi double de nous-mêmes : réjouissances pour le vulgaire, moeurs infâmes aux yeux de l'esthète !
    <o:p></o:p>


    Ce qui semble ordinaire, anodin au commun peut être exceptionnellement haïssable pour le bel esprit.
    <o:p></o:p>


    Je considère les mangeurs de porcs comme des dégénérés qui s'ignorent, d'aimables sauvages, de civilisés anthropophages, de raffinés barbares qui, habitués à la puanteur de l'esprit populaire, ne la sentent plus.
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    798 - Les souillards de la Toile<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    L'ordure remplit la Toile à vitesse quasi exponentielle.<o:p></o:p>


    Les pornocrates de tous poils se sont précipités dans le filon informatique pour s'enrichir en répandant leur fange. Il y a de tout parmi cette pègre : cela va des crapules les plus subtiles qui pour leur défense brandissent la caution esthétique jusqu'aux plus puantes agissant par pure vénalité en passant par les pires détraqués en liberté ayant perdu toute foi (mais quand même sans violer la loi des hommes, pour mieux durer...).
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Comble de l'iniquité : la loi les protège.<o:p></o:p>


    A partir du moment où ces êtres malfaisants souillant le NET -donc les esprits faibles- de leurs oeuvres mercantiles à caractère pornographique ne font rien qui soit hors la loi, cette dernière les tolère. Pire : en certains cas elle les aide.
    <o:p></o:p>


    D'ailleurs on peut se demander si le terme "pornographique" est encore valable en ce qui concerne certains excès... Ne faudrait-il pas plutôt parler d'immondices mentales ? "Pornographie" a encore une connotation trop culturelle pour qualifier ces aberrations croisées sur la Toile, voire imposées à l'internaute imprudent qui ne demande rien.
    <o:p></o:p>


    Ces faiseurs de vice honorablement secondés par des structures financières et juridiques tout ce qu'il y a de plus légales inventent n'importe quoi pour racoler le minable de base en quête d'avilissement. Aucun aspect de la morbidité de l'esprit humain ne les rebute, au contraire ils exploitent les pathologies libidineuses les plus inconcevables pour faire du fric. Tout est passé en revue, depuis les déviances les plus réalistes jusqu'à certaines aberrations purement imaginaires, le réel ne leur suffisant même plus pour alimenter leurs moulins à ordures.
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Plus c'est répugnant, ignoble, choquant, moins ils semblent mettre de frein aux vomissures de leur esprits en pleine putréfaction morale.<o:p></o:p>


    Ne parlons même pas des victimes -essentiellement des femmes- de cette crapulocratie internautique qui, par appât du gain facile, faiblesse morale, détresse psychologique, misère sociale, pauvreté spirituelle ou simplement parce qu'elles sont forcées, fournissent à ces bandits la "matière première" à leur hideuse entreprise. Et cela bien entendu non seulement au prix de la santé physique, mentale de ces femmes, mais aussi de leur dignité.
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Ce dont ces proxénètes -pour les appeler comme ils le méritent- n'ont que faire, rappelons-le.

    Ces lâches se cachant très souvent derrière des paravents professionnels parfaitement opaques, il est difficile de leur mettre la main dessus. Aussi, j'invite tous les esprits encore sains de la Toile à pourchasser informatiquement ces producteurs d'excréments en inondant leur BAL (pour ceux qui parviendront à les identifier)
    de ce présent texte, de la même manière qu'ils nous inondent de leurs déjections mercantilo-sexuelles.

    Pour retrouver la propreté originelle de la Toile, réagissons -même si ce n'est que symboliquement- contre les méfaits de cette canaille.
    <o:p></o:p>


    Puisse ce texte simple, accessible, sincère, être à l'origine d'une croisade efficace contre les souillards de la Toile !
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    799 - L’hystérie écologique<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Les savants autrefois étaient unanimes : la terre était plate, puis c'était le soleil qui lui tournait autour, ensuite (au dix-neuvième siècle, ce qui ne fait pas si longtemps) ces infaillibles érudits prétendaient que les souris naissaient spontanément dans les granges, les greniers, voire à partir de touffes de foin mélangées de bouts de chiffons.

    Ces illustres "barbes d'argent" fort doctement émettaient d'immortelles âneries que le reste de l'humanité -encore plus sotte et ignare que ces gourous parlant le latin- gobait sans broncher.
    <o:p></o:p>


    En médecine on a vu également des cohortes de pondeurs de sornettes.
    <o:p></o:p>


    Nos scientifiques contaminés par la pensée écologiste traînent eux aussi les hérésies de leur époque. Ils seront à leur tour raillés par leurs descendants qui les traiteront de naïfs.
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Nous ne constatons les effets de la pollution que dans les médias, pas dans le concret. Quant au réchauffement climatique, il est naturel selon moi. <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Jusqu'à maintenant je n'ai pas été une seule fois victime d'empoisonnement, d'asphyxie ou de je ne sais quels désagréments d'origine alimentaire, même quand je me rends dans des grande villes. Je ne connais aucun cas de maladie, de décès, d'infirmité dus à des ingestions de légumes cultivés sur nos terres prétendument empoisonnées, viciées, dénaturées.

     <o:p></o:p>

    En revanche comme tout le monde je connais bien des cas d'empoisonnements par baies sauvages, champignons vénéneux ou plantes médicinales mal dosées : la nature ne fait pas de cadeau aux citadins pétris de sensiblerie écologique !<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    A entendre les écologistes exaltés, la fin du monde est proche, les éléments vont se déchaîner pour détruire toutes les villes, les eaux recouvrir les continents, le feu tomber du ciel...<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Cessons d'alimenter la psychose mondiale ! En l'an 1000 l'on s'attendait à la fin des temps, certains voyaient des signes terribles dans les nues. Aujourd'hui on tremble devant le cataclysme écologique qui, jurent les adeptes de la "cause verte", est pour demain !<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    La planète, considérée comme un seul homme, est aussi capable de délirer environ une fois tous les millénaires...<o:p></o:p>


    Jeter un papier par terre ou dans une poubelle ne fait que déplacer le problème. Qui n'en est pas un d'ailleurs.
    <o:p></o:p>


    Brûler à petit feu le pétrole pour faire durer les réserves encore mille ans ou tout dépenser en quelques années sans aucune modération, à l'échelle géologique le résultat sera le même : zéro.
    <o:p></o:p>


    Une éruption volcanique moyenne rejette en une seule journée dans l'atmosphère l'équivalent de plusieurs années de "pollution" industrielle mondiale. Or les éruptions volcaniques sont constantes depuis l'origine de la Terre. Des milliards de tonnes de "déchets" naturels ont ainsi été rejetés dans notre atmosphère pour enrichir la planète ou bien faire fluctuer avec fruit sa température générale.
    <o:p></o:p>


    C'est surtout dans les têtes que l'économie d'énergie -donc la réduction de pollution- a des effets.
    <o:p></o:p>


    De même pourquoi s'alarmer de la disparition d'espèces ? Il est normal que des espèces disparaissent pour que d'autres apparaissent.
    C'est la loi de la vie depuis toujours. Et lorsque c'est l'homme en action (un pléonasme en fait : une des caractéristiques de l'homme n'est-elle pas d'agir sur son environnement ?) qui génère des disparitions d'espèces nuisibles ou dangereuses (l'ours des Pyrénées, le loup) ou qui combat ces espèces sans parvenir à les faire disparaître en dépit de son génie (les virus, les rats vecteurs de maladies, le ver solitaire, etc.), lorsque c'est l'homme disais-je qui est à l'origine de ces disparitions d'espèces, ne faut-il pas s'en réjouir au lieu de s'en chagriner ?
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Certes des espèces d'huîtres ou de végétaux utiles disparaissent, ce qui est regrettable pour la nature et aussi pour l'homme qui ne maîtrise pas toujours les effets de son activité. Mais en règle générale l'homme dans bien des domaines fait beaucoup mieux que simplement imiter la nature et ses lentes, laborieuses sélections dites "naturelles" : il la dépasse.<o:p></o:p>


    Il fait bien mieux que la nature en opérant, par exemple, des croisements de fruits pour faire naître de nouvelles espèces que la nature seule aurait été incapable de produire.

    La nature fait souvent les choses en petit, amer, immangeable et "avec plein d'épines". L'homme fait opulent, juteux, sucré et en "peau de pêche".
    <o:p></o:p>


    L'homme opère lui aussi des sélections non pas bêtement NATURELLES mais génialement HUMAINES.
    <o:p></o:p>


    C'est à dire dix millions de fois plus vite que ne le fait la nature. Et dix fois mieux.
    <o:p></o:p>


    Pour que la nature seule nous débarrassât des loups, il aurait fallu patienter passivement pendant des millénaires. Donc attendre que des centaines de milliers de troupeaux ovins de nos descendants se fassent dévorer "naturellement" (autant dire : avec l'assentiment des écologistes).
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Laisser faire de la sorte la nature, c'est aussi une manière d'agir sur elle artificiellement. Ne pas agir sur les éléments quand on peut agir, c'est une façon d'agir par nature interposée. Laisser la nature s'approprier l'espace vital de l'homme, c'est faire comme si l'homme n'était pas présent sur la planète. Or il est présent.

    Un jardinier qui décide de laisser la nature s'occuper de son potager n'agit pas naturellement puisque lui le jardinier fait aussi partie de la nature au même titre que l'insecte sur ses pommes ou l'abeille dans ses fleurs. Dés lors que l'homme foule le sol de sa planète, il y a automatiquement pollution, si on entend par le terme "pollution" toute activité humaine qui se répercute de manière durable sur les éléments.

    L'hippopotame a aussi une action durable, définitive, irréversible sur son environnement, de même que l'autruche ou le ver de terre.
    <o:p></o:p>


    Alors pourquoi l'homme, ce roi des créatures, n'aurait-il pas le droit lui aussi de marquer le sol de son empreinte, le ciel de ses rêves, la lune du feu de ses  astronefs ?
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    800 - Olivier, cette âme<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    J'ai rencontré Olivier Delemme sur la Toile il y a deux ans. Il passait d'improbables annonces pour trouver l'âme jumelle, qu'il ne trouva jamais. Sa maladresse, sa grossièreté, son outrance m'avaient touché. Tout en me liant d'amitié avec cet oiseau tombé du nid, je l'étudiais. Et plus je l'étudiais, plus je m'étudiais MOI. Et à travers moi, d'une manière plus générale, les rouages secrets de l'âme humaine...<o:p></o:p>


    Explications et extraits de textes postés à son sujet sur un groupe de discutions littéraire (forumlitteraire@yahoogroupes.fr) :
    <o:p></o:p>


    En suivant Olivier jusque sur un site d'annonces de rencontres amoureuses, voici comment je me suis présenté :
    <o:p></o:p>


    OLIVIER, UN PASSIONNANT SUJET D'ETUDE
    <o:p></o:p>


    Je m'appelle RAPHAËL ZACHARIE DE IZARRA, je suis venu m'inscrire sur ce site de rencontres spécialement pour pouvoir suivre de près les pérégrinations informatiques de ce personnage improbable (et pourtant bien réel !) nommé OLIVIER. Je le connais depuis quelques mois (je l'avais rencontré par hasard sur la toile). Ses annonces m'avaient fait tellement rire que je me suis décidé à étudier sérieusement cette personne. Aujourd'hui nous sommes devenus amis, plus ou moins. Je l'aide à rédiger des annonces plus conformes, à parler aux femmes, à les séduire un tant soit peu... Son extrême maladresse en ce domaine le rend réellement touchant. Je suis un observateur, ce personnage me fascine par sa naïveté, sa brutalité, son ignorance, sa désinvolture et son immaturité. A la fois monstre de foire et profondément humain, cet OLIVIER est un cas. J'ai ri avec les autres de ses maladresses, mais je ne me suis pas contenté de rire, j'ai dans un second temps souhaité l'aider. Il est en effet trop facile de se moquer des gens et de les laisser ensuite dériver dans leur illusions... Je tente de lui apprendre à parler aux femmes, même si l'entreprise est encore loin, très loin d'aboutir. J'ai ri férocement de son annonce au début, comme la plupart d'entre vous, mais pensez-vous que l'hilarité stérile puisse aider un tel égaré à progresser dans la vie ? OLIVIER est une âme candide et grossière, un coeur sans nuance, un garçon taillé dans le roc sexuel et la guimauve amoureuse, une sorte d'exclus du monde des sentiments policés, parfaitement étranger aux intrigues des jeux amoureux. Ce garçon en détresse cherche une femme comme un enfant chercherait un gros gâteau : sans contrepartie, immédiatement, impérieusement, gratuitement et à sens unique. Il est fort bête, inutile de se le cacher, ce qui ajoute à la difficulté de l'entreprise d'éveil de sa conscience. Tenter de faire mûrir un fruit aussi vert est une affaire de longue haleine, fastidieuse qui demande patience, altruisme, ouverture d'esprit. Ce que je m'emploie à faire. Cet OLIVIER est mon rat de laboratoire en quelque sorte. Avec lui j'expérimente l'aventure humaine appliquée aux relations amoureuses.
    <o:p></o:p>


    ++++++

    Certes Olivier http://www.dailymotion.com/zachariedelemme n'est pas un interlocuteur facile.
    <o:p></o:p>


    Sombre, mauvais, gentil aussi -mais dans certaines limites-, borné, colérique, grossier et même parfois franchement abject, pour la plupart d'entre nous -pour ne pas dire pour nous tous- Olivier est l'incarnation même du Mal, de la Bêtise, ou de l'insignifiance, dans le meilleur des cas.
    <o:p></o:p>


    Bref, Olivier est un de ces hères informels et sans visage aux antipodes de nos belles et bourgeoises conceptions sur l'humain. L'exemple par excellence de ce que nous appelons avec tant d'orgueil une "piètre compagnie". Pathétique oiseau de son propre et morne monde fait de jours gris et de solitude, triste ombre apparue sur ce globe pour mieux s'y égarer dans d'insolubles brumes, Olivier est un citoyen invisible, un semblable qui n'existe pour personne, un être sans hauteur et sans défense, une voix qui n'a pas droit au chapitre.
    <o:p></o:p>

     
    A son sujet tout le monde est d'accord pour se moquer de lui, le mépriser, l'exclure. Sous des formes plus ou moins policées, plus ou moins aimables, plus ou moins hautaines, plus ou mois insidieuses... Et sous les prétextes les plus nobles : amour de l'intelligence, haine de la bêtise, mépris de la médiocrité, fuite vers les hauteurs, préférence pour la lumière...
    <o:p></o:p>


    Les mêmes se prétendent solidaires, fraternels, altruistes... Pas un ne prend la peine de se pencher sur lui !
    <o:p></o:p>


    Toutes les excuses étant bonnes pour le rejeter, le bannir, le traiter comme un "problème secondaire", lui Olivier, cet être humain, ce semblable, ce frère, ce mortel né sous le même soleil qui nous éclaire, qui se désagrègera sous la même terre qui nous ensevelira nous aussi, toutes les excuses étant bonnes, disais-je, pour faire de cet humain une sorte d'objet encombrant, il ne reste plus personne pour mettre en pratique les généreux idéaux que sont la fraternité, la solidarité, l'altruisme... Si bien défendus en théorie, si peu partagé dans la pratique !
    <o:p></o:p>


    Sa misère, personne ne l'appelle misère. Non, ce serait un mot trop beau pour Olivier, pensons-nous... L'indigence de Olivier, nous préférons l'appeler "sottise", "inintelligence", "saleté". C'est tellement plus confortable, plus rassurant, plus expéditif, et donc plus lâche, de voir de la simple bêtise là où il y a en réalité un océan de détresse, de vraie, d'authentique, de concrète, terrible, profonde détresse humaine.

    Qui s'est penché sur le berceau de Olivier ?
    <o:p></o:p>


    Personne.

    Absolument personne. Raciste, haineux, violent, bête : tels sont les reproches qu'on luit fait. Facile.
    <o:p></o:p>


    Trop facile. Je répète : qui s'est penché sur le berceau de Olivier ? Qui a daigné lui tendre la main, l'écouter non pas avec cordiale, froide, distante attention mais avec chaleur ? Qui lui a prodigué tendresse, amour, humanité, amitié, enfin toutes ces flammes chères à l'homme et qui le rendent meilleur, qui adoucissent les coeurs grossiers, affinent les âmes les plus épaisses ?
    <o:p></o:p>



    Que celui qui une fois, une seule fois, après avoir ri de ses travers et maladresses lui a ensuite tendu la main avec sincérité, avec coeur, avec humanité, sans hypocrisie, que celui-là, et que celui-là seulement se permette de lui reprocher ses noirceurs.
    <o:p></o:p>


    Olivier, je ne te jetterai pas la pierre, moi dont le coeur s'est tourné vers toi avec simplicité, sans fard ni vanité aucune. Olivier je te le dis en vérité, le royaume de l'Intelligence appartient aux être fraternels. Olivier, je te rétablirai dans ta dignité. Sous mon aile tu deviendras un astre.
    <o:p></o:p>


    Et sous ma lumière tu seras un homme.
    <o:p></o:p>


    Un homme, Olivier.
    <o:p></o:p>


    =======

    PRECISION :
    <o:p></o:p>


    A ceux qui seraient tentés de me reprocher de faire la "promotion humoristique" de Olivier Delemme : http://www.dailymotion.com/zachariedelemme (compte DAILYMOTION que nous partageons lui et moi).
    <o:p></o:p>


    Certes je me moque gentiment de ce léger malade mental. Je ne m'en cache pas. Mais il faut savoir que cette collaboration "imbécilo-esthétique" va plus loin que les simples apparences.
    <o:p></o:p>


    Car enfin il n'en demeure pas moins vrai que je suis la première personne qui s'est sincèrement intéressée à lui. Rejeté par tous, Olivier Delemme souffre depuis toujours d'exclusion, accentuée par sa surdité.
    <o:p></o:p>


    A la "charitable" indifférence de ceux qui le rejettent d'emblée sans chercher à le connaître, pensant avec fatuité tout savoir de lui au premier abord, j'oppose un authentique sentiment, non seulement de curiosité, mais aussi d'amitié pour ce pauvre diable sur qui nul n'a jamais pris la peine de se pencher avec pitié et fraternité. Olivier Delemme est le révélateur de nos manques, de nos faiblesses, de nos petites lâcheté humaines. Par sa simple existence il met à l'épreuve nos belles théories sur la fraternité, sur la compassion envers les plus faibles, les malchanceux...

    Sur mon chemin, jusqu'ici lorsque j'ai voulu présenter dans sa vérité Olivier Delemme, je n'ai trouvé que de nobles âmes pour le mépriser, le juger, voire le haïr. Face au concret, bizarrement tous les beaux sentiments chrétiens, humanistes, socialistes, communistes et même républicains s'écroulent !
    <o:p></o:p>


    C'est vrai que je joue férocement avec sa candeur. N'importe ! J'ai trouvé ce moyen pour communiquer intensément avec cet esseulé.
    <o:p></o:p>


    Je suis devenu son seul ami. Le seul. Le premier.
    <o:p></o:p>


    Une révolution affective pour lui.
    <o:p></o:p>


    A tous ceux qui me condamnent sous prétexte que sur le mode sarcastique je sors cet indigent de son mortel anonymat de pauvre diable qui n'a rien pour lui, que font-ils, eux ?
    <o:p></o:p>


    Rien.

    <o:p></o:p>

    Ils critiquent mes moqueries à l'endroit de Olivier Delemme, disent unanimement que je suis cruel, odieux avec lui... Tandis qu'eux, en adoptant une parfaite indifférence à l'égard de cet Olivier, sont persuadés d'être meilleurs que moi ! Or il n'y a pire arme psychologique que l'indifférence...<o:p></o:p>


    Je me moque de Olivier Delemme c'est vrai, en attendant moi je suis sa chaleur, son réconfort, son écoute. Son ami. Et je suis sincère. J'éprouve une réelle amitié pour ce crucifié de notre société que personne n'écoute, ne tente de comprendre, d'apprivoiser.

    <o:p></o:p>

    Toutes ces belles âmes prêtes à s'investir pour sauver des affamés à 10 000 kilomètres de là se défilent étrangement dès qu'il faut prêter un peu de temps aux plus humbles de notre société... Ces moralisateurs me répondront qu'ils n'ont pas le temps à perdre avec des imbéciles comme Olivier Delemme... Quel orgueil ! Quel mépris des faibles !<o:p></o:p>


    Hé bien moi j'ai du temps à consacrer à cette âme en ruine. Moi j'ai du temps à perdre avec ce miséreux. Moi j'ai du temps à consacrer aux plus petits, aux humbles, aux exclus.
    <o:p></o:p>


    Et j'ai même l'ambition de donner des ailes à ce lourdaud. Que dure notre collaboration humoristico-humaniste !
    <o:p></o:p>

     


    votre commentaire
  • 601 - Une miette de Réalité

    Un secret brûlant m'habite. Nommer cette flamme dont nul ne soupçonne l'existence est impossible. C'est un secret dont il m'est interdit de parler, par la force des choses : on ne prononce pas avec les mots de la terre ce qui ne se conçoit pas sur la terre. Au-delà des tremblements, plus fracassant que les tambours du coeur, hors mesure humaine, cette chose plus grande que toute chose n'est rien qu'un silence. Un simple, immense, inexplicable silence. Un murmure, une chandelle, un point. <o:p></o:p>

    Plus loin que l'inaudible, d'une infinie proximité, surpassant tout, le tonnerre intérieur ne peut être que muet. L'âme a aussi ses larmes : ni bornes, ni normes, ni formes. C'est une tempête folle, inouïe, extravagante. Un silence à faire éclater les pierres, à faire fondre le soleil, à faire hurler la glace. Une étincelle me hante, une particule me brûle, un souffle me désagrège.<o:p></o:p>

    Si je nomme ce mystère, je ne le nomme plus. Si je mets un nom dessus, il ne signifie plus rien. Si je le désigne, il n'est plus à portée de vue. Pourtant il est là, ici et si loin, tout près et inaccessible, partout et insaisissable. Les mots, les concepts, l'imagination ne peuvent le définir, l'appréhender, l'approcher : il englobe et dépasse les termes, la pensée, les cadres.<o:p></o:p>

    Ombre palpable et éther sidéral, brume claire et éclat abyssal, ténu comme un fétu de paille, aussi dense que le roc, présent et invisible, humble et glorieux, il se révèle à travers étoiles et grain de charbon, fontaines et goutte d'eau, parcelle et montagnes de sable, plaintes du vent et chant du brin d'herbe. <o:p></o:p>

    Un secret sans nom m'habite. N'importe quel mot, c'est lui. Où que la pensée aille, il n'y est pas. Échappant à toute logique, il est admis partout. Plus réel que la substance, c'est la prière du monde, la fumée des pierres, l'écho des choses.<o:p></o:p>

    Un éclair me pulvérise, une brise m'engloutit, un follet me dévore, un reflet me foudroie, m'anéantit, me transfigure. Ce mystère, ce secret, cette chose infinie que vous soupçonnez être Dieu, que je ne puis jamais nommer, que j'appelle par tous les mots, j'en reçois aujourd'hui l'infinitésimale saveur. Juste un fragment, rien qu'une poussière, une seule cendre. <o:p></o:p>

    Un atome qui m'unit à l'Univers.<o:p></o:p>

    602 - Vive le piratage des oeuvres !

    Inique, le projet de loi visant à interdire le téléchargement des oeuvres musicales sur le NET ! Dévoyés, prostitués, sans hauteur sont les artistes qui n'acceptent de diffuser leurs productions à destination des hommes de la terre, leurs semblables, qu'à la condition d'être payés avec de l'argent ! L'art, la musique, la poésie sont une nourriture universelle par excellence. Aucune considération d'ordre pécuniaire ne devrait limiter leur diffusion. Le simple fait de consacrer son temps libre ou sa vie entière à l'art et de le diffuser sans aucune restriction, de faire profiter à qui veut les savourer les fruits de son travail, devrait suffire au bonheur de l'artiste.<o:p></o:p>

    Ce qui tue la créativité, ça n'est pas le manque d'entrée d'argent. Au contraire, c'est avec le ventre vide que le poète chante le mieux. Le confort que permettent des revenus assurés et réguliers peut même être un frein à la création. Honte aux artistes qui exigent de l'argent en échange de l'étincelle divine ! On ne devrait pas commercialiser le souffle de l'esprit. Les artistes qui soutiennent ce projet de loi se mettent sur le même plan que les marchands de lessive. <o:p></o:p>

    Ces ingrats qui des muses ont reçu un cadeau merveilleux sans que rien ne leur soit demandé en contrepartie, ces simples mortels sur lesquels à la naissance se sont penchés les dieux avec une générosité, un désintéressement sublimes afin de les combler de dons sans rien leur réclamer en échange, ces petits hommes imbus de leur céleste élection osent exiger de leurs frères humains, pourtant égaux, hommes au même titre qu'eux, qu'il les payent pour la grâce tombée du Ciel ! Ils estiment que la manifestation de l'infini vaut tant d'argent, ils considèrent que leur don octroyé gratuitement par les anges présidant à l'Art se pèse sur la balance des lois du marché... <o:p></o:p>

    Notre société matérialiste, alimentaire, mercantile qui a commercialisé, mis en rayons, "code-barré" la pensée, le Beau, les plus hauts sentiments ne peut concevoir qu'un artiste compose, écrive, imagine pour l'amour de l'art, pour la gloire des étoiles, pour la beauté du geste... Nul besoin d'argent pour créer. Les artistes qui prétendent le contraire ne sont que des vendus, des menteurs, des traîtres, des bandits qui ont fricoté avec le "diable marketing". On peut, on doit chanter sans être payé en retour. L'inspiration ne devrait pas être conditionnée par des exigences d'ordre économique.<o:p></o:p>

    Les fruits de l'esprit appartiennent à tous, pauvres et fortunés. Les richesses de l'âme ne devraient pas être soumises aux lois du marché. L'universel, ce qui est issu des profondeurs de l'homme devrait voler de tête en tête, de coeur en coeur, et non passer de porte-monnaie en tiroir-caisse.<o:p></o:p>

    Seuls les supports devraient être soumis aux méandres du commerce, pas les oeuvres.<o:p></o:p>

    Le reste, ce sont de sordides affaires de comptables ayant perdu leur âme dans de vils calculs. Si les artistes veulent se payer une plume en or, une lyre sertie de diamants, une guitare étincelante de pierres précieuses, s'ils veulent manger à leur faim, qu'ils se soumettent aux mêmes rigueurs que les autres mortels : qu'ils aillent travailler à l'usine. Le talent ne confère aucun privilège à ces humains infatués de leur héritage divin. A ceux qui ici-bas veulent monnayer le legs olympien, je réponds que leur venue au monde n'a été soumise à aucun marché. Et que si les entités célestes ne demandent rien pour tous ces trésors offerts à leurs créatures humaines, les artistes devraient remercier le sort au lieu de se plaindre, et à plus forte raison ne pas faire commerce de ces présents. Il n'en sont que les dépositaires.<o:p></o:p>

    Je vous engage donc à piller mes oeuvres ici-même, à télécharger de la musique sur des sites gratuits et illégaux, à répandre la pensée des philosophes sans faire acheter leurs livres à votre auditoire, à chanter dans la rue les chansons que vous aurez entendues dans les écouteurs d'essai à la FNAC sans débourser un centime, et ce afin de faire partager gratuitement à un maximum de gens autour de vous les oeuvres de l'esprit que des pirates de l'âme, des vrais pirates ceux-là, veulent vous faire payer.<o:p></o:p>

    603 - De l'enclume à la plume

    Autrefois j'arpentais l'Avenue des Champs-Elysées entre février et avril, ma carriole pleine d'enclumes, en quête d'hypothétiques clients. Je hélais avec hauteur et courtoisie les passants, l'air excessivement guindé. Dépité de ne jamais rien vendre, j'attrapais parfois un touriste japonais ou allemand par le bras en lui montrant ma cargaison avec un regard complice plein de concupiscence. Rien n'y faisait. Mes enclumes n'intéressaient personne. Je changeais de quartier. Sous la Tour Eiffel je faisais du zèle auprès des groupes de visiteurs surpris. En vain. Alors il m'arrivait de pousser jusqu'à la cathédrale Notre-Dame où les touristes étaient plus disposés, pensais-je, à m'acheter un ou deux souvenirs. On me prenait en photo, beaucoup de gens étonnés ou amusés m'interrogeaient sur mon commerce. Et même il arrivait que l'on me chassât du parvis. Mais jamais on ne m'achetait d'enclumes.<o:p></o:p>

    Quatre saisons durant j'ai exercé ce métier ingrat, toujours entre février et avril, les seuls mois où je pouvais espérer gagner mon pain en vendant aux étrangers ces babioles. En quatre saisons de persévérance, je n'ai pas vendu une seule enclume. Las de ce métier de fou, je me suis fait rentier à vie. Depuis je vis légèrement ne me consacrant plus qu'à l'écriture, sans plus de soucis, mon stock d'enclumes au grenier.<o:p></o:p>

    604 - Les feux de mars

    Depuis trois jours mars répandait ses averses sur la ville. Glacées, mortelles. La grêle qui s'abattait contre les carreaux de la vieille fille produisait des bruits de tambour, entrecoupés de silences. L'obscurité à quatorze heure faisait l'effet d'un tombeau dans la pièce. L'horloge dans l'ombre ronronnait, exaspérante. Chose inattendue, cette atmosphère déprimante n'enchantait plus la pauvre âme aigrie. Ces pluies de mars lui rappelèrent de vieilles ambiances dominicales au goût haïssable de pot-au-feu. <o:p></o:p>

    Elle lâcha ses travaux de couture, ouvrit la fenêtre et, le visage fouetté par la bourrasque, défit son affreux chignon... Ses cheveux se délièrent. Ses traits ingrats s'effacèrent un instant sous l'onde qui oignit sa face. <o:p></o:p>

    Alors elle hurla longuement au ciel ses désirs immodestes et profonds de femme inassouvie.

    Lorsqu'elle referma la fenêtre, haletante, fébrile, elle était presque belle avec ses mèches humides, son front ruisselant de haine. Dans sa tête, un bouleversement venait de se produire. Sa vie allait changer, à quarante-trois ans. Elle toisait le portrait de la Sainte-Vierge suspendu au mur trop chaste de sa demeure trop propre, la rage au coeur. Elle fixait avec dégoût le crucifix en bois rapporté d'un pèlerinage crétinisant à Lourdes. Elle cracha même sur son missel aux coins usés par des années de fausse piété.
    <o:p></o:p>

    Pour la première fois de sa vie elle se mit à haïr de tout son coeur les bondieuseries qui lui avaient tenu compagnie depuis sa naissance. Le lendemain on la vit dans les rues de la ville subitement ensoleillée, arborant une toilette indécente, en quête d'ivresses lubriques. Bien qu'elle fût laide, elle se fit désirable avec des artifices coûteux, toute de dentelles et de furie libidineuse parée.<o:p></o:p>

    Cependant elle ne séduisit personne, pas même le Diable. Elle se retrouva seule le soir derrière ses petits carreaux, dépitée, plus laide que jamais. Les pluies mêlées de grêle étaient revenues. Elles redoublèrent. A nouveau les bruits de tambour contre les vitres, l'obscurité, la solitude... Le portrait de la Sainte-Vierge la regardait, toujours fixé au mur. Alors une pâle lueur réapparut dans les ténèbres de sa vie. La tendresse mielleuse qui se dégageait de ce regard en deux dimensions, de cette image parfaitement sulpicienne avait fini par reconquérir la dévoyée, décidément sensible aux éclats de pastel d'une religion faite pour les malheureuses de son espèce. <o:p></o:p>

    Touchée, définitivement convaincue, elle se résigna à reprendre le cours ordinaire de sa vie sans relief. Elle se remit à ses travaux de couture au rythme lancinant des tic-tac de la vieille pendule, son missel à portée de main. Les averses de mars martelaient de plus belle les carreaux. <o:p></o:p>

    Entre deux bourrasques la grêle qui fondait sur la vitre formait en s'écoulant de longues, lentes, silencieuses larmes de désespoir.<o:p></o:p>

    605 - Course vélocipède à Conlie

    Conlie, anodine bourgade du fin fond de la Sarthe est heureuse d'accueillir la douzième édition du tour du canton à vélo. Le magasin Super U, sponsor officiel de cette très attendue épreuve cycliste s'est paré pour l'occasion d'atours chatoyants. Les caissières arborent fièrement les couleurs de l'entreprise soutenant l'événement. Le directeur du supermarché a engagé les meilleurs animateurs du département. Le magasin restera exceptionnellement ouvert toute la journée. Réductions folles sur toute la gamme des produits de sport en rayon !<o:p></o:p>

    La fête promet d'être locale, l'ambiance résolument "kermesse".<o:p></o:p>

    C'est le départ ! Les jeunes imbéciles sur leur vélo suent, soufflent, pédalent. Dans le vide le plus total. Enfants de prolétaires, mangeurs de merguez-frites de pères en fils, les coureurs avec un grand U bleu dans le dos foncent vers leur destin minable et pathétique de futurs employés des usines de rillettes du coin. Avec leurs aspirations tranquilles et bovines de clients de magasin Super U, ils ont l'air d'une file d'abrutis juchés sur d'inutiles machines à monter les côtes.<o:p></o:p>

    Passons sur les événements minuscules de cette journée mémorable qu'ont illuminée vingt feux de barbecues...<o:p></o:p>

    La fête a été un succès. Ni les saucisses ni l'accordéon n'ont manqué, n'est-ce pas l'essentiel ?<o:p></o:p>

    Dans leur sénilité future, gagnants et perdants se souviendront avec tremblements de leurs juvéniles exploits cyclistes... <o:p></o:p>

    Souhaitons bien d'autres journées de ce genre à ces passionnés de courses cyclistes.

    Conlinois étriqués, bande d'endimanchés, esprits épais aux moustaches drues, rieurs gras à la réflexion sommaire, hommes aux moeurs plébéiennes, aux goûts douteux, aux femmes vulgaires, aux enfants musculeux, je vous aime comme j'aime les clowns de cirque.
    <o:p></o:p>

    Avec une immense, hautaine, authentique pitié d'esthète.<o:p></o:p>

    606 - La vanité du COPYRIGHT

    La folie du COPYRIGHT qui se développe sur le NET est révélatrice de l'état d'esprit mercantile régnant dans le monde des amateurs de lettres. <o:p></o:p>

    Une pléthore de mauvais textes sont jalousement mis sous COPYRIGHT par leurs auteurs soucieux d'exclusivité. Ces auteurs-là se ridiculisent à jouer les écrivains protecteurs de leurs oeuvrettes maladroites... Qui songerait à piller ces montagnes de déjections encombrant le NET ? Mes textes à moi, qui sont bons dans leur majorité, excellents pour quelques-uns d'entre eux, mauvais dans la même proportion, sont totalement libres.<o:p></o:p>

    Le fait de COPYRIGHTER ses textes avec l'excuse que cela ne coûte que quelques euros ne signifie pas pour autant que ce sont de bons textes... Avant de mettre sous COPYRIGHT un texte, encore faut-il qu'il soit digne de cette "distinction"... Ces auteurs ont l'illusion d'être des plumes dignes de ce nom sous prétexte que leurs productions sont sous COPYRIGHT, comme les grands. Ils se donnent l'impression flatteuse que leurs textes sont nécessairement bons, puisque COPYRIGHTéS... Ou pire, ils s'imaginent même que leurs textes deviennent bons comme par magie, par la simple intercession du COPYRIGHT.<o:p></o:p>

    Ce filon exploité par des notaires avisés est d'autant plus prometteur qu'il est basé sur une source intarissable : la vanité humaine.<o:p></o:p>

    607 - L'étincelle humaine

    Elle monte vers les étoiles, descend jusque dans la fosse, suit la feuille au vent, se mêle à la boue des tranchées, aux feuilles des betteraves ou à la bave des limaces, nage en zones inconnues, palpite dans la glace, explose dans des jets pleins d'artifices et d'âpretés.<o:p></o:p>

    Elle est désespérée et monotone, douce et joyeuse, grave et brûlante, légère comme l'eau, aussi vitale que le souffle... C'est une flamme qui réconforte bien des misères, exacerbe les plus sages douleurs, sublime la moindre petite chose, pose n'importe quelle question.<o:p></o:p>

    Fraternelle, rageuse, bruyante ou délicate, elle s'adresse à l'infini, demande des comptes à l'invisible, interroge les hauteurs, s'étonne des profondeurs, donne le vertige au quotidien, rêve de gloire, se permet l'humilité. Futile ou essentielle, solennelle ou malicieuse, elle rit de la mort, croit à la rédemption des êtres, à l'immortalité des âmes, à la vérité des cacahouètes salées. Ou grillées.<o:p></o:p>

    Cette flamme sacrée, universelle, c'est une voix qui de toute éternité s'élève de la Terre.

    Et cette voix triste et éclatante, morne et pittoresque, pitoyable, admirable, fervente, inextinguible, et finalement toujours pathétique, c'est un cri.
    <o:p></o:p>

    C'est, de sa naissance à sa mort et pour les siècles des siècles, partout, sans fin, mystérieux, le chant nu de l'Homme.<o:p></o:p>

    608 - L'Art ridicule

    Quand un dévot évoque ses personnages bibliques favoris, il les conçoit nécessairement vêtus de toges impeccables, évoluant en permanence dans une gestuelle hautement symbolique et arborant en toutes circonstances des airs d'une dignité parfaitement caricaturale.<o:p></o:p>

    Imaginez qu'un de nos grands hommes d'Église actuels singe ces statues humaines aux attitudes stéréotypées... Même le plus étriqué des bigots le trouverait ridicule.<o:p></o:p>

    Dans le même ordre d'idées je trouve complètement ridicules les peintures mythologiques, bibliques (et parfois historiques) des musées.<o:p></o:p>

    Ces Diane bien en chair qui vont pieds-nus en pleine forêt avec dans leur dos des carquois d'opérette, ces satyres ricanants qui séduisent des nymphes évanescentes aux yeux systématiquement révulsés, ces pompeux embarquements pour Cythère, ces improbables parties de chasses olympiennes, ces interminables banquets célestes et autres festins éthéréens entre ailés constipés et mortels ravis (qui semblent eux aussi, avec leurs grands airs prétentieux, ne jamais condescendre à aller aux toilettes), ne font-ils pas passer leurs augustes auteurs pour de grands niais à l'imaginaire sclérosé, infantilisé, "imbecillisés" par les mythologues antiques ?<o:p></o:p>

    Ridicules sont les thèmes de ces peintres, de ces compositeurs, de ces écrivains décrivant avec un tel déploiement artistique ces mièvreries académiques... Par delà l'aspect strictement esthétique de ces oeuvres, je me demande comment des grands esprits ont-ils pu peindre avec tant de sérieux des scènes aussi benoîtes...

    Imaginez un seul instant Socrate dans sa baignoire en train de porter à ses lèvres, dans un geste solennel et précis, une large coupe finement ouvragée remplie de poison...
    <o:p></o:p>

    Il passerait pour un guignol complètement ringard, comiquement hirsute... Bref, un grand philosophe au poil blanchi absolument pas crédible. L'effet recherché serait raté. Ou plutôt réussi : ce pauvre fou trempant toge et barbe blanches dans une baignoire tout en buvant un breuvage infect inspirerait un immense éclat de rire planétaire, s'il s'exhibait ainsi devant nos actuels reporters... C'est ce même éclat de rire que m'inspirent les thèmes bibliques, mythologiques ou historiques si souvent représentés dans les oeuvres immortelles et rigides de nos musées.<o:p></o:p>

    609 - L'haleine solaire

    Je déteste le soleil épais, pesant, éblouissant des beaux jours. <o:p></o:p>

    Les pluies en mai m'enchantent, étrangement. Un ciel couvert de nuages peut réveiller en moi les ardeurs les plus molles mais les plus authentiques. La vie, la vie poétique, cotonneuse, indolente, je la sens sous l'onde de mai, qu'elle prenne la forme de crachin tiède ou de grand voile humide. Mes humeurs s'affolent avec une exquise lenteur lorsque entrent en scène les particules d'eau qui virevoltent dans les airs, s'immiscent sur les toits, humectent les feuilles. Sur la ville la pluie vernale apporte une fraîcheur aqueuse pleine de l'odeur des champs. L'atmosphère est ralentie, trouble, chargée de réminiscences.<o:p></o:p>

    J'aime ne voir au-dessus de ma tête qu'un immense manteau d'une blancheur uniforme.

    En juin le ciel entièrement couvert me donne une sensation d'éternité, de profondeur, mais aussi d'infinie légèreté. Les aubes de juin sans soleil me ravissent. A la lumière crue et directe de l'été je préfère la clarté douce et diffuse que filtre une barrière de brumes blanches.
    <o:p></o:p>

    En juillet je n'espère que l'éclat nivéen d'une lumière d'avril. Certains jours du mois estival la nue ne laisse passer aucun rayon, alors les champs de blé deviennent pâles comme si la Terre était devenue la Lune. <o:p></o:p>

    Août, je le préfère sous un vent doux et serein plutôt qu'embrasé par des tempêtes de lumière. Là, le monde m'apparaît sous son vrai jour : sans les artifices et superficialités communément inspirés par l'astre. <o:p></o:p>

    L'alchimie nuageuse provoque en moi un mystère de bien-être qui m'emporte loin en direction des espaces nébuleux, haut vers l'écume céleste.<o:p></o:p>

    Entre genèse des étoiles et éveil du bourgeon.<o:p></o:p>

    610 - L'iniquité du COPYRIGHT

    L'argent a engendré bien des phénomènes iniques, pervers, infâmes parmi lesquels le COPYRIGHT, véritable religion d'État de notre société matérialiste obsédée par le droit jusque dans les moindres détails de la vie quotidienne, et qui a fini par sacraliser au plus haut point les rapports économiques entre les hommes.

    Afin de "protéger" les auteurs contre l'exploitation de leurs textes, Beaumarchais qui fut à l'origine de cette aberration morale aux allures faussement philanthropiques a initié une révolution intellectuelle qui s'est érigée de plus en plus comme une tyrannie, soutenue par des textes de loi intransigeants. Le mensonge est devenu norme, à tel point que nul ne conteste aujourd'hui la folie intrinsèque du COPYRIGHT.
    <o:p></o:p>

    Précisément, le rôle de l'écrivain n'est-il pas d'émettre ses textes afin qu'ils soient "exploités", autrement dit lus, joués, pensés, appréciés ou détestés sans aucune restriction par ses frères humains et indépendamment des contingences matérielles réglant sa vie personnelle ? De quel droit l'auteur imposerait-il au monde ses oeuvres telles qu'ils les a conçues ? Chacun a la liberté inaliénable d'interpréter, d'auto-censurer partiellement ou entièrement, de réécrire mentalement, de reformuler, de corriger, de lire en diagonale et même de lire une ligne sur deux si cela lui chante les écrits d'un auteur. La loi sur les droits d'auteur n'est ni plus ni moins qu'un chantage exercé sur le lectorat par l'auteur, chantage dans lequel il fait intervenir des considérations financières indignes des hauteurs où en général il prétend élever son lectorat à travers sa plume... <o:p></o:p>

    Le rapport entre la protection des écrits d'un auteur et les nécessités domestiques ou même vitales comme le droit de manger à sa faim ne devrait jamais être fait. Cela peut certes sembler cruel et injuste mais la maladie qui frappe n'importe qui sur terre, n'est-elle pas injuste, cruelle ? Pour soigner un seul individu, a-t-on le droit de refuser les soins à des milliers d'autres ? De même un seul individu a-t-il le droit de céder son oeuvre à des milliers de gens socialement privilégiés sous la stricte condition qu'ils le payent pour les idées, les réflexions ou les charmes littéraires contenus dans cette oeuvre, et de la refuser catégoriquement à ceux qui n'ont pas les moyens de l'acheter ? Les droits d'auteur sont une atteinte profonde aux droits du lecteur.<o:p></o:p>

    Que l'auteur exige de pouvoir vivre de sa plume est son choix et sa stricte liberté, mais en aucun cas il ne devrait pour cela interdire aux plus pauvres de ne pas accéder à ses oeuvres. <o:p></o:p>

    "Propriété intellectuelle" : termes parfaitement antinomiques, inconciliables par définition, exprimant des principes complètement opposés... Tout ce qui appartient au domaine intellectuel bien au contraire est entièrement, définitivement, infiniment libre. Libre comme le sont la pensée, l'émotion, l'imaginaire, la poésie, l'amour et le vent. Par quelle incroyable corruption mentale l'esprit humain a-t-il pu se résoudre à mettre la pensée, l'imagination, l'Art, les battements du coeur en cage ?<o:p></o:p>

    L'homme s'est mis dans la tête des barreaux mentaux. La cause ? L'argent. Tout n'est qu'affaire d'argent, rien que d'argent. Où est l'équité dans le fait qu'un auteur soit rétribué selon la quantité d'ouvrages vendus et non pas, plus justement, selon la qualité de ses écrits ? Le critère même de rétribution de l'écrivain porte atteinte à l'esprit de justice. Pour une somme de travail équivalente, tel auteur sera payé cent fois plus qu'un autre. Son mérite ? Il aura su flatter les vils instincts d'un certain lectorat en lui proposant des histoires de fesses, tandis que tel autre auteur inspiré mais plus naïf aura chanté chastement les étoiles. Nulle part ailleurs que dans le domaine des droits d'auteur règne l'arbitraire.<o:p></o:p>

    Prendre en otage l'humanité entière juste pour protéger un auteur sous prétexte de défendre ses "droits" égoïstes est un authentique viol moral contre l'Homme. Ainsi seuls les lecteurs socialement privilégiés auraient le droit moral et légal de jouir des trésors culturels ? L'argent ne devrait jamais intervenir dans ces affaires-là. Au lieu de cela il est le principal facteur autour duquel toutes ces choses sordides et mesquines s'élaborent ! Il est même très souvent la seule justification, l'unique motivation, la première raison... La preuve : des auteurs n'écrivent que pour faire fonctionner le moulin à bénéfices, sans aucune exigence artistique. En admettant que la loi sur les droits d'auteur eût un fondement moral réel, qu'elle fût recevable que le plan intellectuel, alors elle perdrait dans ce contexte-ci tout son sens. Ces droits sont utilisés en ce cas comme un filon à exploiter, non comme une "protection" réelle de l'auteur.<o:p></o:p>

    Autoriser l'accès à l'oeuvre en échange d'argent (correspondant aux droits d'auteur) est une injustice fondamentale qui lèse d'abord et surtout l'humanité avant l'auteur lui-même. L'auteur, lien entre le ciel et la terre, entre les muses et les hommes, entre le sacré et le profane, et parfois plus simplement entre les communautés, devrait s'effacer avec une naturelle humilité qui le grandirait, au lieu de vendre son âme au prix du marché de l'édition. L'écrivain n'a aucun droit sur ses écrits à partir du moment où il accepte de les diffuser. Il ne pourra jamais interdire au lecteur d'interpréter ses écrits comme il l'entend. Le lecteur peut à sa guise déformer dans sa tête, son coeur et son âme les écrits d'un auteur sans que ce dernier ne puisse le lui interdire. Alors de quel droit l'auteur exigerait-il de n'être pas plagié, déformé, copié matériellement puisqu'il est possible de le faire mentalement ? <o:p></o:p>

    Attendons-nous à voir un jour une loi interdisant au lecteur de répéter oralement des phrases lues dans un livre... Aujourd'hui perspective aussi aberrante que de faire payer un droit de respirer l'air qui nous entoure, demain cette absurdité sera peut-être universellement admise au même titre que de nos jours est admise sans contestation la loi sur la "propriété intellectuelle". <o:p></o:p>

    Rappelons-nous toujours que l'esprit est d'essence divine, que la pensée comme l'air n'est la propriété de personne, pas plus que la Lune n'appartient aux astronautes ou que le pape n'a le monopole du soleil qui brille pour tous. <o:p></o:p>

    611 - Torpeur dominicale

    Le père Gaga mon voisin est content : aujourd'hui dimanche 14 mai c'est fête sur les quais du Mans. Exposition de peintures d'amateurs. Les bords de la Sarthe ont été joliment parés pour l'occasion : rubans colorés et fleurs éclatantes illuminent le quartier. Gais, fleuris, ensoleillés, et pour tout dire mortels, les quais n'ont jamais été aussi bien endeuillés de blanc. Des rapins sortis du fin fond de leur province étriquée exposent sans complexe leur caca pictural. Des groupes de crétins au pas alangui s'extasient à voix basse.<o:p></o:p>

    Me mêlant à la détestable assemblée, je décide de suivre le père Gaga dans son expédition de sénile.<o:p></o:p>

    Les poussettes sous le soleil éclatant que précèdent des géniteurs à la flamme amoureuse éteinte finissent par me dégoûter définitivement de l'honnête hyménée, mais ravissent quelques bonnes soeurs tout de noir vêtues.<o:p></o:p>

    Mon héros de voisin au cerveau ramollot, enchanté devant cet étalage interminable de mauvais goût (le quai est long), continue son chemin en réajustant de temps à autre sa casquette.<o:p></o:p>

    En passant à côté d'une croûte infâme, j'ai cru qu'il allait s'étrangler d'admiration. En fait il s'est étonné de la forme de la chaise sur laquelle était assis le "peinturluteur".

    Plus loin une vendeuse de gâteaux-maison lui a cédé un quartier de farine cuite à prix d'ami. Il était très content le père Gaga. Il faut dire qu'ils se connaissent depuis quarante ans tous les deux, étant du même quartier. Une complicité de quarante ans de propos météorologiques les unit. Castor et Pollux peuvent aller se rhabiller !
    <o:p></o:p>

    - Ha il fait-y beau aujourd'hui, n'est-ce pas ?<o:p></o:p>

    - Ha ça le Père Gaga pour faire beau, il fait beau, hein !<o:p></o:p>

    Affligé par ces sommets de nullité rassemblés sur ce seul quai, je n'ai pas eu la force de poursuivre jusqu'à son terme ma filature.<o:p></o:p>

    Je suis rentré, j'ai pris mon clavier et me suis confié méchamment à lui.<o:p></o:p>

    Ainsi est née cette pitoyable et édifiante histoire dominicale.<o:p></o:p>

    Que cette lamentable histoire serve de leçon à tous les pères Gaga de la terre.<o:p></o:p>

    612 - Albert Figuetorack

    Avec sa voix extrêmement stridente et ses propos complètement ineptes qu'il débite continuellement et sans raison valable, Albert Figuetorack (nom étrange inspirant d'emblée l'hilarité), déplaît à tous, homme et bêtes. <o:p></o:p>

    Il fait fuir tout le monde sans jamais se rendre compte que sa simple présence est une torture pour n'importe quelle créature sensée ou sensible, tant il importune avec ses incessants, insupportables discours à propos de tout et de rien. Ni les chats ni les chiens ne résistent aux notes suraiguës de son incroyable voix de fausset. Les humains encore moins, ses paroles étant parfaitement vides de sens, dénuées du moindre intérêt. Il ne profère que des insanités, rien que des sottises, des absurdités de toute sorte ou les pires banalités, ce qui est peut-être encore plus intolérable.<o:p></o:p>

    Abruti fini depuis toujours mais tout de même conscient d'avoir une cervelle infirme incapable d'exprimer la moindre chose intelligente, Albert Figuetorack se complaît dans sa situation. Patauger dans la médiocrité la plus totale semble être son idéal de vie. Il ne songe aucunement à tenter de se rattraper de quelque manière que ce soit. Au contraire, il n'aspire qu'à se "perfectionner" dans la nullité.

    Chose curieuse, il a éminemment conscience d'être un sot inouï mais ne s'aperçoit absolument pas que sa voix de flûte déréglée et ses infatigables paroles de sénile furieux agressent toute personne, tout animal à portée de voix. Même lorsqu'il est seul, à tous les moments de la journée il n'arrête pas le moulin à sornettes :
    <o:p></o:p>

    - Ha ! Y va faire du beau temps aujourd'hui, il va t'y faire le beau temps, le soleil qu'y va-t-y pas se laisser ennuager par les bancs ne nuages enblandimanchés de blantitudes anti-rectaliennes car du caca c'est pas blanc hein ? C'est les nuages qui sont-y blancs comme pas du caca de beurre blanc. Y va-t-y faire du beau temps aujourd'hui derrière les nuages blancs que le soleil y veut-y percer par un trou dans le ciel ?<o:p></o:p>

    Et ainsi de suite. A propos du temps qu'il fait mais aussi d'un caillou par terre, d'une touffe d'herbe, d'un courant d'air... A chaque instant, à toute occasion c'est-à-dire mille fois par jour et cela tous les jours de sa vie, Albert Figuetorack manifeste à qui veut l'entendre -et personne ne veut l'entendre pas même le plus fou des hommes- les épuisantes arabesques verbales de son esprit tordu.<o:p></o:p>

    A cinquante ans il n'a jamais connu de femme. Ce qui le rend fou de satisfaction, ivre d'une inexplicable joie... Chômeur à temps complet, parasite des institutions sociales et client-profiteur sans scrupule des oeuvres de bienfaisance de sa ville, il hante à longueur de temps les magasins alimentaires, quand il ne demeure pas devant sa télévision allumée en permanence. <o:p></o:p>

    Le pire dans cette histoire, c'est que je crois qu'Albert Figuetorack est réellement, authentiquement, incompréhensiblement heureux ainsi.<o:p></o:p>

    613 - La passion : le grand malentendu

    La "passion", quête contemporaine vaine, imbécile et aliénante est un filon récent inventé par les marchands de lessive. Ce terme est l'un des plus galvaudés de la langue française. D'autant plus vide de sens qu'il est prononcé dix fois par jour par les sots pour un oui ou pour un non. Passion de la moto, passion des timbres-postes, passion de l'amour... Tous les aspects de la vie quotidienne sont susceptibles d'être mis dans le cadre flatteur de la "passion", uniformisés par cette nouvelle norme de plus en plus stricte, impérieuse. Entrée en vigueur depuis quelques décennies, la passion est le refuge ultime de l'esprit vulgaire.<o:p></o:p>

    Victimes du discours dictatorial, les êtres les plus ordinaires, les plus médiocres, mais surtout certains beaux esprits incapables d'échapper à l'insidieuse oppression s'empressent de clamer à tous vents être nécessairement, totalement, impérativement "passionnés". Comme si ne pas l'être constituait la plus honteuse des tares...<o:p></o:p>

    Pas un pour railler cette mode risible de la "passion" et oser affirmer vouloir demeurer serein, loin des tourments frelatés de la "passion" telle qu'elle est définie, ressentie, espérée par l'ensemble des esprits contaminés. <o:p></o:p>

    La "vraie" passion d'ailleurs n'existe pas. Ou rarement.<o:p></o:p>

    Les professionnels de la publicité ont créé ce phénomène contemporain de la passion. Pour vendre des casseroles, des automobiles ou de la salade verte, ils ont fait pénétrer dans les esprits l'idée saugrenue mais efficace de la passion. La passion est associée à la femme d'une manière assez répandue, et à l'amour beaucoup plus généralement : les meilleurs arguments pour écouler la camelote des grands industriels inoculant leurs mensonges matérialistes à travers les différents organes de presse.<o:p></o:p>

    Tout comme le patriotisme a été sinon initié, du moins récupéré par les marchands de canon pour enrichir une poignée d'abjects empereurs de l'industrie lourde, la "passion" telle qu'elle est admise de nos jours est une forme dégénérée de sentiments élevés (et d'ailleurs assez obscurs à l'origine, étant donné la rareté et le caractère délétère, funeste de la passion véritable), qui fait des millions de victimes consentantes dans la société d'abrutis où nous vivons.<o:p></o:p>

    614 - L'éclat des blés

    Je marchais en direction des blés, le regard instinctivement attiré par l'azur. Juin chauffait la campagne, l'espace était rayonnant. Une colline devant moi rejoignait le ciel. Je la fixai tout en ralentissant légèrement le pas. Soudain un vent emporta mon esprit en direction de hauteurs inconnues. <o:p></o:p>

    Je fis un voyage extraordinaire, debout, pétrifié, les pieds bien posés sur le sol.<o:p></o:p>

    La tête ailleurs, je partis je ne sais où. Tout y brillait d'un éclat mystérieux. Un autre soleil pareil au soleil éclairait ce monde. Et je vis la colline, la même colline qui me faisait face. Mais avec une perception différente. La colline était vivante, je sentais en elle une essence vitale, une respiration intérieure. Elle échangeait des pensées supérieures avec l'azur qui lui aussi semblait imprégné de vie. Très vite je m'aperçus que toutes choses communiquaient avec l'ensemble du monde en se faisant passer entre elles un souffle universel plein de sagesse.<o:p></o:p>

    Les blés à côté de la colline formaient un choeur de millions de voix suaves, chaque tige ayant son chant propre, accordé avec tous les autres. La terre sous ces blés psalmodiait je ne sais quel étrange cantique. Le ciel avait pris un autre sens. Le bleu le définissait et je ne le nommais plus ciel mais le nommais Bleu. Les oiseaux dans les airs prenaient un prix infini. Créatures éternelles, rien ne pouvait les corrompre et leur vol se prolongeait dans des immensités sans fin.<o:p></o:p>

    Tout cela était à la fois tangible et impalpable, présent et invisible, proche et insaisissable.

    Je redescendis aussi vite en moi que j'en étais sorti. Je me retrouvai les pieds toujours bien ancrés sur le sol, me réadaptant à la lumière du soleil habituel, qui me parut terne.
    <o:p></o:p>

    Dubitatif, perplexe et à la fois parfaitement convaincu de la réalité suprême de cette curieuse, inexprimable expérience que je venais de vivre, j'avançai vers le champ de blés comme si je devais poursuivre ma flânerie.<o:p></o:p>

    Poussé par une puissante intuition, je tendis la main vers une gerbe de blés pour la saisir.<o:p></o:p>

    Un éclair illumina ma main et la rendit transparente un bref, très bref instant. Si bref que l'oeil de la mouche l'a déjà oublié et que le soleil en doute encore.<o:p></o:p>

    615 - Funèbres funérailles

    Le cercueil a été choisi noir, très noir. <o:p></o:p>

    Et même fort laid.<o:p></o:p>

    La cérémonie est plombée. Avec une perverse volonté de rendre l'ambiance la plus lourde possible, un grand portrait morbide du défunt pris juste après son trépas a été posé près du cercueil ouvert qui trône dans le salon empesé. Sur la photo comme dans le cercueil, les traits du décédé sont figés dans une grimace affreuse trahissant les indicibles tourments d'un moribond refusant de lâcher prise. On dirait qu'il a inspiré de l'air dans ses poumons en refusant de l'exhaler au moment "d'expirer", comme si à tout prix il s'était accroché à cette vie.<o:p></o:p>

    Une vieille tante aux traits macabres a été conviée. <o:p></o:p>

    Dans l'assemblée qui veille la dépouille planent des respirations phtisiques, des chuchotements graves, des bruits feutrés de vieilles chaises déplacées avec lenteur et dignité. Telles des présences déprimantes, encombrantes et fatales, de gros meubles austères en chêne font écho au cercueil. Silhouettes inquiétantes, de vieux chapeaux et de grands manteaux sombres passent, embaumant l'air d'odeurs âcres.<o:p></o:p>

    Stupeur générale : le cadavre pousse un râle lugubre à glacer les sangs ! Qui se termine par un ridicule gargouillement froid... C'est l'horrible vieille tante qui vient de poser sur le buste du macchabée un lourd, imposant crucifix, expulsant incidemment l'air vicié resté dans ses poumons.<o:p></o:p>

    Pas surprise du tout, l'espèce de fossoyeuse semble avoir l'habitude de ce genre de phénomène naturel. A croire que c'est dans ce but précis qu'elle a posé cet inutile fardeau sur le torse du mort, juste pour le faire "chanter"... Il faut reconnaître que le râle purement mécanique "involontairement" provoqué sur ce corps froid confère un réel prestige à la vieille tante sordide... N'est-ce pas pour ça qu'elle est venue ?<o:p></o:p>

    Les rituels d'usage que l'on a rendu les plus compliqués possibles, intentionnellement lents, parfaitement obsolètes, aussi pompeux qu'inutiles se sont prolongés jusqu'à la cérémonie religieuse, elle-même fort raide.<o:p></o:p>

    Direction le cimetière.<o:p></o:p>

    Pour mieux assombrir le tableau, les éléments s'associent aux événements : une pluie tenace à faire geler les os fait frissonner le cortège. Pour la plus grande satisfaction de la tante à la face de Camarde qui, contrairement aux autres, a prévu un parapluie.<o:p></o:p>

    La mise en terre s'éternise une heure durant sous la pluie. Discours oiseux à n'en plus finir, silences prolongés à répétitions, défilé des témoignages de fausse amitié, regrets hypocrites, hommages de circonstance chantés, versifiés, psalmodiés, caquetés, régurgités...<o:p></o:p>

    Enfin la dernière pelletée de terre est jetée sur le pauvre otage de ces manèges humains qui n'avait rien demandé.<o:p></o:p>

    Retour du cortège vers la demeure du défunt sous la pluie glacée pour y évoquer dans une atmosphère pesante à souhait les événements insignifiants de sa vie qui vient de s'achever avec d'ennuyeux, vains, mortels fastes...<o:p></o:p>

    C'est reparti pour des heures de lamentations stériles et d'interminables, complexes, obscurs rituels posthumes. <o:p></o:p>

    La vieille tante est aux anges.<o:p></o:p>

    616 - Lettre à l'amante envolée

    Christine,

    Aujourd’hui 10 juin 2006, je songe à vous avec fièvre et tendresse, insistance et mélancolie. Souvenir obsédant, vous êtes l’astre chartrain aux charmes blafards qui m’est resté cher, année après année.
    <o:p></o:p>

    Figure douce et violente, amère et suave de mon passé, vous incarnez Christine le trouble de mon âme en proie à ses blancs démons et oniriques éblouissements. Je vous aime toujours Christine. La flamme est la même. Le fruit odieux de vos entrailles chéries n’y a rien changé. Cela dit, je respecterai votre hyménée avec votre compagnon. Mes mots ne violeront pas cette intimité amoureuse et charnelle sur laquelle je n’ai aucun droit. Je sais trop la force du verbe pour en abuser. Moi-même victime de l’infamie d’un indélicat, touché en plein cœur par quelques mots illégitimes, je prends garde à ne pas offenser votre aimé qui pourrait à juste titre se sentir atteint par mes écrits.<o:p></o:p>

    Je placerai donc mon discours sur de chastes, olympiennes hauteurs, là où ordinairement l’homme vulgaire ne dirige jamais le regard. C’est depuis mon nuage idéal que je m’adresse à l’oiseau de grand vol que vous êtes. Ma voix aux échos azuréens rejoint votre aile pleine d’éclat : c’est dans le silence grandiose qui règne au-dessus des nues que je souhaite échanger avec vous des mots immortels, loin des pesanteurs et trivialités terrestres. Que nos voix résonnent, cristallines, dans cet espace éthéréen dédié aux œuvres des âmes supérieures ! <o:p></o:p>

    Laissez-moi vous dire mon Amour pour vous Christine. Amour lyrique, désincarné, quasi angélique. Amour pour un être accessible à mes sommets, un être qui comprend mes feux, aime mes étoiles, un être dont je sais la profondeur de vue, la délicatesse de cœur…<o:p></o:p>

    Par-delà ma simple personne écrivant en ce jour de juin à la chartraine exilée en terre du sud, c’est la Lyre qui parle à la Muse. <o:p></o:p>

    Christine, Christine, vous êtes le lien entre le luth et le Ciel, l’arc lumineux qui me relie à l’essentiel. Vous êtes mon salut poétique. Votre visage sans artifice est un marbre ambigu de grand prix.<o:p></o:p>

    Croisement étrange et fascinant du roc tangible et du divin immatériel, vos traits austères et doux, entre sculpture voluptueuse et stèle mortuaire, sont une merveille de beauté inédite que peint ma plume avec des couleurs graves et crues pour en mieux révéler l’éclat funèbre. <o:p></o:p>

    Cela suffirait déjà à votre humble gloire et à ma satisfaction d’esthète. Seulement, votre âme Christine est une cause qui me tourmente exquisément.<o:p></o:p>

    En vous je ne vois pas qu’une statue de choix, je vois également une lueur sacrée qui m’éclaire et me pénètre, avivant ma propre flamme originelle pour me rendre plus lumineux que je ne le suis.<o:p></o:p>

    En vous je vois un souffle à travers lequel je me reconnais. Vous et moi sommes une commune chandelle et, sur le plan poétique voire spirituel, nous brûlons d’Amour l’un pour l’autre.<o:p></o:p>

    617 - Le yaourt dans tous ses états

    Je hais les promoteurs de yaourts.<o:p></o:p>

    Ils s'ingénient à aromatiser leurs petits pots de "morve de vache" avec les idéaux les plus élevés, détournant toute raison supérieure au profil de ce qui sort du pis des bovidés. Il ne peuvent s'empêcher de convoquer les génies de la Voie Lactée ou je ne sais quels dieux des causes sacrées pour vendre leur lait caillé (qu'il soit nature ou parfumé aux fruits divers).<o:p></o:p>

    Certains en appellent à l'Amour Cosmique, d'autres à quelque mystérieuse fontaine de jouvence, les pires vous jurent par tous les diables du Marketing que si vous ingurgitez leur blanche émulsion, du jour au lendemain vous deviendrez beaux, intelligents, performants, centenaires, et même fortunés... La surenchère en ce domaine semble sans limite. A en croire ces messies du ferment lactique, le moindre pot de yaourt à la fraise est une véritable coupe de sang christique ! Un enjeu essentiel pour votre avenir, votre santé, votre salut sur Terre et dans le Ciel...

    A lui seul le yaourt est un condensé explosif de toutes les attentes matérialistes du monde occidental mais aussi, comble de l'ironie, le porte-parole des prétendues valeurs spirituelles renaissantes... Avalez un pot de yaourt, "à l'intérieur" vous deviendrez aussi purs que le linge des anges baignant dans leur monde de fromage blanc !
    <o:p></o:p>

    "A l'intérieur" : termes pour le moins ambigus qui disent bien ce qu'ils ne veulent pas dire...<o:p></o:p>

    Ils font "du bien à l'intérieur", leurs foutus yaourts... C'est bien là qu'est le problème, dans la façon de dire les choses. Ils font "du bien à l'intérieur", manière subtile de vous embobiner sur un terrain aussi glissant que juteux. Sous un même prétexte on réveille vos fonctions digestives les plus primaires en même temps que les fonctions sacrées de votre esprit, pour le prix modique d'un pot de yaourt à renouveler quotidiennement... Le rôle du yaourt est de vous alléger les intestins, de vous purger "de l'intérieur", de vous donner des ailes, un nouveau teint, un éclat neuf, bref de vous pourvoir d'une âme. La fibre spirituelle est sollicitée grâce aux propriétés spécifiques du fruit contenu dans les petits pots, précisément. Ajoutées aux yaourts, les fibres des fruits sondant vos viscères vous sauveront de la constipation, soyez-en certains ! De l'intestin grêle salutairement secoué, on passe directement au bien-être quasi spirituel du consommateur épanoui. Les deux outrances ainsi subtilement amenées se fondent l'une dans l'autre, comme le blanc sur le blanc, et au fond de son pot l'amateur de lait de ruminant caillé n'y voit que du bleu.<o:p></o:p>

    Maudit soit le petit pot de lait de vache fermenté, hostie du pauvre type, onction du minable, breuvage pieux du mystique intestinal !<o:p></o:p>

    618 - Misanthrope

    Les autres m'indisposent.<o:p></o:p>

    Je ne souffre pas la proximité de mon prochain. J'abhorre ce qui ne me ressemble pas, celui qui ne porte pas le même chapeau que moi, ceux qui ne mangent pas le foin servit dans mon écurie, l'humanité qui ne boit pas à la fontaine sise dans mon petit verger, et en définitive n'aime que moi-même.<o:p></o:p>

    Répondre "Bonjour" à un autre "Bonjour" étant pour moi un authentique supplice matinal, on me traite de mal élevé sous prétexte que je rends la politesse sous forme de hautain silence précédé d'un ou deux puissants crachats en direction de mes agresseurs. Incompris de tous, j'ai fini par adopter le port de gants roses et de dentelles blanches autour du cou accompagnés d'une discrète arrogance au bord des lèvres. J'ai remarqué que cela faisait médire encore plus, avivait des passions funestes à mon endroit...<o:p></o:p>

    Aux foules agitées qui me cherchent des noises avec leurs incompréhensibles allées et venues, aux passants pressés qui me frôlent dans la rue comme si je n'existais pas et dont les visages méconnus ne m'inspirent que méfiance, haine, dégoût, je préfère la douce, calme compagnie des tombes. Elles au moins me foutent la paix. Je fuis tout ce qui s'apparente à un bipède en mouvement. Je me venge des vivants en allant régulièrement narguer les morts dans les cimetières. <o:p></o:p>

    Lors de mes visites aux hôtes bien éduqués des nécropoles, qui pas une fois n'ont eu l'outrecuidance de m'importuner, je puis cracher sans entrave sur tous les Dupont que je croise. Décalcifiés depuis des lustres, débarrassés de tout orgueil mal placé, couverts de dalles, de stèles et de terre grasse, eux ne trouvent rien à redire à mes jets de salive.<o:p></o:p>

    J'en ai conclu que dans ce monde les hommes les plus fréquentables sont ceux qui se trouvent à six pieds sous mes semelles.<o:p></o:p>

    619 - Notre belle jeunesse

    Jeunesse, tu m'inspires de profonds remous intestinaux.<o:p></o:p>

    Imbécile, morveuse, crétine jeunesse de vingt ans, piètre, abrutie, écervelée jeunesse des préservatifs, des téléphones portables, des blogs illisibles, pauvre, vaine, misérable jeunesse issue des discothèques du samedi soir, sotte, creuse, insignifiante jeunesse des radios musicales débilo-énergisantes, l'idée même de ton ombre qui me frôle dans la rue provoque en moi des réflexes de haine non dissimulée.

    Hors de ma vue, petit produit humain rigoureusement formaté à la pensée de synthèse ! Dégage de mon horizon, veau hormoné accumulant vingt années de pures inepties sous ta casquette fluo de nabot dégénéré dûment piercé !
    <o:p></o:p>

    Blanc-bec de vingt piges, poulet industriel bagué de l'arcade sourcilière au prépuce, ne t'avise pas de me manquer de respect : j'ai le double de ton âge et dix fois le poids de ta cervelle atrophiée.<o:p></o:p>

    620 - L'archevêque est généreux avec sa bonne

    A la mort de sa vieille servante l'archevêque avait engagé une jeune bonne aux appas imposants. Elle astiquait les parquets à quatre pattes, offrant au vieil eunuque libidineux le spectacle immodeste de sa gorge palpitante. Devant ce tableau charmant le chaste animal se sentit une nouvelle vigueur. <o:p></o:p>

    Il sortit sa crosse, qui était assez raide, et la montra sans façon à sa servante qui s'étonna de ne la voir point courbée : <o:p></o:p>

    - Monseigneur, quel sacré gros bâton-à-couilles vous possédez ! Mais comme c'est étrange, il ne ressemble en rien à votre crosse de parade que vous exhibez à l'église lors de vos processions, moi qui pensais que les archevêques avaient en eux tout de courbé, de recroquevillé...<o:p></o:p>

     - Détrompez-vous ma bonne Suzon, ce bâton-là est droit comme la justice divine. Tenez, je vais vous montrer dans la pratique comme il est bien tendu. Approchez mon enfant. Je vais vous bénir au plus profond de vos entrailles, vous m'en direz des nouvelles.<o:p></o:p>

    - Ho ! Monsieur le curé, comme vous y allez ! En vérité il est bien vertical votre saucisson-à-burnes, c'est exact. Je le sens bien qui me le prouve au plus profond de mes tripes Monsieur le curé.<o:p></o:p>

    - Je ne suis pas curé, je suis archevêque.<o:p></o:p>

     - C'est exact Monseigneur, pardonnez-moi. C'est qu'il faut vous dire que si vous portez la mitre comme un authentique archevêque écouillé que vous êtes, il n'en demeure pas moins vrai que vous enfilez comme un sacré nom de Dieu de bougre de curé couillu.<o:p></o:p>

     - Ha ! ma bonne Suzon, j'enfile comme je peux ! A propos, avez-vous bien astiqué la salle de réception du presbytère ce matin ? C'est que j'ai un rendez-vous avec un émissaire du Vatican tantôt.<o:p></o:p>

    - Monseigneur, la salle de réception est propre comme un sou neuf. Dois-je y ajouter des fleurs ?<o:p></o:p>

    - Excellente idée ! Sentez-vous bien ma crosse au fond de votre tronc mon enfant ?<o:p></o:p>

    - Fort bien Monsieur le curé. Pardon ! Monseigneur... Vous pouvez me remplir la corbeille à présent.<o:p></o:p>

    - Allons-y pour les bonnes oeuvres donc. Je vais bien vous combler de dons par la fente. Au fait je paye en foutreuse monnaie.<o:p></o:p>

    - Pas de problème Monsieur le curé. En liquide ?<o:p></o:p>

    - Monseigneur vous dis-je ! Pas en liquide. En purée.<o:p></o:p>

    - Pardon, c'est plus fort que moi Monseigneur. Vous enfilez vraiment comme un curé vous savez... <o:p></o:p>

    Quelques heures après avoir fait oeuvre de charité envers sa bonne, l'Archevêque reçut avec une grande piété l'émissaire du Vatican. Aux dernières nouvelles l'infortunée Suzon a dû prendre du repos quelque temps afin de soigner une méchante vérole. <o:p></o:p>

    621 - Sainte bière

    Dans les bars j'aime de temps en temps aller faire pénitence, abstinence, et aussi renouveler mes voeux de chasteté. <o:p></o:p>

    La bière blonde est mon onction favorite.<o:p></o:p>

    Le breuvage doré me fait pousser des ailes blanches. Quand je bois et que je suis noir, j'ai des anges qui me pissent dans la tête. Dès que je me noie le gosier dans l'urée d'étoiles, je deviens capitaine du zinc. Alors je mets la barre à l'envers et voue le bar à l'enfer. Enfin je veux dire je fous le bar à l'envers et mets la barre aux fers, ou plutôt je mets le feu au verre et vouvoie tout le bar... Enfin je ne sais plus, mais ce qui est sûr c'est que je trinque aux bienheureux terriens qui ont atterris avec moi sur la planète BIERE.<o:p></o:p>

    Dans ce monde parfait plein d'écume exhalant le houblon, on balbutie en choeur, on prend le serveur à parti pour des histoires de mirages, on chante faux mais avec sincérité, on radote le plus sérieusement du monde sur la politique, les femmes, les hirondelles et les bulldozers. <o:p></o:p>

    Sainte bière, reine des flots sous pression, coulez pour nous qui n'avons que les dimanches pour vous rendre grâces, ayez pitié des assoiffés qui bavent d'envie en nous lorgnant aux terrasses des bars sans oser jamais en franchir le seuil. Mais soyez impitoyable envers les pauvres gens hydrophiles qui passent, indifférents à nos nuages sacrés ! Refusez-leur vos bienfaits. Votre or liquide les rendrait mauvais. Qu'ils meurent sans jamais recevoir une once de votre feu exquis dans la gorge ! Leur bière à eux, celle de leur dernière heure, elle sera faite de quatre planches. Notre salut à nous est au fond des chopes, nous le savons. Eux l'ignorent. Qui viendra faire tinter les verres devant leur tombe triste où l'eau ruissellera sans bulle, sans mousse, sans nulle amertume ?<o:p></o:p>

    Nous les pisseurs heureux, nous voyons jaillir des astres dans le regard des chiens, nous conversons en olympiennes compagnies, nous prenons les quincailliers pour des enfants de rois et les caissières du coin pour des bohémiennes. Avec un verre de plus, certains d'entre nous accèdent même au panthéon des bégayeurs et "hoqueteurs". Ils ont parfois des traits de génie.

    Ils chantent toujours aussi faux mais de leurs verres à pied de temps à autre sortent des vers en douze pieds, des rossignols de mots, des bulles de savant, des arcs-en-ciel éthyliques et de rondes étincelles qui dans leurs songes pleins de vertiges iront enrichir des constellations imaginaires.
    <o:p></o:p>

    622 - Tristes médiocres

    Gens de peu, esprits de rien, âmes pauvres, têtes vides, coeurs indigents, médiocres de toutes conditions, abrutis de toutes origines, tristes gens qui ne pensez pas plus haut que vos fronts mous, je vous destine ces mots durs. <o:p></o:p>

    Vous les méritez.<o:p></o:p>

    Je vous envoie à la face ces éclats de vérité, vous les ternes mortels qui n'avez jamais connu autre chose de mieux dans l'existence que vos petits dimanches aux bistrots, de plus sublime que vos fraternités syndicales, de plus brillant que vos horizons terrestres entre juillet et août. La mort vous inspire des réflexions d'épiciers, des sentiments de carreleurs, des terreurs de petits épargnants : vous ne vous souciez que de la validité de votre assurance-vie, des termes de votre contrat-obsèques, de la qualité matérielle de votre stèle bon-marché...<o:p></o:p>

    L'apothéose de votre vie se résume aux mensualités d'une longue, placide, stérile retraite.

    Vos plus chères aspirations de ruminants bipèdes se bornent à l'achat de quatre petits murs de parpaings entourés d'une petite haie taillée au millimètre avec un petit garage au sous-sol pour y ranger votre petite voiture. Un petit carré de bonheur pré-fabriqué que vantent vos prospectus (que vous lisez scrupuleusement !) afin d'y passer votre petite vie de petits vieux frileux. Votre littérature, c'est le magasin alimentaire de la zone industrielle à deux pas de vos quatre petits murs de parpaings-bonheur... Vos espérances de cotisants à la Sécurité Sociale, c'est de gagner au LOTO.
    <o:p></o:p>

    Vos autres idéaux, plus accessibles, c'est la niche du chien, la canne à pêche, l'héritage...

    La mort ne vous tourmente nullement : vous avez toutes les assurances qu'il faut pour ne plus vous en soucier... Vous voilà rassurés puisque vous avez pris vos précautions en cas de "malheur". La vie ne vous émerveille pas plus que ça : vous avez bien mieux que les forêts et les étoiles étant donné que vous êtes abonnés à la télévision par satellite... Votre paradis défile à heures fixes sur votre écran, aussi plat que votre existence.
    <o:p></o:p>

    Anonymes endormis, habitants sclérosés des villes sans nom, vous qui êtes satisfaits de vos destins indolores, vous les insignifiants, vous les citoyens sans histoire ni imagination, vous les automobilistes convaincus, vous les paresseux du coeur et de l'esprit, que ces mots salutaires ne vous épargnent surtout pas.<o:p></o:p>

    Qu'ils vous percutent en plein "bonheur" temporel où vous pataugez depuis votre naissance afin que la prochaine rayure sur votre voiture ou l'anniversaire de votre caniche deviennent des causes secondaires et que l'essentiel ne passe plus par le fil de votre antenne de télévision ou par les compartiments de votre réfrigérateur mais par les fibres éthériques de votre être définitivement éveillé. <o:p></o:p>

    En attendant ce jour je continue, inlassable, de vous répéter ces mots. <o:p></o:p>

    Vous qui avez lu ce texte avec irritation, vous qui n'avez pas supporté de me lire, vous qui vous êtes sentis agressés à travers ma plume : vous êtes précisément les tristes médiocres qu'avec férocité je viens de railler. <o:p></o:p>

    623 - L'éclat de la Vertu

    Je vous salue Vertu, pleine de hauteurs et d'âpretés. Je vous rends grâces chère, très chère Vertu douce comme une prière, aussi tranchante qu'un silex. Votre baiser est une plume, un duvet, un velours à la dureté d'un crucifix. <o:p></o:p>

    Hideuse vous êtes avec votre bosse sur le dos de la sainte, avec votre grimace ingrate sur le visage de la jeune fille, avec vos cheveux pouilleux sur le pauvre ! Mais belle vous devenez lorsque cette difformité, cette laideur, cette crasse s'évanouissent en votre nom...<o:p></o:p>

    Le vice devant vous a des allures de bête civilisée. Il est hautain, a des moeurs mondaines et ses mensonges sont exquisément sophistiqués. Le vice est intelligent, séduisant, plein d'artifices. Ses affronts sont subtils, élégants, spirituels... Il fait le pauvre, joue à l'humilité, se prend pour un philosophe... Le fourbe porte souvent mitres, fait la morale aux riches, défend la veuve et l'orphelin, donne l'exemple. Il se fait appeler "Monsieur le curé", "Professeur", ou bien "Sa Sainteté", "Son Altesse", "Monsieur le juge", "Madame le Député", "Maître", "Seigneur", "bienfaiteur" ou tout simplement "Monsieur"...<o:p></o:p>

    Le vice sait se cacher sous toutes les étoffes, de la plus grossière à la plus flatteuse. Il s'est vautré dans des fauteuils séculaires.<o:p></o:p>

    Vertu, toujours vous êtes restée debout. Sans fard, digne et intransigeante. L'innocence est votre force. Et la souffrance, la silencieuse, la patiente, la rédemptrice souffrance, votre gloire.<o:p></o:p>

    Vertu j'aime votre folie très juste : vous ne craignez pas de conspuer le pauvre, de bénir le riche ou de pardonner à l'assassin quand il le faut. Insensible aux apparences, étrangère aux modes, loin des moeurs du siècle, fidèle à votre seule loi, vous êtes l'alliée de la Vérité. Ce qui est au fond des coeurs vous importe, non ce qui est sur les têtes ou dans les mains. Aucun chapeau, nulle caresse ne vous touche. L'âme seule et ses secrets, voilà ce que vous voyez.<o:p></o:p>

    Mes contemporains vous crachent souvent à la face de peur d'être ridicule de ne pas le faire car en vérité ils ont honte de vous : vous êtes vierge, chaste, honnête, bonne, humble, sage, simple.<o:p></o:p>

    Ils vous crachent au visage. Moi je vous baise les pieds.<o:p></o:p>

    624 - Chute d'un Titan

    Ordinairement je ne m'intéresse nullement au jeu de balle au pied (football pour les puristes).<o:p></o:p>

    Le match du Mondial (du 9 juillet 2006) fut passionnant cependant. Des milliards d'humains regardaient dans la même direction : nos onze étoiles nationales projetées en orbite mythique devenaient quasi cosmiques. Parties pour la légende. <o:p></o:p>

    Ou la désintégration en plein vol.<o:p></o:p>

    Finalement la chute des héros français, rendue encore plus pathétique par les mines abattues et les pleurs rentrés, c'était encore plus beau que la gloire ! Jusqu'au dernier moment le suspens a fait frémir des milliards de gens. Magnifique spectacle planétaire ! La fin fut cruelle, tragique, poignante : nos demi-dieux sont tombés. <o:p></o:p>

    Voilà précisément ce qui a donné tout son éclat au match.<o:p></o:p>

    Sans cette chute vertigineuse, sans le coup de tête félon de Zidane, sans ces larmes finales mêlées à la sueur, quel intérêt aurait eu cette partie de jeux du cirque moderne avec Chirac trônant comme un empereur romain au-dessus de l'arène ? Il fallait que les onze astres s'éteignent avec fracas pour que le chaos soit beau.<o:p></o:p>

    Zidane sorti du terrain au dernier moment, quelle surprise ! L'apothéose, inattendue, théâtrale, terrible, fut à la hauteur de l'évènement. Les coeurs ont cogné, pleins de sanglots, les têtes ont tourné, pleines de rêves brisés... En un seul coup de ballon les onze sont passés du statut de héros à celui de perdants planétaires.

    C'est ça qui était magnifique.
    <o:p></o:p>

    625 - Etés meurtriers

    Le feu était dans le ciel.<o:p></o:p>

    Jamais le soleil n’avait été si oppressant, écrasant hommes et bêtes, campagnes et cités. L’astre avait des ardeurs inhabituelles. Ses rayons agressaient, brûlaient, blessaient.

    Tout mourait à petit feu sous son éclat.
    <o:p></o:p>

    Effrayante saison de fin du monde ! Hélios se faisait vieux... Il approchait les dix milliards d’années. L’Homme, toujours là, n'ignorait rien des mystères de la matière, ni de sa destinée. Les temps bibliques mille fois révolus, il était devenu sage, savant, puissant. Mais non invulnérable aux effets fatals de l’étoile qui s’embrasait.

    Les temps des temps étaient finissants. La fin des fins arrivait. Le ciel semblait sombrer dans un abîme sans nom. Pour parler de cette chose prodigieuse, des mots jamais émis furent prononcés, qui firent frémir l'Homme... Bien que devenu fabuleux et pénétré de sciences, l'Homme s'émouvait encore : la peur, l'irrationnel l'étreignaient comme un enfant. La fin des fins... L'effondrement du ciel et de la terre !
    <o:p></o:p>

    La Création vivait le premier été signant la lente agonie du brasier perpétuel, les prémices perceptibles de son extinction future qui devait avoir lieu vingt millions d’années plus tard.<o:p></o:p>

    Vingt millions d’autres étés à venir, de plus en plus chauds, de plus en plus longs, puis permanents, formeraient l’inéluctable processus qui réduirait la planète à un amas de cendres incandescentes.<o:p></o:p>

    La grande et complexe mécanique cosmique des éléments qui s’ébranlent sous un feu ultime pour renaître à la prochaine aube sidérale était engagée, implacable.<o:p></o:p>

    626 - Les mystères de Marie-Vertu

    Marie-Vertu, de son vrai nom Angeline Latour, était une vieille putain décatie et vérolée qui vivait dans sa modeste maison en plein coeur du village. Particulièrement corrompue par ses vices, elle arborait souvent avec fierté une casserole en aluminium sur la tête.<o:p></o:p>

    Très intelligente, très méchante et très laide, elle était également légèrement fêlée du ciboulot.<o:p></o:p>

    Marie-Vertu s'endimanchait pour un oui, mais jamais pour un non. Ses rares clients se comptaient sur les doigts d'une seule main : Monsieur le maire, Monsieur le curé et Monsieur le juge. Parfois le député, l'archevêque et le Directeur du Cabinet Ministériel passaient en coup de vent chez l'affreuse prostituée. On ignore pourquoi.<o:p></o:p>

    La vieillarde indécente aimait beaucoup passer des journées entières à trier des cailloux selon leurs formes et leurs couleurs car, comme nous venons de le préciser, bien qu'avantagée par un esprit fort vif, celui-ci cependant souffrait de quelque travers héréditaire.<o:p></o:p>

    Etait-elle chrétienne, ex-boxeuse, adepte modérée de la pêche à la ligne ? A part ses fréquentations flatteuses, on ne savait de cette vieille putain ridée que ce que racontaient les colporteurs de ragots. Ce qu'elle faisait sous son toit, nul ne pouvait en dire quoi que ce soit. On ne la voyait que dans sa cour pleine de vieux cageots disloqués en train de trier des tonnes de cailloux ou recevant les notables évoqués plus haut.<o:p></o:p>

    La nuit au travers de ses petits carreaux il n'y avait rien à voir étant donné que tout était éteint. La cheminée laissait échapper une fumée toute banale. Son courrier se limitait à des offres publicitaires tout ce qu'il y a de plus ordinaire. Alors ? Alors Marie-Vertu cachait bien son jeu, tout simplement.<o:p></o:p>

    Par un frais soir de juin le Directeur du Cabinet Ministériel s'attarda chez elle au lieu de passer en coup de vent comme à son habitude. On le vit prendre congé de son hôte juste avant 23 heures, un foulard ocre au cou, un panier de vieux journaux à la main, un chapeau de papier sur la tête.<o:p></o:p>

    Le lendemain, il fut décidé d'augmenter considérablement les impôts locaux dans tout le canton.<o:p></o:p>

    627 - L'habit du mort

    L'homme est mort. <o:p></o:p>

    Pas rasé, bien coiffé, les chaussures du dimanche aux pieds, la moue hautaine, sa dépouille exhalant le formol, étendu dans son lit d'apparat, il attend.<o:p></o:p>

    On rajuste son col, on le salue, lui adresse des paroles solennelles. Depuis douze heures, il appartient au peuple mystérieux et intemporel des défunts. Depuis douze heures il est respectable, plein de dignité, définitivement constipé. <o:p></o:p>

    On fait semblant de ne pas voir la bosse sous ses mains croisées. L'appendice phallique figé dans son expression la plus éloquente, le mort émeut. De prudes veilleuses finissent par se dévouer pour dissimuler l'objet trop vaillant : un voile pieux est déposé sur la forme importune. <o:p></o:p>

    La turgescence profane n'ayant pas disparu pour autant, une vieille fille décatie se propose de couvrir le corps du trépassé d'un épais et luxueux linceul. Mais décidément indécent avec sa trompe rebelle, le cadavre est finalement conduit jusqu'à sa couche de marbre en grande tenue : paré de son suaire de dernière minute. On scelle le cercueil avec cette ample feuille de vigne cousue d'or et de soie.

    Au retour des funérailles, la vieille fille âgée émet des réflexions déplacées à propos des joues de l'inhumé, loin d'être glabres. Une pleureuse soucieuse d'économie est contrariée par la perte d'un tissu fait de fibres précieuses, emporté dans la tombe avec son hôte. Une âme dévote fait une remarque admirative au sujet des moeurs chrétiennes de celui que l'on vient de mettre en terre.

    Mais nul n'ose faire la moindre allusion à la bosse post mortem ayant gonflé immodestement sa braguette.
    <o:p></o:p>

    628 - La Dame Blanche

    Je l'ai vue cette fameuse passagère nocturne... <o:p></o:p>

    Comme beaucoup de gens, j'ai rencontré la Dame Blanche. C'était par une nuit d'été, alors que je me promenais seul dans la forêt de Mézières-sous-Lavardin dans la Sarthe. Elle me faisait face, le regard figé, immensément triste au milieu du chemin.<o:p></o:p>

    A y regarder de plus près le spectre était d'ailleurs blafard, gris, sombre plutôt que blanc... Je lui adressai la parole, effrayé par ma propre voix résonnant au coeur de la forêt, en pleine nuit, seul face à cette apparition lugubre...<o:p></o:p>

    - "Vous êtes la Dame Blanche, n'est-ce pas ?"<o:p></o:p>

    Silence.

    Je répétai ma question.
    <o:p></o:p>

    - "Vous êtes la Dame Blanche, oui ou non ?"<o:p></o:p>

    Toujours pas de réponse. Et cet étrange, oppressant silence qui remplissait la nuit... Je n'insistai pas. Il émanait de l'intruse un malaise infini qui rendait l'ambiance très inquiétante... Je lui fis un signe amical de la main tout en me forçant à sourire.<o:p></o:p>

    Sortant lentement de sa torpeur, elle répondit à mon geste. Alors m'apparurent des dents terrifiantes ! Un sourire de morte à faire claquer les os. Un sourire venu du plus profond de l'inconnu, un sourire vertigineux, maléfique et très doux à la fois qui voulait dire "Je suis la Tristesse, je suis la Douleur, je suis le Malheur, je suis le Désespoir".<o:p></o:p>

    Je me rendis compte qu'il n'y avait pas de prunelles dans son regard. En fait elle n'avait pas de regard. Les orbites vides, elle n'avait que deux trous noirs en guise d'yeux, et peu à peu c'est un crâne que je vis à la place de ce que je croyais être un visage aux traits indéfinis. Un crâne qui me souriait dans les ténèbres. La Dame Blanche s'approcha de moi. Le crâne plein de détresse m'adressa la parole. Je m'attendis à entendre une voix sépulcrale, horrible. Dans un sanglot très humain, familier et féminin ressemblant beaucoup à une voix d'adolescent, la morte me supplia de l'aider à rejoindre le monde supérieur. Accablée de tourments, elle errait sans but dans les lieux obscurs où l'avait jetée le sort. Incapable de rejoindre par elle-même les hauteurs désirées, elle demandait du secours aux vivants.<o:p></o:p>

    - Que puis-je faire pour vous, lui demandai-je ?<o:p></o:p>

    Toujours de sa voix d'enfant : <o:p></o:p>

    - Le mal que j'ai commis sur terre, répare-le car je suis prisonnière de mes actes, mes pensées négatives me submergent. Moi je ne peux plus, je suis morte et condamnée à errer jusqu'à ce qu'une âme charitable me sorte de là. Va, sois courageux, écoute-bien ce que je vais te demander de faire...<o:p></o:p>

    Je lui coupai aussitôt la parole :<o:p></o:p>

    - Je ne suis pas une âme charitable. Débrouillez-vous et foutez-moi la paix ! Chacun ses problèmes, assumez les vôtres, moi je ne vous dois rien. Je n'ai pas envie de jouer à la bonniche, pas même pour un fantôme. Personne ne pourra jamais rien faire à votre place là où vous êtes. Ne comptez que sur vous-même pour trouver la porte de sortie, je ne peux rien pour vous, dégagez ! Je ne suis pas une âme charitable vous dis-je...<o:p></o:p>

    J'espérais ainsi me débarrasser de l'importune tout en la faisant réagir sur son sort. Quelques mots expéditifs, durs mais salutaires : le seul service que je pusse lui rendre.<o:p></o:p>

    Encore plus attristée, la Dame Blanche se retira en silence avant de disparaître dans l'obscurité. <o:p></o:p>

    Inexplicablement, pendant trois jours j'entendis ses soupirs désespérés autour de moi, comme si j'étais témoin d'une lutte intérieure de la Dame Blanche avec elle-même, une lutte âpre, ultime, dantesque. Trois jours d'intenses échos en moi. Puis plus rien.<o:p></o:p>

    J'appris peu de temps après sous forme de songe étonnamment réaliste qu'une âme généreuse avait acquiescé à la demande de la pleureuse, la propulsant définitivement vers la Lumière.<o:p></o:p>

    Cette âme, c'était moi.<o:p></o:p>

    629 - Moi, Raphaël...

    Je m'appelle Raphaël, j'ai peur du noir, je suis plein de panache, j'habite le Mans.<o:p></o:p>

    Il paraît que je suis invivable mais je ne le crois pas. J'ai des amis, beaucoup d'amis. En fait c'est faux, je n'ai pas d'amis du tout vu que je n'ai que des ennemis. Peu de gens savent m'apprécier. Et ceux qui m'apprécient habitent loin du Mans... A Marseille, sur l'île de Ré ou à Istanbul. Ce qui n'est pas plus mal.<o:p></o:p>

    Je m'appelle Raphaël mais je préfère qu'on ne m'appelle pas autrement. Je suis humble, mon ego est peu développé, j'aime beaucoup TF1. Je suis très sociable surtout envers mes gros connards de voisins, mon abruti d'épicier qui me dit toujours "bonjour" et ce crétin de postier qui se trompe de boîtes aux lettres !<o:p></o:p>

    Je suis très attentionné à l'égard de mes semblables d'une manière générale. Je ne les raille jamais étant donné que, je le répète, je suis sociable. Le boucher-charcutier est mon meilleur ami. Sensible, raffiné, pas moustachu du tout, efféminé et amateur de grande littérature, végétarien convaincu, mon boucher-charcutier est un être d'exception. Nous parlons souvent philosophie et peinture ensemble.

    Sa femme quant à elle est plutôt versée dans les activités horticoles. Je lui fais lire des livres en latin et admirer les arts chinois.
    <o:p></o:p>

    Je m'appelle Raphaël, je suis manceau comme je viens de le dire, j'aime énormément les chiens, les bons gros toutous qui me lèchent le visage avec leur bonne grosse langue baveuse (langues canines qui ne me dégoûtent pas du tout), les bons gros toutous qui puent et qui aboient sans arrêt en plein dans mes zoreilles. J'aime beaucoup les enfants aussi. Les gentils petits enfants qui chient dans leur froc et braillent tout le temps dans mes petites noreilles très réceptives à ce genre de concert si doux... <o:p></o:p>

    Je n'ai jamais eu le désir de foutre une balle dans le crâne d'un gros toutou qui vient me lécher la main, jamais, je le jure sur la tête de mes chats. J'aime trop les gros chiens baveux. Surtout les méchants et aussi les qui puent fort le chien.<o:p></o:p>

    Les enfants, je les préfère petits, avec des couches qui se remplissent de merde au moment des repas. C'est très appétissant les petits enfants merdeux. Plus tard à quatre ans, qu'ils sont mignons ces petits quand en hiver ils ont de la morve au nez qui coule au-dessus des plats chauds sur la table familiale des honnêtes citoyens où je suis invité (on m'invite souvent dans les familles normales, ordinaires, tant je suis apprécié des gens moyens) !<o:p></o:p>

    Vraiment, les chiens et les mômes, quel pied !<o:p></o:p>

    Les femmes sont ma plus estimable compagnie, surtout les laides. Elles ont du coeur, celles à qui je joue de ma lyre grinçante ! Je puis déverser sur ces oiseaux sans éclat ma plus aimable musique ! Servir la cause perverse des esthètes de mon espèce est leur plus glorieuse revanche de laides... Les belles aiment moins se faire railler, aussi dois-je être encore plus odieux envers ces créatures qui finissent toujours par pleurer comme dans les bons films au cinéma où à la fin c'est le héros qui gagne pas. <o:p></o:p>

    Je m'appelle Raphaël, j'habite le Mans, les gros chiens sont mes meilleurs amis à quatre pattes, j'adore les enfants, je dîne souvent chez les gens sans histoire, le travail est ma religion et finalement j'aspire à devenir un anonyme, irréductible, définitif Monsieur Dupont.<o:p></o:p>

    630 - Lettre à Chirac

    Monsieur le Président de la République,<o:p></o:p>

    Citoyen éveillé et responsable de ce pays riche, puissant et influent que vous gouvernez, et par-delà ma simple citoyenneté française, âme consciente des tristes réalités accablant une grande partie de la planète loin de nos frontières préservées, je m'adresse à l'homme de pouvoir que vous êtes. <o:p></o:p>

    En vertu de mon droit inaliénable (et de mon devoir de citoyen éclairé) d'exercer liberté d'expression, énergie et intelligence aux services du bien public, du progrès social et humain, de la fraternité et de la justice universelles -valeurs suprêmes dont la France républicaine s'enorgueillit traditionnellement de manière très officielle lors de cérémonies magnifiques et coûteuses-, je vous rappelle simplement que l'on meurt encore de misère en 2006 dans ce monde censé être réglé par un humanisme occidental dominant, cher aux dirigeants des nations les plus nanties. <o:p></o:p>

    Humanisme pompeusement revendiqué par une poignée de pays s'appropriant d'autorité la presque totalité des richesses du globe pour les gaspiller à des fins de confort et de bien-être dont les excès indécents sont devenus la norme, même chez les plus pauvres de leurs chômeurs. Pays prétendument civilisés, exemplaires dont fait partie la France. Je constate que le cynisme, Monsieur le Président, est toujours du côté des plus forts qui ont l'immense avantage de pouvoir manger même quand ils n'ont pas faim, d'emmener leurs chiens chez le vétérinaire au moindre aboiement de travers, de s'offusquer que leur avion décolle avec un quart d'heure de retard... <o:p></o:p>

    Solidarité, altruisme, partage, justice : vains mots dont use et abuse notre république plus soucieuse de lustrer sa façade à coup de défilés militaires dispendieux et d'augmenter le niveau de vie de ses habitants toujours plus avides de confort, de vacances à la mer, de nouvelles chaînes de télévision, de matchs de football que de se serrer nationalement la ceinture avec héroïsme et pédagogie afin de mettre en pratique les valeurs les plus fondamentales qu'elle prétend défendre. <o:p></o:p>

    Partager les richesses Monsieur le Président, que dis-je partager, simplement ôter aux gavés que nous sommes une petite partie du surplus qui nous asphyxie afin d'en faire profiter les damnés qui n'ont pas eu l'heur de naître entre nos frontières dorées, partager les richesses disais-je, est-ce un objectif si inatteignable, si révolutionnaire, si impopulaire que cela dans un monde où, pour prendre un exemple étranger qui cette fois n'offensera pas votre fibre civique, il y a quarante ans un citoyen américain marchait sur la Lune au prix faramineux de millions de dollars pour chaque pas effectué, compte tenu des dépenses pharaoniques qu'exigea un tel programme spatial ? <o:p></o:p>

    Est-ce donc plus simple de faire sortir de nos usines républicaines canons, bombes et autres ingénieuses inventions martiales à la pointe de la technologie afin de répandre souffrances, misères, destructions pour des raisons qui Monsieur le Président, curieusement vous apparaissent toujours excellentes, pourvu que ces engins si utiles au bien de l'humanité soient vendus aux belligérants à des prix hautement patriotiques ? <o:p></o:p>

    Est-ce si insurmontable que ça de distribuer équitablement ces richesses qui nous étouffent, tellement encombrantes qu'elles débordent de nos poubelles ? Je ne parle pas politique ni grandes et complexes affaires économiques ici. Il est juste question de bon sens, de calcul basique, d'humanité élémentaire accessible même au plus borné des esprits. Pas de sentiments ni d'idéal, uniquement une réflexion froide, raisonnée, détachée, sommaire, confondante de simplicité : d'un côté on meurt d'excès, de l'autre on meurt de carences dans un monde où techniquement, matériellement il est possible de subvenir aux besoins vitaux de chaque individu, où qu'il se trouve sur la surface du globe.<o:p></o:p>


    Faut-il Monsieur le Président, être nécessairement bardé de diplômes, avoir fait des années d'études supérieures, sortir de l'ENA pour saisir cette effroyable réalité ?
    <o:p></o:p>

    Nous nous scandalisons à juste titre pour les conséquences funestes dans nos maisons de retraite d'un été virulent long de trois semaines. La catastrophe des pays les plus pauvres est quotidienne cependant, et pendant ce temps nous nous battons pour des chartes de qualité à propos de vacances, nous nous engageons pour des revalorisations de salaires, nous nous agitons pour le respect de normes européennes au sujet de la composition de nos crèmes solaires anti ultra-violet... Chaque jour de l'année les victimes de la faim sont cent fois plus nombreuses qu'un été de canicule en France. 365 jours par an, des êtres humains de tous âges meurent sous les regards certes apitoyés, compatissants, révoltés, mais parfaitement passifs de républiques très solennelles (dont la France), très dignes et très à cheval sur les principes sacrés de fraternité universelle, d'altruisme, de solidarité qu'elles incarnent...<o:p></o:p>

    Il est grand temps de dénoncer ce cirque Monsieur le Président. Les clowns ventrus du haut de leurs trônes compassés sont bien sinistres dans leur rôle de défenseurs des Droits de l'Homme... <o:p></o:p>

    Les premiers droits, qui consistent à manger à sa faim, à accéder aux soins et à l'éducation, ne sont-ils pas bafoués éhontément par ceux-là même qui sont censés les défendre bec et ongles, qui ont le pouvoir matériel, logistique, politique, humain de réparer la grande injustice alimentaire dont il se sont rendus coupables à travers le pillage historique, méthodique des richesses coloniales et qui ne font rien ou si peu ? Jamais la république du commerce des armes ne s'est aussi bien portée qu'aujourd'hui ! Nos usines à canons tournent à plein régime, l'Europe engraisse, l'Afrique crève, que demande le peuple ? <o:p></o:p>

    Encore plus de beaux défilés militaires, encore plus de feux d'artifice, encore plus de congés payés.<o:p></o:p>

    Vous me pardonnerez d'avoir succombé à l'emploi d'expressions triviales afin de vous exprimer ce que je crois être l'essentiel en tant que citoyen français. En des circonstances particulières, un langage virulent sied mieux qu'un autre, plus formel, moins éloquent. J'ai eu le courage Monsieur le Président de faire mon devoir de citoyen français, même si cette lettre est surtout symbolique.<o:p></o:p>

    A vous de faire preuve de courage dans votre rôle de chef d'Etat d'un des pays les plus riches, et paraît-il, les plus vertueux de la planète.<o:p></o:p>

    Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à ma parfaite considération.<o:p></o:p>

    631 - Le lait de Junon

    " Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie. " PASCAL<o:p></o:p>

    Cent mille aubes se lèvent sur cent mille humanités dans un coin de notre galaxie. Cent mille autres feux couchants illuminent inutilement cent mille mondes morts, ailleurs dans les profondeurs de la Voie Lactée. Je viens de parler de deux-cent mille planètes et je n'ai parlé que d'une infime partie de ce que contient la Voie Lactée. <o:p></o:p>

    La Voie Lactée, poudre blanche dispersée dans la nuit cosmique où est incluse une particule insignifiante, le Soleil…<o:p></o:p>

    Notre Soleil, étincelle quelconque noyée dans la multitude des feux stellaires formant l'écume sidérale... Invisible dans la masse globale, imperceptible à l'échelle galactique, grain de sable dans le désert, tête d'épingle dans l'océan, l'astre qui nous éclaire se fond parmi les myriades de soleils anonymes composant cette poussière en fusion que l'on nomme "galaxie".<o:p></o:p>

    Une galaxie... Des paysages par centaines de milliards, une diversité incalculable de terres, des horizons à n'en plus finir, mais surtout des milliards de milliards d'hommes, pourquoi pas ? Ces chiffres paraissent exagérés aux yeux des lecteurs incrédules, bornés par leur clocher qu'ils prennent pour le centre de l'Univers ? Ils sont pourtant à revoir à la hausse ces chiffres prodigieux, sans cesse, tant que reculera l'horizon cosmique devant la puissance de nos télescopes. Il y a quatre siècles, nul n'osait imaginer l'Amérique. Nous qui voyons des merveilles dans l'immensité de notre galaxie, portion d'espace ridiculement étroite au regard du reste du cosmos, soyons moins sots que nos aïeux superstitieux : osons croire à l'infini. A l'heure du savoir, des découvertes en tous genres, l'inimaginable est à portée de vue. Alors levons les yeux, ou plutôt fermons-les et songeons à notre galaxie...<o:p></o:p>

    Partout, des étoiles. <o:p></o:p>

    Isolées, regroupées par deux, trois, par centaines, par millions ou par milliards, elles témoignent de l'inconcevable réalité. Dans leur sillage, une infinité de planètes. Des "planètes Terre" par milliers, par millions, par milliards. Des globes bleus, des sphères vertes, des disques blancs, des boules grises... <o:p></o:p>

    Perdus dans le vide comme des points sans attaches ou bien rassemblés en îles diffuses aux dimensions vertigineuses, en brumes aux étendues incommensurables, les hôtes célestes sont éparpillés de mille manières différentes et cependant unis dans cette grande structure appelée Voie Lactée. <o:p></o:p>

    Issu de la nuit des temps, le peuple des étoiles couve son mystère dans le silence galactique.<o:p></o:p>

    632 - Les abattoirs industriels

    Imaginez une usine où des humains anonymes aux corps calibrés seraient égorgés puis démembrés méthodiquement par une machine implacable réglée pour tourner à plein régime... Impeccablement alignés, les corps dépecés en diverses parties sortiraient dans des barquettes sous cellophane à destination de la grande distribution. C'est le sort de millions d'animaux de boucherie. Vous me direz, les animaux de boucherie ne sont pas des humains et la comparaison est par conséquent exagérée, déplacée, saugrenue. On ne peut donc pas comparer humains et animaux de boucherie, penserez-vous.<o:p></o:p>

    Justement si. Et moi je compare. <o:p></o:p>

    A la place des animaux d'élevage, je mets délibérément des humains dans mon exemple, et ce pour mieux faire ressortir l'ignominie d'une chose que l'habitude nous a rendue banale. L'horreur des abattoirs, pourtant bien réelle, ne nous apparaît pas spontanément. Depuis toujours nous avons vu nos parents, grands-parents, maîtres d'école, voisins, amis se régaler des produits carnés issus des abattoirs. Enfants, on nous déposait même avec amour des tranches de jambon sur notre pain...<o:p></o:p>

    Tant et si bien que par la magie du couvert, dans les esprits affectueusement conditionnés ou simplement sous les palais sensibles aux causes gastronomiques, la tranche de jambon a toujours été -ou est devenue au fil des habitudes- un objet intrinsèque séparé de la sinistre réalité à laquelle il est tragiquement rattaché. Comme si cette chose rose et parfumée qui a toujours la même forme poussait sur des arbres en toute innocence...<o:p></o:p>

    Du cadavre rendu joli grâce à un emballage soigné, des tranches de mort préparées avec professionnalisme par des bouchers fiers de leur travail, de leur corporation, des pièces de honte que certifient des logos officiels garantissant leur qualité, des morceaux d'authentiques agonies, des côtelettes de souffrances, de la chair engraissée à la rentabilité, des êtres doués de sensibilité que l'on a traité de la naissance à la mort comme de la marchandise, des animaux transformés en produits standard, voilà ce que nous mangeons ! <o:p></o:p>

    La viande, c'est ça.<o:p></o:p>

    Il y a en outre un mythe très vulgaire tournant autour des mets carnés justifiant les appétits "ogresques" des plus primaires d'entre nous : la viande rendrait fort, beau, intelligent.<o:p></o:p>

    La bêtise et l'insensibilité de ces mangeurs de viande convaincus sont telles qu'ils méritent toute notre pitié.<o:p></o:p>

    633 - La vieille Albertine

    Vierge, stupide, économe, la vieille Albertine aimait égorger les chats du village. Pieuse comme un poux, aussi fière que les cloches de l'église, plus moche que sa cousine Berthe, Albertine en bonne vieillarde vicieuse qu'elle était ne s'adonnait aux délices interdits des délits mineurs qu'en présence de ses avocats importés d'Israël qu'elle dégustait avec beaucoup d'huile, ce qui avait la fâcheuse tendance à la faire baver.<o:p></o:p>

    A 78 ans bien sonnés, la bigote indigne convoitait les faveurs nauséeuses de son curé, un écouillé édenté qui avait des airs de serin persifleur. Cela dit l'homme d'église trépassa juste avant qu'Albertine ne succombât à ses passions malsaines. A ses funérailles, elle alla se faire cuire une grosse plâtrée de carottes. A neuf heures du soir, sa marmite pleine de choses étranges et indéterminées déborda de telle manière qu'on l'accusa de sorcellerie.<o:p></o:p>

    Elle fut jugée démente mais elle démentit sans aucune vigueur pour sa défense. Ses habituels avocats avalés, elle alla cette fois-ci se faire cuire un coco. Bref, pendant les trente ans qui suivirent l'affaire de la marmite, Albertine égorgea irrégulièrement les félins du voisinage. Parfois un par mois, parfois trois ou quatre tous les semestres. <o:p></o:p>

    Jusqu'à aujourd'hui où, alors qu'elle est âgée de 108 ans et qu'enfin vient de mourir son petit-fils, elle a fait une demande afin de bénéficier de son héritage. Elle est aussi alerte qu'une limace sur une feuille de laitue, mais cela ne l'empêche pas d'être sotte, méchante, cupide.<o:p></o:p>

    Depuis que j'ai emménagé à proximité de la vieille Albertine, je ne laisse plus sortir mes deux chats. Comme les autres au village, j'attends qu'elle crève.<o:p></o:p>

    A 108 ans elle est capable de tout, même de nous enterrer tous.<o:p></o:p>

    634 - La bêtise ordinaire des gens bien intentionnés

    La bêtise, la simple, banale, quotidienne, terrible sottise des honnêtes gens de mon quartier m'est particulièrement insupportable. <o:p></o:p>

    Ainsi dans la tête de ces imbéciles moyens les humbles citoyens vers lesquels convergent soudainement les projecteurs de l'actualité sous prétexte qu'ils sont encore plus bêtes que la moyenne de leurs congénères de par l'exercice original ou intensif de leur profession (tel un charcutier recevant une médaille pour services rendus à la cause carnée), deviennent des héros élevés à la dignité d'un article dans le canard local.<o:p></o:p>

    De simples victimes de leur condition sociale, ils passent du jour au lendemain au statut élogieux et immortel de héros par le simple fait de l'importance médiatique donnée à l'événement... <o:p></o:p>

    Décidément, les gens de mon quartier sont mes pires ennemis. Surtout cette Madame Dumou, brave ménagère cinquantenaire d'aspect à la fois insignifiant et caricatural avec son cabas plein de poireaux qui dépassent, avec sa pensée lisse, inoffensive, révélatrice de la mollesse ambiante de la masse dominante qui lui ressemble... Madame Dumou, femme du peuple sans histoire, bonne, honnête, émotive, "bien comme il faut", propre sur elle est en fait un véritable terroriste de la pensée. D'une extrême dangerosité. L'adversaire irréductible de tout bel esprit épris de hauteurs. <o:p></o:p>

    Ennemie jurée des idées brillantes, élevée dans le culte de la médiocrité et du pot-au-feu du dimanche, Madame Dumou à la base ne croit qu'aux vérités potagères contenues dans son cabas. Depuis les profondeurs vertigineuses de son vénérable réceptacle à légumes qu'elle trimbale d'épiceries en superettes, n'importe quel Dupont sous le soleil de sa télévision allumée en permanence peut, pour un oui ou pour un non, devenir un messie. <o:p></o:p>

    Quand je croise Madame Dumou dans la rue, armé de mon sourire lénifiant, je prends bien garde à toujours lui adresser mes plus conventionnelles salutations en ne laissant jamais rien paraître de ma véritable nature : elle ne sait pas que j'appartiens à la secte honnie des beaux esprits. <o:p></o:p>

    635 - Châtier les laides

    Un jour un interlocuteur de belle espèce me fit remarquer qu'un esthète digne de ce nom ne devait jamais s'abaisser à souffleter une femme, si sotte qu'elle fût.<o:p></o:p>

    Certes. J'ajouterais que les femelles beautés, même les très méchantes, ont tous les droits et qu'en aucune façon ces créatures vénéneuses ne méritent de recevoir à la face le gant d'un sybarite, si haut perché sur son pommeau qu'il soit. Je ne conteste pas un instant cette remarquable vérité. <o:p></o:p>

    Mais les laides, les filles de l'ombre, les non élues vouées à la déchéance esthétique, les femmes enfin qui n'ont pas eu l'heur de naître sous l'aile de Vénus, ont-elles donc aux yeux du bel esprit quelque prix ? Je ne pense pas. Les laides femmes ne sont-elles pas méchantes par définition ? Une femme laide ne peut être bonne. Et quand même elle serait bonne, comment sans beauté aucune pourrait-elle se faire aimer d'un homme de rang ? <o:p></o:p>

    Et si la beauté qui s'allie à la corruption a encore quelque douceur, quelque éclat sous nos regards pleins de raffinement et d'indulgence, en revanche la laideur associée à la scélératesse ne mérite-elle pas notre plus profond mépris ainsi que les châtiments les plus sévères du simple fait que chez ces enfants de vipères nés de la fange rien ne pourra jamais nous séduire, nous les beaux sangs ?<o:p></o:p>

    Je ne puis me résoudre à accorder à la laideur le moindre des droits octroyés aux descendantes d'Aphrodite. Ce serait faire offense au goût que de ne pas gifler le visage ingrat de celle qui voudrait usurper à la beauté sa couronne. Non, les laiderons ne méritent pas notre pardon. Leur existence-même en ce monde formant une permanente injure à la beauté, aucune pitié ne doit amoindrir leur douleur d'être ce qu'elles sont.<o:p></o:p>

    Les belles femmes, qu'elles soient bonnes ou mauvaises, stupides ou brillantes pourront toujours arguer de cette cause supérieure qui les caractérise, la beauté, pour se faire pardonner leurs défauts. Ce qui ne sera jamais le cas des laides. <o:p></o:p>

    Cet ultime argument qui ne fait qu'exacerber leur disgrâce légitime définitivement les soufflets qu'avec morgue et cruauté nous leur destinons.<o:p></o:p>

    636 - Ivresse d'esthète

    Comment décrire le plaisir subtil et fulgurant de l'esthète que je suis lorsque volontairement je me frotte aux béotiens et me fais passer pour l'un des leurs dans le dessein d'éprouver le vertige de mes propres hauteurs ? <o:p></o:p>

    J'affectionne singulièrement la proximité du vulgaire, j'aime le côtoyer avec cette manière sévère et cynique qui est la marque des esprits supérieurs. Le plaisir suprême consiste à me mettre à la portée du premier rustre venu et à me faire passer pour un grossier de sa condition sans rien laisser paraître de ma supériorité. Pour cela je dois me faire violence et masquer cet air hautain inné qui me caractérise. <o:p></o:p>

    Sorte de gants blancs de l'esprit, de hauts-de-forme de l'âme naturels aux belles gens, les allures dédaigneuses de la race noble sont des signes de qualité insupportables à la roture.<o:p></o:p>

    En certaines circonstances les sangs rares de mon espèce évitent de laisser parler le naturel. <o:p></o:p>

    Ainsi, pour passer vraiment inaperçu dans ces bars j'adopte les us odieux de mon entourage. Quand parfois à l'heure vespérale dans un de ces établissements plébéiens j'ingurgite quelque breuvage enivrant, je fais mine d'apprécier l'infâme musique de fond issue du juke-box alors qu'en réalité je ne souffre que les quatuors de Beethoven... <o:p></o:p>

    Mon regard croise celui du patron, des clients... Faussement uni à cette assemblée de minables qui pataugent dans leur médiocrité quotidienne, je lève mon verre avec eux aux causes les plus inepte : à la santé de Bébert, à la prochaine baisse des impôts locaux, à l'ouverture de la supérette du coin de la rue... Ennemi de la moindre finesse de pensée, le cercle se referme un peu plus autour du gros rouge. A partir de cet instant, tout est possible. Par exemple, un des éthyliques dans un éclair de stupidité hautement prévisible se lamente, inconsolable, sur le sort de son chien malade puis sans transition cause allègrement météorologie, femmes, automobiles... Au second verre, solennel comme une statue de plâtre, le regard lointain et mystérieux, il se met à débiter des banalités mécaniques au sujet des roues de son vélo, allant jusqu'à invoquer le dieu Michelin avec dans la voix de sincères tremblements d'admiration pour le concepteur de la chambre à air.<o:p></o:p>

    En choeur, tous approuvent.<o:p></o:p>

    Et moi, depuis mes sphères divines que mes compagnons de beuverie sont incapables de concevoir, je surenchéris.<o:p></o:p>

    Mes propos, d'une insignifiance abyssale mais clamés sur un ton plein d'une fureur feinte mi-alcoolique mi-crapuleuse, les flattent et les rassurent jusqu'au fond de leur coeur prompt à battre à la moindre sollicitation "bistrotière", tout en berçant exquisément leurs viscères imbibés de vile piquette... En quelques crachats d'ivrogne je deviens leur grand amiral de zinc, à la vie à la mort.<o:p></o:p>

    Je ressors du bar deux fois ivre. Ivre de bière fine et ivre de jubilation cynique. <o:p></o:p>

    Le plaisir de la boisson, associé au plaisir de l'esprit, est ainsi décuplé.<o:p></o:p>

    637 - Le naïf

    Ils m'appellent "le naïf" en riant parce que j'aime les étoiles plus que leurs babioles d'or et de feutre fin. Avec mes rêves doux et étranges, je passe pour un idiot, un sot sans le sou, un enfant de bohème, un pauvre imbécile sans avenir. <o:p></o:p>

    Je donne du prix aux songes, au firmament, à l'Amour. Ils se croient meilleurs et indispensables sous prétexte que leur trésor à eux tient dans un coffre, que le mien tient dans la tête.<o:p></o:p>

    J'ai des scrupules, de la dignité, plein de noblesse : on me dit faible, stupide, sans ambition. Indifférent à leurs modes vestimentaires, à leurs vanités intellectuelles, je ne jure que par la Poésie. Cela ne vaut rien sous leurs chapeaux bien taillés, aussi se permettent-ils de cracher sur ma face éclatante de bonté. La vertu les fait exploser de rire. Leurs vices ne me touchent cependant pas : je plane loin au-dessus de leurs noires certitudes. Mon regard se perd dans le zénith. Eux, me reprochent de ne pas aimer l'argent, l'artifice, le profit, d'être inutile avec mes visions lunaires. <o:p></o:p>

    Ils m'appellent "l'idéaliste" avec un air supérieur parce qu'ils ont une assurance-vie, une voiture puissante, une situation, un coeur dur, et que moi je n'aspire qu'à rejoindre les astres, ne crois qu'en mes hauteurs, n'aime que ce qui est grand, beau, immortel.<o:p></o:p>

    Moi le "naïf", "l'imbécile", "l'idiot", le "pauvre type", quand je les salue avec mon sourire tendre et niais, leurs rires gras redoublent et ma face blanchit encore un peu plus. <o:p></o:p>

    Ils m'appellent "le naïf" avec mépris, les poches pleines, le coeur vide, car depuis longtemps ils ont oublié les sons purs et glorieux de mon vrai nom.<o:p></o:p>

    638 - Bonheur tranquille au village

    Du haut du clocher où il admire le paysage, le bedeau maudit le curé dont il entrevoit la silhouette dans une ruelle. Ombre furtive et sinistre qui contraste avec l'atmosphère joyeuse du village... L'été est éclatant, l'horizon s'étend devant lui, à perte de vue. Il respire l'air avec gaîté, enivré par les senteurs de flore et d 'azur. Son regard se noie avec délices dans les brumes chaudes qui déforment les étendues incertaines dans le lointain. En bas il voit toujours le prêtre. Plus loin la Fanchon coupe de l'herbe.<o:p></o:p>

    Quittons les hauteurs de l'épieur, assistons de plus près à l'ouvrage de Fanchon... Elle est laide, fortunée, héritière de plus beau domaine de la paroisse. Un vélo passe près d'elle. C'est le bûcheron. Une brute sournoise passionnément éprise de gnôle. Aimé de Suzanne, dites "Suzie la putain" selon les mauvaises langues, il affectionne plus la compagnie des arbres que celle de sa "Suzie". Son point fort : ses poings. Il cogne. Hommes et femmes. Il est respecté dans le village.

    Revenons à l'abbé. Fin, racé, sévère, c'est un homme d'esprit. Un océan le sépare de ses ouailles. Le coeur pur, pétri de noblesse, il a cependant une fâcheuse tendance à aimer plus que chaleureusement la fille du fermier Claude, jolie plante de 22 ans aux appas inexistants. Le fermier Claude est un gentil boeuf avare et travailleur, sobre, peu causant mais plein d'affection pour ses amis. Un brave type.
    <o:p></o:p>

    Mais la cloche sonne à l'école communale. C'est la récréation. Les enfants sont excités : un mendiant longe le mur de l'institution. Il reçoit quelques cailloux sur le dos sans broncher. Sourd, il n'entend pas les moqueries de certains enfants plus cruels ou plus délurés que d'autres.<o:p></o:p>

    Les fermières sont à leurs ouvrages ou bien flânent. Ça souffle, maugrée, bavarde sous les toits de chaumes, dans les chemins creux, au fond des poulaillers.

    La vieille Bergerette, aussi féroce qu'à l'accoutumée et un peu dérangée, vient de menacer de mort par trépanation précipitée le fils de l'épicier âgé de cinq ans, échappé de la cour de récréation. Le saint homme en soutane qui la croise tente de l'apaiser et ne récolte que des injures qui choquent même le bedeau, toujours embusqué dans son observatoire en compagnie des cloches.
    <o:p></o:p>

    Midi. Certaines cuisines empestent, d'autres exhalent d'exquises promesses potagères... Le maire vient gronder avec bonhomie la vieille méchante. Cette dernière répond par un coup de canne qui aurait pu être mortel à l'élu, tandis que des canards mêlent leurs cris aux plaintes des ânes.<o:p></o:p>

    Ainsi en va-t-il des affaires quotidiennes, tragiques et insignifiantes de ce village sans nom, que nous appellerons cependant "Trifouillis-les-Hirondelles".<o:p></o:p>

    639 - L'imposture des toges

    Quand on met en scène sur des planches (ou sur la pellicule cinématographique) la Bible, Napoléon, Charlemagne, de Gaule ou Colomb, on ennoblit nécessairement la réalité.<o:p></o:p>

    Le théâtre avec sa gestuelle, ses codes, sa gestion artistique de l'espace, du mouvement, de même que les tableaux de maîtres avec leurs spécificités picturales, ne sont pas le reflet "à la lettre" de la réalité. La réalité est plus décevante, triviale, ordinaire dans la forme. En termes visuels, "scéniques" et verbaux le réel est moins éclatant : rois, princes ou messies ne prennent JAMAIS des airs solennels et compassés tel qu'on se l'imagine, même quand ils communiquent des paroles immortelles... Et ce qu'ils disent avec des mots de marbre, si tant est qu'ils les prononcent vraiment ces fameux mots aux échos inextinguibles qu'on leur attribue, ils ne les clament JAMAIS avec cette diction parfaite, étudiée, "professionnelle" que nous miment avec grandiloquence les gens de théâtre ou ainsi que le suggèrent les livres enluminés. <o:p></o:p>

    La prétention d'un certain théâtre, la pompe des ouvrages pieux, l'artifice des tableaux, la gravité des statues, bref le mensonge esthétique, la fantaisie académique des arts en général, ont depuis des siècles façonné notre imaginaire de telle sorte qu'on ne peut plus concevoir ces illustres personnages historiques QUE dans des postures stéréotypées, caricaturales, quasi mythologiques, même quand ils sont représentés en train de faire des choses ordinaires de la vie quotidienne. Alors qu'en réalité ces personnages faisaient caca eux aussi, et joliment encore, aussi éthérés soient leurs regards dans les tableaux religieux et artistiques exécutés à travers les siècles. Nos grands peintres, sans grande imagination, se sont singés mutuellement avec leurs tableaux aux compositions scéniques irréalistes, invraisemblables, franchement improbables pour mieux ancrer en nous cet imaginaire de "Disneyland pour adultes cultivés".<o:p></o:p>

    Les grands personnages pouvaient être pris d'une quinte de toux en plein discours "historique". Ils pouvaient ne posséder aucun talent oratoire et s'emmêler les pinceaux en émettant ces mots sculptés dans l'airain qu'on leur prête, mots parfois ponctués de ratés, voire de lapsus, et même couverts par d'incongrus gargouillements d'estomac... Eux aussi. Pourquoi les grands personnages historiques auraient-ils spécialement le don oratoire, le don théâtral, le don de conteur pour parler aux foules, à leurs généraux, à la postérité ?<o:p></o:p>

    L'art a conditionné nos esprits de manière si éclatante qu'à la place d'hommes accessibles à la défécation l'on s'est mis à concevoir des demi-dieux toujours vêtus de toges, qui faisaient à tout bout de champs des effets de manches (profitant de ce qu'ils étaient vêtus de toges justement, le costume-cravate se prêtant moins à ce genre d'exercice), à croire en des sortes de supers pantins solennels 24 heures sur 24 qui ne se prenaient jamais les pieds dans le tapis, graves du matin au soir même quand ils dormaient... <o:p></o:p>

    La farce des immortels sketchs gréco-latins, romano-chrétiens, gallo-romantiques, charlemagno-romanesques dure depuis des siècles, le temps lustrant l'Histoire. Ce qui n'arrange rien.<o:p></o:p>

    Voilà pourquoi je dis que les toges, les statues et les panthéons aux lignes savantes sont des impostures.<o:p></o:p>

    640 - Rimbaud pot-au-feu

    Comment pourrais-je croire en Rimbaud, alors qu'on l'évoque avec des vapeurs d'éther dans la bouche, des ronds de fumée dans la tête, de gros lapins rouges dans le chapeau ? Un personnage inspirant des clichés aussi indigents est trop suspect... Moi quand je parle d'Arthur, il me sort de la bouche des postillons, de la tête des idées vagues, du chapeau rien du tout.<o:p></o:p>

    Je ne crois pas en ces grandeurs scolaires inculquées par la superstition républicaine. Les "poteaux de couleurs", les "peaux rouges criards" et autres "haleurs" sont de pures sottises d'érudits. Certes bien tournées dans la forme, mais écrites pour le vent des envolées vides et cependant lues avec d'imbéciles frémissements dans la voix. Révélateur de la triste capacité de l'esprit humain à se laisser faussement bercer par des sornettes, Rimbaud est le symbole de l'embrigadement des masses crédules et ignorantes dans une sensibilité poétique frelatée, artificielle, relayée par de doctes cornichons de l'Académie à qui nul n'oserait tenir tête.<o:p></o:p>

    Moi je prétends que Rimbaud est un médiocre voyant et que ses disciples sont de bêlantes andouilles.<o:p></o:p>

    Parce que l'Enseignement National a inclus dans son programme ces pompeuses, indigestes carottes diarrhéiques censées incarner l'aboutissement de la Beauté verveuse et métrique (au lieu de dispenser en priorité à ces populations scolaires de bonnes grosses patates poétiques bien substantielles ou d'exquises salades lyriques pleines de légèreté, plus propres à contenter leurs véritables aspirations juvéniles), des générations de rebelles à la carotène enrégimentés par leurs professeurs de lettres font semblant d'apprécier le mets orange.

    Le clou Rimbaldesque est à ce point enfoncé dans ces crânes ramollis que cracher sur le plat officiel est perçu comme un acte quasi criminel.
    <o:p></o:p>

    Je ne doute pas que j'aurai toujours sur le dos ces hordes de contaminés de la "pensée universitaire" pour me reprocher ma dissidence déplacée, à leurs yeux inacceptable... En effet, dans ce système bien huilé où l'esprit se nourrit de certitudes institutionnelles, on ne s'oppose pas ainsi au Dieu Rimbaud. Rimbaud, on ne le discute pas : ou on le vénère, ou on n'est rien qu'un pauvre épicier de province inaccessible aux hauteurs zénithales...<o:p></o:p>

    Au fait, qui parlait de rébellion poétique ?<o:p></o:p>

    641 - Terroriste

    J'ai vu le jour sous l'empire de Misère, dans les quartiers des damnés de Calcutta.

    Certains disent de moi en riant, incrédules, que je suis une caricature, un cliché éculé, mais moi je sais bien que je suis un homme de chair et de lumière, fier et ravagé, plein de rêves et de douleur.
    <o:p></o:p>

    Elevé entre ciel et caniveau avec les herbes sauvages, la faim m'a poussé au crime. La geôle a fini d'endurcir mon coeur qui je crois était fait pour l'amour. Chien galeux parmi les loups, j'erre sur la terre des hommes, en quête de vengeance et de justice car les loups ont fait de moi un autre loup. Plus laid, plus libre, plus féroce, plus affamé. <o:p></o:p>

    Plus fort.<o:p></o:p>

    Ma force justement, je la puise dans le désespoir, n'attendant déjà plus rien alors que commence et s'achève ma vie.<o:p></o:p>

    Je souhaite la mort des riches, la victoire de l'arbitraire, la suprématie de l'altruisme universel et oeuvre de tout coeur pour le malheur de mes ennemis. Je porte en moi la haine la plus noire mais aussi un amour infini : la haine innée du pauvre pour le nanti, l'amour sans fin du déshérité pour son Dieu absent. Sans loi ni jours heureux, je conçois des guerres sans terme. Mais, n'étant qu'un gueux, je tue à mains nues, vole à pleines dents, pleure sans larmes.<o:p></o:p>

    A présent je meurs de mes crimes, meurs de votre indifférence, meurs de faim. Vous m'appelez TERRORISTE parce que vous avez peur, parce que vous êtes riches, parce que vous êtes du bon côté de la barrière. <o:p></o:p>

    Avec votre belle conscience de repus.<o:p></o:p>

    Vous m'appelez TERRORISTE et moi je vous appelle COUPABLES.<o:p></o:p>

    642 - La faiblesse de l'esthète

    Christine,

    Je ne vous oublie pas, amante. Je pense encore à toi, Christine mon cher, très cher Amour. Toi mon Amour littéraire, mon amour de plume, mon amour chartrain, mon amour oui, mon amour, mon Amour… Vous l’épistolière qui vous enracinez dans le temps par votre silence-même, je pense à vous sous la pluie de fin d’été qui tombe au Vieux-Mans. Christine, vous me charmiez avec vos traits sans grâce, jadis… J’aimais me perdre longuement dans les profondeurs de votre visage sévère, à travers votre photo. Vos lettres lucides et romanesques vous rendaient belle. Vous étiez mon amour impossible, triste et sans éclat. Presque comique. Vous l’objet sans valeur, moi l’esthète paradoxal… Je voulais conquérir cette face faite pour les amours cruelles et nobles, cyniques et sincères. En imagination je caressais votre visage, baisais vos lèvres, essuyais vos larmes… Et le songe était beau.
    <o:p></o:p>

    Christine, vous êtes belle et sombre, ingrate et charmante, triste et désirable. Hélas ! La maternité semble avoir apporté quelque imbécile rayon de lumière sur votre front, aimé autrefois pour son voile de mélancolie. Fragile, sans attrait et cependant touchante, vous incarniez l’idéal poétique, entre rose et pissenlit, cristal et caillou. Je rêvais de pâles conquêtes, de blêmes amours, de lunaires créatures aux sourires énigmatiques et funèbres, et vous étiez là, hibou onirique planant dans la nuit de mon imaginaire fantasque et dolent… Oiseau étrange aux ailes silencieuses, vous m’ensorceliez Christine avec vos yeux doux, avec vos mots durs, avec vos rires comme des sanglots.<o:p></o:p>

    Comment pourrais-je oublier vos élans timides et livresques, tendres et    chagrins ? Vous m’aimiez à votre façon, et moi de même. Vous avec désenchantement et masochisme, moi avec égoïsme et férocité. Vous étiez lugubre, j’étais mondain. Cependant la Poésie présidait à cet hyménée supérieur. Là fut son salut. Les dieux de l’Art et des Lettres ont souscrit à cette union épistolaire. Aujourd’hui, alors qu’il pleut tristement sur la cité, j’éprouve quelque sincère tendresse pour vous Christine.<o:p></o:p>

    Je baise aimablement votre front hier voué à mes sarcasmes d’Amant immodeste. Je vous aime non plus seulement du bout hautain et séduisant de ma plume, mais aussi avec mon pauvre, simple, dépouillé cœur de mortel.<o:p></o:p>

    643 - Les imbécillités du NET

    Lorsque l'internaute de base entreprend sur le NET une démarche de communication (présentation personnelle, étalage de ses états d'âmes, journal improvisé), que ce soit à travers l'écrit ou l'image, spontanément, systématiquement il le fait sur le mode humoristique. Avec plus ou moins de réussite. Tout le monde veut faire rire. Très peu y parviennent. Souvent le résultat est médiocre, voire franchement navrant.<o:p></o:p>

    Tous ces apprentis-clowns cybernétiques se croient irrésistibles. Certains parodient sans aucun talent des chanteurs à la mode, d'autres s'agitent ainsi que des guignols insipides, de plus hardis bavent même comme des chameaux...<o:p></o:p>

    Tout ça pour quoi ? Pour quel résultat ? Ces pitoyables tentatives de se rehausser, de se faire aimer, applaudir à travers la dérision, la légèreté, la provocation n'atteignent pas le premier échelon de l'humour digne de ce nom, celui qui touche l'honnête homme, le bel esprit. Pataugeant lamentablement dans leur mélasse de nullités humoristiques, incapables de prendre la moindre distance sur leurs affligeantes pitreries, ces internautes si pressés de ne pas se prendre au sérieux, si prompts à vouloir se rendre légers, spirituels, aimables, ratent totalement leur cible. <o:p></o:p>

    Et se montrent consternants.<o:p></o:p>

    L'exercice humoristique est si difficile, si périlleux pour le cyber-quidam que le mieux serait qu'il ait la force, l'intelligence de ne pas succomber à l'appel traître de l'Araignée. Si la Toile mondiale est dense, facile d'accès et très flatteuse, elle n'en demeure pas moins un espace d'expression sans filet pour les naïfs qui ratent leur numéro.<o:p></o:p>

    Son aspect inoffensif est illusoire : la renommée d'un anonyme peut voler en éclats sur une seule prestation. Le ridicule est une arme d'autodestruction insoupçonnable.

    Ce n'est pas parce que l'outil informatique avec ses merveilleuses possibilités est à la portée de tous, que tous ont nécessairement des choses à dire, à montrer au reste du monde. Pour leur propre bien, le retrait de la scène informatique planétaire des postulants à "l'humour dupontesque" serait préférable à leurs gesticulations désespérées pour se faire une place au soleil décidément bien pâle de la gloire cybernétique.
    <o:p></o:p>

    644 - Le roi des avares

    Je connais un homme aux moeurs ahurissantes. Plus vieux que nature avec ses os saillants, aussi terne qu'une pelure de patate, ce singe acariâtre est d'une avarice extrême.<o:p></o:p>

    Lorsque je m'invite dans sa masure insalubre, même le contenu de sa gouttière est trop cher pour m'accueillir... Pas question de m'offrir un thé ! D'ailleurs avec quoi ferait-il bouillir son eau de pluie, attendu que le bois mort semble être son plus précieux trésor ? Il préfère s'excuser mille fois plutôt que de me céder une tasse de thé. D'ailleurs son thé est périmé et son eau de gouttière fangeuse, je ne l'ignore pas. Quand au sucre...<o:p></o:p>

    Rétif à l'électricité, il ne consomme que de la chandelle. Grand lecteur de journaux récupérés dans les poubelles, il est très au fait des actualités caduques. <o:p></o:p>

    Ça ne mange pas de pain. Effrayé par les nouvelles technologies et les moyens de communications révolutionnaires, il a trouvé une alternative peu onéreuse au téléphone portable, à l'ordinateur et à Internet : l'isolement.<o:p></o:p>

    Les amis ça coûte cher et c'est précisément pour cette raison qu'il déteste en avoir. Aussi, pour tenter de le sortir de sa solitude économique, dois-je rendre visite contre son gré à ce farouche exilé du monde de la consommation. En échange de son thé imbuvable qu'il me refuse systématiquement, j'apporte des oranges à ce prisonnier volontaire. Je crains, bien à tort, qu'il ne tombe malade de privations. En fait cet ascète est un roc. Je converse longuement avec lui. Cela ne le dérange guère de causer et je crois même qu'il apprécie beaucoup, vu que les mots ça ne coûte rien. Mais dès qu'il s'agit de sortir un verre, une tasse, une allumette... Là il se braque, devient muet, se sent mal, semble prêt à trépasser. <o:p></o:p>

    La dépense est le point faible de ce chêne nourri de terre maigre.<o:p></o:p>

    Sa détermination à ne rien débourser est redoutable. Je le connais, il préfère frôler la Camarde plutôt que d'aller chez le médecin. Il a décrété ne jamais tomber malade, que la maladie c'était pour les riches, les mous pas musclés, les gens de la ville trop bien nourris, les frileux pas assez économes, les fous qui jettent leur argent par les fenêtres... Toutes les excuses sont bonnes pour ne pas payer "l'impôt sur la bonne santé" comme il dit. <o:p></o:p>

    Ainsi s'est-il constitué de solides anticorps, par la force des choses.<o:p></o:p>

    Cet homme hors du commun aime singulièrement la nature : salades de pissenlits, champignons, pommes sauvages, marrons, soupes d'orties, fruits tombés et céréales opportunes de toutes sortes à portée de main, mûrs ou pourris, légalement appropriés ou astucieusement emparés, tels sont les composants de ses repas aigres et corsés. <o:p></o:p>

    Ainsi ce qui ne l'a point tué l'a-t-il rendu plus vif.<o:p></o:p>

    A quatre-vingt-neuf ans ce vieux hibou reclus et misanthrope, vrai châtaignier mûri sous l'abstinence, est l'homme qui finalement me fait le plus rire au monde tout en suscitant chez moi une réelle admiration. <o:p></o:p>

    Le roi des avares...<o:p></o:p>

    645 - La poésie des réacteurs

    Croiser ton regard dans les airs, chère Sandrine, à bord de cet avion en provenance du Caire et sur le point d'atterrir à Orly dans le bruit confus des aérofreins et le sifflement net des réacteurs en décélération (ces stridulations caractéristiques annonçant l'atterrissage d'un aéronef, vrombissements intenses perceptibles par les passagers seulement), croiser ton regard là‑haut dans ce doux bruissement des moteurs disais-je, fut un théâtre intense. Du vrai, du beau tragi-comique avec pour décor tout un paysage, un monde vu d'en haut qu'il fallait coûte que coûte rencontrer sans heurt, sous peine de mort. <o:p></o:p>

    Nous étions acteurs charnels, incarnés, vivants et dangereusement proches l'un à côté de l'autre, avec le sol qui grossissait à l'approche de l'aéroport, un monde plus réel que nous ne l'imaginions parce que nos tombes futures étaient en bas, non en l'air. Notre devenir était sous nos pieds, quoi qu'il fût advenu. Telles étaient mes pensées...<o:p></o:p>

    Tu m'apparaissais plus belle en plein drame, au seuil de la tourmente (à l'approche du sol je me préparais à mourir comme c'est le cas à chaque atterrissage) !<o:p></o:p>

    Et ces bruits aigus de réacteurs -magnifique mugissement de la mécanique apprivoisée-, ces bruits de puissance, de gueules hurlantes muselées, maîtrisées par la main humaine, ces bruits de réacteurs en décélération, olympienne clameur du fer gorgé de feu, cette haleine brûlante enfin que crachait la machine, c'était de la MUSIQUE. <o:p></o:p>

    Mieux : du Mozart.<o:p></o:p>

    Oui tu étais belle dans cette scène, parce que cette couverture qui te recouvrait, si légère, ténue, aurait pu devenir ton linceul. Tout devenait vertigineux depuis mon siège : le paysage défilant à ma droite, la perspective certes peu probable mais non impossible d'un écrasement en bas, tes yeux furtivement croisés à ma gauche.

    Et derrière mon masque serein, la tempête.
    <o:p></o:p>

    Bercé par le bruit des réacteurs évoquant le galop aérien de deux pégases, j'attendais le contact libérateur avec le sol, le frisson au ventre... Exquis tourbillons de la chair et de l'âme agitées par des causes suprêmes ! Amour et mal de l'air les secouaient... Sur le point de vomir, entre agonie et éblouissement, effroi et émerveillement, je m'en remettais aux ailes qu'une flamme faisait rugir. Dieu ! Quel concert que ces sifflements ! C'était pour moi l'appel du large, le cri de la liberté, le chant du ciel. <o:p></o:p>

    Enchanteurs sont ces engins volants qui décollent avec fureur dans un crachat de fumée et reviennent dociles, gémissants à l'atterrissage ! Ces aigles géants qui rasent les toits avec plein de majesté avant de se fondre dans l'azur sont semblables aux coeurs des hommes en proie à leurs plus chers tourments.<o:p></o:p>

    Sandrine, voyager à tes côtés lors de ce vol de retour fut la plus délicieuse épreuve de ma vie.<o:p></o:p>

    646 - Education religieuse

    L'abbé Boyer, à la tête d'un orphelinat de province depuis 1830, est un sadique-né redoutable qui mène son petit monde d'une main de fer.<o:p></o:p>

    Son plus grand plaisir est de broyer méthodiquement les petits êtres perdus confiés par l'Assistance Charitable de France.<o:p></o:p>

    D'une foi inébranlable, le bon abbé enseigne avec rigueur et droiture la piété la plus doctrinale. Les orphelins de son institution sont sa bête noire : il méprise ces enfants de démons de toute sa hauteur ogresque. 120 kilos de muscles et de haine à l'état brut s'acharnant sur les pupilles, cela entretient sa belle santé. Encouragé par ses supérieurs, loué par les dames de bonne société, dans les bonnes grâces du pape lui-même, l'abbé jouit d'une considération universelle.<o:p></o:p>

    Austère mais juste, le père Boyer ne flagelle ses petits orphelins que pour des motifs hautement moraux : pénitence religieuse, affermissement de la foi, élévation spirituelle. Ou des fautes graves : vol d'un morceau de pain, assoupissement à la prière du matin, récitation maladroite de la Bible en latin... Le bon père estime en effet qu'à huit ans tout enfant se doit d'être raisonnable et rompre définitivement avec les molles tendresses de l'âge candide. <o:p></o:p>

    - "A huit ans on est un homme, bon sang !", répète-t-il sans cesse à ses pensionnaires pleins d'ingratitude...<o:p></o:p>

    D'un caractère trempé, l'abbé ne supporte pas les plaintes des plus chétifs. D'ailleurs la seule vue de ces êtres débiles le met généralement hors de lui. Alors lorsqu'en plus ces derniers se plaignent, il explose le Père... Mais heureusement jamais à bout de ressources, il fait taire les récalcitrants avec des procédés qui ont fait leurs preuves : privations de nourriture, de sommeil, corvées et prières, marches nocturnes forcées pieds nus avec fardeaux, etc. Des années à observer ses protégés, à expérimenter sur eux les idées pédagogiques les plus ingénieuses lui ont apporté les bases d'un enseignement sans faille. On ne la lui fait pas à l'abbé. Autodidacte, il connaît les méthodes pour mâter ces graines de vice...

    Petit Pierre est sorti de l'institution religieuse à l'âge de 21 ans avec une formation de commis agricole, après 13 ans passés sous la protection de l'abbé. Aujourd'hui il travaille comme vacher dans une ferme. Payé en pain frais, bon lait crémeux de vache, litière de paille, solitude et rosée matinale, il mange presque à sa faim. Bref, il est heureux.
    <o:p></o:p>

    Gloire à l'abbé Boyer, sévère mais juste !<o:p></o:p>

    647 - L'âme de l'amant

    Christine,

    Vous avez raison : je me perds dans des batailles stériles et mes conquêtes ont le prix dérisoire des émotions fugaces, des satisfactions vaniteuses, des plaisirs sans lendemain. Pitoyable, je ne suis qu’un Casanova des causes éphémères.
    <o:p></o:p>

    Puisque mon plumage trop léger n’agrée point à votre cœur si exigeant, je ferai en sorte de devenir un phénix digne de votre nom. Vous deviendrez l’hôte privilégié de ce cloître d’honnêteté nommé Raphaël.<o:p></o:p>

    Je me ferai amant austère pour vous mieux plaire. Avec des paroles chastes, dévotieuses, voire âpres. Je veux gagner votre âme et non plus votre simple coeur de femme. Offrez-moi non plus votre infernal hymen mais votre front décent, que je le baise avec respect, pudeur et sérénité. Qu'entre nous règnent les lois majeures de la vertu : je n’aspire plus qu’à un blanc hyménée.<o:p></o:p>

    Elevez-moi à votre hauteur que je puisse admirer de près votre couronne et lui rendre grâce. Cheminons sur les voies droites, nettes et claires d’un amour débarrassé de ses terrestres souillures. Faisons triompher poésie, pureté, beauté. Dans cette admirable affaire l’esprit est souverain, tandis que la chair n’est que corruption, laideur et diableries… La grande aventure de l’authentique amour commence là où se rompt le joug de la passion impure. L’amant libéré des charnelles séductions peut alors s’offrir sans artifice à l’être aimé. <o:p></o:p>

    C’est une fusion des âmes qui s’opère, et exclusivement des âmes. <o:p></o:p>

    Oublions nos corps, cher amour. Soyons des anges, sachons aimer avec élévation, sachons aimer comme on aime si rarement en cette époque de moeurs immodestes. Ne regardez pas mes vieux péchés mais l’éclat neuf de mon âme livrée aux feux de la pudeur.<o:p></o:p>

    Je porte la croix de la Vertu qui me mène jusqu’aux deux cierges de vos prunelles posées sur mes larmes sanctifiées : je vous dédie mes plaies futures et vous conjure de m’aimer avec autant de folie désincarnée que de raison séculière.<o:p></o:p>

    648 - Face effacée

    Christine,

    Ce trouble que vous me causez avec vos yeux globuleux, votre sourire absent et votre air d'affligée, cette humeur abyssale qui baigne mon être et dont vous êtes la source, cet état d’ivresse où vous m’avez mis et qui vous honore tellement, c’est l’or de mon âme qui s'allège, la gloire de mon temps perdu à vous désirer, le salut de mes jours dédiés à votre nom, la raison froide de mes rêves ardents, le sang blanc de mes heures qui passent.
    <o:p></o:p>

    Je vous aime comme j’aimerais une cathédrale.<o:p></o:p>

    Vous êtes un chérubin Christine, et je ne suis pas ce diable que vous imaginez. Je vous aime avec dans la tête un choeur gothique et des ailes romanes, et je chante cet amour onirique en dormant. <o:p></o:p>

    Vous êtes le rêve plus étrange de ma vie.<o:p></o:p>

    Vous êtes belle à cause de votre laideur. Mais vous n’êtes point laide : vous êtes une pierre, un vitrail, une flèche. Et moi je suis cet éclat qui vous manquait. Je vous aime comme un démon qui s’est fait Amour. Chartres m’a béni et vous m’avez maudit, tandis que j’ai prié.<o:p></o:p>

    Prié Christine…<o:p></o:p>

    Puis l’astre s’est levé, l’ange est apparu.<o:p></o:p>

    649 - La mort

    Lorsque claquera la Porte, s'ouvrira le grand show cosmique. <o:p></o:p>

    Effrayant, inouï ou intime et serein selon l'imagination, les craintes ou les espérances de chacun, le passage ne sera finalement qu'une formalité. <o:p></o:p>

    Au-delà de la pourriture, la Lumière. <o:p></o:p>

    L'atroce, l'immonde, l'épouvantable pourriture est l'ultime illusion à chasser, le dernier piège à éviter, la suprême insignifiance à mépriser. Une fois le cadavre sous la stèle, le spectacle doit continuer. Après les horizons bornés du temps, l'Éternité. Qui n'est rien d'autre que l'affranchissement de la conscience d'un cadre physique, matériel, la libération de l'esprit des limites d'une durée linéaire.<o:p></o:p>

    La mort est une aventure à vivre, une expérience unique à ne manquer sous aucun prétexte. La mort, voyez-vous c'est aussi l'humour.<o:p></o:p>

    Nos restes que dévore le ver et que corrompt la fange ne sont qu'inoffensives grimaces de la matière. Et le marbre recouvrant nos os, qu'un masque grotesque. Rien que des drôleries puantes. Pas de quoi élever des autels, et nul besoin non plus de les conserver dans des bocaux ou de les embaumer. Chaque destinée est un trésor autrement plus intéressant que ces puériles poteries funéraires. <o:p></o:p>

    Un homme qui meurt laisse tout derrière lui, c'est une banalité de le dire. Pourtant, la plupart des gens follement attachés à ce qui est périssable s'acharnent à accumuler passionnément des biens temporels. Peut-être à travers ces possessions ont-ils l'impression de prolonger, densifier leur existence... Châteaux et or, qui ne sont qu'assemblages d'atomes voués à de perpétuelles transformations et recyclages -même si c'est à l'échelle géologique-, châteaux et or disais-je contempleront du haut de leur immuable indifférence leurs maîtres lorsque ces derniers seront étendus au fond de leur cercueil. Envers ceux qui leur auront manifesté de chaleureuses affections, les objets se montreront bien ingrats à l'heure du grand départ...<o:p></o:p>

    Aussi, préférons un sage et relatif détachement à l'égard de la matière. S'enchaîner à ce fardeau de poussière, c'est s'embarquer pour le grand Ailleurs avec d'amers mirages. Le dépouillement matériel libère l'esprit, allège le coeur.<o:p></o:p>

    L'existence terrestre est l'apprentissage grandeur nature de l'Homme et sa dépouille en route pour le cimetière, le point limite entre deux extrêmes. Derrière, la misère. Devant, l'infini.<o:p></o:p>

    Nul ne connaît la mort, personne n'a jamais côtoyé le Mystère, aucun vivant ne peut dire un mot de ce qui se passe dans la tombe mais tous ont l'intuition d'un endroit sans limite. Même les plus sots, les plus noirs, les plus incrédules, les plus obtus, les plus lourds des esprits ont cette intuition.<o:p></o:p>

    La tombe n'étant que le promontoire de l'infini, répétons-le, le grand show doit continuer...<o:p></o:p>

    650 - La "Mère Vieille"

    On l'appelait ironiquement "la Mère Veille" (la mère qui veille), lorsqu'elle gémissait certaines nuits dans son fauteuil. <o:p></o:p>

    Ou plus méchamment "la Mère Vieille", à cause de ses rides hideuses.<o:p></o:p>

    La "Mère Vieille" était une de ces ombres décharnées issues de la fin du XIXième siècle qui ont traversé notre enfance et que plus tard nous évoquons avec une nostalgie mêlée d'horreur, nous la génération choyée née sous les ailes de l'opulence. Dans les années 1970, en effet, existaient encore de vraies reliques du siècle précédent -quasi centenaires- qui portaient en elles tout un monde révolu. Ces fossiles humains croupissaient dans les hospices : on pouvait les voir lors des sorties réglementaires aux abords de ces établissements de charité où ils avaient choisi -ou pas- de finir leurs jours.<o:p></o:p>

    Du plus loin que je me souvienne, ce fantôme continuellement agonisant dont j'ignorais d'ailleurs le véritable nom n'était qu'un pitoyable pantin de chair morte, une pauvre vieille femme sénile, une misérable rescapée de la tombe -laquelle semblait ne jamais parvenir à la happer parfaitement-, une morte-vivante oubliée du monde, reléguée dans un coin de l'hospice. Quand à cent ans et des poussières elle rendit l'âme, j'en avais dix. <o:p></o:p>

    Pour moi ce spectre catarrheux avait toujours été la "Mère Vieille" ou la "Mère Veille".

    Je me ressouvenais mollement de ce triste oiseau de mon enfance, l'autre soir avant de m'endormir. Dans mon demi-sommeil je me demandais dans quelles limbes avait bien pu échouer cet être plein de misère, trente ans après sa mort... Je m'endormis sur ces pensées.
    <o:p></o:p>

    C'est alors que je fis un songe étrange : je partais à la recherche de la "Mère Vieille".

    J'errais dans une nuit imaginaire pensant retrouver la vieille femme de mon enfance, quand un ange m'apparut. Je fus ébloui par son regard plein de force et de gloire. Son visage au sexe indéfini dégageait une noblesse inouïe. Il me demanda qui je cherchais aussi follement en plein rêve...
    <o:p></o:p>

    - Je cherche celle que l'on surnommait la "Mère Vieille" quand j'étais enfant. Qu'est devenue cette pauvre vieillarde malade dans l'autre monde ?<o:p></o:p>

    Éclatant dans son habit de lumière, l'ange me regardait toujours avec insistance, une flamme au front. Je répétai :<o:p></o:p>

    - Je cherche cet humain déshérité qu'on évoquait sans douceur jadis et que tout le monde a oublié aujourd'hui. Qu'est devenue cette pauvre âme ?<o:p></o:p>

    Sur ces mots l'ange dégagea un éclat de plus en plus intense.<o:p></o:p>

    Juste avant que je ne me réveille de ce songe troublant, dans un état de conscience suprême et fulgurant je saisis le sens et la profondeur de la réponse codée qu'il me fit :<o:p></o:p>

    - Je suis l'âme vermeille.<o:p></o:p>

    651 - Visite au Louvre

    Au Louvre deux mondes antinomiques se télescopent. Là-bas, l'Art -objet d'attention suprême, par essence affranchi des bornes de la médiocrité et de la pensée horizontale- nous est imposé à travers une structure policière ultra sécuritaire incompatible avec la Beauté censée incarner liberté de pensée, hauteur de vue, noblesse d'âme.<o:p></o:p>

    Caméras de surveillance innombrables captant tous les champs, violant tous les visages, badges à puces électroniques ostentatoires du personnel, cerbères armés aux allures agressives canalisant la foule, fouilles systématiques des sacs à l'entrée aux rayons X, tout cela finalement agresse l'esthète en quête de tranquillité et contribue à déshumaniser sa démarche voluptueuse. Le visiteur épris de hauteurs artistiques, dès qu'il passe le seuil du Louvre, a l'impression d'être l'hôte d'une geôle en or, infantilisé, obligé de marcher au pas dans les rangs, encadré "d'armoires" stressantes à l'oeil suspicieux, escorté par une véritable armada de systèmes électroniques et informatiques hyper sophistiqués... Voilà qui détériore les rapports humains ainsi que l'atmosphère de cet endroit dédié à la paix et au raffinement.<o:p></o:p>

    Ce régime totalitaire (d'inspiration policière et administrative parfaitement étriquée) à travers lequel sont accessibles les oeuvres n'incite pas les beaux esprits à la sérénité. En outre, en ces lieux hautains, prétentieux, l'on sent les effets infâmes de la vanité humaine : suprématie de l'argent, règne du luxe, dictature de l'apparence, promotion de l'intellectualisme creux, port du foulard Hermès, mépris de l'authentique esthète vêtu sans éclat mais hanté par le Beau... Aux antipodes des musées de province encore pleins de charme, de simplicité, d'humanité, voire de jovialité.<o:p></o:p>

    Au Louvre hauteur de vue artistique et réalités sécuritaires brutales sont indissociables.

    Noblesse de l'homme et bassesse marchande vont également de pair sous la pyramide de verre : l'Art est prétexte à faire pipi pour un euro, à boire un verre d'eau pour 1 euro cinquante, à faire payer de banales cartes postales deux euros, à se déplacer dans les galeries avec un chapeau sur la tête à cinquante euros... En fait les toilettes sont bien sûr gratuites au Louvre, ainsi que les verres d'eau, et on n'est pas obligé de porter de la soie pour passer pour un honnête homme. On ne paye rien de tout cela.
    <o:p></o:p>

    Mais c'est tout comme.<o:p></o:p>

    Une fois passée l'entrée éprouvante de cette caserne et achevée la quête du ticket d'entrée délivré par des machines serviables parlant un anglais international parfait, la chose la plus vulgaire à laquelle on peut assister au Louvre, ce sont ces éternels groupes de japonais abrutis au dernier degré qui dans un silence solennel se pressent les uns sur les autres, fiévreux, pour mitrailler... Est-il besoin de le préciser ? La Joconde et la Vénus de Milo.<o:p></o:p>

    Ce qui m'amène à penser que décidément l'Art n'est pas seulement un facteur d'élévation individuelle, il est aussi le révélateur de la suprême bêtise des masses.<o:p></o:p>

    652 - Rock'n'imbécile

    Depuis mon plus jeune âge j'ai toujours considéré le rock comme une musique primaire, ridicule, immature et bête conçue pour des auditeurs eux-mêmes primaires, ridicules, immatures et bêtes. Une musique propre à abrutir les foules dociles. Avec le temps, l'expérience, la sagesse, mon opinion s'est confortée dans ce sens.<o:p></o:p>

    La culture rock, puissant vecteur d'abêtissement des masses juvéniles, incarne le niveau zéro de l'intelligence, de la beauté, de l'élévation des coeurs, de l'éclairement des consciences. Violence, laideur, vulgarité, régression caractérisent cette musique de "singes contorsionnés", "d'ânes bêlants", de "perroquets hirsutes", même sous ses formes en apparence les plus inoffensives. Les messages traditionnels de cette musique sont des plus primaires, archaïques, voire franchement imbéciles : baisons, cognons, crachons, détruisons, haïssons (je caricature sciemment, quoi que la réalité puisse être bien pire..)<o:p></o:p>

    La sotte frénésie avec laquelle les foules en transe agitent le chef autour de leurs idoles bestialement grimées, le regard plein de ténèbres, un éclair infernal au front, la fureur aux entrailles, la guitare électrique en guise de phallus, sorte de sceptre hurleur défiant le Ciel, m'inspire les plus tristes sentiments. Mais aussi des réactions hilares...<o:p></o:p>

    Comment peut-on se laisser fasciner, manipuler, influencer, conditionner, endoctriner par cette musique tribale -pour ne pas dire infernale- issue des tréfonds du cervelet humain, déréglant sens, pensée, sentiments, exacerbant noirceurs de l'âme, corrompant tympans et sens de la modération, dénaturant l'homme en le faisant pantin simiesque ou chien aboyeur, détournant à son compte le sacré, inversant les valeurs fondamentales les plus nobles ? <o:p></o:p>

    J'ai toujours été frappé par l'apparence grotesque des chanteurs de rock. Avec leurs accoutrements ridicules ils sont bien les seuls à ne pas rire de leurs excès... Quant à leurs moeurs et excentricités, qu'elles soient simplement scéniques ou réellement adoptées, je ne vois qu'outrages, déviances, démence. <o:p></o:p>

    Rien de bien, ni de beau, ni de noble, ni de constructif.<o:p></o:p>

    Pour prendre l'exemple le plus anodin, le moins agressif, les Beatles, dieux vivants, ne sont à mes yeux que des ânes chantants. Certes ils chantent juste, connaissent les règles savantes de la musique, sont mondialement célèbres, mais ils ne font que de la musique rock en attendant, genre bête et crétin considéré à tort comme majeur. Le rock n'est à mes yeux ni plus ni moins qu'une musique inférieure, outrancière, voire bestiale et ouvertement destructrice, une musique de sinistres hystériques et de doux imbéciles à laquelle on a décerné des notes de noblesses.<o:p></o:p>

    Car enfin le reste, la déification des stars, les concerts historiques, les millions d'adeptes embrassant la cause, c'est juste la folie des hommes. <o:p></o:p>

    Ou leur bêtise.<o:p></o:p>

    653 - Eloge de l'insignifiance

    (En signe de protestation constructive aux vaniteux qui me reprochent une certaine "insignifiance", je leur propose ce texte qui glorifie ce qu'ils désignent subjectivement comme une tare. Pourquoi décréter sottement que l'insignifiance est une triste chose alors qu'elle fait partie de l'Homme, qu'elle participe aussi de sa grandeur, précisément parce qu'elle est humaine et qu'elle souligne la riche réalité des êtres multi facettes que nous sommes ?)<o:p></o:p>

    L'insignifiance libère le mortel du poids de l'existence. Elle affranchit celui qui s'y adonne des lourdeurs de son époque, des vanités de sa condition, des devoirs mondains.

    Se complaire dans le RIEN, le PEU, le DERISOIRE, c'est s'élever dans sa propre estime plus que dans celle des autres. C'est se regarder en face avec courage au lieu d'adresser à autrui ces sourires en forme de grimaces.
    <o:p></o:p>

    Exister à travers ragots, médiocrités, pitreries pitoyables, c'est renoncer à la mascarade officielle consistant à résonner plus fort que le clocher. Moi je me sens exister dans mes petitesses, petit à petit, détail après détail, instant après instant. Je ne rate aucune virgule dans le grand livre des phrases creuses et des mots vides de mon existence : je savoure les effets infinis du vent émis...<o:p></o:p>

    Le VENTEMI... Mot vide de sens qui coule comme une eau claire ! Le VENTEMI... Les EFFETINFINI du VENTEMI... Ça passe et ça fait passer des trains de vapeur, ça laisse des traits de fumée, des trous de brume, des traces de rosée. Ce rien avec lequel je remplis tout. Ce rien dont je fais le monde. Ce rien qui meuble et ma chambre et l'air, et ce texte et ma pensée. <o:p></o:p>

    Certains agitent l'air et appellent ça de la poésie. Moi j'appelle leur poésie du rien. Mais du vrai rien : du rien du tout.<o:p></o:p>

    Passe-temps vicieux des sans coeur qui se croient pleins d'amour pour le verbe, trop souvent la poésie leur fait croire à des merveilles en toc. Ils y croient dur comme fer, allant jusqu'à écrire à l'encre de Chine leurs mots immortels... Qui meurent sur place, sitôt séchés dans leur sillon de papier.<o:p></o:p>

    L'écran plat où s'affichent leurs états d'âmes oiseux, en connexion avec la planète entière, leur donne l'illusion de la profondeur. Serais-je le seul à ne pas me prendre au sérieux ? <o:p></o:p>

    C'est leurs regards lointains qui les rendent ridicules, ceux-là qui se prennent pour des plus que des "rien-du-tout"... Incapables de se voir posés sur leurs deux pieds, ils préfèrent voiler leur réalité avec de flatteuses fumées. Alors ils se donnent des pseudonymes effarants, des allures hallucinées... Ils s'imaginent des destins, des histoires, des mystères... Ils se conçoivent avec des artifices, singent les princes, portent d'étranges chapeaux... <o:p></o:p>

    Et après cela ils ont l'audace de me reprocher mon insignifiance dénuée d'atours, mon vide mis à nu, mon vent sans voile ! C'est que tous à travers leurs délires d'importance ont oublié l'essentiel : l'homme est un aussi fétu, un feu, un pantin.<o:p></o:p>

    Tout de paille.<o:p></o:p>

    654 - Un message de l'au-delà

    (Message mystérieux apparu sur mon écran d'ordinateur avant l'ouverture du système Windows, sur fond d'écran bleu)<o:p></o:p>

    Du séjour de ceux que vous appelez "les morts" je vous envoie ce message, moi qui fais partie maintenant de l'humanité à jamais ensevelie sous la tombe. J'appartiens désormais à l'immensité "dormante".<o:p></o:p>

    Votre monde captera les éclairs de ma pensée et selon que vous serez ouverts, insensibles, indifférents ou bien perplexes, vous croirez à un prodige, à un artifice, une illusion, à une aberration des lois naturelles, à un dérèglement de votre esprit, mais tout est simple, tout est clair depuis les hauteurs de l'au-delà. Proche du Mystère où à ma guise je peux faire agir les invisibles forces, je laisse tomber jusqu'à vous un infime rai de la Lumière. <o:p></o:p>

    Ne soyez pas effrayés par ces images qui apparaîtront au gré de vos songes, par ces annonces qui miraculeusement s'inscriront aussi bien sur la pierre, vos fronts et vos écrans que le sable des plages qu'effacera aussitôt l'écume... Qu'ils soient durables ou éphémères, écrits sur l'onde ou le granit, limpides ou codés, prenez ces signes comme les témoignages sûrs de ceux qui du haut de leur demeure suprême voient l'essentiel et, investis d'un pouvoir supérieur, envoient ces mots sur terre à l'heure où l'Humanité est mûre pour les recevoir. <o:p></o:p>

    Ne perdez pas de temps à résoudre des mystères qui n'en sont pas quant à la forme et au comment, l'important est ce que disent les messages, non la mécanique immatérielle, imperceptible qui vous les fait parvenir. Croyez-moi tout est facile et beau pour l'esprit, une fois élancé à travers le tombeau.<o:p></o:p>

    Quand vous brûlez un cierge, allumez une cigarette, crachez le feu ou allumez simplement votre cheminée et que vous voyez la flamme monter en forme d'oiseau, quand plus tard dans le ciel devant vous l'oiseau tourne pour former un cercle, quand aux hasards de vos lectures, de vos rêveries, de vos occupations domestiques ce cercle chemine et devient un zéro et lorsque finalement au gré de vos allées et venues sous le soleil de la réflexion le zéro vous suggère l'infini, et que ce mystère aux apparences anodines vous le voyez se graver sous vos yeux à travers un rond de fumée étonnant, un nuage qui s'arrondit ou un tourbillon de poussière furtif mais chargé de sens créant un cône dans l'air et dévoilant un astre sur le sol, c'est moi qui écrit, moi qui avec ma plume céleste vous dit combien l'aventure est fantastique !<o:p></o:p>

    Quand il vous semble que le vent vous adresse des mots humains, quand le sort vous fait des clins d'oeil inouïs, quand vos chemins vous mènent là ou vos pas ne vous auraient jamais menés, quand vous partez vers de sombres certitudes et que parvenez à de radieux impossibles, quand vous choisissez la nuit et que le jour vous éclaire, quand vous jetez un caillou et que vous recevez une étoile, un être omniscient est là qui vous parle, vous tend la main, un être qui hante les grandeurs cosmiques comme les moindres détails du quotidien, que vous voyez de mille façons différentes, toujours subtiles. <o:p></o:p>

    Et moi depuis mes sommets éclatants, plus vivant que vous ne le pensez, confirmant l'existence de cet être qui depuis toujours vous destine ses lueurs divines (que vous ne percevez pas nécessairement), je trace l'indicible réalité dans la matière pour mieux vous convaincre de ma glorieuse immatérialité. <o:p></o:p>

    Ni fantôme, spectre ou ombre, derrière la fosse où s'est achevé mon apprentissage terrestre, je suis VIVANT.<o:p></o:p>

    655 - Théâtre amoureux

    Christine,

    Votre silence me pèse, chère exilée, estimable morte, précieuse stèle. Avec votre visage fait pour charmer les peintres maudits et les poètes désespérés, vous êtes un tombeau gracieux et tendre, une porte ouverte sur des amours éternelles, sombres et exquisément morbides…
    <o:p></o:p>

    Je songe à vous dans le secret des jours qui passent, indolents. On me croit vide, insoucieux, léger… Je suis hanté par un amour étrange et beau dédié à cette statue éloignée que vous êtes… Vous la lointaine amante, idéale conception poétique, pietà aux traits élégiaques, bohémienne au front onirique, vous incarnez les hauteurs non académiques mais sincères de mon âme sensible aux causes suprêmes. <o:p></o:p>

    Les sommets inédits où j’ai accédé, porté par vos ailes funèbres, rejoignent les flèches du vaisseau chartrain. Mon olympe de marbre et de lumière, d’ombre et de gloire est situé à l’exacte intersection de l’amour et de la laideur, de la souffrance et de la beauté, de l’éblouissement et du vertige. Entre la fosse et l’infini.

    Sur le chemin des étoiles.
    <o:p></o:p>

    Chartres n’est qu’un prétexte, le symbole de ma quête esthétique et spirituelle : un trésor à portée de vue, la première marche vers l’horizon cosmique. Et vous Christine, vous représentez l’idéal de cet infatigable sybarite que je suis à la poursuite d’un mystère d’âpre beauté dépassant nos ordinaires conceptions temporelles. Voilà à mes yeux ce que vous êtes : un idéal. <o:p></o:p>

    Quasi christique. <o:p></o:p>

    656 - La mère Chapogne

    La mère Chapogne, t'es vieille comme une peau de momie, t'es sale, tu chiques et t'es complètement arriérée dans ton trou de province avec tes poules ! T'es qu'une affreuse sorcière du Diable, avaricieuse, méchante, teigneuse comme c'est pas possible, voleuse d'eau de pluie, rôdeuse des mares, « rapiéceteuse » de chaises, médisante comme une vipère, mais je t'aime bien quand même. Tu portes le même chapeau rapiécé depuis quarante sept ans, t'es jamais sortie de ton village depuis que tu y es née il y a quatre-vingt quatre ans, tu sais pas lire, t'aime pas les gens, tu nourris les rats de ta maison, mais ça empêche pas que t'as du charme la vieille. <o:p></o:p>

    T'entends la Chapogne ? Je t'aime bien moi, vieille chouette ! D'ailleurs t'en as une de tête de chouette, tu sais. Une vraie tête d'oiseau de malheur. Tu sens bon le foin et les bois la vieille. J'aime te voir revenir de la forêt, t'entendre râler toute seule avec tes fagots sur le dos. Tu mets du pittoresque dans la campagne. Tu es la compagne des corbeaux, une silhouette mauvaise sous la Lune, un chat-huant dans la nuit. <o:p></o:p>

    Tu parles patois et tu supportes pas les parisiens avec leurs manières. T'as raison la Chapogne. Des comme toi, y en a plus dans la campagne. T'es la dernière des ramasseuses de fagots. T'as pas l'électricité dans ton taudis, mais en hiver ta cheminée avec le feu qui chante dedans, elle chauffe jusqu'au fond des âmes. T'as du caractère la Chapogne. Avec ta canne noircie à la braise t'as remis plus d'un garde-champêtre à sa place dans ta carrière de voleuse de bois mort ! <o:p></o:p>

    Quand ça sera le jour où qu'y faudra te mettre dans le trou, avec ou sans le curé, promis j'irai cracher sur ta tombe comme y feront tous les autres au village qui t'ont jamais aimée. Mais moi je te garderai dans mon coeur comme la plus chère de toutes les chamelles de vieille fumure que la terre ait jamais portée ! T'es une vraie caillasse de vieille carne, la vieille ! Ha oui je t'aime bien la Chapogne. Même que t'es pas prête de crever, pas vrai ? C'est que t'es en pleine forme et que t'as encore sacrément envie de nous faire goûter à ta canne, hein la vieille ? Allez, le Bon Dieu y te donnera bien encore vingt ans avant d'aller t'envoyer bouffer du pissenlit par la racine. Le temps de bien emmerder encore toute une génération au village. <o:p></o:p>

    657 - L'élite des journalistes

    Les journalistes de l'Express, du Nouvel Observateur et du Point, qu'ils écrivent sur la politique, la culture ou l'économie ne sont jamais sérieux. <o:p></o:p>

    Je veux dire qu'ils sont peu réalistes. Le monde parisien d'où ils analysent le monde, leurs articles traités avec froideur et érudition depuis leurs bureaux feutrés, leurs allures "journalistiques", leurs affaires impérieuses, leur pensée aseptisée où toute considération locale, quotidienne, familière est bannie, tout cela fait croire que ces gens pressés sont dépourvus d'intestins et qu'ils ne vont par conséquent jamais aux toilettes.<o:p></o:p>

    Ils parlent d'Israël, de Chirac ou de l'Europe comme si leur vie n'avait de sens qu'à travers ces agitations "éclatantes". Comment prendre au sérieux de tels articles qui laissent sous-entendre que leurs auteurs sont des êtres "importantissimes" ne pouvant se passer de pondre des cocos aussi impératifs ?<o:p></o:p>

    Le journalisme a son élite, elle travaille chez l'Express, chez le Point et chez le Nouvel Observateur. Dans ces bureaux illustres où se croisent scribouillards et fronts télégéniques très actifs et très conscients de leur irremplaçabilité, côtoyant tous des hommes haut perchés, pardon ! haut placés, on doit se persuader que dans un tel contexte un cabinet de toilette n'a pas sa place.<o:p></o:p>

    Il est vrai qu'un journaliste de chez l'Express, Le point ou le Nouvel Observateur, ça ne chie que des papiers. <o:p></o:p>

    658 - Pourquoi je méprise les Napoléon

    L'ambitieux tyran a pour dessein de satisfaire son criminel ego. Il se croit grand alors qu'il est petit. En effet, lorsqu'il soulève des armées de paisibles jardiniers pour servir sa cause, il casse des oeufs pour ne faire aucune omelette... Il dérange des montagnes pour ses lubies mesquines.<o:p></o:p>

    L'empereur qui a des vues sur le monde sacrifie la vie de milliers d'individus dont pour certains les vues et l'intelligence englobent et dépassent ses petites réalités de despote. La force de l'empereur, c'est précisément qu'il a pour lui la force. Mais rien de plus. Les vues d'un Napoléon sont uniquement politiques, géographiques, historiques. Les vues de tel ou tel soldat enrôlé de force par ce Napoléon vont parfois bien au-delà de celles pour lesquelles il donne sa vie. <o:p></o:p>

    Lorsqu'un grand mathématicien, quelque beau philosophe, un chercheur ou un penseur quelconque pris dans l'étau de l'histoire se retrouve en train d'agoniser sur un champ de bataille napoléonien alors que dans sa tête se sont formées, inconnues du monde, des conceptions bien plus éclatantes, autrement plus élevées, plus durables et consistantes que les considérations temporelles et politiques d'un Napoléon postulant aux palmes militaires, l'absurdité des conquêtes impériales n'en est que plus intolérable. Un empire politique constitué sur les ruines de tels esprits, apolitiques eux, ressemble à une partie d'échecs ubuesque. C'est un château de pierre que l'on détruit pour le remplacer par un palais de sable.<o:p></o:p>

    De même certains politiciens voudraient faire nôtres leurs ambitions... Ils aimeraient que nous embrassions nous aussi la cause qu'ils défendent. Ce serait dans certains cas un bien grand gâchis que de détourner de leurs voies de beaux esprits, de rétrécir leur vue incluant des horizons plus vastes que le champ politique !<o:p></o:p>

    Sur la balance de l'esprit, quel intérêt à vouloir dominer le monde lorsque dans les rangs des soldats enrôlés pour la cause, un esprit dépasse ne serait-ce que d'un pouce les lauriers posés sur la tête de celui au nom de qui ces rangs ont été formés ? Mauvais calcul. Les Napoléon ont des vues brèves, tandis que la plupart de leurs victimes ont des vues de grande portée. Le déséquilibre est là. <o:p></o:p>

    Ubu a pour lui la force. Quant à la bêtise, c'est sa loi.<o:p></o:p>

    659 - Terrorisme étatique

    Certes les chefs d'états des pays les plus riches du monde qui s'étaient réunis au G8 de Londres arboraient des mines affligées tout à fait de circonstance devant les événements sanglants de la capitale britannique. J'ai attentivement écouté les brèves interventions officielles de Bush et de Poutine qui condamnent à raison le terrorisme.

    Tous deux pourtant pratiquent le terrorisme d'état, professionnel, légalisé et qui plus est, à l'échelle industrielle, terrorisme pudiquement appelé "gestion de crise" ou bien "opération de maintien de l'ordre". Le premier, en Irak. L'autre, en Tchétchénie. Tous deux assassinant, massacrant sans état d'âme un peuple, en tout cas s'attaquant à des populations civiles sans défense. Viols, destructions, enlèvements, tortures et assassinats en Tchétchénie. Meurtres de civils (femmes et enfants) en Irak, là encore pudiquement appelés "dégâts collatéraux". Sans compter que pour défendre sa cause pétrolière Bush n'hésite pas à exposer une catégorie de son propre peuple à la mort en envoyant des jeunes soldats yankees au casse-pipe.
    <o:p></o:p>

    (Poutine quant à lui, entre autres crimes à son actif, laisse mourir les jeunes hôtes d'un sous-marin accidenté -le Koursk-, en refusant l'aide des pays voisins pour une question de pure fierté nationale, affaire révélatrice de l'état d'esprit des têtes couronnées de ce monde qui condamnent le terrorisme islamique mais qui jouent aux échecs avec la vie de leurs hommes).<o:p></o:p>

    Trente sept mort dans le métro londonien, le bilan est terrible. Mais combien plus terrible est le résultat du terrorisme étatique, lorsqu'on compte plus de mille morts, rien que dans les rangs de l'armée US... Combien de milliers d'autres morts anonymes en Irak et en Tchétchénie à mettre sur le dos de ces deux dirigeant évoqués, si prompts à s'émouvoir devant les victimes "civilisées" du métro londonien ? <o:p></o:p>

    Les deux plus grands terroristes du monde que sont Bush et Poutine ont la chance d'avoir pour eux la loi, le pouvoir, ils peuvent en toute impunité perpétrer leurs méfaits à l'encontre des populations civiles, confortablement assis sur leur trône.

    Tous les terroristes sont à condamner, aussi bien ceux qui oeuvrent "au noir" dans le métro que ceux qui sont déclarés. Aussi bien ceux qui le pratiquent illégalement que ceux qui le font de manière professionnelle et dûment encadrée par la loi.
    <o:p></o:p>

    660 - Débilités cacaotées

    Victimes des clichés éculés d'un érotisme des plus poussifs, pour la saint-Valentin des gogos rigolards, bêtes et forcément méchants vont s'acheter au prix fort des mets au cacao dans des magasins spécialisés pour fêter dignement un des jours les plus commerciaux de l'année. Des mâles dopés au viagra vont se prendre pour de légendaires et d'irrésistibles Casanova sous prétexte qu'ils laperont la peau de leur femelle hormonée recouverte de crème de cacao, cet accessoire anodin étant bien évidemment vendu à prix d'or...<o:p></o:p>

    Aux pigeons en mal de jeux érotiques innovants, persuadés d'être plein d'imagination et de fantaisie, on peut vendre n'importe quoi à des prix luxueux : préservatifs à l'odeur de vanille, lubrifiants parfumés à la fraise, peinture au cacao... Toutes les débilités imaginables sont commercialisables, pourvu qu'on les pare d'artifices pseudo-érotiques sensés contribuer à l'épanouissement sexuel des "citadins branchés". Pour peu qu'on flatte habilement leur vide cérébral et qu'on transforme leur imbécillité congénitale en valeur mercantile, les "pionniers sexuels" de nos villes se sentant valorisés par ces produits faits exprès pour eux ne rechignent pas à débourser un maximum d'argent pour satisfaire leur "richesse érotique".<o:p></o:p>

    Les sots existent, Dieu merci ! Grâce à eux des commerçants futés peuvent s'enrichir sans grands efforts. La société est bien faite : les produits les plus superflus, les plus idiots et les plus faciles à concevoir sont vendus aux prix les plus élevés à une certaine clientèle. Mais pas n'importe laquelle, non... Cette clientèle fait non seulement partie de celle dont les saillies sont les plus faciles à régler, déclencher, planifier par prospectus publicitaires interposés, mais c'est aussi la plus aisée. <o:p></o:p>

    Ainsi tout le monde est content, acheteurs comme vendeurs. La société est vraiment très, très bien faite.<o:p></o:p>

    661 - Le "JT"

    On l'appelle très sérieusement la "Grand-Messe du 20 heures". Ou plus sobrement, plus imbécilement le "JT". <o:p></o:p>

    Le "Jité" pour les abrutis encore plus dociles que les autres.<o:p></o:p>

    Comme le hamburger mondialisé, la "Grand-Messe du 20 heures" est le modèle type de l'émission de télévision consacrée aux nouvelles, le standard international de la diffusion neutre et conviviale de l'information, dans un style plus ou moins calqué sur l'officiel et sérieux -et tout aussi aliénant- "TIMES".<o:p></o:p>

    Bref, la "Grand-Messe du 20 heures" est censée être l'aboutissement de la "pensée" dans le domaine de la culture télévisuelle. <o:p></o:p>

    Au "JT", le summum de la vulgarité s'affiche en costume-cravate. Les termes mêmes "Grand-Messe du 20 heures" forment une atteinte au bon goût. Ces mots sous-entendent que le téléspectateur perverti par le matraquage médiatique ambiant adhère sans résistance à ces normes qu'on lui impose en douceur par costume-cravate et ton neutre interposés.<o:p></o:p>

    Les présentateurs de ces cérémonies triviales et ineptes (journalistes coupables d'abrutir les foules avec leur discours formaté devenu LA REFERENCE en matière de communication publique dans l'inconscient collectif) s'y font un nom, deviennent "célèbres" pour des millions d'esprits passifs et peu exigeants. Montrer sa tête au "Jité" suffit pour devenir un être cher dans le coeur de millions de téléspectateurs... Ces journalistes sont admirés comme des dieux, des acteurs de cinéma, des héros mythologiques même ! Leur mérite ? S'adresser chaque soir à la grande étable humaine captivée par la plus formidable machine à abrutir les foules qui ait jamais été inventée.<o:p></o:p>

    Ainsi Patrick Poivre d'Arvor, minable petit journaliste ni meilleur ni pire qu'un autre et écrivain parfaitement insipide, Hugo des concierges, insignifiant, affligeant de nullité littéraire, sans le moindre talent, fait figure de héros contemporain chez le téléspectateur moyen... Les présentateurs des prévisions météorologiques, sous prétexte que leur image est contenue entre les quatre coins carrés de l'écran dans lequel il s'agitent avec des sourires lénifiants, sont adulés comme des princes. Les journaux télévisés et tout le cirque qui tourne autour transforment n'importe quels petits journalistes de province en Albert Londres. <o:p></o:p>

    En apparence seulement. Dans la notoriété, mais certainement pas dans le talent.

    Faire du journal télévisé la référence contemporaine en matière d'information, l'utiliser comme voie officielle, traditionnelle par laquelle s'exprime le Président de la République, c'est oublier que nul n'est censé posséder cet instrument diabolique destiné à avilir les foules, à faire taire la pensée, à niveler les sensibilités dans le sens des intérêts commerciaux.
    <o:p></o:p>

    Nul n'est censé non plus prendre connaissance dans les détails ou dans les grandes lignes des faits menus et majeurs agitant ou apaisant la planète, nouvelles rapportées à travers des prismes officiels toujours déformants. Information moulée dans un cadre occidental, définitivement figée dans son traitement, sa priorité et sa diffusion par les écoles de journalisme et par conséquent triée, reformulée, tronquée, exagérée ou aseptisée. En bref, ciblée de manière arbitraire, subjective, partiale, par les journalistes à la solde de l'esprit médiatique dominant, loin, très loin de l'authentique journalisme à la Albert Londres.

    Savoir que la terre tourne avec son lot quotidien de douleurs et de merveilles devrait suffire à l'information définitive de l'honnête homme. Le reste, les présentateurs de journaux télévisés, n'est que vanité. Les journalistes affichant leur face compassée sont des têtes en trop, des pantins convaincus de leur utilité, juste un bruit inutile qui s'ajoute au permanent brouhaha planétaire qu'ils s'ingénient à répercuter d'abrutis en abrutis, inlassablement, médiocrement, pathologiquement.
    <o:p></o:p>

    662 - Aux pornocrates du NET et à leurs associés

    Courrier postal envoyé à la société CREANET au 36, rue du Chemin Vert à Paris (01 48 07 59 14).<o:p></o:p>

    Madame, Monsieur,<o:p></o:p>

    C’est avec l’intention d’agir énergiquement contre ce que vous représentez que je vous adresse ce courrier. Vous n’ignorez pas que des pornocrates de toutes espèces, de la plus commune à la moins avouable, font appel à vos services pour envoyer à d’honnêtes internautes qui n’ont rien demandé des propositions malsaines et suspectes à caractère pornographique. Ce qui contribue de manière éhontée à la pollution des moeurs autant que des boîtes à lettres informatiques.<o:p></o:p>

    Mon association (512 membres) a pour but de combattre légalement non seulement les pornocrates du WEB, mais également leurs acolytes commerciaux. Les marchands de ces pitoyables services et produits sexuels sont moralement assimilables à des proxénètes. Ces individus douteux sévissant toujours dans le lâche anonymat, à travers l’association nous nous adressons en priorité à leurs suppôts, qui eux restent accessibles et peuvent par conséquent recevoir publiquement les fruits terribles de notre ire. <o:p></o:p>

    Le premier moyen de pression à la portée du citoyen responsable qui souhaite lutter efficacement contre les nuisances de ces minables oeuvrant dans l’ombre est d’envoyer une lettre d’avertissement à ceux qui, comme vous, s’associent à leur détestable commerce. Si à l’issue de ce premier courrier vous refusez d’abandonner votre vile collaboration avec ces pornocrates, ce qui est légalement votre droit, moi et mon association agirons par d’autres moyens plus coercitifs. Sous toutes les formes légales à notre disposition. <o:p></o:p>

    Le but : faire cesser la pollution pornographique sur le WEB.<o:p></o:p>

    Ma proposition est fort simple, à prendre ou à laisser : cessez de travailler pour cette faune en col blanc. <o:p></o:p>

    Forte de 512 membres actifs dont une bonne partie est particulièrement déterminée, l’association (non violente et respectueuse des lois républicaines) a une réelle capacité de mobilisation citoyenne. Une couverture médiatique à la fois locale et nationale, ainsi que le soutien de quelques élus courageux et de personnalités faisant autorité dans la lutte contre la pornographie nous permettent des audaces magistrales. Très négatives en terme d’image pour les sociétés comme la vôtre qui travaillent à la solde des pornocrates.<o:p></o:p>

    Cela dit vous avez également tous les moyens légaux à votre disposition pour tenter de contrer notre action si vous estimez utile d’entreprendre cette riposte symbolique.

    Je vous remercie pour votre attention et en dépit de ce grave différend nous opposant, vous prie de croire, Madame, Monsieur, à ma parfaite considération.
    <o:p></o:p>

    663 - Tentatives d'explications sur l'origine des SPAMS

    Afin de s'enrichir sur la bêtise de ses semblables, pourquoi ne pas imiter les spameurs et vendre en ligne des trucs débiles, des bidules grotesques, des machins insensés qui ont tous la particularité d'être chers, stupides, parfaitement inutiles ?

    Vaseline au goût de réglisse-menthe, Viagra bleu, orange, à pois, Xanax à 8,5, poudre d'escampette fluo, aphrodisiaques magiques à base d'extraits de peaux de bananes, boules de cristal en plastique, développeurs de pénis, strings comestibles, balais à chiottes électriques, médailles protectrices irradiées par les ondes supra-atomiques de grands marabouts et autres débilités du même genre doivent se vendre comme des petits pains sur le grand marché du NET, vues les sollicitations commerciales reçues quotidiennement par l'internaute moyen. Pour recevoir tant de ces publicités délirantes dans nos boîtes aux lettres électroniques, le filon doit marcher. Sinon les spameurs auraient arrêté leur business depuis longtemps.
    <o:p></o:p>

    A mon avis une minorité d'acheteurs très naïfs mais aussi très fortunés doit à elle seule faire vivre ce vaste marché... Le problème, c'est que je me demande si de tels imbéciles existent vraiment sur cette planète... Comment en effet peut-on être à la fois riche et sot pour risquer des centaines voire des milliers d'euros dans des achats aussi improbables, étant donné que les gens riches sont également des gens intelligents dans la très grande majorité des cas ? En général pour gagner assez d'argent au point de pouvoir se permettre d'en jeter par les fenêtres, il faut avoir autre chose que du fromage blanc dans la cervelle... Boursiers, hommes d'affaires, banquiers, financiers, avocats renommés peuvent se permettre ce luxe. Or je doute sincèrement que ces sommités brillantes et aisées, aussi futiles, aussi superficielles soient-elles, succombent à de telles imbécillités.

    Alors qui sont ces acheteurs de développeur péniens ou de lunettes à rayons Z servant à regarder à travers vêtements de soie et murs de béton, prêts à débourser des centaines, des milliers d'euros pour ces objets de dingo-débilitos-arriérés ?
    <o:p></o:p>

    Mystère.

    Personnellement je ne connais personne qui lise en bavant d'envie ces publicités affligeantes. Il y a peut-être une autre explication : les spameurs seraient en fait des parieurs insensés, des gens fortunés et désoeuvrés, complètement déments (ou sous l'emprise de drogues bizarres), qui s'amuseraient à inonder les boîtes aux lettres électroniques du monde entier avec leurs sollicitations invraisemblables, perdant temps et argent à essayer de convaincre des smicards ou des étudiants à dépenser 500 euros pour voir apparaître leur arrière grand-mère décédée dans une boule de cristal dernier cri ou pour devenir d'irrésistibles séducteurs grâce à des gouttes d'un produit magique à faire pénétrer par les oreilles. Et c'est à celui qui obtiendra la première commande. Si tel est le cas, le manège risque de durer encore longtemps. A moins qu'une bonne âme se sacrifie pour faire cesser ce pari stupide en envoyant à un de ces spameurs un chèque de 850 euros contre l'achat d'une souris d'ordinateur verte distributrice de capotes anglaises parfumée et auto-rétractables ou qu'il tape directement le numéro de code secret de sa carte bancaire pour recevoir en échange du débit de 412 euros et dix-huit centimes un magnifique porte-clés incrusté de rubis en formes de poissons rouges qui clignote dans le noir...
    <o:p></o:p>

    Je ne vois pas d'autres explication au phénomène de spameurs.<o:p></o:p>

    664 - Nouvelle tentative d'explication aux SPAMS crétinisants

    Une question me taraude quant au phénomène des SPAMS crétinisants :<o:p></o:p>

    Quel être humain assez sot, véritablement atteint d'imbécillité profonde, répondrait aux diverses sollicitations commerciales douteuses toutes plus clinquantes et débiles les unes que les autres vantant les mérites de maintes pilules miracles ou de je ne sais quelle poudre de perlimpinpin fluorescente ?<o:p></o:p>

    Tel charlatan en ligne promet de doubler la taille pénienne en quelques semaines grâce à des pilules révolutionnaires vendues "seulement" 200 euros la boîte... Un autre marabout à la pointe de la communication télématique jure par tous les diables à qui veut l'entendre, témoignages bidons à l'appui gros comme des caricatures de publicités pour lessives, qu'il a percé le secret des dieux du hasard et est prêt à céder sa "machine à trouver les numéros gagnants du LOTO" moyennant la modique somme de quelques centaines d'euros...<o:p></o:p>

    Les spameurs sont-ils en fait de simples malades mentaux doués pour l'informatique et n'ayant rien à faire d'autre de leurs journées qui s'amusent depuis leur hôpital psychiatrique avec Internet ou bien au contraire sont-ce plus curieusement des professionnels de l'escroquerie en ligne parfaitement sains d'esprit (si l'on peut dire) qui émettent leurs propositions commerciales spécialement conçues pour des internautes à la fois malades mentaux et ayant un certain pouvoir d'achat qui s'ennuieraient dans leur chambre d'hôpital psychiatrique ayant accès à Internet ? Conditions improbables qui donne une idée de la foi et de la patience incroyables de ces SPAMEURS... Autrement dit ces SPAMS seraient-ils ciblés uniquement vers ces personnes mentalement déséquilibrées ? En ce cas, et ce serait une explication plausible, ces commerciaux répandraient dans des millions de directions différentes leurs SPAMS dans l'espoir qu'une infime partie soit lue par ces malades mentaux enfermés dans leur asile... En effet, seuls les déséquilibrés mentaux étant susceptibles de répondre à ce genre de proposition d'agrandissement pénien par ingestion de pilules miracles vendues à prix d'or ou de gain au LOTO par le truchement d'une machine fort onéreuse destinée à émettre des numéros gagnants, je ne vois pas d'explication plus rationnelle au phénomène des SPAMS débiles.

    Stratégie pour le moins aléatoire de la part de tous ces SPAMEURS, certes... Mais qui doit certainement finir par payer à la longue puisque les SPAMS débiles continuent de fleurir sur les autoroutes virtuelles.
    <o:p></o:p>

    Une solution existe pour stopper définitivement le phénomène et libérer le NET de l'encombrement "spamique" : couper la connexion Internet dans les chambres des aliénés. Quand les débiles mentaux à la fois assez riches et assez organisés pour commander et payer en ligne leurs pilules d'agrandissement phallique ou leurs machines révolutionnaires à gagner au LOTO ne pourront plus répondre aux SPAMEURS et ainsi entretenir le phénomène, ces derniers finiront par se lasser.<o:p></o:p>

    665 - Le SIDA, maladie de l'âme

    A mes éventuels détracteurs,<o:p></o:p>

    Faites l'effort inhabituel de ne pas détourner les yeux de ce texte, de le lire jusqu'au bout, aussi vomitif soit-il pour votre sensibilité allergique aux propos prenant des apparences trop vénéneuses. Ayez cet héroïsme qui n'est ni de droite ni de gauche mais qui est simplement vertical.<o:p></o:p>

    Certes je ne dis pas que je suis un être donnant aux premiers abords l'impression d'être bon et altruiste. Je dis simplement que j'ose émettre le fruit de mes réflexions, outrancières mais sincères. Je ne m'appelle pas Marcel Dupont, je m'appelle Raphaël Zacharie de Izarra. Je ne suis ni de droite ni de gauche, je suis Izarrien.

    J'ai conscience de déplaire avec ce texte sur le SIDA qui n'a cependant pas la prétention d'être l'émanation la plus pure de la "Vérité Universelle", mais plus modestement d'être l'écho sans compromis de ma réflexion que j'estime encore assez pertinente et saine pour pouvoir publiquement l'exprimer sans que j'aie à en rougir.


    POUR LE DROIT D'EMETTRE UNE PENSEE DIFFERENTE, QUI N'EST NI INTOLERANCE NI HOMOPHOBIE POUR AUTANT
    <o:p></o:p>

    Je ne me suis personnellement jamais senti concerné ni par le SIDA ni par les dangers de la drogue ni par les accidents de la route le samedi soir après minuit. <o:p></o:p>

    Le SIDA dans nos pays riches est inadmissible car nous sommes trop civilisés pour mourir d'autres maladies que celles, plus traditionnelles, produites par l'obésité, l'excès de confort, de viande, de corps gras, de léthargie physique, morale et mentale. Ces maladies cardiaques, spirituelles ou hépatiques contractées au cours d'une vie d'habitudes honnêtes d'occidental moyen sont beaucoup plus acceptables que l'exotique SIDA qui lui tue sournoisement depuis les toilettes de discothèques, depuis les sordides bakrooms, depuis les emblématiques ghettos de sodomites, et surtout depuis les soirées "amicales" entre étudiants... <o:p></o:p>

    Le SIDA a été le révélateur de nos bassesses, de nos moeurs d'occidentaux dégénérés. Avec cette maladie nos dépravations privées ont été mises sur la place publique.

    Je n'ai jamais donné le moindre sou pour aider à lutter contre le SIDA. Je n'en suis ni fier ni honteux. Je ne me sens personnellement pas concerné, voilà tout. On nous dit qu'il faut aider la recherche parce que cette maladie peut frapper n'importe lequel d'entre nous. C'est la raison que les organisateurs de soirées charitables avancent pour susciter le don des citoyens. Hé bien moi je ne me sens pas concerné à titre individuel, je ne donne par conséquent pas d'argent pour la recherche contre le SIDA puisque le critère mis en avant est l'identification de l'homme de la rue aux malades du SIDA.
    <o:p></o:p>

    Il se trouve que je ne suis pas un "homme de la rue". Mais un honnête homme, un bel esprit, une âme d'exception.<o:p></o:p>

    Ai-je encore le droit dans cette démocratie où la part belle est faite aux plus insignifiantes, aux plus éhontées minorités, de me différencier par mes qualités et non par ma médiocrité, comme c'est le cas chez mes contemporains soucieux d'être acceptés à travers leurs déchéances étalées sans pudeur ? Puis-je encore être ultra minoritaire dans mes hauteurs ? Ou aurait-il mieux valu que je sois un sodomite patenté pour être unanimement reconnu dans ma différence ? <o:p></o:p>

    A l'image des bougres fréquentant les bakrooms du Marais, de Carpentras ou de Trifouillis-les-Oies revendiquant leur droit à se donner du plaisir entre pédérastes, je revendique la beauté de mon esprit, la grandeur de mon âme, la qualité de mon être. Là où le vulgaire sodomite est applaudi pour son courage d'avouer avec une particulière fierté l'involontaire différence sexuelle héritée de par sa naissance, moi je suis hué, conspué, raillé, voire taxé de "facho" parce que j'ai l'audace de dire que par acquis, par choix j'aime la Vertu, la Beauté, la Lumière. Tolérance à deux vitesses : les dénaturés et obsédés sexuels innés sont dans notre société mieux admis, reconnus, applaudis que les défenseurs de valeurs plus éthéréennes guidés par l'éclat de leurs esprit et non par l'instinct de leur chair.<o:p></o:p>

    Paradoxe : lorsqu'une minorité revendique des bassesses, elles est saluée. Lorsque une majorité met en avant des valeurs traditionnelles, elle est dénigrée. Dans ce second cas, le plus grand nombre ne fait pas loi dans notre étrange démocratie de jouisseurs et de ruminants en tous genres... Moi qui croyais naïvement que la démocratie c'était la loi du plus grand nombre, à l'image du vote où les 51 pour cent de OUI avaient nécessairement raison face aux 49 pour cent de NON... Je constate que la démocratie n'est en fait pas la loi du plus grand nombre, ou à défaut la loi du plus vertueux, du plus éclairé, du plus sage, mais tout simplement la loi du plus sot, du plus lénifiant, du plus pervers. <o:p></o:p>

    Ou même, comble du comble, la loi du plus petit nombre.<o:p></o:p>

    Petit nombre de grandes et belles âmes, en compensation ? Non. De préférence une minorité de corrompus, de dévoyés, de petits esprits.<o:p></o:p>

    Ainsi de nos jours il est interdit d'être NORMAL et de le revendiquer avec fierté et soulagement. Le terme NORMAL est devenu politiquement incorrect. Pour prendre un exemple concret et quotidien, devant les handicapés physiques ou mentaux les bien-portants n'osent plus se définir eux-mêmes comme des gens NORMAUX. <o:p></o:p>

    Il y a peu de temps encore il fallait remplacer le mot NORMAL par le mot VALIDE, moins offensant pour le handicapé qui se sentait alors rejeté, déconsidéré, nié dans sa triste différence. Le terme VALIDE était pourtant édulcoré, hypocrite, frileux à souhait, bref socialement assez correct pour être accepté à la fois par les malades et les bien-portants, aussi décérébrés les uns que les autres... Mais cela n'a pas suffit pour endormir encore plus nos cervelles déjà bien ramollies. <o:p></o:p>

    La sottise a donc progressé d'un cran : le terme VALIDE, voyez-vous c'est déjà dépassé. Aujourd'hui même le mot VALIDE doit être pris avec des pincettes supplémentaires. Des pincettes pour prendre d'autres pincettes, en somme. <o:p></o:p>

    A présent il est beaucoup plus correct, lorsque l'on n'est atteint d'aucune tare physique ou mentale, de se définir en des termes de plus en plus "courtois" : les gens VALIDES d'hier sont devenus des gens "DITS VALIDES".<o:p></o:p>

    Quand s'arrêtera la bêtise ambiante ? Décidément, le SIDA est une vraie maladie de l'homme, une maladie dans tous les sens du terme.<o:p></o:p>

    Je ne fustige nullement les faiblesses humaines en elles-mêmes ici, compréhensibles, mais le vice consistant à glorifier les écarts de conduite, à les étaler publiquement sans pudeur comme si c'étaient des vertus. <o:p></o:p>

    L'essentiel de mon discours se résume à ceci : <o:p></o:p>

    Je reproche aux homosexuels de naissance de s'être donné la peine de naître pour revendiquer leur fierté d'être ce qu'ils sont, tandis que moi je suis fier d'être ce que je suis non par le simple fait de ma naissance, mais par l'effort de mon esprit. <o:p></o:p>

    En cela je revendique le droit d'être respecté pour mon choix de vie et non pour les tares ou privilèges iniques hérités à ma naissance.<o:p></o:p>

    Je ne fais que modestement illustrer le discours de Beaumarchais à travers son fameux Figaro reprochant à son maître d'être simplement né maître et d'en tirer vaine fierté, alors que lui se targuait d'avoir de l'esprit.<o:p></o:p>

    Je n'appréhende pas le SIDA en termes de châtiment divin ou avec des frémissements vengeurs dans ma plume comme certains de mes détracteurs seraient éventuellement tentés de le penser, mais plus modestement comme la banale conséquence du hasard et aussi des comportements inconscients des gens. Je ne dis pas que c'est bien ou que c'est mal, je dis que c'est ainsi. Je ne dis pas non plus que c'est bien fait pour les infectés, au contraire je les plains et ne souhaite que leur guérison. Le SIDA tue de manière inique, certes. Mais de tout temps vivre signifie être confronté à la mort, et ce tous les jours. Traverser la rue comporte un certain risque mortel, celui de se faire renverser par un véhicule. Motorisé ou non. La vie comporte un certain nombre de risques ayant pour conséquence de la perdre, et souvent fort bêtement.<o:p></o:p>

    Le SIDA fait mal à nos sociétés sur-protégées car soudain la mort y surgit dans toute sa crudité, se répandant par voie lubrique et non plus par voie gastronomique, suicidaire, routière, alcoolique ou hépatique. En outre c'est une maladie que nous partageons avec les pays pauvres. Le seul point commun funeste que nous ayons avec eux. C'est cela qui nous est si intolérable. Les épidémies étaient encore acceptables dés lors qu'elles étaient traditionnellement cantonnées aux pays sous-développés. De même nous tolérerions beaucoup moins la famine si elle sévissait en Europe.<o:p></o:p>

    Le Sida a également la particularité odieuse de révéler nos comportements inavouables et écarts extra-conjugaux. Ca n'est pas un reproche que je fais, juste un constat, dénué de jugement. Je n'ai pas l'intention d'ailleurs de juger. Je suis plein de compassion pour les malades. Cela ne doit pas m'interdire pour autant d'émettre un son de cloche personnel. Je ne dis pas que le discours ambiant sur le SIDA est bien ou mal. Il est honorable, estimable, respectable.<o:p></o:p>

    Simplement ça n'est pas mon discours.<o:p></o:p>

    J'exige que l'on tolère ma différence. L'on tolère bien, et de manière excessivement complaisante encore, la différence revendiquée, clamée, sur-proclamée des sodomites et autres licencieux de tous bords. Que les tenants d'opinions opposées aux miennes portent sans faillir leur fardeau de contradictions et de vin mêlé d'eau, je porte mon fagot de bois vert de mon côté.<o:p></o:p>

    Je ne suis ni homophobe ni intolérant, bien au contraire. Je suis juste Raphaël Zacharie de Izarra, et c'est ça que l'on me reproche surtout.<o:p></o:p>

    (J'ajoute à mon texte deux réponses faites à divers détracteurs me reprochant la virulence et l'irresponsabilité apparente de mes propos.)<o:p></o:p>

    1 - Je ne maudis personne dans ce texte : je ne fais qu'exposer non sans un réel courage mes idées à propos du matraquage sur les moyens de se protéger du SIDA. Je ne maudis pas, je médis à raison me semble-t-il, à propos du discours actuel sur le SIDA. Je dis pour résumer mon discours, que le SIDA est une épidémie qui ennuie notre société parce que le SIDA ça représente la mort, mais que les catastrophes humanitaires permanentes qui ravagent les pays pauvres à travers famines, guerres, misère, c'est le SIDA puissance 10. L'attention est monopolisée aujourd'hui par NOTRE SIDA à nous, occidentaux, parce que ça nous touche. Une épidémie issue du tiers monde a pénétré notre sanctuaire de nantis, c'est "l'avantage" du SIDA, hyper-médiatisé. La mort, on ne fait pas tant d'histoires quand elle fauche loin de nos frontières. Il n'y a jamais eu de campagne de mobilisation nationale ni même mondiale pour lutter contre ce SIDA puissance 10 que représentent l'injustice, la famine, la misère au-delà de nos frontières lustrées.<o:p></o:p>

    Le SIDA est surtout une épidémie de riches (diffusée en partie à cause de nos moeurs corrompues, ajouterais-je), non pas qu'il n'existe pas dans les pays pauvres, mais c'est parce qu'il a touché nos pays d'obèses insatiables qu'il a tant de succès sur le plan médiatique. Et non parce que c'est une maladie létale de grande ampleur, tout simplement. Si le SIDA était resté cantonné aux pays pauvres, croyez-vous que l'on ferait autant d'histoires à son sujet ? Nous aurions continué d'ignorer égoïstement ses victimes. Aujourd'hui si on les prend en compte dans notre sensibilité, c'est uniquement parce que le SIDA est chez nous. Les médias ont largement conditionné les esprits pour persuader la population entière que l'ennemi numéro 1 de l'humanité c'est le SIDA, alors que ces mêmes médias n'ont jamais mobilisé les esprits pour lutter contre des fléaux autrement plus funestes que le SIDA quant au nombre de victimes.<o:p></o:p>

    A l'image des attentats de New York, dès que l'occidental moyen peut s'identifier à des victimes (qui lui ressemblent donc), il estime que la mort des innocents est injuste. Tant que les victimes ne sont ni sous nos caméras de télévision ni sous nos latitudes de repus, elles demeurent abstraites. Voilà le sens de mon texte sur le SIDA. Je prétends que le SIDA, ou plutôt les ravages qu'il occasionne dans le monde, n'est pas le fléau qu'il faudrait éradiquer en priorité. Or dans les esprits occidentaux, il l'est. <o:p></o:p>

    SIDA, épidémie frappant à la porte des riches. Misère, épidémie invisible.<o:p></o:p>

    2 - Votre analyse fort peu éclairée, visiblement influencée par le discours médiatique crétinisant me laisse plutôt penser chez vous au désir d'une forme de censure qui ne dit pas son nom... Je dis que le SIDA est une maladie de nantis égoïstes.

    Le SIDA puissance 10 a toujours existé dans les pays pauvres. Ce SIDA se nomme INJUSTICE, MISERE, FAMINE. On ne s'émeut que par ce qui nous touche directement dans nos pays de repus. Je dénonce le matraquage indécent fait autour du SIDA pendant que des victimes d'un SIDA bien pire en terme quantitatif meurent en silence dans le monde. Je ne me suis jamais réjoui du malheur des uns ou des autres, qu'ils soient riches ou pauvres. Je dénonce simplement le caractère douteux, suspect de ce matraquage médiatique à propos du SIDA. Ce matraquage médiatique permet de révéler des vérités peu flatteuses en ce qui concerne notre égoïsme endémique.
    <o:p></o:p>

    Les vrais ennemis de la vérité, ce sont les médias qui conditionnent habilement les esprits de façon à diriger, voire annihiler la pensée de chacun et ainsi contribuer à fabriquer une pensée de masse conforme, lisse, mensongère. Le SIDA est une grande manipulation médiatique orchestrée par des nantis effrayés à l'idée de "crever en baisant". Il y a des problèmes bien plus urgent (aujourd'hui comme hier) que le SIDA dans le monde. La misère fait plus de victimes sur terre que le SIDA. Je ne nie pas que le SIDA est un fléau, je dis que s'il fallait éradiquer un fléau en ce monde en priorité, ce n'est pas au SIDA qu'il faudrait s'attaquer en premier mais à la MISERE qui tue bien plus cruellement, en plus grand nombre et ce depuis bien plus longtemps que le SIDA.<o:p></o:p>

    C'est l'aveuglement à propos de cette vérité que je dénonce. C'est l'indécence de la situation que je condamne. Le SIDA, comme les attentats de New York, n'émeut que les gens manipulés qui ne croient qu'aux images télévisées qu'ils voient. En dehors du SIDA, pour ces atrophiés du ciboulot qui se croient des humanistes, le reste du monde est une vaste face cachée.<o:p></o:p>

    666 - Faiblesse d'esprit

    Dix ans après ses funérailles, dans la presse François Mitterrand est passé d'intrigant douteux à "homme hors du commun", "personnage extraordinaire"... Les journalistes s'en donnent à coeur joie dans le concert de louanges et la mythification de l'homme Mitterrand. Extraordinaire François Mitterrand ? <o:p></o:p>

    Foutaise !<o:p></o:p>

    Mitterrand fut Président de la République française, c'est tout. Le reste n'est que légendes, embellissements, histoires revues, déformées à travers un prisme sentimental bien consensuel. C'est que les années apaisent bien des amertumes dans le coeur humain, et en une seule décennie les pires défauts du "cher disparu" se transforment en "qualités exceptionnelles"... Sous la baguette magique du temps, François Mitterrand, mortel semblable à tous les autres, est devenu une sorte de prince de la République, un génie énigmatique, une légende historique...

    Dix ans après sa mort, ses mensonges les plus pervers ne sont plus que finesses politiques et pouvoirs de séduction ! Sa mégalomanie pharaonique n'est plus aujourd'hui que l'oeuvre désintéressée d'un "visionnaire" ayant "le sens aigu de l'Histoire"... Le culte odieux de la personnalité qu'il a insidieusement développé tout au long de ses deux septennats, en 2006 s'est transformé miraculeusement en panache de monarque. Légitime effet de la fonction que cette soif de grandeur architecturale, pensent en choeur ses anciens détracteurs... C'est même le signe des grands, ça ne peut pas tromper, n'est-ce pas ?
    <o:p></o:p>

    Comme le discours change vite en dix ans ! <o:p></o:p>

    De manipulateur machiavélique Mitterrand est devenu une sorte de de Gaule sauveur du pays, une espèce de Saint-Louis rédempteur, un genre de Roi Soleil qui nous en met plein la vue ! En dix ans seulement, le vice a été fait vertu. Curieux retournement de veste d'une presse unanime... Hier vénéneux, aujourd'hui comestible, le champignon Mitterrand avec son écharpe et son chapeau est une silhouette fédératrice, un réceptacle à glorifications. La mite est devenue un mythe. Ironique effet du temps sur nos défunts dirigeants...<o:p></o:p>

    Destin extraordinaire que la vie de François Mitterrand à en croire le discours ambiant ? Je ne vois rien d'extraordinaire au destin de Mitterrand. La preuve : il est mort depuis dix ans. Lors de la commémoration du dixième anniversaire de sa mort on a pu voir Laurent Fabius se ridiculiser publiquement en portant chapeau et manteau à la Mitterrand... Le couvre-chef de Fabius porté à la Mitterrand, nouvel attribut des "princes de la République" ? Singerie pitoyable d'un clown de l'Énarque qui ose se prendre au sérieux ! Et tout ça pour servir la cause ambiante, pour être dans le bon ton. Le maître-mot de tous ces rendeurs d'hommage : ne surtout pas égratigner la fable ! Tous constatant que la légende a plutôt bien pris, dégonfler la mayonnaise passerait pour une faute de goût. Nécessairement impopulaire.<o:p></o:p>

    Mitterrand ne fut qu'un pauvre type comme nous tous, un homme ordinaire, un simple mortel, un médiocre comme nous le sommes tous sans aucune exception. Cessons de sacraliser nos semblables sous prétexte qu'ils portent un grand chapeau ou qu'ils ont le pouvoir de lever des armées en bougeant le petit doigt ! Empereurs, rois, esclaves, vagabonds, alcooliques, ouvriers d'usine, PDG, hommes à deux têtes, à trois pattes, mathématiciens, balayeurs de rues, génies ou dingos : tous dans le même sac ! Rien que des humains, de simples mortels, des êtres imparfaits, faillibles.<o:p></o:p>

    Les hommages médiatiques rendus à François Mitterrand ne sont qu'un vaste cirque, loin, très loin de la vérité, de l'âpre vérité politique dépouillée de ces flatteurs, mensongers artifices.<o:p></o:p>

    667 - Le vent des élections américaines

    Raillons la grande exhibition des prétendus journalistes de la télévision qui, sous prétexte d'élections américaines, se mettent en scène de manière parfaitement déplacée !<o:p></o:p>

    Ces journaleux sans talent gominés comme des figurants de grosses productions hollywoodiennes gonflent l'information à l'extrême jusque dans les moindres détails, allant jusqu'à faire des reportages sur le fonctionnement mécanique des urnes, puis se prostituent interminablement à la cause ainsi créée, blatérant à l'infini, conjecturant sans fin sur ce que nous saurons dans quelques heures. <o:p></o:p>

    Ne craignant pas le ridicule, ils vont même jusqu'à se rendre sur place à New York avec toutes leurs équipes pour mieux "informer" les français en disséquant les élections... Quel que soit le vainqueur, cela ne changera évidemment rien à la vie quotidienne des 60 millions de français, mais tous ces journaleux pénétrés de leur importance font comme si l'ordre de l'Univers dépendait de l'issue de ces élections. Ils ont tous l'air tellement convaincus qu'aux USA se déroule en ce moment LE phénomène du siècle et que chaque français ne doit rien ignorer des moindres événements qui s'y passent !<o:p></o:p>

    Ces héros infatigables de la presse se sentent investis d'une mission. Epris d'idéal journalistique, poussés par le devoir professionnel, ils se sentent redevables de discours, d'explications, de reportages envers les populations qu'ils informent. Et en plus ils ne cessent de mettre en avant leur éthique !<o:p></o:p>

    Il y a une énorme différence entre le vrai journalisme et le vulgaire matraquage de cervelles. N'est pas Albert Londres qui veut.<o:p></o:p>

    668 - TF1, chaîne des minus

    Sur TF1, les jeux les plus ineptes ont acquis leurs lettres de noblesse. Les candidats rêvant de canapés en cuir et de téléviseurs avec écran plasma géant n'éprouvent pas la moindre honte à exhiber leur médiocrité, leur nullité, leur inanité à la France entière. Du moins à la France des millions de têtes beuglantes qui leur ressemblent et qui bavent d'envie devant les trésors vulgaires qu'on propose de faire gagner aux "sympathiques candidats" hilares et fébriles qu'ils incarnent...

    Les présentateurs de chez TF1 sont des abrutisseurs de foules, de parfaits ratés qui prennent leur revanche en aliénant des millions de leurs semblables. Minables animateurs de quinzaines commerciales recyclés dans la présentation de jeux télévisés, marchands de lessive dans l'âme, ces incultes aux moeurs béotiennes sont pris pour des petits dieux par ceux qui religieusement les font apparaître sur leurs écrans avec cette crétine délectation qui est la marque de l'authentique petit esprit, espèce commune particulièrement détestable directement affiliée à la gent bovine quant aux étonnantes aptitudes ruminantes.
    <o:p></o:p>

    Le petit esprit est en général un français moyen, un citoyen de base sans exigence ni hauteur de vue qui vingt fois par jour mérite de recevoir de salutaires coups de bottines au cul de la part des belles gens de mon espèce qui ont l'heur d'arborer dentelles fines et particule.<o:p></o:p>

    A la différence de ces minus pleins de mollesse et d'aspirations mesquines que je raille sans remords, je répands venin hautain et idées brillantes pour m'opposer avec énergie aux bassesses lénifiantes que diffuse criminellement la chaîne commerciale TF1. Eux, les petits esprits aliénés à la propagande "lessivière" de TF1, ne sont capables que de sourire à ces vendeurs de poudre à laver qui leur font les yeux doux... Pauvres animaux d'élevage qu'ils sont devenus, misérables bestiaux humains engraissés dans l'étable TF1 ! Je leur crache au visage un fiel distingué et corrosif issu du fond de mon âme éclatante, et cela a pour effet d'accentuer leur sourires d'imbéciles... Ils sourient de sotte béatitude, persuadés que leur bave de bovidés aura raison de mes crocs salubres. Alors je les laisse baver, baver, baver jusqu'à ce que la morve de leur pensée les ramollisse encore plus, avant de les noyer jusqu'au cou.<o:p></o:p>

    Ils ne souriront plus quand, tout gorgés qu'ils seront de viscosités cavicornes, je viendrai leur asséner l'ultime et fracassante vérité qui dans un sursaut de dignité les rendra à leur humanité perdue :<o:p></o:p>

    "TF1 ayant fait de vous les réceptacles dociles et bêlants de mes mots les plus durs, permettez qu'en outre je déverse sur vos têtes cornues le contenu copieux et odoriférant des chiottes de la pensée que promeut votre chaîne favorite afin que dans une vision fulgurante et rédemptrice vous voyiez en vous non seulement de placides bovins avides de granulés télévisuels, mais également de pauvres pigeons aux ailes couvertes de votre propre merde, cette merde vôtre quotidiennement malaxée et régurgitée par TF1". <o:p></o:p>

    669 - Les larmes des nantis

    (Attentats du 11 septembre 2001 : un texte contre le discours officiel mensonger et le matraquage médiatique à sens unique.)<o:p></o:p>

    On parle souvent "d'horreur", de "barbarie" quand on évoque les attentats terroristes du 11 septembre 2001 contre les tours géantes du Word Trade Center à New York...<o:p></o:p>

    Ce serait vite oublier les raisons qui ont amené ces attentats, en tous cas la situation économico-politique de l'Amérique du Nord.<o:p></o:p>

    Sans approuver pour autant ces attentats meurtriers et très spectaculaires contre le symbole obscène du pays le plus opulent, le plus gaspilleur et le plus égoïste du monde, je comprends parfaitement la colère des terroristes et la joie des pays qui ont applaudi ces "horreurs" comme les médias occidentaux se plaisent à qualifier ces événements, sans s'embarrasser de nuances. Horreurs ? Certes. Mais alors comment qualifier l'embargo sur l'Irak qui a duré 10 ans et qui a tué à petit feu, loin de nos caméras larmoyantes, des centaines de milliers de gens, enfants compris dont les survivants sont devenus rachitiques faute de soins médicaux et de rations alimentaires ? Ces innocents-là, bien plus nombreux que les innocents de New York, avaient le tort d'être irakiens, il est vrai. Pendant que les enfants de l'Amérique du nord devenaient obèses, les enfants de l'Irak rendaient l'âme jour après jour.<o:p></o:p>

    Quelle honte de commémorer avec des splendeurs martiales dispendieuses les victimes des attentats du 11 septembre 2001 et de passer en même temps sous un criminel silence les centaines de milliers d'Irakiens victimes de la barbarie américaine !<o:p></o:p>

    Sachant que les 300 millions d'américains qui représentent 4 pour 100 de la population mondiale consomment 25 pour cent des richesses de la planète, une journée pour faire tourner les États-Unis d'Amérique coûte des milliers de morts dans les pays pauvres. Une journée ordinaire aux États-Unis d'Amérique se paye à l'autre bout de la planète par des milliers de gens spoliés, écrasés, exploités, tués... Soit directement par fait de guerre (comme en Irak), soit indirectement par pillages, monopoles économiques et injustices interposés. Pour qu'un américain moyen puisse vivre selon les critères de décence et de confort en vigueur sous ses latitudes, il lui faut marcher sur la tête de 10 personnes habitant dans les pays pauvres.<o:p></o:p>

    La véritable barbarie n'est pas dans l'écroulement fracassant des tours de New York mais dans la face cachée, insidieuse des choses. La vraie barbarie est dans l'obésité de l'Amérique. C'est son excès de richesses (formant une authentique pornographie alimentaire), son arrogance martiale, sa suprématie mondiale qui ont provoqué l'écroulement des tours. C'est à cette ignoble vérité en priorité que devraient s'éveiller les consciences à l'évocation des attentats du 11 septembre 2001. Je ne me laisserai pas embrigader dans le grand cirque mondial consistant à commémorer 3000 victimes nanties, en ignorant éhontément les millions d'autres victimes déshéritées causées par les USA.<o:p></o:p>

    670 - La République des plus forts

    France, pays des Droit de l'Homme ? En théorie. La France est aussi historiquement une république d'esclavagistes, d'exploiteurs, de pilleurs, de massacreurs de populations africaines.<o:p></o:p>

    Nos frontons solennels, nos infrastructures fiables, nos avenues pleines d'éclat, ne nous cachons pas la face, ont été érigés sur les crânes fêlés de ces Nègres trop bêtes que nous avons pressés comme des citrons jadis, à qui nous vendons aujourd'hui notre armement à profusion. Source principale de revenus des pays occidentaux, le commerce des armes est une bénédiction pour la France ayant elle aussi gagné sa part du gâteau. Notre pays civilisateur se place en tête du marché mondial pour la qualité de son feu... La France, pays des Droit de l'Homme, recommande aux belligérants du monde entier de s'étriper au prix français. Ceci est officiel, intégré, reconnu, applaudi. Fierté nationale, le commerce des armes a permis à la France de s'enrichir dans des proportions inespérées.

    Beaux esprits, coeurs nobles et âmes justes, ne croyez pas aux vérités officielles de la France. Plus on monte dans la "dignité de la fonction", plus le drapeau est paré d'atours précieux, plus le mensonge est éclatant.
    <o:p></o:p>

    Ne vous laissez jamais endormir par les discours pompeux, lisses, idéalisés de la République Française. Les plus nobles déclarations de cette république pleine d'or et de puissance sont là pour faire écran à ses noirceurs érigées en vertus. Ainsi le colonialisme, la croissance par le commerce des armes, les conquêtes au son du canon, bref les pires fripouilleries trouvent de belles justifications dans la bouche de Marianne, autre invention perverse et puérile du système afin de figer dans le marbre les foutaises de la République Française. Gravée dans la pierre noble, n'importe quelle sentence banale ou absurde prend des allures olympiennes. Cousues dans un tissu rare, toutes les couleurs deviennent vertueuses, patriotiques, idéales. Le moindre imbécile discipliné pour peu qu'il porte un chapeau tricolore, une grande écharpe auguste ou des médailles bien usinées peut faire passer ses mensonges pour des vérités.<o:p></o:p>

     Il y a un droit suprême au pays des Droits de l'Homme, comme dans tous les autres pays nantis : le droit du plus riche, du plus fort, du plus roublard.<o:p></o:p>

    671 - Les bienfaits du bagne

    Je viens d'avoir une idée lumineuse pour lutter contre la criminalité, la débauche et la petite et grande délinquance : rétablissons le bagne. <o:p></o:p>

    Les prisonniers ainsi devenus bagnards ne se morfondront plus stérilement au fond de leurs cellules et se rendront utiles à la société. Mieux : ils oeuvreront au dédommagement des victimes tout en éprouvant les rigueurs de la loi, ce qui leur fera encore mieux passer le goût du vice. Plus ils travailleraient à indemniser leurs victimes, plus tôt ils sortiraient. <o:p></o:p>

    Au lieu de cela nos prisons actuelles sont des écoles du crime qui amollissent les moeurs et coûtent à la collectivité. Le bagnard non seulement ne coûte rien à la société des honnêtes gens, mais en plus il rapporte puisqu'il travaille -dans tous les sens du terme- pour sa réhabilitation. <o:p></o:p>

    Les prisons, écoles du crime et de la paresse sont remplies de oisifs qui songent parfois à la vengeance. Le travail des délinquants leur serait salutaire. La prison brise, détruit, corrompt les êtres en leur faisant perdre leur temps et n'indemnise aucunement les victimes. Le travail au contraire éduque, redresse, forme, répare, rend leur dignité aux assassins et autres agresseurs.<o:p></o:p>

    Évidemment il y aura toujours des faux humanistes pour crier à la régression des moeurs, à la perte des acquis humanitaires... Et c'est ainsi que nos prisons débordent de criminels oisifs nourris, logés, blanchis aux frais de la princesse. Personnellement j'aimerais mieux savoir mon agresseur en train de travailler pour me dédommager plutôt que de le savoir enfermé à ne rien faire car dans les deux cas, agresseur et victime sortent perdants de cette triste affaire.<o:p></o:p>

    A bas les prisons ! Vive le bagne social !<o:p></o:p>

    672 - Notre jeunesse, notre non avenir

    Je me suis rendu compte avec bonheur qu'avec l'âge je devenais franchement intolérant, invivable, bien plus asocial qu'avant. Un bon signe de mâturité : plus ça va, moins j'ai de chance de devenir sénile (la sénilité engendrant nécessairement la mollesse de la pensée).<o:p></o:p>

    En effet, je ne supporte plus de voir des conneaux assis aux terrasses des cafés la cigarette au bec, une bière à la main. Tous des étudiants formatés, des chiots pré-abrutis par les radios qui les gavent d'imbécillités musicales, tous des "rebelles" élevés au lait tiède de la télé-réalité, tous des écervelés condomisés, pilulisés, abreuvés de jeux vidéos, de "cinéma tout public", de Mac-Donald...<o:p></o:p>

    Et ça veut faire la loi, ça ce permet de l'ouvrir, ça a des revendications juvéniles ! Et tout ça pour dire quoi ? Pour nous baver sur les semelles !<o:p></o:p>

    Je ne supporte plus la proximité de cette jeunesse fumeuse, buveuse, dépucelée, libérée, discothéquisée, ensystémisée jusqu'à la moelle.<o:p></o:p>

    Quel que soit le bar où j'entre, il y a toujours de ces troupeaux de jeunes étudiants ramollis qui empestent mon air avec leur satané tabac, qui polluent mon cadre de vie avec leur présence importune. Je voudrais que le patron du bar les jette dehors quand j'arrive, afin que je puisse boire un verre en paix. Je ne supporte pas leur vocabulaire, leurs moeurs, leurs aspirations. Tous semblables dans l'avachissement mental, tous des petits clones reproduits à des millions d'exemplaires, marqués aux fers indolores d'une industrie dévouée qui leur dicte quoi manger, quoi boire, quoi fumer, quoi faire. <o:p></o:p>

    Vrais veaux de batteries à peine sortis de la puberté et déjà traités à l'extasie, au hachich, au coca-cola, alcoolisés, médicamentés, sur-infectés mais sous-cultivés, petits lapins de laboratoire fabriqués, modelés, façonnés par les grandes marques, ces jeunes esclaves illettrés portent haut l'étendard de leur chère "liberté de pensée" ! C'est devenu des produits et ça croit penser ! Génération d'intoxiqués qui ne savent plus écrire le français correctement, ces fainéants d'étudiants infectent Internet avec leurs messages illisibles rédigés en texto. Et ça prétend aux études !<o:p></o:p>

    Mais ce que je supporte décidément de moins en moins chez eux, c'est leurs foutues cigarettes. Un jour je me vengerai. J'entrerai dans un bar, m'assiérai à côté d'eux. J'allumerai un cigare de ma composition, le plus infâme possible, écoeurant à souhait, et cette fumée-maison infecte à donner la chiasse au Diable, avec une délectation rancunière, lentement, impunément, effrontément, je la leur cracherai à la face !<o:p></o:p>

    673 - La mort de l'ourse Cannelle

    Un ours de plus ou de moins dans les Pyrénées, quelle importance au regard de l'écologie planétaire ? Le problème est plus dans les têtes conditionnées par l'air du temps, réglées sur des valeurs à la mode, que sur le terrain. Pendant un siècle la Terre a fort bien tourné sans les ours dans les Pyrénées. En quoi l'absence de ce prédateur a-t-elle empêché les gens et les autres animaux de vivre ? Au contraire, combien de vies humaines ont ainsi été épargnées dans les Pyrénées depuis la disparition de l'ours ? L'avantage de sa disparition est réel, tout comme est réel l'avantage de la disparition du loup de la totalité de notre territoire.

    Un siècle après la disparition de l'ours des Pyrénées l'Homme a voulu le réintroduire dans son ancien habitat. L'échec fut total. Selon certains, cet échec serait le prélude à une sorte de fin du monde, juste parce qu'une ourse n'a pas survécu à sa nouvelle condition d'animal sauvage... (Remarquons au passage que cette liberté d'artifice l'a tuée, alors que la cage l'aurait sauvée.) Bref, d'après les écologistes ce serait une catastrophe... Allez donc dire ça aux gens qui souffrent la faim dans les pays pauvres ! Soyons sérieux, et surtout faisons preuve de décence car les vraies catastrophes sont ailleurs en vérité.
    <o:p></o:p>

    Pendant un siècle il n'y a pas eu d'ours dans les Pyrénées. Où est-elle cette prétendue catastrophe longue de un siècle? Je ne suis pas anti-écologiste, bien au contraire. Seulement je défends les vraies causes écologiques sans me ranger aux côtés de ces parisiens épris de jolis sentiments par pure sensiblerie, qui pensent avec les fibres les plus légères de leur coeur citadin, incapables qu'ils sont d'analyser les situations sur le terrain. <o:p></o:p>

    Certaines bonne âmes se lamentent sur le sort de l'ourse Cannelle tuée par un chasseur de manière anecdotique, et qui plus est tombée proprement, nettement sous ses balles, mais je ne les entends nullement élever la voix concernant le sort des millions d'animaux que nous torturons industriellement, que nous massacrons sans aucune pitié dans les abattoirs, véritables camps d'exterminations pour volailles, ovins, porcins, bovins, lieux absolument indignes de gens civilisés ! Et tout ça au nom de nos estomacs de nantis infoutus de s'abstenir d'ingérer de la viande. Alors que l'homme pourrait fort bien s'en passer et vivre en meilleure santé en remplaçant la viande par des protéines issues de produits non carnés (laitages, végétaux, oeufs, poissons). <o:p></o:p>

    Il n'y a pas de progrès véritable sans rupture avec certaines habitudes ancestrales. Le problème de l'ours des Pyrénées a surtout valeur de symbole. Dans les faits, l'ours est un problème insignifiant au regard des abattoirs qui sont des lieux d'abomination extrême. Là, à un rythme industriel on met fin à l'existence de millions d'animaux (élevés en batteries dans le pire des cas). Remarquons que la mort de l'ourse Cannelle émeut surtout les "parisiens" carnassiers au coeur de porcelaine. Ils ont certes des moeurs délicates, mais aussi des palais fins, des estomacs avides de chair animale...<o:p></o:p>

    Le comble en ce cas, n'est-ce pas de se désoler avec des trémolos dans la voix -et la bouche pleine- de la disparition de l'ours des Pyrénées ? Se désoler en plein dîner du sort de l'ourse tuée par un chasseur, se désoler de la sorte autour d'un gigot d'agneau ou d'un pot-au-feu, quelle ironie ! Perversité inouïe des moeurs écologiques !<o:p></o:p>

    Avant de vouloir faire évoluer les mentalités en visant les sommets, commencez par le bas, vous les défenseurs de belles causes. Allez d'abord répandre l'idée que les abattoirs industriels sont des abominations, au lieu d'aller stérilement voler au secours d'un individu dont l'espèce est de toute façon en voie d'extinction. Faites-vous végétariens. Allez militer pour l'abolition des abattoirs. Allez manifester contre la puissante institution bouchère. Là vous serez cohérents, là vous serez héroïques, là vous ne serez pas vain. Laissez donc de côté votre ourse Cannelle, allez plutôt brandir des pancartes dans les abattoirs, les boucheries industrielles et artisanales. Vous y délivrerez un vrai message écologique.

    Et relativiserez la mort de l'ours Cannelle, soyons-en persuadés.
    <o:p></o:p>

    Je ne suis pas animé par la sensiblerie citadine mais par de vrais sentiments de justice, par une pensée lucide, pénétrante des problèmes liés à l'écologie, à nos rapport avec la gent animale. Imaginez que l'espèce en voie d'extinction réintroduite dans son ancien élément naturel ne fût pas l'ours des Pyrénées mais le mulot commun de nos plaines... Monteriez-vous ainsi au créneau pour défendre ce minuscule rongeur ? Lui n'a pas l'avantage, au contraire de l'ours, d'être gros donc visible à l'échelle humaine, et surtout il n'inspire pas le même degré de sympathie chez les humains, ce qui est un facteur parfaitement arbitraire. Donc injuste. Ce que vous feignez d'ignorer, me semble-t-il, vous les défenseurs de l'ours des Pyrénées. L'ours a pour lui d'être gros et touchant. Il a ses doubles en peluche dans notre mémoire collective. Le mulot lui n'a pas cette place de choix dans le coeur des hommes. Abolissons d'abord ces espèces de privilèges accordés aux animaux, rendons-les égaux devant la souffrance qu'on leur inflige, ensuite vous pourrez me reparler de votre ours des Pyrénées.<o:p></o:p>

    674 - L'ours contre-nature

    L'agitation ridicule autour de l'ourse Cannelle tuée récemment est significative de l'état d'esprit de notre société prompte à s'émouvoir pour des phénomènes spécifiques qui collent à l'air du temps, aussi minuscules soient-ils. A l'échelle locale et planétaire les conséquences de la disparition de l'ours des Pyrénées sont insignifiantes. Les seuls dommages sont d'ordre symbolique, politique, psychologique, culturel, mais certainement pas écologique. En somme, une "catastrophe" très artificielle, grossie au point que des millions de citoyens en France dans le monde se sentent concernés par la mort de Cannelle... Quand la multitude d'âmes sensibles (se délectant par ailleurs de viandes bouchères issues des ignobles abattoirs) se désole de la disparition du plantigrade, je me chagrine de constater avec quelle facilité on peut contaminer les esprits sur des sujets aussi dérisoires que la disparition du dernier représentant d'une espèce animale en voie d'extinction. <o:p></o:p>

    Le règne animal comme tout ce qui existe en ce monde n'est pas figé, il est en constante évolution. Le changement est dans l'ordre normal des choses. Toute espèce est vouée à disparaître un jour. Lentement ou sous l'effet de forces majeures. Les forces majeures (poussée de la civilisation, accidents, pollutions) sont aussi une forme de sélection naturelle, que ces forces dominantes soient générées par l'Homme ou par les volcans. Non seulement l'Homme fait partie du monde, mais il est également à son sommet. Il n'y a pas que les cailloux et les quadrupèdes qui font la loi sur Terre, n'en déplaise aux écologistes qui ont tendance à négliger la légitimité de l'espèce humaine dans les changements du milieu naturel. Qui oserait prétendre que les rats, les moustiques, les blattes ont un droit de nuisance sur l'Homme sous prétexte qu'ils sont la Nature ?<o:p></o:p>

    Nature et urbanisation sont des réalités faisant partie de ce monde. En quoi l'urbanisation, la civilisation devraient être sacrifiées à la cause de l'état    sauvage ? Au contraire, la ville est vertueuse, l'ours nuisible. La preuve dans les faits et l'actualité : l'Homme avance, l'ours recule. <o:p></o:p>

    En dépit des efforts de l'Homme, créature intelligente aux idées baroques, l'ours des Pyrénées ne s'enracine décidément pas dans ce qui fut jadis son milieu (et peu importent les causes de cet échec : accidentelles ou naturelles, elles sont significatives)... Preuve qu'il n'a plus sa place dans les Pyrénées. <o:p></o:p>

    On peut certes le déplorer, mais c'est ainsi. <o:p></o:p>

    Réintroduire l'ours dans les Pyrénées, dans quel but ? Même la gratuité du geste ne paie pas dans ce monde réglé sur des lois souveraines. Les bonnes âmes en ont d'ailleurs eu pour leurs frais... Douce folie que de s'acharner à replanter une racine brisée ! De même, ne serait-il pas ridicule de regretter la disparition des dinosaures ? Quel sens y aurait-il à réintroduire en 2004 les meutes de loups dans les forêts autour de Paris ? Fondamentalement la disparition de Cannelle a peu d'importance. Le règne du vivant est influencé par les forces dominantes : les astres font les marées, l'Homme fait les courants. Le phénomène de la sélection naturelle dans lequel l'Homme est intimement inclus opère et jouit aujourd'hui de tous ses droits en venant d'éliminer l'ourse Cannelle, avatar monstrueux de notre vision du monde "plantigradiste", "lycanthropiste", "dodoïste".<o:p></o:p>

    675 - Drame au collège

    A travers cet article imaginaire à peine caricatural, ironisons sur les aberrations et excès de notre société contaminée par l'insidieuse dictature de la "pensée molle" (phénomène largement relayé par les médias) contribuant à créer une sensibilité de masse embourgeoisée, irresponsable et superficielle.<o:p></o:p>

    Le jeune Benjamin, obèse adolescent de 14 ans, a bénéficié des services d'une cellule de soutien psychologique après un traumatisme subi dans l'enceinte même de son collège : il a été victime d'une réprimande de la part de son professeur de français sous prétexte qu'il perturbait le cours en jouant sur son téléphone portable. Le professeur lui reprochait en outre d'envoyer des mails et d'écouter de la musique sous forme MP3 en classe via le téléphone portable en question. L'enseignant, après une garde-à-vue prolongée a finalement été mis en examen pour avoir sonné les cloches de l'élève dissipé. Il aurait agité la main en l'air en direction de l'élève dans un signe explicite. La menace est légalement constituée.

    Une gifle symbolique qui risque de lui coûter de six à dix-huit mois de prison ferme.

    Une enquête a été diligentée par les services de police judiciaire au sein de l'établissement afin d'établir les responsabilités de chacun, du professeur indigne jusqu'au directeur du collège, responsable d'avoir engagé ce professeur aux méthodes pédagogiques pour le moins douteuses.
    <o:p></o:p>

    Par ailleurs, détail pouvant aggraver lourdement les faits reprochés au professeur de français pour la suite de cette affaire, après perquisition à son domicile, les enquêteurs ont retrouvé dans la chambre du professeur incriminé une série de photos de vacances dont sur l'une on peut distinguer sans ambiguïté à l'arrière plan un enfant en maillot de bain âgé d'environ cinq ans. Des soupçons de pédophilie pèsent désormais sur cet homme aux méthodes d'enseignement musclées... Des vérifications sont en cours actuellement afin d'identifier la petite victime sur la photo. Le passé trouble de cet individu est en train d'être décortiqué par les enquêteurs dans les locaux de la police judiciaire.<o:p></o:p>

    En attendant les résultats de l'enquête, Benjamin a préféré poursuivre ses cours par correspondance. Il peut aujourd'hui jouir en toute quiétude de son droit à l'accès à la communication grâce aux multiples fonctions de son téléphone portable, sans s'exposer au risque d'être brutalisé par des adultes peu scrupuleux.

    Souhaitons à Benjamin de pouvoir se reconstruire sans trop de séquelles après la dure épreuve qu'il vient d'endurer. Il sera prochainement l'invité vedette de la célèbre émission télévisée animée par Mireille Dumas qui débattra pour l'occasion sur le sujet des sévices corporels et psychologiques subis à l'école par les élèves de la part de certains professeurs particulièrement pervers. (Benjamin témoignera sur le plateau de MD à visage couvert). Une honte pour notre société, une dérive tragique qu'il faut dénoncer à tout prix. Triste époque où les professeurs osent encore lever la main sur nos chères têtes blondes sous les plus légers prétextes ! Un projet de livre est actuellement en cours : un directeur de grandes éditions a d'ores et déjà pris contact avec l'avocat de Benjamin afin d'obtenir les droits pour la publication exclusive de ce témoignage-choc. L'ouvrage pourrait être en vente dès la rentrée littéraire de septembre prochain.

    (Dans le souci de préserver le droit à l'anonymat de la victime et de ne pas faillir à l'éthique de notre rédaction, précisons que "Benjamin" est un prénom d'emprunt.)
    <o:p></o:p>

    676 - Les flammes de la raison

    Il me semble que la crémation des moyens de locomotion généralisée dans les banlieues du pays est le signe d'un grand bouleversement social, un mouvement de fond qu'une stupide répression policière ne saurait éteindre. Je ne cesse d'entendre que brûler des voitures, ça n'est pas une solution pour résoudre les problèmes des jeunes de banlieue...<o:p></o:p>

    Justement, je pense que c'est une solution. Sans ces heurts spectaculaires (toucher à la tôle sacrée du français moyen, ça choque toujours l'opinion publique sensible à la préservation de ses joujoux favoris) comment faire avancer les choses, faire prendre conscience aux privilégiés des centres villes et des campagnes de la gravité de la situation dans les banlieues ? Brûler des voitures est, à mon sens, la meilleure solution pour faire bouger les choses, contribuer à faire changer les mentalités, secouer les consciences endormies. Brûler une voiture est certes répréhensible sur le plan strictement légal, mais c'est précisément avec ce genre de geste illégal, acte fondateur par excellence du pionnier social participant au progrès humain, qu'évoluent nos sociétés. <o:p></o:p>

    Mieux vaut faire une révolution en brûlant des voitures plutôt qu'en portant des têtes coupées sur des piques. Brûler des voitures est par conséquent un acte potentiellement héroïque, pour peu que cela débouche sur une amélioration de la vie des révoltés, une capitulation du pouvoir qui reconnaîtra par la suite la révolte comme un légitime soulèvement des banlieues contre l'injustice sociale. <o:p></o:p>

    C'est ainsi qu'évoluent les mentalités, que se fait le progrès social : en pratiquant la désobéissance civile, en manifestant illégalement contre le pouvoir. Aujourd'hui conspués, demain qui sait si les brûleurs de voitures ne seront pas honorés par les mêmes qui les condamnent actuellement ? Comme les porteurs de têtes coupées de 14 juillet 1789 sont de nos jours acclamés. La crémation des voitures de banlieue, c'est leur 14 juillet à eux. Leur révolution est en marche. C'est en se rebiffant de la sorte contre l'ordre social inique que progresse toute société. Aujourd'hui les mentalités ont évolué, dans sa grande majorité le peuple ne verse plus le sang pour se faire entendre, il brûle des voitures, brise du mobilier urbain. N'est-ce pas déjà un énorme progrès par rapport aux révoltes barbares du passé ? De nos jours même les plus enragés des insurgés des banlieues respectent la vie humaine. Plus civilisés que nos aïeux, ils se révoltent avec les moyens appropriés à leur portée : l'incendie de voitures. Où est leur crime ? Leur combat me semble parfaitement légitime. A leur place, ne réagirions-nous pas de    même ? Pour avoir vécu dans la banlieue et côtoyé un peu ses habitants, je comprends leur révolte. <o:p></o:p>

    Vive la révolution, vivent les âmes éveillées !<o:p></o:p>

    677 - Appel à l'insurrection des banlieues !

    Ému par la gravité et le caractère révolutionnaire des événements sociaux qui ont agité le pays, je m'adresse aux "fauteurs de troubles" en termes solennels. <o:p></o:p>

    J'en appelle à la poursuite acharnée de la rébellion, à la résistance héroïque face à l'oppresseur étatique. Cependant, convaincu que pour être légitime -tant sur le plan éthique que politique- le droit des populations au soulèvement contre l'injustice sociale doit s'établir sur des fondements moraux élevés, les moyens mis en oeuvre pour parvenir à cette fin ne doivent pas contredire cette exigence morale. Aussi je m'en remets aux bonnes volontés et incite les insurgés à abandonner leurs méthodes archaïques. Violence et bris de biens publics et privés doivent être proscrits au profit d'une attitude résolument pacifique et non-violente. Mais toujours ferme, déterminée. Je propose de grandes marches pacifiques avec encerclements des établissements républicains sensibles tels que Palais de l'Élysée, Préfectures, postes de police. <o:p></o:p>

    Pacifique, cet appel à l'insurrection n'en demeure pas moins réel. <o:p></o:p>

    Marches militantes et sièges des établissements publics non-violents mais éminemment séditieux, hautement subversifs. Le pouvoir doit fléchir sous la volonté souveraine du peuple. Tant que les décideurs aux commandes de l'État n'auront pas capitulé face au souffle juste de la révolte populaire, j'engage à la persévérance, voire à l'entrée officielle ou clandestine en résistance des éléments les plus combatifs, les plus braves selon la tournure que prendra le soulèvement, et ce afin de faire triompher la cause. Je rappelle avec insistance que les moyens engagés pour poursuivre la lutte, qu'ils soient individuels ou collectifs, officiels ou clandestins devront toujours être non-violents, pacifiques, respectueux des biens et de la sécurité d'autrui.<o:p></o:p>

    Courage camarades, la victoire est au bout de la rue ! Le peuple vaincra ! Vive la révolution, vive la justice, vive la liberté !<o:p></o:p>

    Raphaël Zacharie de Izarra, Le Mans, le 10 novembre 2005 <o:p></o:p>

    678 - Triste commémoration de la guerre

    Les morts du conflit mondial de 14-18 n'ont pas héroïquement donné leur vie pour la liberté, ils sont morts parce qu'ils étaient obligés de marcher avec le troupeau, sous peine de passer au peloton d'exécution. L'héroïsme patriotique est une funeste invention, une macabre farce inventée par les marchands de canons et les gouvernants pour mieux mener à bien leurs grandes parties d'échecs planétaires. Leurs pions étant les petits soldats disciplinés pétris de culture patriotique nécessairement caricaturale et mensongère. Ce qui fut particulièrement le cas lors de la Première Guerre Mondiale de 1914-1918.<o:p></o:p>

    Ce qui reste aujourd'hui de cette grande manipulation, ce sont quelques milliers de rendeurs d'hommages disciplinés qui se gèlent chaque matin du 11 novembre pour regarder hisser le drapeau tricolore, droits comme des piquets, alors qu'il seraient si bien à rester au chaud dans leur lit.<o:p></o:p>

    Certains clament que parce qu'ils se sont comportés en patriotes, les morts de la 14-18 méritent le respect national... Certes, à condition que le patriotisme soit une valeur estimable. Or qu’est-ce que le patriotisme sinon la préférence égoïste pour ses compatriotes dans le meilleur des cas, la haine des étrangers dans le pire des cas ? L'honnête homme est citoyen du monde, non exclusivement citoyen de son pays. Mes frères chinois ne sont pas moins mes frères que mes frères français. Tous unis dans la fraternité, l'égalité, la liberté républicaine ! Mon frère français n'est pas plus égal, ne mérite pas plus la liberté que mon frère esquimau. D'où l'absurdité constitutionnelle du patriotisme. Et de la guerre, puisque par définition toute guerre est un crime contre l'humanité. <o:p></o:p>

    Je remarque que plus le discours patriotique est primaire, acharné et s'adresse à des esprits simples, naïfs, sans défense sur le plan intellectuel, voire à de braves gens sans histoire, à des êtres franchement sots, à des sommités issues de villages isolés (parfois alcooliques), mieux il fonctionne. Plus on monte en visant la "cible intellectuelle", moins il a d'écho. Le patriotisme, c'est le sommet des capacités altruistes du petit français moyen discipliné. Pour un patriote de base, l'humanité s'arrête aux frontières du pays. Hors ces frontières, plus rien ne le concerne, ne le touche, ne l'intéresse.<o:p></o:p>

    679 - Une vie pleine de surprises

    Je viens de recevoir un mail contenant les "meilleurs voeux de Wanadoo" pour les fêtes de fin d'année, et ce avant toutes les autres enseignes commerciales. Quel sens de l'exclusivité chez Wanadoo ! Étant donné que je suis un garçon sensible et intelligent je me suis senti particulièrement touché par la délicate attention. Pour remercier Wanadoo de m'avoir avant toute la clique commerçante souhaité ses meilleurs voeux, j'ai lu scrupuleusement et avec une avidité mal contenue le mail qui m'était adressé en termes si personnels, tellement pertinents... Pour mon immense joie, figurez-vous que Wanadoo me fait la grâce de m'accorder réductions et avantages inouïs sur ses produits en ligne !<o:p></o:p>

    La vie a tout de même des côtés extrêmement "sympathiques" n'est-ce pas ? <o:p></o:p>

    Sympa Wanadoo !<o:p></o:p>

    En outre, le monde délicieux dans lequel je baigne (devenu doré depuis sa prise en main par les divers marchands de produits indispensables à mon bonheur) étant bien conçu, il se trouve que je vais passer l'hiver à lire les sélections de livres choisis avec goût par "France-Loisirs"... Le niveau littéraire, poétique et intellectuel des ouvrages proposés à grands renforts de publicités fort convaincantes par la maison "France-Loisir" étant égal à celui du passionnant magazine "Télé 7Jours", je sens que je vais passer une saison merveilleuse, plongé dans mes lectures aux couvertures savamment illustrées d'arabesques de toutes sortes avec des reflets dorés et "papier d'aluminium" et autres artifices du meilleur effet...<o:p></o:p>

    Sympa France-Loisirs !<o:p></o:p>

    Matraqué par les publicités (que je dévore avec fièvre) me promettant monts et merveilles mensuels et hebdomadaires, je suis également très tenté pour m'abonner à un bouquet de magazines tous aussi essentiels les uns que les autres.

    Chez moi j'ai des fenêtres, je vais donc naturellement m'abonner à "Fenêtres magazine". J'habite également pas très loin de la campagne. Je vais succomber à la tentation et m'abonner illico à "Campagne Magazine". Je possède également une voiture. Alors là pas d'hésitation, je vais m'abonner aux quatorze revues principales traitant de la bagnole ! J'ai deux chats. Va pour "Chats Magazine" et même pour "Trente Millions d'amis"...
    <o:p></o:p>

    Sympas les bouquets de magazines !<o:p></o:p>

    ("Sympa" est un terme que j'utilise désormais à tout bout de champ pour manifester aussi bien le contentement de mon estomac calé par les tripes préparés à la mode de Caen vendus en promotion "Spécial Noël" par boîtes de trois que la satisfaction de mes neurones anesthésiés par le pain blanc de l'esprit nivelé vers la rassurante médiocrité universelle déversée par radios, télévisions, presses en tous genres.)<o:p></o:p>

    Quel bonheur de vivre dans une société qui a si bien su concevoir, penser, et même devancer mes besoins les plus vitaux ! Depuis récemment je lis sans restriction et avec un intérêt toujours égal les prospectus et mails commerciaux qui me sont adressés et j'engage mes milliers d'amis inscrits comme moi au fameux "Club des gros Cons" à m'imiter sur la voie de la GRANDE CONNERIE GENERALE.<o:p></o:p>

    680 - Les tourments de la chair

    Madame,

    Le souvenir de votre face poudrée, mais surtout de votre chair glorieuse, altère exquisément la mécanique de mon coeur hautain. Ce dernier se dérègle à la pensée de votre femelle éclat, et du repos des jours ordinaires il est passé à la plus canaille des agitations. Au début mes sens mis en éveil ne cessèrent de lutter saintement contre les tourments les plus vifs du désir. Mais très vite, incapable de gouverner mon âme en proie à ces feux grandissants ni de commander à mes humeurs, je n'ai plus pu opposer aucune résistance à la délectable oppression, et mes nuits se sont embrasées de voluptés et de honte...
    <o:p></o:p>

    Mon coeur, si je puis m'exprimer par cette métaphore, mon coeur disais-je s'enfle d'inavouable amour, et songer à vous ma mie, songer à vous en société me cause, et c'est bien fâcheux, une bien indiscrète renommée... S'il m'est aisé de voiler les secrets de mon âme en dignes présences, croyez bien qu'il m'est assurément moins commode de dissimuler les effets évidents d'une virilité naissante...

    Sans que ma volonté n'intervienne, votre image hante mon esprit et mes pensées s'égarent sur les voies tortueuses de la sensualité... Pardonnez-moi de convoiter si hardiment votre hymen ma mie, mais la nature, si sage, si avisée m'a fait mâle, et son appel est bien difficile à mépriser.
    <o:p></o:p>

    J'ai beau aspirer au plus pur amour, à la plus chaste amitié avec vous, la réalité de mes sens ne m'épargne pas. A travers votre chère personne je ne vois non plus seulement l'admirable fille du couvent que dans mon idéal guindé j'aurais aimé que vous fussiez pour toujours, mais également la divine et lascive Vénus des peintres amoureux. <o:p></o:p>

    Vous m'inspirez de façon profane ma mie, et l'élan de ma plume mécanique (je veux parler de mon présent clavier) procède d'un feu semblablement brûlant. Entre le pinceau flatteur de l'artiste et cet écran d'ordinateur où vous lisez mes mots, une même cause dirige les passions. <o:p></o:p>

    Je vous en conjure, hâtez-vous de mettre un terme apaisant à ces flammes impures qui dévorent et mon âme et ma chair, secourez ce coeur et ce corps qui se consument en votre nom ! Pour mon salut et le vôtre ouvrez-moi vos draps, votre alcôve, puis accordez-moi le privilège de votre hymen. <o:p></o:p>

    Ou préservez-m'en à jamais.<o:p></o:p>

    Ne demeurez pas insensible à ma détresse, dans un sens ou dans l'autre   agissez ! Libérez ma mâle vigueur de sa coupable tension, assistez ma chair égarée ou bien tuez dans l'oeuf cette sensualité grandissante, mais de grâce ma mie, rendez sa souplesse originelle à cet objet embarrassant devenu rigide à l'évocation de votre personne, donnez-lui une paix libératrice durable.<o:p></o:p>

    Ah ! Combien je comprends les tourments endurés par les cloîtrés ! Dire que toute la force d'une sainte âme se trouve confrontées, non sans faillir parfois, à la légèreté et au despotisme d'un mâle appendice... Vous semblez ignorer avec une véritable inconscience, vous les élues de la Tempérance, la puissance de ces démons qui harcèlent sans cesse le sexe fort. Nous les représentants de ce sexe dit noble, nous les chevaliers, nous les guerriers, nous les fils de Mars, si nous ne faiblissons pas face à l'épée qui se dresse en ennemie, si nous portons aux nues nos vaillances belliqueuses, pleins d'ardeur et de courage au combat, à vos pieds chéris nous déposons les armes et contre vos flancs irrésistibles nous nous abandonnons. A la vue de vos appas nous baissons les bras, déjà vaincus. <o:p></o:p>

    Je ne connais nul héros martial qui demeurerait sans appétence et tout de mollesse face aux attraits sinueux d'une bergère. Ne faut-il pas appartenir à la race des saints, ou des morts, ou bien à celle des inversés pour ne point succomber au venin de ces créatures qui tentent malgré elles cette moitié de l'humanité que nous représentons ?<o:p></o:p>

    Sachez tirer bon enseignement de ces ultimes confessions, et selon ce que vous en aurez conclu en vérité et justesse conformément à ce qu'il faudrait précisément en conclure, vous prendrez soin de me faire un édifiant accueil lors de notre prochaine entrevue, ma mie.<o:p></o:p>

    681 - Dans la ville lumière

    Il était mentaliste de province, parcourant les villes moyennes de numéros en numéros. Non sans une certaine gloire, même si celle-ci était mêlée de médiocrité. Un bref passage à Paris l'éblouit définitivement : c'est là que l'amour, à 52 ans, entra dans sa vie.<o:p></o:p>

    Belle brune élancée, parisienne avant tout, elle arborait des os faciaux saillants qui lui conféraient un charme puissant. Il avait les dents jaunes mais souriait avec une exquise distinction "vieille France", quoique ses manières fussent légèrement maladroites. Ils venaient de se rencontrer dans la ville lumière. La ville lumière...<o:p></o:p>

    Avec ses pommettes anguleuses, sa mâchoire carrée, son front antique, le visage de cette superbe trentenaire à la coiffure sophistiquée rappelait celui d'une camarde somptueusement grimée. Lui, en dépit de ses dents jaunies n'était point laid.

    Ils s'aimèrent, dans la ville lumière. Puis apprirent à mieux se connaître de nuit en nuit, sous les feux de la cité éternelle.
    <o:p></o:p>

    Il n'était plus question pour lui de jouer au clown déclassé devant un public de sous-préfecture : le mentaliste devait tenir son nouveau rôle d'amant à part entière, avec ses dents teintées il est vrai. Elle, sépulcrale mais belle femme malgré tout, des étoiles plein la tête depuis leur rencontre, ne voyait plus la dentition douteuse de cet authentique provincial que les feux de la capitale avaient étourdi. Le mentaliste quant à lui voyait la face de l'amour en cette brune. Plus noire que brune d'ailleurs, avec ses yeux profonds, ses rires graves, sa chevelure ténébreuse... Dans la ville lumière, tout devenait éclatant.<o:p></o:p>

    Il riait à pleines dents, tandis qu'elle lui faisait des charmes sans fin avec sa belle chevelure, ses os proéminents et tous ses artifices mondains.<o:p></o:p>

    Dans la ville lumière, la lourde province s'était étrangement combinée avec l'Élégance. Une fusion improbable du sabot et de la semelle délicate. Et contre toute attente, parfaitement réussie. Femme raffinée aux attraits funèbres, la belle balayant d'un coup tous ses préjugés ne jurait plus que par ce mentaliste au parler désuet. <o:p></o:p>

    Et aux dents ternies. <o:p></o:p>

    Vraiment, elle rayonnait de beauté. De cette beauté chaude, venimeuse, orientale qui fascine, effraie et fait rêver. Le mentaliste, un peu gras, la veste démodée, avait l'air de ce qu'il était : un galant anachronique un peu rustaud. Lui avec ses dents négligées, elle avec ses traits quasi cadavériques, ils formaient un couple fulgurant, soudés comme deux éclairs simultanés, deux flammes d'un même orage. En fait deux spectres : le premier un peu ridicule mais touchant, le second dégageant un mystère un tantinet macabre. L'un ressemblait à une vieille photo jaunie, l'autre faisait songer à une grande statue mortuaire. Ils se perdirent dans la ville lumière. L'histoire ne dit pas ce qu'il advint de ce couple insolite car nul ne le revit plus jamais, mais nous imaginons qu'il s'est volatilisé dans les lumières de la ville. Désagrégé, dématérialisé, pulvérisé en direction des étoiles. Juste au-dessus de la ville lumière, précisément.<o:p></o:p>

    Lui avec ses dents colorées, elle avec sa tête en forme de crâne.<o:p></o:p>

    682 - La bêtise du Téléthon

    La bêtise du Téléthon tient non pas dans le fait qu'on nous demande de l'argent pour aider la recherche dans la lutte contre les maladies handicapantes et létales, le principe du don étant très louable, mais dans le fait d'organiser (à grands frais qui plus est) ce vaste abrutissement de foules. <o:p></o:p>

    En outre j'estime que l’État, le Ministère de la Santé plus précisément, devrait s'occuper du problème et le financer sans compter au lieu de le déléguer à des citoyens manipulés par les médias. Ce n'est pas au citoyen de s'occuper de financer la recherche dans la lutte contre des maladies, même si à côté il n'est pas interdit aux citoyens responsables d'entreprendre des démarches privées à ce propos. Le Téléthon étant une entreprise de bienfaisance privée, rien ne nous oblige à y adhérer.<o:p></o:p>

    J'estime encore que la lutte contre les maladies devrait être obligatoire sous forme d'impôt, la maladie étant affaire de tous. La fraternité à ce sujet devrait être exercée de force, par impôts interposés et non pas de manière capricieuse, aléatoire et ludique - et par conséquent immorale et malsaine- sous la forme actuelle du Téléthon. Un prélèvement direct et institutionnel serait beaucoup plus économique, plus rapide et plus efficace que la mise en oeuvre abêtissante de ce grand cirque télévisuel appelé Téléthon. Les gens acceptent bien, bon gré mal gré, que l'État leur soustraie leur argent quand il s'agit de financer l'Armée avec leurs impôts, pourquoi rechigneraient-ils à abandonner un peu de leurs richesses à une cause qui en vaut encore plus la peine ? <o:p></o:p>

    Par ailleurs, le prix de quelques tanks fabriqués par l’État français dépasse la somme des dons obtenus par le Téléthon. Il suffirait de prélever chaque année le prix de deux ou trois tanks et de consacrer l'argent ainsi économisé à la recherche, il n'y aurait plus besoin de faire de Téléthon. Cela ne coûterait rien au citoyen puisqu'il y aurait un simple transfert de richesses depuis le Ministère de l'Armée vers le Ministère de la Santé. Une goutte d'eau dans le budget de l'Armée.

    La lutte contre des maladies aussi graves que celles dont il est question à travers le Téléthon ne devrait pas se faire de manière arbitraire mais méthodique, structurelle, constitutionnelle, institutionnelle, l'enjeu étant tellement vital. Or à travers le Téléthon on en a fait une sorte de grande "guignolerie" insipide et crétinisante d'où le succès ou l'échec dépend du bon vouloir des gens et non pas d'une institution comme l'Enseignement National, les Finances ou la Justice.
    <o:p></o:p>

    J'ai l'impression que l’État a trouvé à travers le Téléthon le moyen de se décharger de ses responsabilités. Adhérer au Téléthon en ce cas serait se faire complice de l'irresponsabilité de l’État et du caractère inique de ce genre d'entreprise privée livrée à l'arbitraire. Dans ce système informel et joyeusement désordonné la vie d'enfants malades actuellement incurables dépend du caprice des gens et non pas d'une loi issue d'une volonté publique, légale, institutionnelle.<o:p></o:p>

    J'estime que le Téléthon est une entreprise arbitraire et ridicule de charité-spectacle qui consiste surtout à abrutir encore un peu plus les foules. Cela dit, entre le Téléthon et rien du tout il vaut mieux encore abrutir les gens au nom d'une bonne cause plutôt que les abrutir pour rien du tout. Je ne suis pas contre le fait que la recherche récolte de l'argent grâce au Téléthon, je suis simplement pour un système de don institutionnel. Sous formes d'impôt, tout bêtement. Et ce afin que la résolution des problèmes cruciaux, urgents et vitaux de notre société ne soit pas déléguée à des animateurs de télévision avec leurs entreprises clownesques hasardeuses.<o:p></o:p>

    683 - Les feux couchants

    C'est vers les quarante ans que la femme rayonne. Avant de décliner irrémédiablement.

    Entendons-nous bien, je parle de la femme, la vraie : la femme de classe, l'espèce à peau laiteuse ayant adopté les belles manières, la créature naturellement distinguée. Non la charcutière, non la dépeceuse de poissons des marchés de sous-préfectures ou bien la laitière du coin. En effet, je prétends qu'une employée du rayon charcuterie d'un supermarché de province est nécessairement repoussante car même lorsqu'une femme à la naissance hérite de Vénus tous les dons qu'on puisse lui souhaiter, si par malheur elle est élevée dans un environnement plébéien, fatalement elle se gâtera avec le temps au contact des moeurs corrompues de son milieu.
    <o:p></o:p>

    Les habitudes vulgaires peu à peu lui feront perdre ses attraits naturels : au fil des ans son éclat inné se voilera, avant de s'éteindre. A peine sortie de la puberté, ses sourires béotiens trahiront ses penchants pour la bassesse. A l'âge d'aimer il sera déjà top tard : cette femme n'éprouvera de transports que pour des chefs charcutiers, des rustres à moustaches épaisses, des banquiers, des employés d'épiceries ou des bandits, bref des gens sans goût. Elle mâchera du chewing-gum en pleine rue, fréquentera les bars crapuleux, dédaignant les boulevards lustrés, se vêtira chez les vils fripiers, soupera en douteuses compagnies. Ses manières seront infâmes, ses goûts suspects, son allure sans grâce. La grossièreté se lira sur sa face, son regard sera chargé des noirceurs et misères des gens de sa condition, effaçant de son front l'originelle beauté.<o:p></o:p>

    Non, il n'est point question dans mon propos de cette race de femelle déchue, haïssable aux yeux de l'esthète que je suis. Je parle bien évidemment de ces femmes de bonne éducation, de ces filles de l'aristocratie, enfin de ces enfants de l'honnête société que l'on nomme ordinairement "femmes du monde". Est-il besoin de le préciser ? Ceci pour fermer la parenthèse.<o:p></o:p>

    C'est vers les quarante ans disais-je donc, que la femme est resplendissante.<o:p></o:p>

    A cet âge le fard n'est plus outrancier et les visages pâmées qu'on caresse ont cette mâle assurance qui charme et effraie tout à la fois. Les mains qu'on baise ne font plus les timides et s’offrent sans détour, les parures sont lourdes et riches car la femme de quarante ans est fortunée, ce qui ajoute à sa naturelle élégance... Enfin à cet âge la dentelle sied mieux sur les poitrines pleines qu'à vingt ans sur les têtes vides.<o:p></o:p>

    A cet âge la femme tient ses promesses les plus folles : l'esthète n'est plus son ennemi. La quarantenaire s'épanouit aussi en hauteur.<o:p></o:p>

    A cet âge les langues se délient non plus pour discourir sans fin sur les choses légères de l'amour mais pour chanter les vieux vins âpres. La femme de quarante ans aime prononcer des mots graves entre ses lèvres écarlates : se sachant désirée, elle rit de ses ivresses, abuse de ses charmes mûrissants. Et parce qu'elle ne prend pas au sérieux ses fièvres lubriques, elle s'y abandonne d'autant plus joyeusement.<o:p></o:p>

    Pour toutes ces raisons la femme entre les deux âges est belle, certes. <o:p></o:p>

    Ce sont chez elle quelques années glorieuses, l'ultime flamboiement de sa beauté avant la lente, inéluctable décrépitude. <o:p></o:p>

    684 - Déclaration d'amour à Mireille Mathieu

    Madame,

    Je l'avoue : celui qui vous écrit est un cynique, un cruel, un sinistre fanfaron qui affectionne les amabilités au vitriol et les coups de dents en guise de sourires. Féroce et lucide, je possède toutefois une autre grande qualité : la franchise.
    <o:p></o:p>

    Tout ce qui est lié à votre métier de chanteuse populaire m'est étranger, m'ennuie, voire m'inspire un radical mépris. <o:p></o:p>

    Vous écrire pour vous dire ce que j'ai à vous dire, c'est nécessairement me compromettre aux yeux de mes pairs. En effet, vous incarnez selon moi une certaine nullité, disons tout ce que j'exècre : les moeurs, le mauvais goût, les artifices ineptes liés au monde du show-business. Surtout à l'âge où vous êtes parvenue car si chanter "Une femme amoureuse" est recevable à trente ans, cela devient indécent et ridicule quand on en a 60. Je ne dis pas que vous n'avez pas de talent de chanteuse, non bien au contraire. Votre voix est unique et captivante. Un don du Ciel. Je dis seulement que ce talent, vous ne l'utilisez pas toujours au mieux, même si je devine bien que vous ne cherchez pas à plaire à l'élite.<o:p></o:p>

    Rares sont vos chansons qui m'agréent. Quelques perles dans votre gigantesque oeuvre sirupeuse dédiée au ravissement des masses peu exigeantes que vous aimez tant (et qui vous le rendent bien) ont su toucher mon coeur d'esthète.<o:p></o:p>

    Vous écrire, c'est en quelque sorte me dévoyer vous ai-je dit. Qu'importe ! J'accepte le sacrifice de mon amour-propre, la cause étant belle.<o:p></o:p>

    Madame, le loup va rentrer ses crocs, ravaler sa rage et exposer le flanc.<o:p></o:p>

    Vous voir et entendre chanter quelque chanson d'exception il y a vingt-cinq, trente, trente-cinq ans grâce aux vidéos publiées sur Youtube fut pour moi une expérience inoubliable. Ces documents montrent qu'à cette époque où vous étiez jeune, lorsque vous ouvriez la bouche vous étiez fortement désirable. Votre visage sans aspérité rayonnait de pureté, vos lèvres adorables appelaient l'amour, vos yeux madame étaient chargés de la féminilité la plus ardente. Vous étiez belle, qui s'en était aperçu ? Votre voix sonore et brillante ne chantait pas toujours des niaiseries madame. C'est là qu'elle a su me toucher.<o:p></o:p>

    Non, vous n'étiez pas cette créature asexuée, cette statue taillée d'un seul bloc que le miroir populaire a toujours renvoyé de vous. La flamme érotique vous habitait, vous hantait, vous consumait par tous les pores. Elle m'a brûlé. L'enfer charnel était en vous, l'animale sensualité transparaissait sous vos traits faussement pacifiés. Vous étiez troublante, séduisante, désirable... Le mythe commun a fait de vous un monstre sans désir, une sainte chantant la Marseillaise, une pietà dévotieuse éprise de notes aiguës... Mais je sais bien, moi le sybarite hautain, moi l'ami des muses, que vous étiez une femme riche de toutes ses faiblesses : avide d'amour, assoiffée d'ivresse, dominée par des rêves à la mesure de ses désirs inassouvis ! Beauté, érotisme, fièvre : vous possédiez tout pour mieux donner de vous l'image exactement inverse. <o:p></o:p>

    Loin de l'image de cette sotte et lisse chanteuse vouée à la cause au rabais d'un public abêtit et indolent, j'ai vu Aphrodite. Sous le masque de pudeur, une femme à la vénusté ténébreuse ! Et virginale. Vos yeux doux trahissaient des songes inavouables. Votre visage était celui d'un ange, votre coeur celui d'un diable. J'ai perçu la braise sous votre peau trop honnête... Incarnation glaciale de la Marianne nationale, ambassadrice de la France au charme républicain neutre, dès que vous chantiez des choses intelligentes vous deveniez une tout autre créature au regard à la fois pur et venimeux. Dangereusement belle. Aux antipodes de cette carte postale mièvre, insipide que vous étiez censée représenter.

    Madame, permettez qu'un impie ensorcelé par vos charmes révolus vous déclare sa flamme rétrospective.
    <o:p></o:p>

    685 - La Beauté

    Oublions l'écervelée, faisons abstraction de la potiche, ne pensons plus à la philistine, ignorons la rassembleuse de foules populaires. <o:p></o:p>

    Ne retenons que ce visage.<o:p></o:p>

    Cette face à la beauté virginale ne peut laisser indifférent l'esthète digne de ce nom. L'authentique amoureux de la Beauté ne peux qu'être touché devant cette éthéréenne conception. Tant de grâce sur si peu de chose force une saine admiration, inspire un silence béat, convie au dialogue avec l'invisible. <o:p></o:p>

    Statue vive, pietà à la voix brillante, séraphique vision, ce visage sans vice est le reflet de tout ce qui est Beau, bon, grand. Désarmant par sa pureté, touchant par sa vérité, je le contemple et je vois le monde, sens l'Amour, perçois le Cosmos, pressens l'infini. <o:p></o:p>

    La force de la Beauté, c'est qu'elle peut convertir les coeurs en une seule seconde. Sous son règne la bête se fait Homme, la pourriture devient Soleil, la crasse se change en or, le vice s'efface.<o:p></o:p>

    Et les mots ne veulent plus rien dire. Seuls comptent ce visage, ce ciel ou cette étoile que l'on contemple. L'on s'extasie devant le mystère et on se tait.<o:p></o:p>

    Méditatif, je me perds avec délices dans ces traits qui me disent "Vertu, Beauté, Lumière"...<o:p></o:p>

    686 - Interview d'un esthète

    Une jeune reporter intriguée par le phénomène Izarra a eu une audacieuse, belle initiative : faire ses armes en m'interviewant ! Un peu impressionnée par le personnage, tremblante à l'idée de me poser ses questions, elle demeura très professionnelle cependant. Souhaitons-lui une carrière éclatante après ce coup de maître !<o:p></o:p>

    - Raphaël Zacharie de Izarra, bonjour. Tout d'abord merci de m'avoir accordé cet entretien. C'est une occasion unique pour une journaliste débutante, vous savez... Une entrée dans le métier par la grande porte, en quelque sorte.<o:p></o:p>

    Bonjour mademoiselle... Je ne vous le fais pas dire : une interview qui marquera les annales du grand journalisme et dont les retombées porteront à la postérité sa courageuse et charmante échotière. C'est en tout cas le privilège que je vous souhaite. Mais ne faisons pas patienter plus longtemps notre lectorat.. <o:p></o:p>

    - Raphaël Zacharie de Izarra, les femmes parmi les plus belles vous doivent les plus chères heures de leur vie. Nous livrerez-vous enfin vos secrets de séduction ?<o:p></o:p>

    Écoutez, je n'ai aucun secret de séduction. Je suis tout simplement moi-même, naturel. Hautain, esthète, joueur, capricieux, fantaisiste... Cruel et tendre. Odieux et attentionné. Tiède et glacial. Féroce et cajoleur. Cynique bien évidemment. Pas trop tendre, avec juste ce qu'il faut d'humour macabre... Pas excessivement de fleurs, beaucoup d'épines, un peu d'orties aussi. Ça revigore bien les coeurs, les orties. De la folie, de l'indifférence, beaucoup de rêve. Ça oui, du rêve il en faut pour mettre du baume dans les coeurs... Et puis bien sûr des caresses mêlées de mots cinglants, toujours. Bref, rien que des choses ordinaires.<o:p></o:p>

    - En effet, cela me semble très izarrien ! Vous avez le verbe facile, la plume brillante, l'éloquence redoutable : seriez-vous dans le giron des muses Raphaël Zacharie de Izarra ?<o:p></o:p>

    Il est vrai que j'ai quelque accointance avec les hôtes de l'Olympe. Je conçois pour ces lascives conceptions de l'esprit les plus tendres transports. Entendons-nous bien : leur sensualité est purement désincarnée, leurs charmes exclusivement éthéréens. Cela dit il arrive que l'une de ces inspiratrices de temps à autre descende jusqu'à moi sous une forme plus palpable afin de me souffler plus près de l'oreille quelque mot immortel à coucher sur mes feuilles. Par exemple cette questionneuse qui me fait face, voyez-vous, je la pourrais comparer à ces joueuses de luth qui me hantent exquisément et qui parfois prennent corps pour me témoigner leurs tendresses...<o:p></o:p>

    - Vous nous avez accoutumé à bien des frasques et en voilà une nouvelle preuve. J'avoue que vous êtes irrésistible Raphaël Zacharie de Izarra. Justement, comment fait-on pour vous résister ?<o:p></o:p>

    On ne me résiste pas, tout simplement.<o:p></o:p>

    - Vous voulez dire que votre essence, c'est la fatalité ?<o:p></o:p>

    L'expérience izarrienne n'est jamais anodine. Qui m'approche touche à la Vérité, dans une certaine mesure. Irréductible, totale, tragique, ultime, voire mortelle pour ceux qui manquent d'ailes, de souffle, la réalité que j'incarne n'est pas abordable à la première tentative... Bien trempées sont les âmes qui peuvent pénétrer mes profondeurs au premier abord ! La symbiose immédiate des esprits est rare : il faut s'initier à la réalité izarrienne pour y accéder. On appréhende mon cas avec prudence, hauteur, humilité.<o:p></o:p>

    - Vous racontez des choses dans vos textes (et certains sont très décriés) qui sont dures, noires, désespérantes, d'une férocité inouïe, parfois d'un humour insupportable, même si par ailleurs vous écrivez de petites et grandes merveilles. La notion de contraste appliquée à vos textes prend une dimension extrême Raphaël Zacharie de Izarra !<o:p></o:p>

    N'exagérons rien. Je ne fais que mettre le doigt là où ça fait mal, rien de plus. Je suis un conteur d'histoires, mais également un joueur d'idées. Voilà, j'expérimente sur le papier des situations fictives, mets en scène des vraisemblances, ajoute du sel et du poivre à ma plume pour mieux relever les faits du réel. Mais parfois je relate tout simplement ce que j'observe dans la réalité. Je n'invente rien. Est-ce ma faute si les gens sont vils, stupides, minables ? Dieu merci, l'humanité me montre aussi ses grandeurs et je n'omets jamais de les chanter avec éclat à travers mes textes.<o:p></o:p>

    - Vous avez des ennemis Raphaël Zacharie de Izarra, beaucoup d'ennemis. Des vrais, des acharnés. Qui sont-ils et pourquoi vous en veulent-ils    autant ?<o:p></o:p>

    Vous savez, la littérature, la vraie, est une activité certes réjouissante mais hautement séditieuse pour qui ne craint pas l'usage des mots. Des plus suaves aux plus âpres. Comme le verre qui voltige au-dessus des jouteurs, le verbe qui explose a ses éclats. Ils peuvent blesser, autant que la Vérité. A partir de là, comment voulez-vous plaire au Ciel sans déplaire aux hommes ?<o:p></o:p>

    - Raphaël Zacharie de Izarra, qui sont ces drôles d'oiseaux qui vous apprécient ?<o:p></o:p>

    Les beaux esprits, bien entendu. Cette espèce est rare, je ne le nie pas. N'est-ce pas ce qui fait son prix ? Les beaux esprits sont ces âmes nobles, courageuses, ardentes qui ne craignent pas d'avouer leur feu au contact de mon verbe. J'ai remarqué que les femmes possédant cette mâle qualité sont toujours superbement belles. Par conséquent j'estime qu'une femme qualifiée par moi de "bel esprit" est nécessairement une créature de grande classe à la vénusté triomphante. Chez toute femme digne de ce nom les beautés se rassemblent, se combinent, l'une n'excluant point l'autre : séductions charnelles et richesses de l'esprit chez elles sont toujours intimement liées... Je parle bien évidemment de la femme bien née, non de la gueuse. Je prétends qu'une femme qui lit mes textes avec coeur ne peut qu'être supérieurement belle car enfin a-t-on déjà vu un laideron s'éprendre du lustre de l'esprit ?<o:p></o:p>

    - Raphaël Zacharie de Izarra, vous êtes un gentleman et un personnage d'exception. A ce propos, côtoyez-vous les grands de ce monde ?<o:p></o:p>

    Pas du tout ! J'ai su rester simple : je vis toujours au Mans. Je demeure dans la partie haute de la cité toutefois. Cela dit, loin de moi l'idée d'aller me mêler à la mondaine agitation de ce monde. Je ne reçois ni ponte du Vatican ni sommité politique chez moi. La simplicité est encore mon meilleur étendard. J'aimerais tant enseigner cette modestie à mes détracteurs !<o:p></o:p>

    - Raphaël Zacharie de Izarra, cette première interview de ma carrière a dépassé mes espérances en termes de qualité, à tous points de vue. Du fond du coeur, je vous remercie.<o:p></o:p>

    687 - La perversité de certains anti-pédophiles

    Un anti-pédophile sur un forum déclarait un jour : "Si je rencontre un pédophile t'en fais pas il passera un sale moment !". Je vous livre la réponse circonstanciée que je lui fis : <o:p></o:p>

    Vous dites cela parce que vous n'en êtes pas un et que ça vous donne une certaine honorabilité de vous poser en anti-pédophile de base ? Ça vous rassure de n'en être pas ? Ça vous donne bonne conscience de jouer au justicier face aux pédophiles ?<o:p></o:p>

    Ça vous permet de vous dire à vous-même et de montrer aux autres : "Vous voyez, moi je n'en suis pas !"... Noble réaction ! Vous me faites songer à ces honnêtes gens qui crient "A MORT" quand on mène l'assassin à l'échafaud. <o:p></o:p>

    Vous prenez même les devants, en jugeant qu'un pédophile devrait "passer un sale moment" s'il vous rencontrait... Sans que celui-ci ne vous demande rien. Juste par le caprice de votre décision, en vertu de ce droit auto-proclamé, auto-octroyé, parfaitement arbitraire, que vous dicte votre bonne conscience... Bonne conscience tellement empressée de redresser les torts des autres, et particulièrement en ce qui concerne les pédophiles... Vous courez, volez vers les pédophiles avec votre glaive justicier. <o:p></o:p>

    A quand les ratonnades anti-pédophiles ?<o:p></o:p>

    Jugement des bonnes consciences qui ont l'impression de se blanchir en noircissant l'autre (à bon compte, la loi étant pour eux). <o:p></o:p>

    L'autre c'est-à-dire le sale, le méchant, le mauvais, le pas beau, le bête, le pas pareil, bref celui qui n'est pas soi, qui en aucun cas ne saurait être soi ! <o:p></o:p>


    Justice des injustes qui s'ignorent...
    <o:p></o:p>

    J'ai toujours été perplexe face à la propension des braves, honnêtes, bonnes gens à condamner en choeur ce et ceux qu'on leur désigne officiellement comme "l'ennemi à abattre"... Brave gens si prompts à réagir (et avec une telle vigueur, avec quelle virulence !) devant le chiffon rouge que leur tendent les médias !<o:p></o:p>

    Du jour au lendemain les masses placides peuvent s'enflammer, se passionner pour des parties de cirque sociales initiées, engagées par les médias. Juste pour un article paru dans le journal, un reportage diffusé sur TF1 mettant le feu à la poudre populacière... L'arène de la sottise de temps à autre se peuple de bovins enragés, assoiffés du sang du pédophile, de repentir de bandits, bref assoiffés de vengeance envers les méchants, qu'ils ne sont pas, eux au moins...<o:p></o:p>

    La pédophilie est la meilleure excuse de ces enragés : enfin un bon sujet pour se défouler sans crainte d'être jugé, traité de barbare, de salaud, enfin on va pouvoir "casser du méchant", se défouler de notre trop plein d'agressivité avec l'assentiment des médias, des voisins, et même du pape !<o:p></o:p>

    Les jeux du cirques rêvés en somme. <o:p></o:p>

    Le pédophile a un énorme avantage : il permet à l'honnête citoyen de se dédouaner de ses mauvais penchants. Avec un pédophile, le brave payeur d'impôts peut déverser ses excréments sur son prochain. Personne ne le lui reprochera. Alors profitons-en, se dit-il en lui-même !<o:p></o:p>

    Bien entendu, tout cela est inconscient chez la roture. La gent hurleuse et anti-pédophile croit sincèrement à la pureté de son ire.<o:p></o:p>

    Entendons-nous : mon propos n'est nullement de défendre les pédophiles, simplement de souligner la sinistre, hideuse réalité qui se cache sous cette haine anti-pédophile aux apparences si respectables qu'arborent fièrement les braves citoyens, tellement écoeurés par les agissement des pédophiles qu'ils n'hésitent pas à afficher leur vrai visage de justiciers sadiques, pervers, injustes, voire parfois franchement hypocrites... <o:p></o:p>

    Cette fureur avec laquelle les anti-pédophiles, enragés, violents (et fiers de l'être) se ruent sur leurs ennemis légalement déclarés me semble trop suspecte.<o:p></o:p>

    Je prétends que le pédophile est le révélateur des noirceurs des braves citoyens.<o:p></o:p>

    Cela n'a rien à voir avec le problème de la pédophilie en lui-même. Je ne prends aucunement la défense des pédophiles je le répète, je me permets seulement de mettre le doigt sur la réalité cachée des choses, celle que les médias n'auront jamais le courage ou simplement l'idée d'aborder, ne serait-ce que par respect, décence (encore une bonne excuse pour ne pas déplaire au lectorat ?) vis-à-vis des victimes de pédophiles. <o:p></o:p>

    Mais ni le respect des victimes ni la décence n'autorisent à censurer la vérité, encore moins la vérité cachée. Dans le domaine si trouble des méandres et contradictions de l'âme humaine, j'estime que nous devrions être encore plus exigeants, faire preuve d'encore plus de prudence, de clairvoyance. C'est précisément ce qui est hypocritement caché, inconsciemment mis sous chape de plomb au fond des êtres prétendus honnêtes qu'il faut révéler, exposer au grand jour, dénoncer. Et non pas stérilement accuser ce qui est tellement évident : la pédophilie.

    Trop facile de dénoncer ces évidences... Cela est à la portée du premier veau venu. Si je n'ai jamais dénoncé ouvertement et avec des grands mots les pédophiles dans mes textes, c'est tout simplement parce que la chose me semble aller tellement de soi qu'aborder le sujet serait parfaitement déplacé, inutile, stérile. Il n'y que les "journaleux" à la solde de la sensibilité populaire pour défoncer ce genre de porte ouverte.
    <o:p></o:p>

    La pédophilie devrait être le problème de la Justice et non pas des justiciers du dimanche qui se permettent d'adopter des attitudes scandalisées qui leur procurent le clinquant sentiment d'être meilleurs, plus respectables, bref qui les dédouanent de leurs petits vices et autres misères, tares et travers. Ils se sentent tellement plus beaux, plus grands, plus blancs, plus dignes face à un pédophile !<o:p></o:p>

    688 - Le mollusque venimeux de Hollywood

    Lorsqu'on assiste à une séance de cinéma américain dit "grand public" avec un minimum d'esprit critique, on s'aperçoit que la formidable machine de propagande que constitue le phénomène a durablement modelé la sensibilité dans notre société. Il est évident que la "culture" cinématographique yankee est un produit de consommation universel à hautes teneurs en mensonges, clichés éculés et anesthésiques mentaux, sorte de hamburger cérébral destiné à asseoir l'hégémonie culturelle américaine dans le monde. <o:p></o:p>

    Les films "grand public" sortant de Hollywood, tissés sur une trame invariable, servent avant tout à conditionner les esprits, à les aliéner insidieusement à la cause militaire, culturelle et sociale de l'Amérique du Nord tout en enrichissant leurs auteurs à la solde des protagonistes hauts placés qui depuis toujours agitent les ficelles dans l'ombre. Les valeurs défendues à travers les productions hollywoodiennes éclatent à chaque scène :<o:p></o:p>

    -         Vive l'Amérique ! <o:p></o:p>

    -         Buvez du Coca-Cola ! <o:p></o:p>

    -         Achetez-nous encore des films !<o:p></o:p>

    Gigantesque usine à faire de l'argent, mais également pieuvre "décérébrante" aux infrastructures planétaires tentaculaires répandant le poison d'une pensée unilatérale, asservissante, despotique, le cinéma commercial américain a su exploiter les faiblesses de chaque génération, flatter d'un bout à l'autre la gamme des sentiments humains les plus triviaux. Ressorts grossiers mais efficaces. <o:p></o:p>

    L'encre du monstre hollywoodien qui dans un vocabulaire bêtifiant écrit sur les écrans de la terre entière ses lois iniques est d'autant plus toxique que, sournoise, elle est inoculée sous forme ludique, formatée, prédigérée : plus la victime en reçoit, moins elle s'en rend compte et plus ses capteurs cérébraux de l'imbécillité, source de béatitude crétinisantes, sont réceptifs. <o:p></o:p>

    L'image dans ce contexte, paradoxalement, sert d'écran : elle éblouit, assomme, abrutit pour mieux faire avaler le venin. Violence, vice, vulgarité, argent, superficialité, laideur sont la principale esthétique du cinéma issu des studios de Hollywood. Doté de vertus léthargiques et "imbécillisantes" puissantes, le cinéma américain est un produit de consommation courante dangereux.<o:p></o:p>

    A déconseiller absolument pour la bonne santé morale, mentale et culturelle de tout honnête homme digne de ce nom.<o:p></o:p>

    689 - Les abrutis de base

    Je reçois souvent des commentaires injurieux de la part de gens sans subtilité ni discernement (et visiblement, hélas ! sans grande instruction) lorsque sur des forums je poste mes textes à propos des aberrations et dérives faites autour de la pédophilie, phénomène parfois révélateur du fond des êtres. Lorsque je dénonce ou constate les hypocrisies et travers inhérents au problème, certains enragés, véritables "chair à canon des médias", réagissent promptement à mes propos, fonçant comme des taureaux, aveuglés, abêtis, animalisés par une haine comique et stupide. Ces pantins primaires (que je crois assez dangereux tout de même à lire certaines de leurs réactions) tirent sur tout ce qui a l'apparence de la cible qu'on leur a désignée.<o:p></o:p>

    Quand ils lisent mes textes, dès les premières lignes ils voient rouge, me taxent de "sale pédophile", aveuglés qu'ils sont par le terme "pédophilie" et le ton posé que j'emploie. A leurs yeux ma réflexion sur le sujet est assimilée à une franche caution intellectuelle pour la pédophilie, à une véritable affinité pour les pédophiles, à une promotion éhontée pour les pratiques pédophiles...<o:p></o:p>

    Bref, ils voient en moi un pédophile à abattre, du moins un pro-pédophile faisant purement et simplement l'apologie de la pédophilie. <o:p></o:p>

    Convaincus d'avoir déniché à travers moi LE pédophile, un vrai de vrai, au-delà de la caricature, et trop heureux d'avoir trouvé par la même occasion le putching-ball sur-mesure de leurs rêves, prétexte parfait à leur bestialité d'abrutis, ils s'alarment, alertent, se mettent dans tous leurs états !<o:p></o:p>

    Ils sont d'autant plus heureux de leur trouvaille "internautique" qu'ils s'imaginent être tombés sur un pédophile assez inconscient, carrément suicidaire, ou bien complètement fou pour, non content de prôner au grand jour la pédophilie active, se permettre de signer de son nom et de mettre ses coordonnées au bas de ses criminels aveux ! A force de voir des pédophiles partout sur Internet, ils ont fini par en trouver un, un gros, un vrai, un qui avoue, un qui le crie sur la toile, un qui écrit noir sur blanc : "JE SUIS UN PEDOPHILE"...<o:p></o:p>

    C'est à la fois comique et triste. Comique à cause du spectacle hilarant de leur bêtise : on croirait avoir affaire à ces personnages grotesques de bandes dessinées faits tout d'un bloc de brutalité et de naïveté mêlées. Triste car c'est sur ces êtres primaires, aisément malléables, dénués de réflexion et ne réagissant que par des "coups de sang", que comptent certains médias et hommes politiques peu scrupuleux pour mieux fabriquer, diriger, manipuler, anesthésier ou exacerber leurs passions, qui serviront leur cause.<o:p></o:p>

    Pour ces sinistres redresseurs de torts, justiciers de foire, je suis un pédophile. Ils ont lu mes textes, ils ont lu mes réflexions, à partir de là rien ni personne ne pourra ôter de leur tête cette vérité. Et toutes mes tentatives d'explications pour leur faire comprendre le contraire seront interprétées par eux comme autant d'aveux supplémentaires...<o:p></o:p>

    Ce qui est terrible, c'est de constater les ravages de l'inculture associée à la bêtise. Certains citoyens de base ne savent pas lire les textes les plus élémentaires ni raisonner comme des adultes responsables. J'écris blanc, ils lisent noir. <o:p></o:p>

    C'est vraiment terrible car par-delà mon simple cas personnel (qui n'est qu'anecdotique), c'est à ces gens-là qu'on donne le droit de vote.<o:p></o:p>

    690 - Alphonse Trapu

    Alphonse Trapu est un provincial fini, farouchement enraciné dans ses sillons. Un drôle de corbeau niché au fin fond du cul de la France...<o:p></o:p>

    C'est un provincial, un vrai, un dur, un qui pue le fromage et le gros sec jusqu'au fond du gosier. Un des "comme on n'en fait plus", un tout crotté de la tête aux pieds. Un de ceux "à qui on ne la fait pas". Un provincial irréductible, incorrigible, incorruptible... Irrécupérable. Définitivement, désespérément, dramatiquement allergique à la capitale. <o:p></o:p>

    Bref, un bouseux dans la tête, dans le coeur et dans l'âme, fier de son sort, ne souhaitant pas d'autre horizon que son clocher ni de piédestal plus haut que son tas de fumier.<o:p></o:p>

    A ses yeux tout citadin est un ennemi : un fainéant, une mauviette, voire une tapette.

    Toutes les femmes qui ne portent pas sabot au pied sont pour lui nécessairement des "grosses morues de la ville", des "vraies putains de Paris", ou bien des "sales fumures de dépensières"...
    <o:p></o:p>

    Comme on le voit, Alphonse Trapu a des préjugés d'un autre âge, des sentiments d'un autre monde et ne fait pas dans la dentelle pour les exprimer ! D'ailleurs il ne se gêne pas pour cracher ce qu'il a sur le coeur à chaque fois que l'occasion se présente, c'est à dire quasiment jamais étant donné qu'il vit reclus dans son trou comme un vieux sanglier. <o:p></o:p>

    Chez lui pas d'électricité, pas d'eau courante, pas de savon.<o:p></o:p>

    Il s'éclaire à la chandelle, se chauffe à la cheminée, se "frotte la couenne" avec la cendre. Tout à l'ancienne.<o:p></o:p>

    D'une pingrerie prodigieuse, il économise sous après sou, jour après jour, âprement, patiemment, éperdument. Depuis toujours il se prive de tout. Pour rien, ou presque : juste pour le plaisir stérile d'économiser.<o:p></o:p>

    Dur avec lui-même, impitoyable avec les autres, il se lève tôt et se couche tard été comme hiver, refuse de s'accorder le moindre baume, la plus petite douceur, et tout cela pour ne surtout pas ressembler à ces "sacrés fainéants de bourriquots de pédés de parisiens" qu'il a en horreur...<o:p></o:p>

    Notre bonhomme est un phénomène. Un être fruste, arriéré, peu amène. Cependant j'apprécie sa compagnie dénuée de simagrée, son odeur saine de foin et de crottin de cheval, ses outrances empreintes d'un certain bon sens. J'apprécie sa rébellion bien plus que la délicatesse, la sophistication de bien de ses contemporains dégénérés à l'extrême eux. Je préfère côtoyer ce "rebelle des bois" qui me fait rire et m'inspire plutôt qu'à l'opposé ces dénaturés qui m'affligent.

    Alphonse Trapu est le dernier des Mohican de notre société embourgeoisée, le hibou mal emplumé de nos esprits abrutis par le vacarme ambiant, de nos coeurs endormis ayant rompu le contrat millénaire qui les liaient à la terre nourricière paysanne. Mais laissons le dernier mot au héros de cette histoire :

    - "Sacrés fainéants de bourriquots de pédés de parisiens !"
    <o:p></o:p>

    691 - Un cri vers le ciel

    Les cloches de la cathédrale sonnèrent dans la clarté du matin, assourdissantes. <o:p></o:p>

    Attiré par les clameurs de l'airain, je m'approchai du monument. Concert dantesque qui hurlait au ciel la piété des hommes !<o:p></o:p>

    Je demeurai au pied de l'édifice, fasciné, un peu terrifié aussi. La pierre vrombissait, la cathédrale entière formant une caisse de résonance géante. Telle une montagne solennelle aux ailes de titan, à la gueule vulcanale, le vaisseau grondait.

    La silhouette gothique qui se détachait dans le ciel éclatait de sainte fureur. Des corbeaux tournoyaient au-dessus de ses multiples sommets. La voix des bourdons montait toujours, emplissant la nue... Bientôt ce fut la tempête. Un orage de sons sourds, denses, graves, qui devint égal, uniforme puis quasi silencieux : je n'entendis plus les cloches mais à la place, un son pur.
    <o:p></o:p>

    Un léger sifflement. Une note légère, fine, aérienne. <o:p></o:p>

    Le choeur du métal, par sa beauté simple, saine, brutale, avait déclenché en moi une nouvelle capacité à entendre, l'ouverture d'autres yeux, l'éveil d'une autre conscience. Les cloches agissaient sur moi de la même façon que le bruit sourd d'une trompe met le cristal en vibration. Ou de manière plus imagée, pareil au son rauque du cor qui occasionne un chant de flûte à travers le verre qu'il fait vibrer. J'accédai à une réalité supérieure. Une transfiguration de ma sensibilité ordinaire, de mes capacités de réception matérielle venait de s'opérer : j'entendais l'inaudible. <o:p></o:p>

    Le son des cloches était derrière moi, je n'entendais plus que son essence, une musique fluette, comme si je percevais l'âme et non plus le corps des choses.<o:p></o:p>

    Bientôt le silence fut total autour de moi, bien que le clocher fût en branle. Juste la voix d'un ange, la corde d'un séraphin, le rire d'un esprit au-dessus de moi...<o:p></o:p>

    Emporté par le vent de la Beauté, j'étais parvenu jusqu'à la source du Mystère. Un bref, très bref instant. L'illumination fut furtive : en baissant les yeux vers le parvis, tout redevint fracassant.<o:p></o:p>

    Je restai un moment, troublé, décontenancé avant de m'éloigner, le pas chancelant. Les cloches derrière moi sonnaient toujours à la volée. Puis s'éteignirent progressivement. C'est là que j'entendis à nouveau la Voix Suprême qui m'avait emmené si haut un instant plus tôt, mais sous une forme inattendue cette fois : la tourmente du "carillon" passée, les corbeaux prenant le relais se mirent à croasser longtemps, longtemps dans l'azur...<o:p></o:p>

    692 - Bal du 14 juillet

    Ce soir toute la gueusaille du village est réunie à la salle des fêtes pour le bal annuel offert par l'État français.<o:p></o:p>

    Il y a le maire trônant dans l'étable républicaine, ivrogne notoire à peu près illettré qui remplit les actes officiels avec des fautes de cancre de sixième. L'Eugène est à ses côtés, fier comme un bouseux qu'il est sous prétexte que cette année la commune l'a désigné pour ranger les chaises et les tables de la salle des fêtes. Il se prend pour le premier adjoint le temps d'une soirée, pénétré de son auguste insignifiance.

    Il y a de la trompette dans l'air, du gros tambour, des rires gras et des éclats de canettes. Pourtant ici on boit du rosée, une tradition du village. Enfin, on mélange la bière en canettes et le rosée. C'est pas tous les jours 14 juillet !
    <o:p></o:p>

    Tandis que le drapeau tricolore flotte au-dessus des fêtards, la Gisèle a des vapeurs crapuleuses et le Bertrand bégaye tout seul, déjà ivre-mort alors que l'accordéon n'a pas encore donné le signal de départ... Signes que la fête sera belle cette année.<o:p></o:p>

    Écoutons plutôt le maire qui prend la parole en guise d'ouverture des festivités :<o:p></o:p>

    - Mes chers concitoyens et administrés et néanmoins amis, cette année je ne serais trop (SIC) recommander de prôner la modération en les lieux publics de cette fête que je vais avoir la joie de pouvoir en être à la tête au nom de la République française. Il faut que je vais vous rabattre (SIC) les oreilles avec un espèce de répétition forcée pour que vous comprenez qu'il faut pas aller conduire en boivant trop...<o:p></o:p>

    Applaudissements, sifflets de joie, rires rauques d'approbation !

    - J'ajoute, j'ajoute que pour faire bonne figure aux administrés qui boivront comme il faut pas contre la loi, que la loi elle sera a leur regard vigoureuse de réprovation ! Qu'on se le dise et que la fête commence ! Vive la République, vive la France et vive... !

    Les accordéons en délire ne laissent pas le temps au maire de finir son  allocution ! Les hommes et les femmes aussitôt forment un amas chorégraphique douteux, bancal, embaumé d'odeurs de transpiration, de friture et de rosée exhalé avec d'odieuses éructations...<o:p></o:p>

    Passons sur les détails ignobles du déroulement de la soirée et faisons le bilan.<o:p></o:p>

    A deux heures du matin lorsque tout est fini, on ramasse un comateux éthylique, un assommé, deux assoiffés dont le propre fils du maire, trois endormis jusqu'à l'aube dont un dans le fossé non loin de la salle des fêtes, deux futures avortées, trois dépucelages, quatre cocus, une arcade sourcilière à recoudre et quelques dégâts matériels secondaires, sans compter les menues blessures par éclats de verre.

    Et pour finir, étendu dans un coin de la salle des fêtes, le visage baignant dans une marre de rosée régurgité et mêlé du tabac de son propre mégot écrasé mais néanmoins toujours collé à sa lèvre inférieure, le maire.
    <o:p></o:p>

    693 - La grande chiasse nationale

    Les journalistes opportunistes des radios et télévisions vont nous chier à répétition leurs bavasseries stériles sur les élections américaines. Nous allons recevoir en pleine face une de ces chiasses carabinées... La vidange journaleuse du siècle ! De la pure diarrhée de commentateur, du concentré de blabla pour citoyen de base épris d'égalité intestinale. <o:p></o:p>

    Tous les orifices de la presse vont nous pisser dessus, nous arroser jusqu'aux os avec des tonnes de verbiages liquéfiés. Nous verrons apparaître sur nos écrans les têtes pomponnées des journalistes-stars tous plus baveux les uns que les autres. Histoire de nous soûler jusqu'à la moelle avec leurs chiassures de journaleux se prenant pour des missionnaires de grandes causes. Ils vont nous en nous faire bouffer du vote américain, jusqu'à nous en faire crever la cervelle !<o:p></o:p>

    Et le "Figaro" qui va y aller joyeusement de sa purée journalistique en quatre pages ! Commentaires de commentaires, analyses d'analyses... Bref de la bonne soupe politiqueuse en entrée, en plat et en dessert pour le bon peuple avide d'informations ! Des millions de lobotomisés volontaires déjà saturés de reportages télévisés, de commentaires radiophoniques vont encore ingurgiter goulûment la bouillie de marrons pondue, assaisonnée, cuite, digérée et re-digérée par le "Figaro" en guise de thés matinaux. <o:p></o:p>

    Sur le trajet de leurs bureaux, il vont s'en remettre une énième couche par les deux oreilles en augmentant le volume de leurs radios pour être sûrs de ne rien rater du grand tremblement de l'Univers qui ébranle les terres yankees. Tous les organes de la presse sont persuadés d'être investis de la mission la plus sacrée de l'année... Et puis le soir à la télévision les français moyens, parce qu'ils ne s'estimeront pas assez gavés "d'élec-chieries", vont encore se taper des heures durant les têtes enfarinées des journalistes, se repaître de leur dégueulis de politicardeux ratés, se laisser éblouir par l'éclat douteux de vieilles coches bistourisées !<o:p></o:p>

    Tout ça pour voir accoucher un mulot final (résultat du vote : soit blanc, soit noir) qui dès le lendemain ne fera plus dévier d'un millimètre la disposition des intestins des compatriotes. La grande chiasse généralisée sera passée, le peuple des constipés reprendra ses habitudes de ruminants-citoyens. Jusqu'à la prochaine colique nationale.

    694 - Les ailes de la Plume

    On me dit méchant, sec, hautain. On m'attribue des flammes d'exception. On prétend que ne n'aime ni chiens ni enfants... <o:p></o:p>

    Je n'aurai certes pas le mauvais goût de nier ces vérités éclatantes.<o:p></o:p>

    J'ajoute que je chante la gloire de mon nom sur des tombes aux épitaphes effacées, que j'insulte des vaches au hasard en Normandie, que je traîne mes guêpes autour de cerceaux noirs et jaunes, que j'ai le mot pour luire, des larmes qui perlent, le secret de décrets subjectifs, des traits d'esprit suggestifs, des craies aux prix du sucre. Bref, que je suis un fat décrié, un joueur de chameaux décrit comme bosseur, un farceur de dindonneau qui bûche sur des tonneaux, ne roulant que pour braire : en fait un drôle d'âne plein d'air, une haute ruche perchée sur ses piques.<o:p></o:p>

    On affirme que je ne suis pas une tendre compagnie, que je refuse de chanter en choeur, que je porte des masques de rat. A ceux-là je réponds qu'en effet je ne suis guère "escargotiquement" conforme, que je ne marche qu'au son de mon luth, que je suis un authentique radin.<o:p></o:p>

    Certains me prêtent des sentiments peu flatteurs, des crachats longs, des humeurs rares. Il est vrai que j'aime morguer mon semblable. J'ai le port du gant blanc méprisant, la moue affectée, des impatiences pleines de prétentions.<o:p></o:p>

    La vérité, c'est que mes détracteurs voient des ânes là où m'apparaissent des pégases...

    On me prend pour un cerf vaniteux, un porteur de rien du tout, un bégayeur de basse-cour, un gallinacé déplumé.
    <o:p></o:p>

    Je suis bien mieux que tout cela : mes pattes commencent par un R et finissent par un A. Entre les deux courent, rayés de la tête aux pieds et embaumés de mystère bien saboté, deux sacrés grands zèbres ailés.<o:p></o:p>

    695 - Les mots denses

    "Une goutte d'encre choit dans l'onde qui s'azure."<o:p></o:p>

    Décortiquons de plus près le minuscule événement à travers le prisme grossissant de la Plume...<o:p></o:p>

    L'art décrire, c'est l'or décrit par la mine et le plomb, c'est doser le sel, poser le mot, causer l'effet, ralentir d'un pas, avancer d'un pied, défaire le fil, mesurer le vers, vider la mer et remplir la mare. <o:p></o:p>

    Bref, changer le vers en soi en ver à soie et le faire valoir, puis changer le fer en foire, l'affaire en poire et finir par se désaltérer les poumons avec un grand verre de jus de pomme.<o:p></o:p>

    Revenons l'air de rien à la goutte d'encre qui au début de ce texte avait bleui l'eau... Garder le cap, retourner juste l'image et faire un sang avec cette ancre soudaine, la jeter par dessus bord, porter le voile, lever les yeux au ciel, ôter ses chaînes, briser les vagues puis se laisser emporter par le souffle du large. Écrire de la sorte c'est nécessairement tremper la plume, mouiller la poule et faire mousser le pont. Ce qui fait que le coq écume, que le vécu vaut l'écu et que l'écho fait la crête. Toujours conclure avec des enclumes : ça met de la neige dans la plume, de la brume dans la lune et du lustre dans l'astre.<o:p></o:p>

    Arrivé au terme de ce texte, vous remplissez une poire avec de l'eau salée, la pressez fort comme une citrouille afin d'en envoyer une bonne giclée dans l'oeil de celui qui vous écoute. Ébloui, il ouvrira grand la douche. Empoté comme une souche, mou comme un boulet, pâle comme l'éclair, il ne tombera jamais dans les os troubles. Les clichés pour la Plume sont des eaux claires, des fosses communes, des vrais pieux, des ratés par définition.<o:p></o:p>

    Sa bouche bée se fera fatalement bouée : vous sortirez sauf de ce fatras, vif de ce foin, sec de ce feu, fier de vous.<o:p></o:p>

    696 - Une idéale conception<o:p></o:p>

    Elle est pure, forte, belle.<o:p></o:p>

    Dure comme un granit, chaste à l'image de l'eau, aussi radieuse qu'une âme dans la nuit, elle effraie tout ce qui est sale, petit, misérable. Flamme sidérale, astre unique, son éclat est bleu, blanc, sobre.<o:p></o:p>

    Exigeante, elle vise l'impossible. Ennemie de l'imperfection, elle ne tolère pas l'ombre d'un cil. L'inconcevable est son royaume. Ses lois sont justes mais inapplicables. Invivable, elle n'a pas sa place chez les hommes. Vertueuse jusqu'à la folie, même les saints la trouvent trop blanche.<o:p></o:p>

    Elle ne sourit jamais. Presque jamais... Sa chair, c'est du marbre, ses yeux des diamants. Ou du charbon. Enfin, ils sont clairs, ils sont profonds, ils brillent... Ses pieds, ce sont des racines, sa tête ressemble à une auréole, son corps est une statue, son coeur bat pour des pierres, des étoiles, des hommes. <o:p></o:p>

    Elle est pure, forte, belle.<o:p></o:p>

    Elle dit des choses étranges, des mots éblouissants, des paroles douces, violentes. Et parfois incompréhensibles.<o:p></o:p>

    Personne ne la touche. Qui oserait ? On l'admire, la respecte, la craint, la fuit, la désire aussi. Belle, forte, pure, elle chante, pleure, prie, une lyre à la main, un serment aux lèvres, des sabots aux pieds. Ses bras s'ouvrent, se ferment, comme des ailes. Elle fixe le ciel, regarde en face, ferme les yeux... Belle, toujours elle est. Elle porte la lumière, répand le rêve, annonce l'infini. Mais combien elle est dure ! Intransigeante, sévère, grave... Et rayonnante. Hors de portée humaine.<o:p></o:p>

    Elle a un visage mais pas vraiment de nom. Nul ne sait qui elle est. Pour moi elle est un mystère.<o:p></o:p>

    697 - La "Mère Denis"

    La "Mère Denis", de son vrai nom JEANNE LE CALVE, brave et simple femme issue d'une France humble fut la victime consentante d'une infâme entreprise de proxénétisme mental orchestrée par des marchands de lessive sans scrupule.<o:p></o:p>

    Récupérée telle quelle par ces requins en cols blancs, son image a été ensuite refabriquée de toutes pièces, "reformatée", érigée en symbole vertueux à destination d'une cause perverse, grâce à l'intersession dûment monnayée de spécialistes en marketing...<o:p></o:p>

    Ces vendeurs de rêves frelatés ont fait d'une digne vieillarde la plus grande prostituée de France, à son insu. <o:p></o:p>

    Obligée par contrat de se laisser filmer, de vendre son image minutieusement mise en scène, de pervertir sa personnalité, bref de se faire passer pour une vieille putain à la solde d'une cause purement "lessivière", la "Mère Denis" est morte dans l'indignité, entourée d'une aura mercantile abjecte dont ses proxénètes ambitieux ont su tirer le plus grand profil.<o:p></o:p>

    Que l'on me permette ici de modestement rétablir l'honneur bafoué de JEANNE LE CALVE.<o:p></o:p>

    Elle repose au cimetière de Saint-Hymer dans le Calvados.<o:p></o:p>

    698 - Les petits cafards de la Toile

    L'avènement de la Toile mondiale est à l'origine de phénomènes, pensées et comportements nouveaux. <o:p></o:p>

    Parmi ceux-ci, l'émergence d'une vermine commune qui certes existait déjà de tout temps, mais sous d'autres formes plus dissimulées et à une moindre échelle. Le NET semble avoir exacerbé leur vocation, excité leur imagination nuisible, et surtout décidé les hésitants à franchir le pas : je veux parler de ces petits proxénètes, de cette sinistre engeance à l'affût du moindre gain immédiat, malhonnête et éhonté.<o:p></o:p>

    Leur devise : " Que l'argent soit avec nous ! " (Authentique...) <o:p></o:p>

    Leur force : la loi est avec eux.<o:p></o:p>

    Leur morale : aucune.<o:p></o:p>

    Exploitant les bassesses humaines, ces âmes viles assoiffées de pognon facile, ces profiteurs misant dans des investissements fructueux indépendamment de toute éthique ont l'urgent dessein d'inonder la Toile de produits et services pornographiques hétéroclites -jusqu'à la totale débilité, n'hésitant pas non plus à dépasser les pires perversités-, usant pour cela des méthodes commerciales les plus éprouvées, agressives, irrespectueuses. Pire que du SPAM. <o:p></o:p>

    Ils ont même leurs sessions "professionnelles" où ils peuvent en toute quiétude - et avec quel cynisme !- parler des nouveautés, s'échanger des conseils pour mieux faire fructifier leur trafic minable et odieux... Nulle noblesse ne les touche. Inaccessibles à la moindre hauteur morale, l'argent facile est leur unique religion. Vous leur parlez de nuisances pour l'esprit, de pollution des moeurs pour qualifier leurs entreprises, ils vous répondent qu'ils ne font rien d'illégal et pour eux l'affaire est définitivement classée.<o:p></o:p>

    D'honnêtes pères de famille, de sages étudiants ayant rompu avec les études, voire de franches crapules, d'authentiques fripouilles, des vrais chiens à pognon se sont ainsi improvisés "pro du porno" en ligne. <o:p></o:p>

    Tous ces opportunistes de l'ordure forment aujourd'hui la grande poubelle du NET.

    Aucune loi n'autorisant à châtier ce genre de vilenie, les règles républicaines permettant l'essor des comportements les plus méprisables, je vous propose d'aller tout aussi "républicainement" déverser dans la messagerie des dealers du sexe ces poubelles pleines de merde virtuelle qui encombrent la Toile.
    <o:p></o:p>

    699 - Homosexuel

    Monsieur le curé, l'abbé de la Corinthe, affectionne la compagnie virile. Les moustaches carrées l'agréent plus que les fins corsages. Les demoiselles en grande toilette lui inspirent un dégoût poliment contenu. Il a beau être entouré d'ouailles aguichantes, il n'a d'yeux que pour les mâles soupirants. Monsieur le curé qui est bel homme plaît en effet beaucoup à ces délicates qui trouvent toujours des prétextes pour aller se faire bénir au presbytère. Mais définitivement, la société des femmes l'indispose...<o:p></o:p>

    Lui ne songe qu'à de masculines étreintes, de "gendarmesques" baisers, de musculeux partenaires...<o:p></o:p>

    Parfois le soir l'on aperçoit la silhouette d'un soldat à travers la fenêtre de la maison curiale. Au petit matin bien avant la première messe l'hôte s'éclipse, laissant un parfum de mystère dans les draps de l'abbé de la Corinthe, d'après sa bonne.

    Ce n'est plus un secret pour personne aujourd'hui, l'abbé "en" fait partie. Il est de "l'autre bord". Fait de travers, il ne regarde les choses de l'hymen que de travers. C'est sa nature, il est ainsi et même Dieu ne peut rien y faire.
    <o:p></o:p>

    C'est ainsi que les demoiselles en mal d'amour vinrent de moins en moins rendre visite à l'abbé.<o:p></o:p>

    Au presbytère il reste d'une exemplaire discrétion, même si de temps à autre on perçoit des ombres singulières derrière les carreaux aux rideaux tirés. C'est un bon et brave curé l'abbé de la Corinthe : pieux, dévoué, doux et charmant. Aussi ferme-t-on les yeux sur les réceptions vespérales, allées et venues nocturnes sous son toit...<o:p></o:p>

    Mais depuis qu'on lui connaît une liaison plus sérieuse, il s'est assagi : désormais il n'y a plus d'hommes chez lui.<o:p></o:p>

    Il y a UN homme.<o:p></o:p>

    700 - Le fantôme des bibliothèques

    Dans maintes bibliothèques municipales françaises certains lecteurs tombent parfois, coincée entre les pages d'un vieux livre ou bien d'un ouvrage plus récent, sur une mystérieuse feuille volante bien connue des initiés... Pas un mois sans que quelque part dans le pays deux, voire trois, quatre de ces feuilles ne soient découvertes à l'intérieur de livres (et curieusement toujours à la page 100) les plus divers (littérature, science, poésie, guides pratiques). Nul ne sait qui les a placées là. Il semblerait même que ce mystère soit plus grand qu'on ne l'imagine car cette feuille fantôme apparaît également dans des livres rares mis sous scellés auxquels le public n'a pas accès. Certaines fois elle est apparemment neuve, propre et lisse comme si elle venait d'être glissée à l'instant dans le livre, d'autre fois elle est jaunie, craquelée, usée, visiblement centenaire... Le phénomène dure d'ailleurs depuis plus de 120 ans, la première feuille volante ayant été découverte en 1882 dans la bibliothèque municipale d'Amiens (Somme). Depuis, des milliers de ces feuilles volantes ont été trouvées dans les bibliothèques municipales à travers toute la France, jusqu'en Corse et même quelques-unes dans les DOM TOM ! Rares sont les bibliothécaires qui acceptent d'en parler. Sur ces feuilles on peut lire un texte, toujours le même depuis plus de 130 ans. Je vous le restitue fidèlement ici.<o:p></o:p>

    Je suis le passe-muraille livresque, l'alphabet mystérieux, l'araignée blanche des étagères de cette bibliothèque publique. Ombre ou flamme, je suis insaisissable. Silhouette impalpable ou brise textuelle, foudre imperceptible ou onde furtive, je me faufile entre les pages des livres pour les hanter avec ces mots. Le papier où je cours de lignes en lignes est ma demeure éternelle, et partout j'étends mes tentacules graphiques. Je suis rebelle mais inoffensif, intrusif mais respectueux. Omniprésent, je ne suis jamais malveillant. Je furète dans les profondeurs des bibliothèques sans nulle nuisance. Je suis facétieux et sans danger, espiègle et discret.

    A la fois éphémère et intemporel, fulgurant et persistant, volatile et impérissable, unique et multiple, mais surtout auto reproductible à l'infini, je prends définitivement possession des lieux littéraires. Mon destin à jamais est lié à vos lectures.

    L’esprit enfante l'esprit.
    <o:p></o:p>

    Mon antenne est onirique, ma ligne calligraphique, ma présence romanesque.<o:p></o:p>

    Je vis et je rêve, je plane et je fuse.<o:p></o:p>

    L'auto génération de lettres à but didactique est le fait d'une pensée stéréoscopique émanant du processus de langage poétique de ce présent livre -asile temporaire où j’attends le lecteur- dont l’actuelle disposition (propice à la réception passive mais ouverte d’informations extérieures d’essence transcendante) rend potentiellement apte à supporter ce phénomène né d’un principe supérieur, actuelle disposition idéalement associée aux formes intelligentes non physiques et interagissant avec d'autres ouvrages placés à proximité immédiate de l’espace ainsi dominé. Les mots, phrases, textes complexes émis à partir des connexions de plusieurs lectures unifiées par voies polymorphes permettent en cet instant même l'émergence quasi spontanée, miraculeuse et graduelle d'une seconde conscience pure évoluant en dehors de tout système cognitif dépendant d'un support traditionnel.<o:p></o:p>

    Cette feuille volante, par l'effet de forces inconnues mais puissantes qui se sont amplifiées depuis la naissance de l'ECRITURE est reliée à une cause externe de pensées lyriques générées de manière aléatoire et immédiate (libres dans la forme mais structurées dans le fond) par l'ensemble des livres entreposés en ces lieux.

    De sa régénérescence verticale puis multidirectionnelle, directement issue de sa naissance progressive, surgira infailliblement une réalité temporaire solide, angulaire, géométrique et tridimensionnelle sous forme de papier palpable où ces mots seront imprimés. L'esprit de lumière -qui est l'esprit de la Poésie- dans son évolution ascendante génère depuis son point de départ originel de pures émanations de sa propre structure miraculeuse qui se prolongeront à l'infini dans toutes les directions opposées et parallèles à l'Univers.
    <o:p></o:p>

    Lecteur, si tu es fidèle à l'esprit de la Poésie, tu suivras le chemin de la lumière dans son éternelle ascension vers le Tout. En lisant ces mots issus d’une cause suprême, tu réveilles cette conscience magistrale incarnée de tout temps à travers le Verbe, tu recrées cette âme onirique née avec l'Ecriture -symbole fait Lumière textuelle-, épanouie sous le règne de la Littérature et destinée à flamboyer sous l'aile de la Poésie. Dès maintenant, puisque tes yeux parcourent ces présentes lignes tu engages ta responsabilité jusque dans les vertiges lyriques du mot ayant accédé au degré idéal de l'Intelligence poétique.<o:p></o:p>

    Esprit, tu es là.<o:p></o:p>

    L'inerte qu'ébranle le moindre souffle verveux s'éveille et proclame la souveraineté de toute action verbale. Le Vrai qui est la flamme de la Lyre émane de toute chose, visible et invisible. Toute vérité éclate comme un bourgeon sorti de nulle part, et les mots comme les êtres émergent d'un seul et même mystère. Mortel, tu es responsable de tes éblouissements et de tes vertiges. Le bourgeon sera ce que tu en feras : fleur ou pourriture.<o:p></o:p>

    Pour toute correspondance avec l'esprit poétique, stéréoscopique et hallucinatoire, écrivez vite et bien, ici et ailleurs, maintenant et toujours. Aucune lettre ne m'échappera.<o:p></o:p>

    Signé : LE FANTÔME

     


    votre commentaire
  • 501 - L'auteur par lui-même

    Je me trompe peut-être aux yeux de mes détracteurs, mais j'estime faire partie des gens de bien qui ont l'heur de posséder non seulement particule de naissance et noblesse de coeur, mais encore sens aigu de la laideur comme de la justice, voire mépris pour les chiens et la plèbe. En outre, je mets ma fierté non pas dans le fait d'exercer de plein droit ma noblesse, ce qui est une chose somme toute naturelle (en effet, la noblesse est aussi un âpre exercice au quotidien), mais plutôt dans le fait de pouvoir sans complexe "faire les poubelles" de ma ville. En effet, je n'ai rien à prouver à qui que ce soit, et ce en vertu du fait que je suis né sous l'aile des muses et à l'ombre des lys.<o:p></o:p>

    Je gifle le manant comme je lave les pieds des statues. Je crache sur le drapeau de ma patrie et chéris les porteurs d'eau. Je prône la vertu tout en enseignant la licence aristocratique. Je blâme les possesseurs de chiens et bénis les végétariens. Je baise la main de l'archevêque sans m'interdire de le tromper officieusement avec de pieux hérétiques. Pour ne déranger personne je dis tous bas ce que certains orateurs du dimanche osent dire tout haut en se croyant spirituels. Je protège ouvertement les lâches et combats les héros, par derrière si possible. Le masque est mon allié, la franchise aussi.<o:p></o:p>

    Je sors avec des gants, un lorgnon, une canne, du moins en théorie : chez moi le sens de la théorie est très développé. J'applique délibérément des principes caducs, anachroniques aux phénomènes contemporains. Je flatte les pauvres gens, critique les mêmes, mais tente de me faire bien voir d'eux. Je recherche la compagnie des imbéciles et des idiots. Mais aussi celle des sots et des niais. Je m'entoure de scrupules, me vêts comme tout le monde, loge au premier étage. Je pointe du doigt les vices des autres tout en me targuant d'être sans tache. Je soutiens que le ciel est olympien et que la voûte me contemple. Béni des dieux, haï des hommes, je suis l'ange à l'unique plume.<o:p></o:p>

    J'ai le courage d'écrire ce qui me plaît, et s'il me plaît d'aligner âneries et sornettes, ça ne regarde que moi et non mes lecteurs, nul n'étant obligé de me lire. Mais si on me lit, obligation est faite de me rendre gloire : c'est là mon plus cher droit d'auteur. J'ai le courage surtout de flagorner amis et adversaires. Et je ne m'en cache pas, contrairement à ces âmes sèches qui s'enorgueillissent d'être si bien tranchées à ce sujet ! Humble, je ploie, courbe l'échine jusqu'aux pieds de mes maîtres pour mieux me redresser ensuite, plein d'ingratitude envers ceux-là qui me veulent tant de bien. Je sers avec zèle la cause des perdants, crache facilement dans la soupe puis viens m'abreuver sans calcul ni retenue à la coupe des vainqueurs.<o:p></o:p>

    Telles sont mes lois, ainsi ai-je été conçu et plaise au Ciel qu'il en soit ainsi.<o:p></o:p>

    502 - Incursion dans l'au-delà

    Lors d'une chute violente j'ai perdu connaissance et suis parti dans l'autre monde. J'ai fait un voyage inouï. Même si je suis resté au seuil de la porte, à l'orée de la Mort, voici le plus lointain, le plus fabuleux voyage qu'un vivant puisse faire :<o:p></o:p>

    Lors de mon "coma" j'ai abordé un rivage sans fin. Là-bas rayonne l'universelle Lumière, éclat pur émanant d'une source unique : le Mystère que l'on ne peut nommer. Le ciel était le sol, et le sol était le ciel. Je fus accueilli par des astres radieux et vis des oiseaux au vol éternel formant couronne au-dessus de ma tête. Les pensées étaient des éclairs, les mots étaient des prières, les paroles étaient des chants.<o:p></o:p>

    Là-bas l'Amour est un flux palpable, une chaleur visible, le sang de tout ce qui vit. C'est une énergie intarissable, un mouvement perpétuel croissant qui se nourrit de ses propres tourbillons et donne des fruits qui ne meurent pas, et qui ensemencent à leur tour. J'ai vu cela avec les yeux de l'esprit.<o:p></o:p>

    Il y avaient le pauvre et le riche, l'opprimé et l'oppresseur, le mendiant et le roi. Les premiers lavaient les pieds des seconds, puis les seconds à leur tour s'humiliaient devant les premiers. Les montagnes applaudissaient, j'ai vu ce que je vous dis. <o:p></o:p>

    Puis j'ai visité des lieux plus sombres. Là, je me suis penché au-dessus d'un gouffre, je n'en voyais pas le fond. L'abîme contenait l'orgueil, et l'orgueil était vertigineux. Me penchant un peu plus, j'ai cependant pu voir une eau noire au fond. Un visage s'y reflétait et me regardait, tout étonné. <o:p></o:p>

    C'était le mien.<o:p></o:p>

    Là, un ange est intervenu, me réintroduisant dans mon corps avant que mon âme ne s'en échappe tout à fait, et ce afin que je puisse vous raconter mon aventure.

    Les incrédules seront pris en pitié.
    <o:p></o:p>

    503 - Parler creux pour tester mes interlocuteurs

    Ce qui est une certitude en littérature comme en rhétorique, c'est de faire les choses à la lettre sans souci des mots relativement à leur signification intrinsèque. L'inconstance libère l'auteur des exigences de son art. Libre, il jouit de son pouvoir. Ses chaînes brisées lui confèrent justesse et exactitude, rectitude et hauteur. Sa loi fait foi. L'écrivain ne jure que par ces mots-là. Ceci est vrai aussi bien dans le contexte original du grammairien qui, précis, manie avec science et rigueur sa plume, que dans le contexte secondaire de l'auteur pris dans son propre texte. Là il devient auteur, véritablement.<o:p></o:p>

    Alors que le lecteur juge selon la capacité de l'auteur à l'émouvoir, le surprendre, l'auteur lui s'engage dans une voie nécessairement inconfortable et cela pour la raison essentielle qu'il possède la clé de son propre enfermement comme de sa libération. Les livres sont sa prison et ses horizons. Obligé qu'il est de reconnaître une si cruelle évidence. Il s'en évade parfois au prix d'un effort surhumain. Justement, là est son pouvoir. Presque magique. Il fascine par ses mots et son imagination est féconde, mais qu'en pense le lecteur au moment où il perd contact avec le réel, déjà emporté par les ailes de l'écrivain ? Oeuvre d'imagination ou rêve éveillé ? Fiction ou récit dans le récit ? Au lecteur de faire la part des choses, de se frayer un chemin dans la forêt de livres que l'auteur lui offre dans la foulée, disert et secret à la fois, bavard et muet. Entre l'auteur et le lecteur, admiration et rejet, fusion et incompréhension.A l'auteur de semer ses petits cailloux dans les méandres des mots qu'il jette au hasard de ses errances livresques, définitivement inaccessible au jugement du lecteur qu'il projette dans une sorte de vie rêvée, tels ces mots noirs jetés sur la blancheur de la page qui nous révèlent soudain la beauté enfantée, obscure, gémissante, douloureuse et prometteuse de l'Oeuvre.<o:p></o:p>

    Ce texte ci dessus écrit en moins de dix minutes n'a aucun sens. C'est une succession de lieux communs "à l'oreille", quelque chose qui donne l'impression de sonner juste tant dans le raisonnement (il n'y a aucun raisonnement) que dans les sons (association judicieuse de grammaire et de termes choisis qui vont bien ensemble et qui donnent à l'ensemble une belle et docte apparence) car ressemblant à un discours d'exégète, d'universitaire. Petite précision : pour donner plus de crédibilité à cette bouillie, il faut prendre des airs d'initié en faisant la lecture de ce texte ou en le lisant devant une assemblée.<o:p></o:p>

    Ce sont des phrases creuses reliées entre elles par des sonorités d'érudits, des airs de professeurs de littérature, des idées de savants. Mais il n'y a aucune idée. Il n'y a rien que des mots, des phrases qui impressionnent. Les phrases ont été écrites indépendamment les unes par rapport aux autres du point de vue du sens, seules des associations sonores et des apparences sémantiques les relient. Mais ce ne sont que des apparences de sens.

    Le vrai sens général est parfaitement creux mais donne une impression de plein.
    <o:p></o:p>

    504 - Aux patrons de bistrots louches et jet-seteurs véreux

    Aux puissances humaines et motrices régissant ce monde, aux chefs de files et belles mécaniques qui font avancer idées sottes et hautes technologies, aux seigneurs bagués, adulés, protégés, pleins d'amis et d'artifices, aux chimpanzés humains imbus de leurs apparences, j'oppose l'innocence de ces mots, la vertu qui n'a plus cours, la simplicité de l'eau.<o:p></o:p>

    Intellectuels sans coeur, cyniques repus, nantis corrompus, jouisseurs impies, esthètes dépravés, penseurs de la matière, conducteurs d'engins rutilants, maffieux aux moustaches épaisses, bandits au poil fin, patrons burnés d'entreprises douteuses, joueurs de poker, prosternez-vous devant l'ange qui passe.

    Je suis la petitesse physique, la fragilité du corps, la vulnérabilité terrestre mais la force de l'âme, la puissance de l'esprit, l'éclat intérieur. Je ne suis qu'insignifiance dans votre monde, mais une gloire dans le Ciel. Vous vous croyez forts, vous n'êtes que brindilles. Vous êtes bêtes, creux, sales, vous puez le néant, le fric, le whisky.

    La Vertu vous crache à la face.
    <o:p></o:p>

    505 - Choc des cultures

    Lorsque j'entre dans les magasins alimentaires de certaines petites villes sarthoises embourbées dans des habitudes ancestrales, lorsque j'entre dans ces lieux hautement prosaïques que sont les chaînes de magasins, la moue volontairement hautaine, l'allure délibérément détachée, je ne peux m'empêcher -c'est plus fort que moi- de considérer de toute ma hauteur les clients affairés qui papotent entre eux, entretenant le lien social sur leurs bases communes, plébéiennes.

    Leurs mines grossières, rougeaudes, le ton de leurs conversations, les soucis vulgaires qu'ils se confient, leurs manières, la toilette de leurs femmes, leur voix, leurs rires, leurs achats : tout trahit la misère de leur condition.

    La bassesse de leurs aspirations alimentaires se lit sur leurs visages. Tel grossier moustachu (la moustache : signe de virilité, de séduction chez la roture) hilare et bonhomme s'épanouit à l'usine, passe ses soirées au bar, lave scrupuleusement sa voiture une heure durant, est un fidèle spectateur des jeux télévisés les plus insanes, aime le gros café, le pastis... Tout ça se voit, est écrit noir sur blanc sur sa face "d'ouvrier mécanicien spécialisé" chez Renault. Tout ça transpire à travers son air porcin en quête de satisfactions comestibles, à travers ses gros bras aux tatouages douteux, à travers sa gourmette clinquante, son maillot bon marché mal ajusté, son bob publicitaire vissé sur son front déjà ruisselant de fièvre consommatrice...
    <o:p></o:p>

    Telle autre pousseuse de chariot est une ménopausée mangeuse de viande de porc convaincue, le corps adipeux, l'esprit décrépit, atteinte à la quarantaine de pré-sénilité qui la conduira à la fin de sa vie tout droit à l'hospice, abrutie au dernier degré par une vie misée, basée, édifiée sur les biens ménagers. Une existence entière tourmentée par les trésors domestiques de son panier, consacrée aux mystères de son évier.<o:p></o:p>

    Voilà ce que je ne peux m'empêcher de penser lorsque je me mêle à la clientèle de ces lieux commerciaux, dans les petites villes sarthoises que je côtoie. Et je me sens supérieur à cette humanité déchue. Cette humanité vivant dans l'opulence matérielle, la pauvreté d'esprit, je lui souris par devant. Et la méprise en silence. A quoi bon tenter de lui expliquer le fond de ma pensée ? Que comprendrait-elle à mon dédain ? <o:p></o:p>

    Je préfère cultiver un "malentendu constructif" avec cette populace, faire croire à ces brutes moyennes que je suis des leurs, en dépit de mes manières d'aristocrate. Alors je souris à la caissière, je souris à mon voisin qui me précède. Je souris à leurs plaisanteries. Mais en moi je pense : <o:p></o:p>

    -         " Pauvres types ! Minables ! Je ne suis pas de votre monde et vous ne le voyez même pas, âmes grossières que vous êtes ! Et vous n'avez même pas honte d'étaler vos gros quartiers de viande congelée sur le tapis de caisse ? Et vos saucisses pur porc de prolétaires dégénérés que vous avez toujours été, ça ne vous gêne pas de les exhiber là devant un esprit raffiné comme  moi ? Comment osez-vous ! Et ce soir vous allez regarder TF1 en bouffant vos foutus steaks-frites ! Et ça, ça vous rassure n'est-ce pas, ça vous rend encore plus vous-mêmes, hein ? Et puis vous crèverez d'un infarctus, d'un cancer des poumons, d'un cancer de l'esprit, d'un cancer d'abrutissement, d'un cancer de roturiers ! Vous êtes des infirmes du coeur, des handicapés de l'intelligence, des sensibilités atrophiées. Moi je lis sans peine la profondeur de votre indigence sur vos visages et vous, avec vos cervelles pétrifiées dans leurs habitudes horizontales, vous êtes bien incapables de lire la finesse de mon esprit qui en ce moment vous honnit, vous dissèque, vous scalpe sans la moindre indulgence ! Vous me prenez à témoin de vos préoccupations de bovins, de vos espérances de mangeurs, de conducteurs, de cotisants... Et vous pensez que je suis des vôtres ? Si vous saviez... Abrutis, minus, petits que vous êtes ! "<o:p></o:p>

    Ils continuent de me joindre à leurs conversations d'acheteurs de saucisses-patates-congelées. Et moi je leurs réponds sourire au lèvres, crocs rentrés. Mais acérés. Et je me retiens de les montrer, aimable, impassible. En sortant du magasin, je leur fais un signe amical, leur souhaite une bonne journée.<o:p></o:p>

    Avec soulagement je respire l'air du dehors en me répétant inlassablement, comme un défoulement mental :<o:p></o:p>

    - " Bande d'abrutis, petits minus, pauvre humanité déchue..."<o:p></o:p>

    506 - Le papy fumeur

    Un méchant homme hante mon jardin. L'air débonnaire, ventru, mal rasé, un petit vieux vient fumer quotidiennement sous ma fenêtre. Avec son petit chapeau, ses moustaches courtes et ses épais sourcils, tous les jours il vient cracher sa fumée chez moi en ricanant. Quel que soit le temps, qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il gèle, le papy fumeur est là, qui répand son venin volatile. <o:p></o:p>

    D'abord il rôde autour de la propriété comme si de rien n'était, puis après quelques minutes de ce manège habituel il pénètre tout naturellement par le jardin et vient directement jusqu'à ma fenêtre. Là, il commence par scruter l'intérieur de la maison de son petit oeil pervers, puis satisfait de voir que je suis là, il entreprend de se rouler sa cigarette en prenant bien soin de ne rien me laisser perdre du spectacle. C'est à ce moment-là qu'il arbore son fameux petit sourire vicieux à travers les carreaux... Et c'est parti pour des heures. Oui, pendant des heures et des heures le papy fumeur grille cigarette sur cigarette, debout sous ma fenêtre sans jamais se départir de son petit sourire vicieux. Mais sa présence importune ne se limite pas à l'activité tabagique, non... Entre deux bouffées il tousse, crache, ricane, fait des ronds de fumée. Il s'amuse encore à salir mes volets en y écrasant ses mégots, dépose ses cendres sur le mastic des carreaux, fait des dessins avec... Bref, durant des heures et des heures, il fait un vrai numéro sous ma fenêtre !<o:p></o:p>

    Et moi, tétanisé par le regard narquois de cet invétéré fumeur qui m'épie et que la mauvaise saison ne rebute pas, bien au chaud chez moi je le regarde faire, à la fois fasciné et horrifié. Je passe mes journées à observer cet intrus s'adonnant au tabagisme actif qui m'observe à son tour, tout à son activité malsaine. Enfin le soir vers dix-huit heures il part. J'attends qu'il disparaisse complètement de chez moi. Alors c'est chaque fois le même rite : pestant contre l'infernal petit vieux je sors ramasser avec des gants ses mégots répugnants, dégoûté par les bouts de cigarettes à moitié couverts de crachats. Et je nettoie l'emplacement que le lendemain il viendra salir de la même façon, à la même heure.<o:p></o:p>

    J'ignore qui est cet inquiétant papy fumeur et ne cherche plus à savoir qui il est ni d'où il vient. Sa présence me suffit. Et l'idée de l'interroger m'est passée, tant je crains que vexé par mes questions il ne disparaisse de ma vie. En effet, je me suis assez vite rendu compte qu'il meublait mes journées en y apportant un délicieux frisson ainsi que de vertigineuses interrogations. Je crois que sans ce mystérieux visiteur je m'ennuierais ferme dans ma maison. Chaque jour j'attends sa venue, terrorisé et intrigué, impatient et inquiet.<o:p></o:p>

    En fait il occupe avec fruit mon existence. C'est pourquoi chaque soir, même si je maugrée, je nettoie de bonne grâce les saletés déposées sous ma fenêtre par l'infatigable fumeur. Jamais je n'ai pu me résoudre à clore l'entrée de mon jardin par laquelle passe le papy fumeur depuis maintenant vingt-cinq ans.<o:p></o:p>

    507 - Avarice extrême

    Âgé de quatre-vingts ans, j'ai passé une existence calculée à la bouchée près. J'ai pu conserver une bonne santé naturelle dans un corps toujours maigre avec plein de choses sensées dans la tête. Je possède un coffre bien rempli mais surtout pas de femme : ça coûte. Vivre d'air pur et d'eau claire, ça ne mange pas de pain, aussi ai-je vécu intensément avec deux fois rien. Jusqu'à satiété j'ai respiré l'air, bu l'eau qui ne me coûtaient que la peine d'ouvrir la bouche. Au-delà de ce qui est humainement possible j'ai repoussé les limites de l'économie. Une vie entière à tout compter. Homme sage, avisé, à l'abri du besoin, je suis fier de mon destin. Jamais je n'ai abusé de chandelle, ni de gras, ni de rien qui soit inutile. La joie de l'économie me fait tenir en vie depuis quatre-vingts ans.<o:p></o:p>

    J'ai passé tous les hivers de ma vie sans chauffage, je n'en suis pas mort ! Même si le bois est gratuit, ça n'est pas une raison pour le gaspiller. De fait j'ai amassé un trésor de fagots presque jamais utilisés. J'ai mangé de la soupe froide tant que j'ai pu, ma foi je ne m'en porte pas plus mal... J'ai toujours refusé de payer ce que je pouvais obtenir par mes propres moyens, et j'ai bien fait ! Avec un peu de patience, d'esprit judicieux et de courage je peux toujours manger sans rien débourser... Des pommes tombées au bord des fossés ? Voilà du bon cidre pour toute l'année ! A condition bien sûr de le boire à petites gorgées... Des pissenlits sur le chemin ? A moi la bonne salade ! Et le boulanger, vous croyez que je vais l'engraisser ? Ca fait bien longtemps que j'ai oublié le goût du pain frais... Je n'ai qu'à passer dans les fermes la nuit pour récupérer les quignons jetés aux chiens et aux canards. C'est-y pas honteux de donner du pain aux animaux ? Même vieux, du pain c'est du pain. Personne ne me convaincra du contraire. <o:p></o:p>

    Vous pensez peut-être que je ne suis pas un homme propre ? Pas besoin d'acheter du savon quand on a de la cendre qui fait aussi bien l'affaire ! L'eau froide de la rivière et la cendre de ma cheminée ne me coûtant rien, je me lave autant que je veux. Il n'y a aucune raison pour que je me prive de ce plaisir gratuit. Je suis riche de pain dur, riche d'eau claire, riche de pommes, riche de pissenlits, riche de cendres, pourquoi dépenserai-je des sous à acheter du pain dur, de l'eau, des pommes, des pissenlits et de la cendre alors que je les ai naturellement sous la main ? Toutes ces bêtises, ce ne sont que des prétextes pour faire dépenser les honnêtes gens !<o:p></o:p>

    J'ai eu des amours dans ma vie. Vivant sans femme, j'ai pu reporter mon affection sur mes animaux. Quand on aime les animaux, vous croyez peut-être que ça les rend moins tendres, moins bons ? C'est du pareil au même ! Le goût ne change pas, alors pourquoi me serai-je privé de les manger ? J'ai aimé comme un homme impartial mes poules, mes coqs et mes dindes : je les ai nourris au grain près. Chacun a eu sa part, ni trop, ni pas assez. Devant Dieu je le jure. Sévère mais juste.<o:p></o:p>

    Les femmes je les ai aimées aussi, mais avec prudence. C'est qu'elles m'ont toujours inspiré un effroi viscéral. Les approcher, c'est déjà mettre la main à la poche. Une fois qu'un propriétaire de biens pose le doigt sur une femme, moi je dis que c'est l'engrenage. Tous ceux qui se sont mariés autour de moi, à la fin de leur vie je me rends compte qu'ils ont dilapidé une fortune à élever une famille ! J'ai mal pour eux. Aussi me suis-je toujours méfié de ces dépensières. Toute ma vie je les ai fuies, me contentant de les regarder de loin, une main sur la bourse, l'autre sur le coeur car je suis un homme sensible... Ce qui me console, c'est que quand je fais mes comptes, je me dis que finalement j'ai bien fait de rester seul toute ma vie.<o:p></o:p>

    Je n'ai pas encore fini ma vie, je tiens bien debout sur mes deux pieds ! Je compte bien économiser pendant encore vingt ans. Il n'y a pas plus résistant que moi.

    Ma devise : la dépense, ça use. L'économie, ça conserve !
    <o:p></o:p>

    508 - Une belle cause

    Je traverse les profondeurs du cosmos, sonde l'immensité des âmes, voyage dans l'infini des rêves pour souffler sur l'aile de l'insecte, déranger la poussière ou m'asseoir à côté de l'affamé.<o:p></o:p>

    Je suis le compagnon des pauvres, l'ami des princes, le fils de la fortune et le frère de la misère. Je suis couvert d'or et vêtu de haillons, je mange des lauriers et crache du vin. La mort est à ma droite, l'enfer est à ma gauche. Devant moi, la Lumière. Derrière, mon ombre. Je ne porte aucun masque car j'ai mille visages. Sur mes épaules, un fardeau qu'allègent deux ailes.<o:p></o:p>

    Je marche pieds nus, mais ma route est dorée. Je dors à la belle étoile, mon lit a la légèreté, la douceur du vent. Je chante dans les cimetières : les marbres sous mon frisson deviennent chauds comme la braise. L'Amour m'appelle souvent, je le piétine en quelques mots. Je suis là où on ne m'attend pas.<o:p></o:p>

    Les sots essaient de me mettre en lignes, de me boire dans toutes les coupes, de m'apercevoir dans les nuages, au clair de Lune ou dans les chemins creux. Mais je suis insaisissable, je me cache sous les chapeaux et dans les gouttières, sous les jupons et dans les petits souliers. Je fuis les statues et la pompe. Loin des regards, j'apparais comme un chat. Je suis silhouette sur les toits, cri dans la nuit et songe diurne. Mon pas résonne comme le sabot d'un âne, cependant il est tout de velours. Je ne suis pas celui que vous croyez. Je vous crache au visage et vous chante mes malheurs, je baise votre front et vous berce au son de ma lyre.<o:p></o:p>

    Je tombe du ciel par hasard, vous m'appelez la pluie, la graine au vent ou le givre, et moi je vous dis que je suis la Poésie.<o:p></o:p>

    509 - Vignale me pose vingt questions

    Le célèbre et contesté VIGNALE m'a posé vingt (19 en fait, du fait d'une erreur...) questions exquises à travers une de ses fameuses e-terviews dont il a le secret.<o:p></o:p>

    1. Bonjour RAPHAEL ZACHARIE DE IZARRA, je suis ravi de vous accueillir en carré VIP sur Le Mague. Ayez l’obligeance de vous présenter à nos lecteurs (pour les malheureux qui n’ont pas le bonheur de vous connaître). Habitez -vous toujours dans cette jolie province du Mans ?


    Bonjour Maître. Effectivement, j’habite toujours dans cette verte région où poussent pommes à cidre et mauvaises herbes. Il y a bientôt trois ans, Le Mans fut passablement honoré de me compter parmi ses nouveaux habitants. Précisons qu’en esthète digne de ce nom je loge dans les hauteurs aristocratiques de la cité (la partie vieille de la ville : le "Vieux-Mans"), à l’ombre des tours gallo-romaines qui donnent aux remparts leur aspect... gallo-romain justement. La vitrine ne manque pas de prestige, ma foi !
    <o:p></o:p>


    Je dirais que le Vieux-Mans, pompeusement renommé "Cité Plantagenêt", est l’équivalent provincial des Champs-Elysées pour Paris.
    <o:p></o:p>


    Disons que j’habite les Champs-Elysées, ce sera plus simple.
    <o:p></o:p>


    2. Vous avez du style, vous aimez la langue comme personne et elle vous le rend bien, comment êtes-vous entré en littérature vous qui êtes désormais La Littérature ?
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    J’ai de de la plume, c’est peu dire. Cependant, qui vous dit que j’aime la  langue ? Je la respecte avant tout, la sers du mieux que je peux. Je la crains et la courtise, la toise et l’encense. Avec froideur, hauteur, dédain. Parfois je me montre d’une mesquinerie inouïe envers cette très exigeante, très autoritaire et très belle maîtresse. C’est ma manière à moi de l’aimer. Je suis surtout à ses ordres : elle devant, moi derrière. Je suis entré en littérature par la porte étroite. Je ne connais qu’une vérité en littérature : le travail.<o:p></o:p>


    Je ne tolère que l’excellence chez moi, aussi suis-je tout naturellement devenu LA LITTERATURE. Il n’y a là aucun mystère. Ajoutons pour être honnête que mon âme est de fort belle qualité : mes rêves ont de l’éclat, mes aspirations de la noblesse, mes amours sont vertueuses. Bien évidemment le travail ne saurait suffire dans cette affaire, il faut d’abord partir d’une base solide. Le sous-entendu va de soi.
    <o:p></o:p>


    3. On peut lire plus de cinq cents de vos textes (courts) sur Internet. Vous êtes très prolifique, doué et travailleur, d’où vous vient cette frénésie littéraire ?
    <o:p></o:p>


    Le besoin d’être admiré, reconnu, apprécié des beaux esprits, le besoin de briller en mondaine société comme en plus crapuleuse compagnie. J’aime les personnages. Des plus insipides aux plus éclatants. Je suis un humaniste accompli : selon moi les six milliards de personnes que compte notre Terre sont chacune un roman passionnant. Je suis d’autant plus prolifique, doué et travailleur que la littérature, quand on y réfléchit, c’est bien peu de chose. Mes textes, ça n’est que de la littérature. Autant dire, rien ou presque. Du vent (je vais revenir plus loin sur cette notion de vent, ambiguë). De la pure vanité. La vie est ailleurs en vérité. Toutefois, plus rarement la Littérature a une fonction salvatrice pour le lecteur. Les lettres peuvent faire office de béquille morale et sociale pour certains. Combien de sots ont été sauvés par la Littérature ? Aux indigents du coeur et de l’âme je professe l’ivresse littéraire. Je souhaite faire partie en tout cas des très rares auteurs qui ne sont pas vains. Si ma Littérature c’est du vent comme l’est en général toute littérature, j’espère au moins que le souffle ne contient pas que du vide, qu’il est d’essence plus divine que météorologique.
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    4. Vous le savez je considère que vous êtes un des internautes les plus doués de sa génération, comment expliquez-vous que Gallimard, Grasset et les autres ne se battent pas plus pour vous avoir dans leurs petits papiers ?<o:p></o:p>


    J’ai ma fierté d’auteur moi aussi. Au nom de quel petit dieu de l’édition devrais-je sacrifier mon amour-propre ? Pourquoi devrais-je me sentir obligé de m’abaisser devant des statues de plomb ? Mon talent d’auteur ne m’engage nullement à faire le singe savant devant les rois du cirque. Certains le font, ça les regarde. Le statut d’auteur ne permet pas toutes les licences, à mon sens. J’estime que ce sont les éditeurs qui devraient venir à moi, et non l’inverse.
    <o:p></o:p>


    Mon rôle est d’écrire, pas de courir après les éditeurs. Chacun son métier. Si les grands éditeurs parisiens ne me connaissent pas encore, cela prouve qu’ils sont de mauvais éditeurs. Leur travail devrait consister à aller dénicher l’oiseau rare là où il vit, et non à attendre que celui-ci vienne à eux à tire d’ailes. Je le répète, chacun son métier et j’ai mon amour-propre.
    <o:p></o:p>


    5. On pourrait vous croire anachronique mais ce serait une grave erreur, en fait vous parlez avec un style élégant et un peu suranné de la vie moderne et de ses drames. A ce propos j’ai lu un très beau texte "écologique" signé de votre (belle) plume...
    <o:p></o:p>


    L’anachronisme n’a rien de honteux. Détrompez-vous, je suis vraiment anachronique. C’est voulu. Je suis sensible à l’élégance, à la classe, à la courtoisie, aux nobles élans et aux petits vices mesquins. J’affectionne les atmosphères mélancoliques, désuètes, délicates et tristes. Vous auriez dû citer le titre de ce texte "écologique" que vous évoquez car je ne vois pas de quoi vous voulez parler... Il y a 508 textes actuellement sur mon site. Dés lors, la précision s’impose.
    <o:p></o:p>


    6. Vous avez un côté un peu dandy et on aimerait en savoir plus sur votre mode de vie... comment se passe une journée ordinaire de RAPHAEL ZACHARIE DE  IZARRA ?
    <o:p></o:p>


    Je suis un authentique dandy. Modestement, je me lève aux aurores. Je porte canne, lorgnon, gants blancs et chapeau. Du moins en esprit, théoriquement. Un vrai dandy n’a pas besoin d’artifices pour s’affirmer comme tel, n’est-ce  pas ? Aussi arboré-je avec morbidesse et hauteur quelque vague manteau rapiécé en guise de canne, lorgnon, gants blancs et chapeau. La qualité du tissu ayant finalement une moindre importance, le port seul compte. Il doit être dédaigneux, distingué et détaché à la fois. Une moue inébranlable signe définitivement ma hauteur. La moue aristocratique me sied à merveille.
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    7. Je crois savoir que vous avez quelque animosité envers ce cher Juan Asensio animateur du célèbre Blog du Stalker. Quel différend vous oppose à cet écrivain bien connu de la toile ?<o:p></o:p>


    Asensio est un bel esprit. Il est brillant, pénétrant, vif. Sa plume est dense, sérieuse, riche de citations, mais parfaitement dénuée de vie. C’est un universitaire érudit, un compilateur de savoir oiseux. Autant dire qu’il est atteint d’une maladie qui s’aggrave avec le temps. Asensio est utile aux purs intellectuels, il donne à leurs neurones en mal d’agitation stérile les contacts nécessaires à leur bien-être primaire. Asensio est un talentueux déclencheur de synapses. Avec lui les neurones doctement ébranlés sont voués au seul plaisir - mais quel plaisir ! - d’être mis en contact les uns avec les autres.
    <o:p></o:p>


    8. Si vous aviez un empire qu’en feriez-vous ?
    <o:p></o:p>


    Écoutez, je ne vais pas faire de littérature. Si j’avais un empire, j’en ferais un royaume. Mieux encore : une république. Les lettres y brilleraient d’un éclat... assez moyen. En effet, je mets en avant l’Homme. Je crois en la beauté (terme général désignant Vérité, Beauté avec un B majuscule, Bien, Progrès de l’Esprit, etc.). Et plus je crois en la beauté, moins je crois au mal.
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    9. Vous trouvez que le roman est un genre mineur, n’aurons-nous vraiment jamais le plaisir de vous lire sous cette forme-là ?<o:p></o:p>


    Je n’ai ni le souffle nécessaire ni l’esprit assez corrompu par les moeurs littéraires contemporaines pour écrire un roman. Jamais je n’accepterai d’être associé à la racaille de la plume qui amoncelle pavé sur pavé dans les librairies. L’inflation "littéraire" ôte nécessairement son prix au roman. Plus les illustres Tartempion écrivent, moins la Littérature est tirée vers le haut. Les éditeurs ont de plus en plus tendance à ratisser large. Nous vivons dans une société décomplexée où bien des trivialités sont devenues possibles. Ainsi n’importe quel faiseur de mots peut se targuer d’écrire du roman au kilomètre. Savez-vous qu’en France un livre paraît tous les quarts d’heure en moyenne, et ce tout au long de l’année ?
    <o:p></o:p>


    De rares poissons d’envergure surnagent héroïquement dans cette mer pleine de crevettes, poisseuse à souhait. Je n’écrirai pas de ces romans jetables qui polluent notre culture plébéienne. Je n’écrirai pas de roman, ou alors ce sera une oeuvre immortelle. L’infini ou rien du tout. Si je parle en belles lettres, c’est pour que le Ciel entende ma voix. Mais si je n’ai rien à dire aux anges, je la ferme définitivement jusqu’à la tombe. Ce que devraient faire la plupart des "romanciers" d’aujourd’hui.
    <o:p></o:p>


    10. Quels sont les auteurs contemporains qui ont vos faveurs littéraires ? Houellebecq vous touche t-il davantage qu’un Beigbeder, un Zeller ou un Moix ou bien vous ne lisez que les morts ?
    <o:p></o:p>


    Je suis fièrement inculte. Vierge de bien des influences mais non point sans avis. Je connais les titres et les têtes des écrivains actuels, mais guère plus. Rares sont ceux qui ont su me plaire avec leurs mots. Je possède une intuition étrange : je sais reconnaître un auteur de valeur sans ouvrir un seul de ses livres, juste en lisant sur ses traits. Car la Littérature transparaît sans fard sur la face des auteurs dignes de ce nom. Sur leur front, moi je la vois dans sa vérité. La Littérature ne m’échappe pas.
    <o:p></o:p>


    J’ai l’oeil pour ces choses. Et lorsque je vérifie les écrits de l’auteur ainsi sondé, je constate que je ne me trompe jamais. Celui qui parle en auteur mais qui n’a pas l’éclat de la Littérature entre les deux yeux, je le sais avant même de lire sa première page.
    <o:p></o:p>


    J’estime sans l’avoir lu que Houellebecq, s’il possède effectivement quelque plume (pour avoir survolé de très loin une ou deux de ses pages, je n’ignore pas de quoi je parle) manque singulièrement de hauteur ne serait-ce que parce qu’il a commis l’impudeur de montrer sa face aux caméras de télévision. Trivialité impardonnable pour un auteur digne de ce nom.
    <o:p></o:p>


    J’ai lu il y a quinze ans "Noces Barbares" de Quéffelec, et en ai gardé une saveur livresque délectable. J’éprouve une réelle estime pour cet authentique écrivain (comme l’est Gonzagues Saint-Brice) qui sait raconter les vies, les personnages. En outre il passe bien à la télévision, je lui pardonne donc.
    <o:p></o:p>


    Beigbeder que je n’ai jamais lu a des allures de dandy raté. Il s’est trop fourvoyé avec la jet-set pour être crédible aujourd’hui. Beigbeder, tout comme PPDA et les autres têtes "mercantilisées" par la boîte à abrutir, ne m’inspire aucunement le désir de lire ses productions. Certaines vulgarités heurtent définitivement ma sensibilité.
    <o:p></o:p>


    Je ne connais ni Zeller ni Moix.
    <o:p></o:p>


    A présent vous voulez en savoir plus sur mes goûts en littérature   classique ? Ca tombe bien, ils sont tous morts, car effectivement j’ai une préférence pour ceux qui ont l’extrême pudeur de ne pas se dénuder devant les caméras. Pour inculte que je suis, également en ce qui concerne les classiques, je vais tout de même vous dire ce qui m’agrée et ce qui me désenchante. Mon avis sera assez limité, puisque mes lectures en ce domaine sont également limitées.
    <o:p></o:p>


    Le "Bateau ivre" de Rimbaud m’ennuie profondément. Homère également m’ennuie profondément avec son interminable et soporifique Odyssée... Lamartine, Musset, Vigny, et Nerval parfois, savent toucher mon coeur esthète, comme c’est d’ailleurs le cas pour la plupart de mes contemporains. Rien d’exceptionnel en cela. En tant qu’êtres humains ou simples lecteurs, nous sommes tous sensibles, sans exception. Là encore, rien d’extraordinaire dans le fait d’être touché par quelque auteur de choix. C’est bien pour cette raison que les grands auteurs sont de grands auteurs.
    <o:p></o:p>


    Hugo est à mes yeux un véritable génie qui domine toute la littérature française. Par sa simplicité, sa capacité à atteindre l’universel, il s’impose à moi (et à bien d’autres) comme un modèle. Proust sait m’ennuyer avec fruit. Et c’est un véritable plaisir que de rechercher ce délicieux ennui et de perdre mon temps en si bonne compagnie. Daudet père m’est particulièrement agréable, léger, poétique : il n’est pas prétentieux, comme peut l’être par exemple Sartre. Kafka est divinement fou et sa folie trouve en moi un certain écho. Maupassant est mon péché mignon : je le dévore comme un fruit suave absolument pas défendu. Balzac me pèse beaucoup : c’est un plat de résistance bien gras, bien trop consistant pour mon estomac délicat. Une sorte de boulet à traîner dans mon esprit.
    <o:p></o:p>


    Flaubert écrit très bien, il est parfait dans le mode "gueuloir". Baudelaire est diablement talentueux. Enfin un bon poète. Céline m’est parfaitement indigeste, non seulement dans le fond mais surtout dans la forme. Cette écriture haletante, hachée, m’est absolument insupportable. C’est du hachis Parmentier pour moi, un compost de mots et de ponctuations, de la véritable bouillie littéraire. Shakespeare est le roi dans son domaine, épique et pittoresque : c’est le prince du théâtre. Molière m’amuse, mais je n’en fais pas un César pour autant. Camus est anecdotique : un fétu de paille, presque une fumée dans la tempête de la littérature. J’ai dû en oublier quelques-uns.
    <o:p></o:p>


    Tous ces avis ne sont bien entendu que des avis personnels.
    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    12. On sent un poète plein de verve dans vos syntagmes en vous cher Raphaël Zacharie de Izarra. Pourtant la Poésie, de nos jours, est ringardisée ou démodée.. quel est votre programme pour lui rendre enfin la place qu’elle mérite ?<o:p></o:p>


    Mon programme pour redonner à la poésie son éclat perdu est simple : une refonte des sensibilités par l’abandon brutal et définitif des niaiseries hollywoodiennes et de tous leurs produits dérivés. L’industrie cinématographique commerciale a occasionné des ravages sur l’inconscient collectif du monde entier (surtout depuis les trente dernières années).
    <o:p></o:p>


    Vulgarités, violences, pornographies sont devenues la norme. La Poésie ainsi écrasée par le rouleau compresseur américain est devenue plate comme une galette : les références poétiques chez le "consommateur filmique" moyen se rapportent à E.T., l’extraterrestre de Spielberg. Vertigineuse hérésie ! C’est ce que j’appelle la décadence culturelle. Il n’y a pas de mystère : il faut revenir aux classiques, réadapter les sensibilités émoussées par le vacarme hollywoodien aux délicatesses des siècles désuets. Je conseille en outre à tous les lecteurs de bonne volonté et de bonne foi de se convertir à la poésie izarrienne.
    <o:p></o:p>


    13. Vous êtes un des derniers polémistes, pamphlétaire, homme partisan, est-ce que cette liberté vous coûte cher dans cette société si procédurière et cul serrée ?
    <o:p></o:p>


    Étrangement j’ai toujours été épargné par les crachats guindés des "pontifiats" malmenés et par les vociférations de la gueusaille raillée. Il faut dire que mes contemporains ayant la plupart du temps accédé depuis leur plus jeune âge à l’état "vedelique" (souvenez-vous : "les français sont des veaux", clamait sans crainte de Gaulle), je peux exercer à leur encontre sans retenue ni contrainte mes foudres, à l’imparfait du subjonctif si possible.
    <o:p></o:p>


    14. Une chose est étrange dans votre parcours somme toute assez "classique" (sans que l’acception soit ici péjorative). Comment se fait-il que vous l’admirateur des siècles passés soyez un si parfait internaute à la pointe de la souris ? N’avez-vous jamais boycotté comme beaucoup de garçons de lettres cette nouvelle technologie qui éloigne de la plume et de l’encre...
    <o:p></o:p>


    Je continue de signer mes lettres d’amour (postales) et mes lettres d’injures à l’administration à l’authentique plume d’oie (le volatile est élevé chez mes parents) et à l’encre de Chine.
    <o:p></o:p>


    Mais dans le fond, plume d’oie ou clavier informatique, l’instrument d’écriture n’est jamais que la prothèse plus ou moins affinée de la main, laquelle traduit les mouvements du coeur et de la pensée. Encre de Chine ou octet, l’écriture est le prolongement visible de l’esprit. Quel que soit le support, le message seul importe. L’essentiel, n’est ce pas le mot ? Le parchemin n’étant que le flacon, qu’importe son aspect ! Et puis la machine à écrire n’était-elle pas à sa naissance considérée par les "puristes à la plume d’oie" comme un tas de ferraille sans âme ? La nouveauté effraie chaque époque. Aujourd’hui la machine à écrire fait figure de chaude plume comparée au froid traitement de texte informatique. La machine à écrire qui au début avait des allures de mécanique barbare auprès des écrivains "à la main" a pourtant gagné ses lettres de noblesse à l’ère de la haute technologie. Gageons que l’instrument informatique entrera à son tour dans la légende.
    <o:p></o:p>


    Cela dit, je comprends que l’on puisse préférer la plume d’oie, c’est profondément humain. Cependant le fait d’écrire au clavier informatique ne m’interdit nullement quand cela me chante d’aller écrire à la plume à la lueur de la chandelle... Il est quand même plus noble d’écrire à la plume, je ne le nie pas un instant. L’oeuvre littéraire dans son jet originel peut parfaitement être écrite à la plume. L’inspiration peut ainsi apparaître sous le "règne de la plume", dans les règles les plus pures de l’art.
    <o:p></o:p>


    L’oeuvre une fois enfantée avec les cérémonies classiques qui lui siéent, rien n’empêche ensuite de la recopier sur un ordinateur.
    <o:p></o:p>


    15. Vous êtes un érudit mangeur de livres et dévoreur de curiosité et pourtant vous citez peu ou alors seulement vous-même, c’est assez peu courant comme attitude dites-moi...

    Détrompez-vous, je suis parfaitement inculte comme je vous l’ai déjà dit. Vous êtes victime d’une illusion, comme quoi même les plus beaux esprits peuvent se faire piéger par les plus grossières apparences...
    <o:p></o:p>


    Qui mieux que moi peut savoir que je suis un excellent auteur inculte ? Ma plume a ceci de particulier, qu’elle fait facilement croire que j’ai plein de connaissances livresques. Or je suis vide de ce côté-là. A quelques rares et lointaines exceptions près, je ne lis aucun livre digne de ce nom (je parle de littérature classique), je survole, picore, m’ennuie, saute cent pages avant de m’envoler bien vite vers mes sommets pleins de légèreté, trop las de lire les livres des autres, aussi académiques soient-il. Autrement dit, j’abandonne assez vite mes lectures afin d’écrire à mon tour.
    <o:p></o:p>


    Je suis une plume dans l’âme, aussi le moindre souffle me fait-il prendre de la hauteur. Lire me pèse. Écrire m’allège.
    <o:p></o:p>


    16. Il est plus agréable de dilapider son talent que de ne pas en avoir, c’est certain mais d’aucuns diront que vous n’êtes pas modeste. Que répondez-vous à cela ?
    <o:p></o:p>


    "Je ne suis pas modeste car je n’ai pas les moyens de l’être". C’est ce que je dis dans un de mes textes où je fais mon propre éloge. Pourquoi devrais-je me faire passer pour le modeste que je ne suis pas, alors que je suis né fier et hautain ? La suffisance est une grande qualité. C’est elle qui fait les seigneurs.
    <o:p></o:p>


    17. Quelle la pire des rumeurs qui circule sur vous ?
    <o:p></o:p>


    J’avoue supporter de moins en moins les railleries stériles émanant d’esprits ineptes et être de plus en plus sensible aux flatteries (que nul n’hésite à en faire grand usage car je ne suis pas humble dans ce genre d’affaire). Les flatteries, lorsqu’elles sont justifiées par une réelle admiration sont toujours les bienvenues. Les critiques sont reçues avec la même attention car elles me servent à améliorer mon écriture. Je les accepte et les écoute avec fruit et humilité lorsqu’elles proviennent de fins lettrés. J’insiste et le répète : uniquement lorsqu’elles émanent d’érudits avisés, d’esthètes avertis, de beaux esprits et non d’ignares, d’illettrés, du vulgaire. A la plèbe sottement railleuse que je viens de citer, je réserve une fausse rumeur destinée à lui faire honte.
    <o:p></o:p>


    La pire rumeur : je plagie. C’est donc moi-même qui répands cette rumeur afin de piéger mes nombreux détracteurs. Je les pousse à m’injurier, si possible publiquement, puis je leur fais éclater la vérité à la face. Ceux qui n’apprécient pas mes écrits (et c’est leur droit), je leur fais croire (et c’est également mon droit) qu’en raillant de la sorte ma plume ils raillent en fait les meilleurs auteurs classiques du panthéon littéraire (que je prétends avoir recopié purement et simplement en changeant simplement les noms propres).
    <o:p></o:p>


    J’attends alors qu’ils se mettent à encenser les prétendus écrits classiques que je dis avoir pillé mot pour mot et qu’ils traînaient dans la boue un instant plus tôt, et s’ils persistent malgré cela à railler mes prétendus plagiats, affirmant par exemple que je plagie mal, alors la rumeur agit. Je suis pris dans ma propre toile, piégé par mon orgueil. Heureusement ça ne dure pas longtemps : il faut bien se rendre à l’évidence, nulle part on ne trouve d’équivalent à ma plume.
    <o:p></o:p>


    18. Sur votre tombe, si par malheur vous nous quittiez un jour, que verrait-on à la pointe de l’épée ?
    <o:p></o:p>


    En cette terre repose celui par qui les muses s’exprimèrent de la plus belle des façons. Il fut leur porte-parole, le confident des anges, l’ami des astres. Il rêvait de chevauchées célestes, d’essor cosmique, poursuivant sans cesse les étoiles, épris des hauteurs incorrompues.
    <o:p></o:p>


    Et d’amour pur.
    <o:p></o:p>


    Il aimait la compagnie des femmes, chantant les vierges beautés, fut aimé de ses pires ennemies les laides, les acariâtres et les déflorées qu’il raillait sans remords.

    Il fut proche de Vertu, fuyant vice, gueusaille, mollesse.
    <o:p></o:p>


    Il éprouva des passions charnelles pour des bonnes soeurs, des naïves fortunées, des servantes de sa maison qui lui en furent toutes reconnaissantes.

    Il n’aimait pas les enfants, ni les chiens, ni les engrossées. Narcisse fut son frère d’arme. Harpagon son conseiller financier. La Camarde sa hantise pour laquelle il succomba finalement, cédant vers la fin de sa vie à ses avances, toujours en quête d’aventures inédites...
    <o:p></o:p>


    19. Quel est le bon mot que vous avez enfanté de votre plume dont vous tirez la plus grande satisfaction ?
    <o:p></o:p>


    Impossible de vous dire. Il y en a au moins cent et je ne les ai pas en tête. Tenez, prenez celle de la question 16 : "Je ne suis pas modeste car je n’ai pas les moyens de l’être". Celle-là je l’ai bien en tête et les 99 autres y sont incluses.

    20. Par quoi voulez-vous terminer cette interview cher RAPHAEL ZACHARIE DE IZARRA ?
    <o:p></o:p>

    J’ai été ravi de répondre à vos questions. Je les ai trouvées intelligentes, drôles, spirituelles. Mais c’est l’heure de me concerter avec ma muse. Terminons sur ces mots pleins de promesses, voulez-vous ?<o:p></o:p>

    510 - Des pensées secrètes

    Marquis,

    Hier dans le parc j'étais presque au paradis. Vous étiez là, beau, hautain, maniéré, couillu comme un cerf, cynique et tendre. Et moi, Demoiselle évanescente tout en dentelles et cheveux noués, folle et guindée, grave et frivole, ivre et digne, en secret je brûlais pour vous. Et je baisais le Ciel, baisais vos pieds, baisais votre perruque en fermant les yeux... Vous n'y voyiez que du feu, sot que vous étiez ! Et toutes ces femmes autour de vous qui caquetaient en robes de soie et décolletés ! Diable ! J'enrageais ! Ha ! Beau Marquis, comme j'aurais voulu être seule en votre compagnie dans le parc, élue entre toutes les peaux laiteuses...
    <o:p></o:p>

    Je rêvais de vos mains de pianiste sur mes vallons menus, de vos doigts bagués d'or fin sur mes bijoux frêles... Je rêvais de votre manche énorme secouant mondainement mes entrailles en émoi. Grossement couillu Marquis, vous me mettiez en pâmoison. Ha ! Quand verrai-je vos belles burettes rendre à mes profondeurs nobles les honneurs qu'elles méritent ? Je vous aime Marquis, vous aime, vous aime... D'un amour de Demoiselle, d'un amour de vierge parée de rubans de Chine, d'un amour de petite Marquise enfin.<o:p></o:p>

    Je vous revois près des glycines, dans la roseraie, regardant avec mélancolie les cygnes du parc glisser sur l'onde... Las ! Votre cour de femelles empressées m'était odieuse dans ce décor idéal ! J'étais la plus belle, la plus jeune, la plus précieuse, affectée à l'extrême jusque dans ma façon de porter l'ombrelle du bout des doigts, et vous Marquis vous ne sembliez avoir d'yeux que pour ces épaisses engrossées qui avaient de la chair à offrir mais point de finesse ! M'avez-vous vue Marquis ? Ma gorge est pareille à celle de la statue de la fontaine du parc. Ma cuisse a tout de la cuisse de biche. Voyez mon séant doux, joli, cher Marquis, voyez mon séant : il n'a pas d'égal chez vos oies grasses.<o:p></o:p>

    Marquis, dimanche prochain je vous reverrai au parc. Vous n'ignorez plus ma flamme, aussi promettez-moi de ne me plus faire injure. Vous chasserez du parc ces châtelaines empâtées. Quelle Demoiselle souffrirait une telle concurrence ? Je suis jeune, svelte, pleine d'esprit, c'est pourquoi à l'ombre des glycines, profitant des parfums subtils de la roseraie, jusqu'à ce que le cygne chante vous me remplirez et le con et le cul de tout le contenu de vos bonnes grosses couilles de cerf en rut.<o:p></o:p>

    511 - Merci Nestor !

    Nestor,

    T'es pas très beau, pas très brillant, pas très courageux, mais qu’est-ce que tu es fort pour la gnôle ! Un vrai héros de la bouteille. T'es toujours fauché mais jamais à cour d'idées noires. Pour mon anniversaire tu m'as offert deux ou trois baignes, merci de ne jamais m'oublier en toutes circonstances, Nestor. Sais-tu qui c'est qui t'aime ? Les mouches qui te tournent autour, et pis les rats que dans ta fainéante bonté tu engraisses.
    <o:p></o:p>

    Merci Nestor, t'es un gars bien. <o:p></o:p>

    Heureusement que je suis là pour te tenir bien gras et payer ta gnôle, sinon comment tu ferais pour faire ta sieste toutes tes journées à rien faire à part cogner ton monde ? Pour être un foutu salaud, crois-moi t'en es un. Moi ta femme, moi ta bonne à tout faire, moi ton sac à coups, des bleus j'en ai reçu en cadeaux d'anniversaires, et pas que pour mes anniversaires d'ailleurs. Pis pas des petits bleus hein ! Non, des sacrés gros gnons putôt. Pour ça t'as été assez généreux avec moi Nestor, je peux pas dire le contraire.<o:p></o:p>

    Merci Nestor, avec toi c'est tous les jours fête.<o:p></o:p>

    Tu as des capacités, je te l'ai toujours dit. Quand tu veux, tu peux. Plus volontaire que toi, je connais pas. Quand tu cognes, tu cognes ! Pis quand tu bois, tu fais pas l'économe Nestor... Et sans manière encore : au goulot comme un vrai coullu que t'es. Pis quand l'une est finie, hop ! Y'a l'autre qu'est sirotée aussi sec ! Tu y vas jusqu'à ce qu'il y en ait plus. Après tu re-cognes. Tu re-cognes parce qu'il y en a plus ou parce que t'as assez bu pour commencer à faire le malin, ça j'ai jamais su exactement, mais enfin c'est un détail.<o:p></o:p>

    Merci Nestor, t'es pas une mauviette.<o:p></o:p>

    T'as toujours aimé tes clebs. C'est un amour mordant que tes bêtes te rendent, tu sais. Tu les aimes avec le bâton tes chiens. T'as du coeur Nestor. Pis tu te fais des soucis diététiques pour eux, tu les as mis au régime-maison : eau salée et raclée tous les matins. C'est ton sport à toi, après la bibine de la nuit. La raclée aux chiens, ça te mets toujours de bonne humeur pour commencer ta journée. Pis pour te mettre en forme le soir, la raclée du matin aux chiens, c'est moi qui la prend. T'as le coeur pourri jusqu'à l'os c'est vrai, mais pour ce qui est de ton poing fais-moi confiance, il est encore solide. Ton tout petit braquemart d'ivrogne il est toujours mou comme une grosse chique avachie, mais qu’est-ce que tu cognes dur et longtemps ! C'est l'essentiel. T'es un homme, un vrai de vrai qui fait la loi et qui sait diriger son monde !<o:p></o:p>

    Merci Nestor, t'es un chef.<o:p></o:p>

    T'aimes les femmes, t'es plein de classe avec elles, t'es plein d'attentions, t'es plein de fleurs, enfin disons qu'il y a un ou deux pétales qui traînent dans ton bouquet d'épines, t'es même plein tout court Nestor. Tu sais leur dire les mots qu'il faut aux femmes : tu parles avec les mains. T'es distingué comme un verrat. Tu causes pas, tu y vas directement. Pis quand ça passe pas, tu cognes. C'est ta manière à toi d'exercer ta mâle séduction. Ton approche personnelle du beau sexe est quand même assez sophistiquée, y a pas à dire... T'es imaginatif Nestor. Tes couilles elles sont pleines de gnôle, mais tu sais rendre hommage aux demoiselles, à ta femme, à la serveuse du bistrot : t'es impuissant alors tu les cognes.

    Merci Nestor, t'es un homme.
    <o:p></o:p>

    512 - La conversion de la dévote

    Marie-Agnès était une caricature de vieille fille. La trentaine osseuse, l'oeil méchant, la voix sur-aiguë, dans son village elle voulait passer pour une sainte, une bonne, une pieuse femme. Ainsi elle montrait sa grandeur d'âme en rendant visite aux moribonds : avec zèle elle fermait leurs volets, leur clapet, puis leurs paupières. Accompagner les mourants la gonflait d'une importance locale. Mais surtout, s'imposer dans les derniers instants de ceux qui basculent vers la tombe lui procurait un sentiment de puissance inégalé. Elle aimait contredire tout le monde, médire sur tout, chasser joie, douceur, tendresse. Son plus grand vice de frustrée.

    Officiellement Marie-Agnès était une enfant de choeur, une femme économe, une onctueuse, sereine, admirable altruiste. En fait c'était une enragée au coeur plein de fiel, une âme tourmentée par les plaisirs de la chair, une solitaire obsédée par l'argent au point que l'avarice était son second vice.
    <o:p></o:p>

    A la nuit tombée elle rôdait parfois autour du café de l'église en quête de saillies immédiates et perverses avec quelque ivrogne titubant. Pire : elle faisait des avances à son curé âgé et bossu qui ne buvait jamais !<o:p></o:p>

    Le baron du village voisin entendit parler de cette célibataire hypocrite et méchante et en bon esthète qu'il était, il eut des vues sur cette exquise corrompue. Celle-ci devint son amante. Mais bientôt lassé par cette conquête au chant strident, le baron s'en débarrassa promptement. Cette dernière, plus acrimonieuse que jamais en conçu une inextinguible rancoeur envers son curé, allez savoir pourquoi ! Le dimanche suivant elle se mit en tête de sonner les cloches aux cotés du bedeau. En fait elle souhaitait corrompre l'innocent, mais ne parvint qu'à décrocher la cloche à force de rage.<o:p></o:p>

    L'airain, en ayant chu lui fêla le crâne.<o:p></o:p>

    Depuis Marie-Agnès est devenue sage, tendre, vertueuse, généreuse, et aime sincèrement son prochain, elle qui jadis derrière ses sourires fourbes était si féroce au grand jour, si odieuse dans l'ombre. La louve hier hurlant à la mort aujourd'hui bêle comme une agnelle.<o:p></o:p>

    On dit qu'elle est devenue folle.<o:p></o:p>

    513 - La poule et le coq

    Votre visage est une eau morte, une flaque trouble et morne qui reflète la vacuité de votre âme, la sottise de votre pensée, le vide de votre tête. Vous avez toutes les apparences de la stupide, commune, terne créature que chante avec éclat ma plume esthète.<o:p></o:p>

    Ma lyre est cruelle, faite-lui honneur : demeurez ce paysage plein de grisaille. Laissez-vous peindre, mes couleurs vous habilleront de ridicule. Ma gloire est dans votre misère, la vôtre est dans ce chant que je vous destine.<o:p></o:p>

    514 - Les couilles de l'abbé

    L'abbé Brisson avait des couilles bien singulières qui faisaient sa réputation à des kilomètres à la ronde autour de sa paroisse. Des couilles de singes, des couilles de chameau, des couilles se sodomite pensez-vous ? <o:p></o:p>

    Non, des couilles en or.<o:p></o:p>

    L'abbé louait ses couilles aux pécheresses, ce qui était plus rentable que de faire la quête le dimanche. A mesure que se vidaient les roupettes de l'homme pie, les caisses de la paroisse se remplissaient. <o:p></o:p>

    Bientôt le clocher il put refaire. Les cloches du village résonnèrent plus claires que jamais dans l'air du matin : <o:p></o:p>

    "L'abbé à des couilles, des couilles de singe, des couilles de chameau, des couilles de sodomite ? Non, des couilles en or !"<o:p></o:p>

    515 - La vieille chouette

    J'habite en face du cimetière avec vue sur tous mes anciens voisins et pis l'Eustache qu'avait fait les tranchées. On m'appelle "la vieille chouette" dans le village. On dirait que ça gêne certains que je soye toujours vaillante quand d'autres y sont à mordre la racine à six pieds en d'ssous terre... C'est pas à quatre-vingt-quatorze ans que je vais déménager de ma maison ! Si y en a que ça contrarie, on verra qui c'est qu'aura le dernier mot, vu que j'habite en face du cimetière pour ceux qu'auraient pas compris.<o:p></o:p>

    Depuis ma fenêtre j'ai assisté à toutes les entérailles ! Ca fait plus de cinquante ans que ça dure, pis je peux vous dire que c'est pas prêt de s'arrêter de sitôt. Pour ça, le temps m'a toujours donné raison. Des curés, j'en ai vu : des gros, des maigres, des riches, des miséreux, des cocus, des mollassons, des brillants, des pas jolis à voir... Y sont tous à sucer le pissenlit par la patte à l'heure qu'il est. C'est pas pour rien que j'habite en face du cimetière : je les ai tous enterrés.<o:p></o:p>

    Quand ça sera à mon tour d'aller sonner la cloche au Diable, y aura pas queue pour mon cortège. Qu'est-ce que vous voulez que ça me fasse ? C'est quand même pas les invités qui vont aller mourir à ma place, non ? Moi je dis que ce qui compte, c'est d'avoir toujours la tête haute, même quand on est allongé la tête en bas. J'ai ma fierté. Quand je passerai de l'autre côté, personne pourra dire que j'aurai manqué de hauteur avant de descendre dans le trou. Déjà rien que le corbillard, y'en aura pas vu que j'habite en face du cimetière. On m'enterrera à dos d'hommes. De ma fenêtre je domine les trépassés, alors vous pensez bien que de la hauteur, j'en ai jamais manqué. C'est pas pour flancher au dernier moment.

    Depuis mon nid de chouette j'en ai vu des choses. Et des pas toujours belles. Comme quand l'Albertine elle a fait main basse sur les fleurs de la tombe de l'Eugène un jour de nuit sans lune... Je l'ai bien vue moi ! Pis quand la grosse Gertrude elle a fait venir le bedeau pour le déniaiser derrière le caveau de famille, vous croyez que ça m'a échappé ? Vu que j'habite en face du cimetière, je fais que ça de regarder ce qui s'y passe, alors vous pensez comme je connais tous ses hôtes ! De drôles d'oiseaux ! Ha ! J'en aurais encore des choses à dire sur les événements du cimetière ! Je pourrais tenir un journal. D'ailleurs j'en tiens un. A ma mort, croyez-moi ça va faire du bruit dans le village. C'est pas pour rien qu'on m'appelle "la vieille chouette". On m'enterrera seule, je me fais pas d'idée là-dessus. C'est pas ça qui me fera flancher. Depuis ma fenêtre, personne pour me tenir la planche.
    <o:p></o:p>

    Raide je serai. Seule. Mais la tête haute, jusqu'au bout.<o:p></o:p>

    516 - Buvons !

    Buvons, buvons car le vin est le suc des étoiles et l'ivresse est belle ! <o:p></o:p>

    Buvons à gorge déployée, la mort ne devancera pas pour autant son heure. Un verre de plus, un verre de moins, elle viendra à point : attendons-la avec des bulles dans la tête. Buvons sans remords, Bacchus saura trouver les mots pour faire légers les pas de la Faucheuse.<o:p></o:p>

    Buvons, le sang de la vigne fait chanter les âmes. Buvons ! Le jus du raisin trouble les idées, éclaircit les coeurs. Buvons, le son du glas résonne moins grave lorsque teintent les verres : l'airain est durable mais sinistre, le cristal fragile mais joyeux.<o:p></o:p>

    Celui qui boit ne peut être un méchant homme. Qui s'humecte le gosier abreuve l'amour. Qui arrose son palais met le feu à son âme.<o:p></o:p>

    Mortel, la coupe devient sacrée dés lors que tu la portes à tes lèvres : le vin est l'eau des anges, le miel du Diable, l'onction de Dieu, le lait de l'âme.<o:p></o:p>

    Buveur, si la bouteille parfois est âpre, l'étincelle est divine. Même lorsque le vin pique ta gorge, il caresse tes espoirs les plus doux. Chéris ce poison qui te rend la vie belle ! La Camarde jette une ombre mélancolique sur tes jours comptés, alors que la vigne répand sa lumière sur ton front amnésique.<o:p></o:p>

    517 - A l'aimée

    Ton visage est une photo jaunie, une image d'antan, ton âme une atmosphère désuète et tendre. Tu es une idée, mon idée de l'amour : un parc, quelques feuilles au vent, un serment, une prière mélancolique. Un murmure. Tu es une chandelle qui passe. Ta clarté timide trouble la nuit. Astre trop pâle, le jour te   nuit : tu luis à l'ombre.<o:p></o:p>

    Tu es un crépuscule, un soir vernal, une sensation vespérale, deux ailes dans le couchant. Tu es ma relation intime au temps : avec toi les années pèsent, s'allègent, se répètent, se perdent dans le flou.<o:p></o:p>

    Chaque jour est un espoir de retour au parc, décor idéal de nos âmes candides.<o:p></o:p>

    Ton reflet pour toujours est figé dans ce parc. Cette image d'antan, cette photo jaunie, cette atmosphère désuète et tendre, cette idée mienne de l'amour, je la retrouve parfois à l'entrée du parc, intacte, vouée à l'éternité, à travers cette statue qui te ressemble.<o:p></o:p>

    518 - Une ferme en mars

    Il pleut sur la ferme sarthoise. Les toits soupirent, les gouttières chantent leur ennui, dans la boue ruisselle une onde triste : le mois de mars prend parfois des allures sinistres dans les campagnes. La jeune fille regarde tomber la pluie maussade à travers les carreaux. Elle se sait laide, sans avenir, vouée à la solitude.

    De la buée formée par les exhalaisons d'un pot-au-feu qui mijote voile les vitres de la fenêtre donnant sur la Misère : une basse-cour morne couverte de flaques. D'un geste las la jeune fille passe la main sur le carreau embué. Pour mieux voir l'enfer sous la pluie, peut-être.
    <o:p></o:p>

    Assis près de la cuisinière, ses vieux parents attendent en silence. Ils regardent dans le vide, la tête pleine des minutes qui passent. Le pot-au-feu semble être la seule cause apte à combler ces âmes pareilles à des souches. Le tic-tac de l'horloge séculaire tue à petit feu le temps qui s'étire, s'étire... La jeune fille regarde toujours la basse-cour trempée. Figée devant la fenêtre, elle n'entend plus le sempiternel tic-tac du cercueil derrière elle. Et ce pot-au-feu haï, exécré, abhorré qui suinte la torpeur, la province, les habitudes... Ce satané pot-au-feu, trésor des hospices qui réjouit la vieillesse et afflige les anges...<o:p></o:p>

    Prend-elle pleinement conscience à cet instant précis du malheur de sa vie ? Après un long soupir, comme possédée par une folie libératrice, elle hurle de toutes ses forces face à la fenêtre honnie !<o:p></o:p>

    Puis sort devant les vieillards hébétés, court devant les étables, quitte la ferme, court encore à travers champs, longtemps, fouaillée par les éléments, déchirée par les ronces, enfin s'arrête, essoufflée, la tête levée vers le ciel, le visage luisant de pluie et de pleurs mêlés, et dans des sanglots profonds, déchirants, s'adressant aux nuages :<o:p></o:p>

    - Emportez-moi, amis d'en haut ! Emmenez-moi dans vos hauteurs tourmentées et magnifiques ! Laissez-moi vous chevaucher, prenons ensemble la direction de l'éternité, chers voyageurs célestes ! Faites-moi oublier mes sabots, vous qui avez des ailes. Faites légère ma vie. Ne voyez-vous pas que je traîne de la boue à mes semelles ? Peuplez mes nuits de rêves splendides, car en plein jour je ne songe plus au bonheur... Accordez-moi une seconde chance vers les astres, puisque je m'enlise en cette terre où tout meurt autour de moi. Je suis laide, je suis seule, je suis damnée, aimez-moi au moins un peu, vous les nuages ! Aimez-moi, vous qui passez si haut au-dessus de la ferme où pour ma peine j'ai vu le jour ! Aimez-moi une fois, au lieu de me punir encore de vos larmes moqueuses !<o:p></o:p>

    La fièvre retombée, l'hystérie passée, son chagrin déversé dans le ciel sourd, ses espoirs semés au vent inutile, sa prière envolée vers les nuages impassibles, l'éplorée tristement s'en retourne vers la ferme, trempée, grelottante, résignée, le pas plus pesant que jamais. Là-bas deux vieillards l'attendent. Certes secoués mais ne se départant pas de leur solide sens des réalités : au retour de leur fille, ils la réconforteront avec les moyens à leur portée.<o:p></o:p>

    Avec un peu de chance, le pot-au-feu sera encore chaud.<o:p></o:p>

    519 - Une chambre d'enfant

    L'enfant est endormie sur le lit. C'est une belle adolescente. Sur le mur au-dessus d'elle, un crucifix. A son chevet, des fleurs fraîchement cueillies répandent leurs effluves subtils. Le vase qui les contient est un cristal pur. La pénombre est solennelle.

    Une grande paix règne dans la chambre. Le silence est tel que même la respiration de la dormeuse est imperceptible.
    <o:p></o:p>

    Avec ses cheveux blonds disposés comme une auréole autour de son visage, l'infante aux joue pâles à l'air d'un astre. Elle rayonne sur l'oreiller.<o:p></o:p>

    Mais surtout, elle sourit, yeux fermés, bouche ouverte. Plongée dans son étrange sommeil, ses traits gracieux et son sourire figé font penser à un ange qui rêve. Entend-elle le chant matinal des oiseaux derrière les volets clos ? A ces premiers bruits de l'aube, les paupières n'ont pas bougé : la jeune fille à la chevelure de lumière est tout à ses songes...<o:p></o:p>

    Le soleil est déjà haut. Sonores, graves, sourdes, les cloches de l'église sise juste en face de la chambre font vibrer le cristal où trempe le bouquet floral. Elles ne réveilleront pas la belle endormie. <o:p></o:p>

    La veillée funèbre s'achève. Avant midi, on emportera le jeune corps.<o:p></o:p>

    520 - Faits triangulaires dans la Sarthe

    L'abbé Besnard, curé d'un village nommé "Crissé" sis au fin fond de la Sarthe, a souvent été surpris par ses ouailles en train de hurler de satisfaction malsaine devant des chapelets d'andouilles au vinaigre confectionnées dans le plus grand secret par le boulanger défroqué de Saint-Rémy-de-Sillé, le village voisin.<o:p></o:p>

    Le délit en général se situe dans l'après-midi, entre 15 heures et quart et 17 heures 40. Les nouveaux-nés au son de ces hurlements qui rivalisent en sonorité dans les aigus cassés avec une des cloches de l'église -la fêlée pour être précis-, les nouveaux-nés disions-nous au son de ces hurlements s'endorment systématiquement comme de jeunes souches molles. Ce qui a le don d'exacerber les talents de poète du jardinier de l'abbé en question.<o:p></o:p>

    A part ça, le réveil au village est tout à fait ordinaire : croissant chauds pur beurre et calotte polaire pour le pape local.<o:p></o:p>

    Le village entre vraiment en pleine action vers les dix heures du matin. Là, le boulanger passe l'air de rien et distribue à qui ne le demande pas saucisses sèches et haricots rouges. Il s'arrange toujours pour ne pas empiéter avec son concert de klaxon sur les dix coups émis par le clocher donnant l'heure. Avant dix heures, il se dépêche de donner le maximum d'appels sonores à répétition très brefs et très nerveux, après dix heures il s'en donne à coeur joie et ce sont alors de longues, d'interminables plaintes fortement appuyées... Voilà un boulanger qui a de drôles d'idées, c'est peu de le dire ! Il n'a jamais vendu de pain de sa carrière, rien que des saucisses sèches et des haricots rouges. Pas vendus d'ailleurs : distribués. Il serait même plus juste de dire jetés au hasard devant les portes.

    Un jour s'est produit un phénomène d'une extrême rareté : par un inexplicable hasard les hurlements de l'abbé se sont superposés aux clameurs mécaniques de la voiture du boulanger. Il était midi, ce qui clochait évidemment... Les cloches justement s'étaient elles aussi mises de la partie, au même moment.
    <o:p></o:p>

    Douze fois elles ont retenti. Rien de notable cependant ne s'est passé à l'issue de ce triple concert déconcertant : l'abbé s'en est allé au presbytère, le boulanger s'en est retourné faire sa charcuterie à Saint-Rémy-de-Sillé et les cloches se sont tues immédiatement après l'émission du douzième coup.<o:p></o:p>

    Bien que le fait fût unique dans les anales de la paroisse, le village n'en a pas été bouleversé pour autant et aujourd'hui il continue de couler des jours toujours aussi agités au fin fond de la Sarthe.<o:p></o:p>

    521 - Préludes à l'amour

    - Gertrude, ramène donc ton treux à truie que je t'y foute ma grosse pinasse en-dedans et que je t'y engrousse que comme ça dans neuf mois t'auras un phoque bien de chez nous qui te sortira du treux de culasse ! <o:p></o:p>

    - L'Alphonse, t'es un ange ! Aujourd'hui c'est la Saint-Valentin et tu vas me mettre un fruit des entrailles dans ma panse à engroussailler ! T'as raison mon Alphonse, mets-z-y donc au fond de ma panse à enfanter ta grosse tripe à fumelle ! <o:p></o:p>

    - La Gertrude, je t'aime et je m'en va te le dire dans l'étab' à vaches avec ma triquaille au fond de ton treux de coche. Ca te va comme genre de dîner aux chandelles, ou tu veux que j'ajoute un peu de gnôle dans les gosiers, histoire de bien te rentrer dans les tripes à enfanter que tu mettras au monde un vrai péquenaux qui nous ressemb' et pas un fainéant d'parigot ? <o:p></o:p>

    - L'Alphonse j'préfère que tu me loges ta triquaille de boeuf tout de suite dans la matrice tant que l'utérus y demande à être enfanté, pasque après je va chier mon purin dans la fosse que j'ai les boyeux pleins de chiure à évacuer ! Ca fera un souvenir de la Saint-Valentin qu'au printemps avec tout c'fumier les coriottes du jardin d'légumes elles pousseront comme c'est pas possib' ! <o:p></o:p>

    522 - Un poilu sans fard

    Je m'appelle Eugène Bertrand, ancien de la "14". <o:p></o:p>

    Dans les tranchées, j'ai bouffé de la boue, avalé du jus de balle, bu des obus, dormi sur des matelas de morts, tous avariés, crevés, troués. J'ai embroché du Boche surtout. J'avais vingt ans. C'était pas des vacances. Fallait y aller quand même, c'était pour la France. La France... Un foutu pays qui rime avec souffrance. J'y suis allé dans les tranchées, vu qu'y avait une chose que je respectais plus que tout quand j'avais vingt ans : le canon qu'était sous ma tempe.

    Je lui ai donné ma gueule de vingt piges à la France. Regardez-moi bien en face, regardez-moi droit devant parce qu'une tête de cochon pareille, j'ai plus de cent ans, une tête comme ça vous n'en reverrez plus. Pis c'est tant mieux. La France elle m'a bien cassé la gueule. La putain, la salope ! J'ai plus de cent ans, je peux bien le dire maintenant, hein ?
    <o:p></o:p>

    Vous les ordures décorées, vous les anonymes petits patriotes, vous les enfants de cette pourriture tricolore, vous les fils de cette crevure aux sillons abreuvés de fumure républicaine, regardez-la bien ma gueule de poilu, parce qu'elle vous dit bien MERDE.<o:p></o:p>

    Elle vous dit merde depuis plus de quatre-vingts ans, vingt-quatre heure sur vingt-quatre. Défigurée comme elle est, qu’est-ce que vous voulez qu'elle vous dise d'autre ma gueule de vieux poilu "radoteux" ? Ca fait plus de quatre-vingts ans que je fais la grimace, vous trouvez ça normal vous ?<o:p></o:p>

    En récompense elle m'a chié une médaille la France. Vous croyez que ça m'a rendu plus beau à voir ?<o:p></o:p>

    Regardez-moi en face vous les "empatrioteurs" de tranchées. Regardez-moi en face vous les statues verdies des squares, héros de bronze de la "14", regardez-moi bien en face vous les idoles de pierre qui portez armes avec élégance... Vous tous pour qui la plus belle de toutes les femmes se nomme "France" et qui n'est en vérité que la reine des putains, regardez-moi avant que je ne sois bientôt rendu dans la patrie des damnés de la République.<o:p></o:p>

    J'avais vingt ans, dans les tranchées vous avez brisé le ciel, brisé un visage, brisé une âme.<o:p></o:p>

    523 - Aux infernaux

    Pauvres gens qui vivez dans l'or et le crime mêlés, âmes noires dépourvues d'ailes, vous les paillards aux mains rougies, vous les médaillés qui vous glorifiez de vos méfaits, vous les barbares à peau d'ange, vous les fauves à la patte de velours, vous les chiens parés de dentelles, vous les hommes aux sourires de bêtes, vous les tortionnaires à l'abri des coups, vous les endimanchés pleins de fureur, vous qui assassinez avec d'infinies courtoisies, vous les êtres malfaisants enfin qui sur terre répandez vice, horreur, excrément, tremblez ! <o:p></o:p>

    Tremblez jusque dans les profondeurs infectes de vos os damnés. Vos crânes affreux se fracasseront dans l'abîme que vous avez creusé en vous-mêmes. Ils se désagrègeront sous le poids de vos ignominies. <o:p></o:p>

    Hommes durs à la peau tannée par le soleil du crime, héros des ténèbres au coeur d'acier, bandits au poing d'airain, loups au croc invincible, l'ironique mollesse sera votre héritage : vous serez vers et le remords éternel vous rongera. Lions sans loi, justiciers féroces des causes impies, vous qui avez blessé la femme et l'enfant, qui avez souillé le plus pur des autels, qui avez plongé le monde dans le noir, qui avez privé de leurs dernières étoiles le ciel des éplorés, vous serez puits de larmes : intarissables seront vos peines. Bourreaux, mercenaires, grands chefs de guerres et petits pions zélés serviteurs de l'ordure, fonctionnaires de la fange et comptables de la corruption, vous les assassins sans état d'âme, vous les horribles dotés de tous les pouvoirs terrestres, vous serez récompensés par une mer de sang, et ce sera le vôtre. Et cette étendue de souffrances que vous avez versée, jusqu'à la dernière goutte il vous la faudra boire à votre tour.<o:p></o:p>

    Tremblez, tremblez vous qui sur terre semez l'épine et le poison car vos tombes seront vastes comme des champs de ronces, lourdes comme des montagnes de boue. Tremblez car un jour, las de votre hideur vous supplierez pour que l'on arrache les chardons de vos âmes. Tremblez car la rédemption coûtera cher ! <o:p></o:p>

    Injustes qui aujourd'hui riez de vos crimes, demain vos victimes vous pardonneront.

    Et leur pardon sera votre enfer.
    <o:p></o:p>

    524 - Le destin étrange de Marie-Thérèse

    Marie-Thérèse était une femme sans scrupule ni hygiène ni souliers. Elle marchait pieds nus, se mouchait dans la nappe, trompait les aveugles en leur rendant la monnaie. Épicière de son état, Marie-Thérèse avançait un chiffre d'affaire médiocre. Cette célibataire de cinquante ans était une femme de caractère, redoutable, finaude et peu encline aux confidences.<o:p></o:p>

    Avec ses allures de notable, la commerçante avait une mentalité de vagabonde. Arborant un tricorne à plume, marchant sans semelle, elle ne manquait pas de cervelle cependant : la tête couverte, le talon nu, les poches percées, elle courait dans les rues comme dans les forêts en chantant des refrains champêtres ou paillards mêlés de comptes domestiques pointus. En effet, coiffée de son chapeau à plume et la cheville sans protection, Marie-Thérèse ne rechignait pas, tout en cavalant, à chanter ses calculs et pourcentages mercantiles sur des airs joyeux.

    Et même parfois mélancoliques !
    <o:p></o:p>

    Ca n'était pas ses courses insensées à travers villes et bois qu'on lui reprochait, mais sa propension à déterrer les cadavres de chouettes que des paysans méfiants tuaient depuis des générations, autant par tradition que par superstition. C'est que Marie-Thérèse avait pris l'habitude de confectionner ses soupes avec les oiseaux de malheur. Opportuniste et lucide, l'étrange femme savait tirer profit de la sottise de ses concitoyens. <o:p></o:p>

    Elle marchait pieds nus mais pédalait dûment chaussée... Juchée sur son vélo rouillé, elle ressemblait à une déchue princesse des chemins. Son inénarrable tricorne se voyait de loin et le grincement de sa monture était reconnaissable d'entre tous. On disait en l'apercevant :"Voilà la vélocyboulette !" <o:p></o:p>

    Mi démente, mi démone, Marie-Thérèse avait de l'allure !<o:p></o:p>

    Son commerce périclita. Elle finit faucheuse d'herbes. Travail absurde, grotesque et inutile qui ne lui rapportait que peines et tourments. Enfin, pas toujours inutile : parfois elle arpentait les fossés et coupait les herbes folles qui y poussaient, ce qui soulageait le travail des cantonniers. Mais la plupart du temps elle fauchait au hasard dans la prairie, loin, à l'horizon. <o:p></o:p>

    Comme ça, pour rien, sans raison valable.<o:p></o:p>

    A l'heure qu'il est, elle n'est pas morte du tout. Ca fait trente-cinq ans qu'elle arpente chemins creux et bois séculaires, la vieille Marie-Thérèse. Elle fauche, pieds nus, un tricorne à plume sur le front. Ca lui fait quatre-vingt cinq ans. Comme elle ne représente pas une menace pour la société en dépit de la lame qu'elle trimballe sur le dos à longueur de journée, nul n'a encore songé à la faire interner.

    On ne l'aime guère dans le coin certes, mais enfin on la laisse couper son herbe.
    <o:p></o:p>

    525 - Un fol esprit

    La nuit était profonde, la forêt ténébreuse. En passant sous les frondaisons je fus assailli par mes chimères. Dans le noir apparurent des spectres éclatants. Songes inquiétants ou vent nocturne ? Ces follets sortis de mon imagination m'effrayèrent !

    A deux pas de moi, une tombe bras grand ouverts. Là, une gueule béante, crocs acérés. Dans mon dos, un regard diabolique. Sur ma nuque, des pattes velues.
    <o:p></o:p>

    Je luttais contre des feuilles mortes, me défendais contre des branchages, fuyais des ennemis imaginaires. Parvenu au coeur de la sylve, je devins fou. Je me réfugiai au pied d'une souche que je pris pour le crâne d'un géant. J'attendis l'aube dans l'angoisse. Au matin, des bûcherons me trouvèrent. <o:p></o:p>

    Lèvres tordues, visage tourmenté, je leur adressai un râle long et sépulcral qui les pétrifia d'horreur.<o:p></o:p>

    526 - L'eau tiède qui tue

    Comment pourrais-je aimer les pluies vives d'avril qui font chanter vos toits ? Les villes semblent mourir sous l'onde vernale. L'arc-en-ciel m'afflige avec ses éclats humides. Je hais la clarté mêlée à la nue, le soleil trempé et l'averse qui rayonne ! Les flaques légères m'inspirent un mortel ennui. J'ai en horreur les reflets de l'astre sur les carreaux en pleurs. Diamants d'éther ou perles d'argent pour certains, cette eau qui ruisselle n'est pour moi que postillons d'âmes en peine et "mouillades" de dieux insignifiants.<o:p></o:p>

    La tempête est douce à mon coeur car elle déracine, ravage, fais voler en éclats vitres et certitudes. La neige est belle et poétique car elle est molle et met un peu de lumière dans l'obscurité. La pluie âpre sous les nuées tombe comme une délivrance. Mais la pluie tiède sous le soleil est une misère fluide, une désolation sans fracas, un malheur sans bris, un deuil à quatorze heure !<o:p></o:p>

    Comprendrai-je la douce folie de ceux qu'une pluie sucrée enchante ? L'eau qui s'illumine dans l'atmosphère forme une auréole bête et insipide au-dessus des cités. L'arc-en-ciel est la tombe des âmes mortes à côté de leurs funèbres pompes. Au diable les couleurs de ce faux paradis ! <o:p></o:p>

    Poètes qui célébrez les couleurs de la pluie, soyez maudits ! Avril est le pire ennemi des mortels. <o:p></o:p>

    Car les coeurs sensibles des mortels en cette foutue saison des arcs-en-ciel meurent de profond, meurent de long, de lent, de mortel ennui.<o:p></o:p>

    527 - L'essentiel pour vivre

    Sur terre je porte un fardeau qui m'est cher : j'ai l'amour à éprouver, les anges à conquérir, les hommes à convaincre. Ma vie est une épreuve joyeuse. La mort est un horizon éblouissant et terrible qui se rapproche de jour en jour et que, effrayé et fasciné, je regarde en face. Un adversaire invincible mais bienveillant devant qui je devrai déposer les armes avec une héroïque résignation. L'ivresse des Hauteurs laisse un goût d'infini en moi, c'est pourquoi jamais je ne m'occupe de ce que mangerai demain.<o:p></o:p>

    Vous qui vous souciez de votre garde-manger, de votre confort, de votre retraite, comme je vous plains ! Vides comme des cloches, vous buvez le vin de la vigne pendant que je m'enivre de quelques nuages. Le ciel est mon tonneau : intarissable est ma joie ! Vous vous ennuyez devant vos télévisions, vous les ânes riches de tondeuses à gazon, de pizzas et de certitudes matérielles dures comme des euros... Pour vivre, vous avez besoin de montagnes de foin. L'idéal me suffit. <o:p></o:p>

    Vos mets sucrés vous empoisonnent exquisément, vos assurances vous rassurent, vos journaux vous informent sur les soldes des magasins... Et vous n'êtes jamais contents, vous qui poussez des braiments devant vos écrans.<o:p></o:p>

    Vous mourez de tout, je vis de rien. <o:p></o:p>

    Le superflu vous rend l'existence fade. Vos carottes sont vos seules sources de bonheur, vous les ânes. Moi je suis nu, je ne possède rien mais n'ai rien à perdre. On peut mourir le ventre plein savez-vous, on peut mourir le ventre plein lorsque pour battre le coeur puise ses forces dans les glucides plus que dans l'amour.<o:p></o:p>

    528 - Une vie

    Avril s'achevait. La saison était belle, les rues s'animaient, la ville n'était qu'efflorescences : hommes, plantes et bêtes s'offraient à la vie. Tout s'éveillait sous les effluves vernaux. Les créatures tiraient profit chacune à sa manière des bienfaits de la nature. Les beaux jours ranimaient chez moi de profondes langueurs, une sorte de tristesse joyeuse innée qui, comme les bourgeons, ne demandait qu'à s'épanouir au soleil de mai. Je promenais mon trouble délicieux au bord de l'onde, pensif et insouciant. <o:p></o:p>

    La Mélancolie de tout temps habitait mon âme. A quarante ans j'avais vécu. Solitaire et studieux. Esthète et hautain. De longues années consacrées aux Arts, aux sciences, à la religion. Mes amis les plus chers étaient les livres, les arbres, les chats, les églises, quelques hommes de lettres parfois, avec qui je passais de longues soirées d'été à causer sous les étoiles.<o:p></o:p>

    Les femmes me témoignaient quelque assiduité. Je les tenais à distance. Non qu'elle fussent d'importunes compagnies, mais épris de je ne sais quelle flamme d'exception, je ne me résolvais pas à répondre à leur amitié en termes définitifs. J'attendais des feux d'envergure, persuadé qu'aux âmes supérieures la vie réservait des éblouissements qui n'avaient rien à voir avec les joies du commun. Je soupçonnais d'autres richesses dans l'existence, plus cachées mais plus éclatantes. Lorsque les femmes sur moi exerçaient plus immodestement leurs charmes, je me détournais non sans élégance de ces commodes tentations. Mollement certes, car fait de chair moi aussi je ne pouvais demeurer parfaitement insensible aux appels de l'hyménée, mais mon détachement avait quelque chose de sincère néanmoins. <o:p></o:p>

    Ainsi je menais l'existence presque brillante, un peu taciturne, à la fois tourmentée et indolente des gens de belle naissance qui se vouent à des causes désintéressées. L'étude, la rêverie, la réflexion, la poésie m'édifiaient de jour en jour, d'année en année. Les gloires que je récoltais et les affres que j'affrontais étaient surtout intérieures, ce qui ne m'empêchait pas de vivre par ailleurs des expériences plus tangibles. Les aventures en ces cas-là prenaient un tour quasi initiatique, quelque chose de livresque, de didactique. Presque irréel. L'expérience vécue étrangement me laissait un goût sec de théorie. L'impression décevante d'une oeuvre inachevée. Souvent burlesque, voire triviale. <o:p></o:p>

    J'étais fait pour le rêve.<o:p></o:p>

    Je cheminais le long de la berge, tout aux charmes du dernier jour d'avril, noyé dans mes pensées. Lorsque je la vis... Parée de noir, la gorge blanche dénudée, un grand chapeau sur son front austère, l'oeil profond, les lèvres sanguines, les ongles comme des lames... Vision effrayante ! Mais c'était bien une femme de chair, une femme de mon espèce qui plus est : authentique aristocrate oisive et baroque, de toute évidence. Laide ? Belle ? Je n'aurais su le dire. Je trouvai voluptueuse cette veuve cependant. Sorte de cadavre lascif ou de pantin mondain, la créature me fit l'effet d'un coup de tonnerre en plein ciel d'été. Mes sens, mes sentiments, mes goûts, tout en moi fut ébranlé. Mes plus chères certitudes tombèrent en poussière.<o:p></o:p>

    Je lui déclarai ma flamme. L'araignée ne fut pas insensible à ma quarantaine incertaine, ni à mon émoi guindé. Je fis tout à fait mouche lorsque je lui dévoilai les secrets de mon âme : nous nous étions trouvés, elle la pierre tombale, moi le crucifix.

    Avril s'achevait. La saison était belle... Je ne croisai personne le long de la berge. Cette histoire que vous venez de lire, je venais simplement de la rêver le long de la berge. Lecteurs qui jusqu'à cette phrase finale m'avez accompagné, le dernier mot de ce texte sera sa raison d'être et plaira à votre imaginaire : soyez les témoins privilégiés de ma vie qui par-delà ce récit se poursuit comme dans un rêve.
    <o:p></o:p>

    529 - La petite bossue

    Elle était jolie, la petite Albertine avec ses boucles d'or et son sourire à faire fondre le Diable. Certes l'enfant portait un fardeau immonde sur le dos, mais cela ôtait-il quelque chose au charme de ce visage fait pour réjouir les coeurs ? Angelot tordu, poupée courbée, Albertine était en effet ce qu'on appelle une petite bossue. Mais qui remarquait encore son infirmité dans son entourage ? <o:p></o:p>

    On ne voyait que le sourire chez Albertine. La bosse passait au second plan.<o:p></o:p>

    Albertine passa une enfance heureuse dans la maison de campagne familiale entre ses proches et ses petites camarades, à l'écart du monde. Jusqu'au jour où, adolescente, les premières flammes amoureuses s'allumèrent dans son coeur florissant. L'objet de ses primes émois se nommait Joseph, un citadin aux allures de dandy rencontré lors d'une fête locale.<o:p></o:p>

    Si les autres étaient éblouis par le sourire de la blonde, Joseph lui était assombri par sa bosse. Il se moquait d'ailleurs odieusement de sa disgrâce, lui reprochant de ne pas faire honneur à un amant de son rang :<o:p></o:p>

    - Vous m'aimez petite bossue, mais avez-vous au moins songé combien votre amour pouvait m'être inconfortable ? Petite égoïste ! N'avez-vous donc vécu que dans les illusions ? Croyez-vous que je vais parader sans dommage en compagnie d'un cygne qui a un cou de canard ? Vous m'aimez certes, mais n'avez-vous pas un instant pensé que votre amour pouvait me causer honte et dépit en public ? Non seulement vous avez une bosse, mais en plus vous manquez de coeur ! Vous croyez-vous si aimable que ça en dépit de vos cheveux fins et de votre minois tendre ? Nul ne vous parle jamais de votre bosse... Permettez que j'inaugure le sujet : vous avez une bosse entre les épaules Albertine, et je ne saurais acquiescer à cet hyménée contre nature que vous me proposez. Vous auriez dû avoir la décence d'aimer un tordu de votre espèce plutôt que d'éprouver des feux déplacés pour un galant que vous ne méritez point ! Votre coeur est bossu lui aussi, pour oser aimer de la sorte ! Vous m'aimez tant que ça ? Aimez-moi donc de loin, voulez-vous ? J'aurai au moins quelque estime pour vous de vous voir ainsi prendre soin de ma réputation, à défaut de répondre à votre amour dément. Vous portez une bosse par derrière qui m'est fort désagréable Albertine. Mais c'est la bosse de devant, celle de votre coeur, qui me répugne le plus.<o:p></o:p>

    L'aristocrate faisait souffrir la pauvre handicapée qui en dépit des vexations incessantes ne pouvait se résigner à trahir les battements de son coeur. C'est de ce beau et cruel sybarite qu'elle était éprise, et elle entendait bien plonger dans les profondeurs de cet amour, qu'il fût lumineux ou ténébreux. Elle l'aimait, son coeur intègre était ainsi fait qu'il était désormais impossible qu'elle ne l'aimât plus. Aussi le mondain ne se privait-il pas de jouer avec sa proie aux boucles d'ange. Deux années durant la guindée tarentule tordit le coeur de la libellule entre ses pattes gantées.<o:p></o:p>

    Finalement Joseph abandonna du jour au lendemain la petite bossue pour une châtelaine verticale d'une beauté sans égale. Sans jamais avoir accordé la moindre tendresse à Albertine, mortifiée. Incapable de renier sa passion, toute sa vie l'éconduite continua à aimer Joseph, de loin.<o:p></o:p>

    De loin, et de tout son coeur cabossé.<o:p></o:p>

    530 - Du côté de Warloy-Baillon

    A pied, à bicyclette ou en voiture, lorsque vous arrivez de la route de Hénencourt, gravissant l'ultime côte raide et sèche qui précède la formidable plongée vers le bourg, vous surplombez soudain un monde qui semble s'annoncer à part. Au sommet de cette pente vous êtes sur le bord d'une cuvette naturelle et embrassez du regard une plaine vaste tachée de toits et de briques rouges d'où s'érige un clocher massif, le tout entouré, protégé par de grands carrés de terres aux sillons beaux et droits... Vous êtes à Warloy‑Baillon !<o:p></o:p>

    A l'horizon gauche de l'endroit où vous vous trouvez, vous apercevez un moulin abandonné, relique irréelle, poétique, décor suprême d'un univers pastoral lyrique et joyeux... Derrière un voile de brume, l'apparition sera saisissante ! Depuis cette hauteur enchanteresse, l'oeil attentif et indiscret retient de ce tableau paisible tout un univers intime, retiré et mystérieux, un petit monde où semblent s'être réfugiés les secrets champêtres les plus charmants.<o:p></o:p>

    Déboulant de ce versant pittoresque qui mène à la cité, vous pouvez goûter les premiers charmes bucoliques de Warloy-Baillon. En fait vous êtes là à Baillon... Un petit pont vous salue dès l'entrée et, arpentant bientôt la montée sinueuse qui démarre de l'église pour finir sur la rue du Général Leclerc, vous débouchez par là-même dans Warloy (« par en haut », a-t-on coutume de dire). Et vous avez alors traversé en son coeur l'agglomération, reliant ainsi en quelques pas flâneurs ‑ si vous êtes à pieds ‑ les deux parties graduelles du village.<o:p></o:p>

    Puis vous vous dirigez vers "le chemin d'Harponville" et là, vous pénétrez dans un domaine autrement secret, celui qui a marqué à l'encre de la Vie une jeune âme : la mienne. Onirique, mélancolique et radieuse, telle fut mon enfance à Warloy-Baillon.

    Oui, mon pays, mes marques, mes nostalgies, c'est Warloy‑Baillon. C'est le chemin d'Harponville, ruban de craie immaculé, bordé de coquelicots. Enfant, ce chemin me semblait se perdre à l'infini vers des horizons fabuleux, idéals inaccessibles...

    Exilé de ce berceau de mes vertes années, je repense avec tendresse à mon village. Warloy‑Baillon c'était pour moi comme une personne, un ami. Son sourire c'était le clair azur, sa voix le vent du nord, ses pleurs les pluies mornes. Profonde était la sérénité lorsque tombait sur les toits la lumière des étoiles... J'étais heureux à Warloy‑Baillon, premier paradis de ma vie, verger de mon enfance.

    Mais Warloy‑Baillon c'est aussi une plaine mélancolique et pesante, c'est des hiboux que l'on dérange près du "bois Darras", des peupliers et de la craie blanche ‑ éclatante au soleil d'été -, des papillons, blancs eux aussi... Au détour de quelque chemin poussiéreux, des coquelicots encerclent des blockhaus. Les grandes chaleurs parfois sont solennelles et profondes : dans un silence de mort perce la flore et repose la ruine.
    <o:p></o:p>

    Au loin, le chant des alouettes. Sous les pieds, les soupirs de l'Histoire. Partout, des terres semées de feu et de fer. Oui, la "Der des der" est passée à Warloy... Et c'est peut-être à cause de ça que vous tiendrez encore plus à ce pays de plaine et de vent.<o:p></o:p>

    Et lorsque de ce pays qui est le mien vous lèverez les yeux le soir vers les étoiles, vers ces constellations mythologiques qui brillent éternellement au-dessus du monde, n'omettez pas de leur adresser une ou deux pensées pour moi, elles me parviendront. De mon pays d'exil, je les regarde chaque soir.<o:p></o:p>

    531 - Le choriste

    Jour de messe chez les hommes de labours. <o:p></o:p>

    Le village est pauvre, le clocher humble, l'église sombre, la piété profonde. Émile l'enfant de choeur doit chanter comme tous les dimanches. C'est un fils de fermier, élevé modestement. Un petit bossu né il y a une douzaine d'années, pris en pitié par le prêtre de la paroisse qui lui a inculqué quelques rudiments de chorale, histoire de le soustraire au climat déprimant de la ferme familiale. En peu de temps l'infirme s'est révélé plutôt doué, et de dimanche en dimanche les ouailles assistent à ses progrès.<o:p></o:p>

    Mais c'est le moment de chanter pour l'enfant de choeur.<o:p></o:p>

    Émile vêtu de son aube s'avance devant l'assistance. Ainsi affublé de blanc, il n'en paraît que plus laid, plus gauche, plus contrefait. L'harmonium mal accordé émet les premières notes. Le petit chanteur aux traits ingrats lève les yeux, gonfle la poitrine, ouvre la bouche...<o:p></o:p>

    Une voix de cristal s'élève, emplissant pierres et âmes.<o:p></o:p>

    Dans l'église tout se fige. Le chant du séraphin tordu résonne dans chaque oreille, et nulle prière n'est plus belle que cet écho. La voix est bouleversante. C'est une onde pure, une flamme bleue. Tout est transfiguré sous le chant du petit disgracié. Très vite l'ange transparaît à travers sa chrysalide débile.<o:p></o:p>

    Debout face aux villageois, la face éclairée par quelque lueur vacillante d'un cierge usé, Émile le petit bossu soudain devient beau, solennel, plein de majesté. Un air de gravité qu'on ne lui connaît habituellement pas rend méconnaissable son visage. Absorbé par son chant, il semble se concerter avec des êtres invisibles.

    Sa voix qui monte jusqu'aux hauteurs sacrées embellit chaque chose : l'église crasseuse, les mines burinées, les vêtements misérables, tout est oublié. L'église sans éclat n'est plus qu'un autel dédié à la Beauté. Les fidèles sous l'enchantement n'ont plus d'yeux que pour ce petit bossu qui leur rappelle que les vraies richesses du monde sont au-dessus de leurs têtes et non sous leurs pieds.
    <o:p></o:p>

    Le chant terminé, règne dans l'église un grand silence fervent. Puis, peu à peu le chanteur redescend de ses nues. Claudiquant de façon grotesque, Émile rejoint alors sa place d'enfant de choeur et va s'asseoir derrière le prêtre. Son visage est redevenu celui du petit misérable de tous les jours.<o:p></o:p>

    Mais dans les âmes, le miracle de la Beauté a opéré.<o:p></o:p>

    532 - La belle et l'abbé

    Le prêtre s'avance vers la croix. Immense, sombre, aiguë, elle se dresse comme un pilori au fond de l'église. A sa droite, dans la pénombre, la chair : une femme, une pécheresse, une ennemie. <o:p></o:p>

    La tentation. Tout en dentelles et parures fines.<o:p></o:p>

    C'est l'été, en milieu de journée, dehors la chaleur est suffocante. Qui songerait à se réfugier dans cette oasis de pierre ? Seuls des êtres d'exceptions peuvent se croiser en ces lieux, à cette heure, en cette époque de l'année. A part le prêtre et cette femme, nul hôte dans l'église désertée. <o:p></o:p>

    Le Christ en croix devant lui est décharné, agonisant, ascétique, marmoréen. La femme à proximité est voluptueuse, éclatante, ses lèvres sont animales, ses yeux embrasés.

    L'abbé est un bel homme contemplatif de cinquante ans, une sorte de personnage monastique d'un autre siècle, un théologien austère et séduisant, un esprit cultivé plein de raffinement. Cette femme dans l'obscurité, une aristocrate flamboyante, pourrait devenir son amante, il le sait. L'homme d'Église s'est exquisément attardé sur les appas de la tentatrice, dévorant du regard sa poitrine opulente à demi découverte. Il a même béni la démone du bout des lèvres, comme s'il avait récité une prière.
    <o:p></o:p>

    La créature s'approche du prêtre qui détourne aussitôt le regard et semble supplier le Christ en croix d'éloigner ce serpent au venin délicieux... Trop tard. Les deux êtres se sont reconnus, se sont compris au premier regard. Épris l'un de l'autre dans l'instant, priant et bourgeoise se désirent mutuellement, elle la lascive, lui le chaste. Leurs lèvres se rencontrent, la fièvre les unit. Dieu ! Que le péché est délectable quand depuis toujours on s'en est privé ! D'ailleurs n'est-il pas légitimé par les circonstances ?<o:p></o:p>

    Face à l'autel, sous le regard du Crucifié, les deux amants se donnent l'un à l'autre. Mais très vite le prêtre se reprend, repoussant violemment la licencieuse :<o:p></o:p>

    - Non, il ne faut pas, je ne peux succomber à de si faciles appels. Arrière, tentatrice ! Ne m'éloigne pas des beautés célestes avec tes promesses charnelles, bohémienne guindée que tu es !<o:p></o:p>

    Mais dans son fort intérieur, se répondant à lui même :<o:p></o:p>

    - "Regarde cette femme, elle est belle, elle te plaît et tu la désires. Elle te désire aussi, tout prêtre que tu es, pauvre homme qui voudrait se prendre pour une statue ! Vois cette gorge vers toi déployée, cette bouche qui ose les mots interdits, ce flanc nu qui s'offre... Cette femme est un verger de l'éden, prends les fruits de la terre, savoure-les comme un homme que tu es au lieu de les rejeter comme un saint que tu n'es pas... L'instant est propice, ce jour de ton existence est beau, ne le laisse pas passer. Prends cette amante, elle sera ton salut : elle fera de toi un homme, un homme comme les autres, un mortel de chair issu de la terre et non un livre ambulant plein de dogmes et de théories."<o:p></o:p>

    Tiraillé entre ses aspirations opposées, il embrasse de nouveau l'amoureuse, puis la repousse dans l'instant qui suit, la reprend dans ses bras, la repousse...<o:p></o:p>

    Finalement, complètement désemparé, il maudit la femme et se précipite au pied de la grande croix, en larmes, repentant. Et, dans un geste théâtral, à genoux se frappe la poitrine en prononcant des paroles en latin.<o:p></o:p>

    Il entend les pas de la belle qui sort de l'église. Il ne se retournera pas et restera jusqu'au crépuscule à prier, à genoux.<o:p></o:p>

    Le Diable en petits souliers s'en est retourné dans la fournaise de l'été.<o:p></o:p>

    533 - Les frasques de l'abbé Bourgeois

    Depuis l'âge de ses premiers émois amoureux Armand Bourgeois s'était découvert l'âme d'un prêtre. Dès l'adolescence, il avait associé les troubles charnels à sa vocation. Vision des choses pour le moins paradoxale... Chez lui ce qui s'opposait se liait étrangement : plaisir et chasteté, péché et piété, beauté et laideur, miel et amertume. Confondant le ciel avec l'horizon, l'aube avec le crépuscule, le soleil avec la Lune, il associait les contraires entre eux alors que le commun des mortels les dissociait. <o:p></o:p>

    La femme pour lui avait toujours été un sommet éclatant duquel il fallait s'écarter pour mieux se rapprocher d'un autre, plus idéalisé. Toute sa vie l'abbé Bourgeois avait été tourmenté par les plaisirs auxquels il s'était toujours refusé de succomber, même avant qu'il ne fût lié par ses voeux de chasteté. Hanté chaque jour de son existence par le plaisir, ses songes érotiques étaient devenus ses pires cauchemars...<o:p></o:p>

    Jusqu'au jour où il succomba. Son amante, soeur Marie-Thérèse-de-l'Enfant-Jésus (rencontrée lors d'une visite à l'abbaye voisine) était une illuminée de vint-huit ans à la chute de reins fort prononcée, aux appas saillants. Renonçant très tôt aux merveilles que ses avantages charnels lui promettaient, elle était entrée dans les ordres par amour du Ciel, bien qu'elle aimât les hommes avec impudeur. De fait la cloîtrée agissait pour les mêmes raisons que l'abbé : de nature fiévreuse, elle aussi était tiraillée entre aspirations extrêmes et ivresses charnelles.

    Bref, ils péchèrent au presbytère un mois et demi durant sans que la mère supérieure ne sût rien. La nonne "faisait le mur" tous les soirs. L'étreinte n'en était que plus délectable. Quarante cinq soirs de suite la moniale reçut en ses féminins abysses le vit énorme de l'abbé Bourgeois... Détail pittoresque, en effet : le prêtre était monté comme un diable.
    <o:p></o:p>

    Au bout de six semaines, repentis de leurs écarts, rassasiés de vins blancs, gorgés de fruits rouges, repus de tous les raisins de l'enfer, ils décidèrent de s'en retourner tous deux à leur vie chaste sans rien révéler de leurs turpitudes à leur supérieur respectif, lui à son clocher, elle a son couvent, la conscience lourde mais le corps apaisé.<o:p></o:p>

    Finalement la vérité se sut dans la paroisse et l'abbé Bourgeois fut ironiquement élu "roi des couillards" par son propre évêque, un impuissant notoire qui au lit avait déçu la mère supérieure du couvent, celle-là même qui exerçait son autorité maladroite et relâchée sur l'amante enfiévrée du prêtre... Ce dernier en conclut qu'entre gens d'Église et hôtes de monastères tout était exactement comme entre hommes et femmes dans le monde. <o:p></o:p>

    Les passions étaient les mêmes, les buts seuls divergeaient.<o:p></o:p>

    En souvenir de ses prouesses d'alcôve, toute sa vie restante il associa la plus grosse cloche de l'église à sa massue de chair. Dans sa logique suspecte il joignait son battant viril à l'airain du clocher, faisant par conséquent résonner les deux choses dans un même élan de ferveur. Ha ! Il fallait voir le tableau ahurissant de l'abbé perché dans le clocheton en train de frapper le bourdon avec son chibre massif sorti de dessous sa soutane ! Cela dit, les cloches sonnaient parfois en dehors des heures réglementaires, si bien qu'il n'y avait plus vraiment d'heures dans la paroisse.<o:p></o:p>

    Enfin Armand bourgeois, abbé membré comme un âne et ex-amant d'une religieuse exquisément "consommée" quarante cinq nuits durant fit certes un peu consciencieux sonneur de cloche, mais une fois redescendu de son juchoir, fit un excellent pasteur pour ses ouailles.<o:p></o:p>

    534 - Duel d'abbés

    L'abbé Troquebière était une petite nature. Mal assuré avec ses ouailles, infoutu d'honorer vieilles marquises et jeunes paysannes, frileux en hiver, fragile en été, timide à la messe, il passait pour un poltron, un buveur d'eau, un trousse-rien-du-tout. Au village, il faisait vraiment piètre figure, la moitié des hommes étant chasseurs, l'autre moitié braconniers. <o:p></o:p>

    On le disait impuissant, mal nourri, taciturne. Personnage sans éclat que tous raillaient. Un gibier d'église tellement insignifiant que les communiantes parmi les plus naïves le méprisaient. Il ne riait jamais, l'abbé. Toujours à marmonner ses prières incompréhensibles, la poche de sa soutane déformée par son sempiternel missel. Ma vêtu, et d'ailleurs guère soucieux des apparences, il sentait la naphtaline. Une odeur de vieux croûton avant l'âge, une ambiance de moisi sur son passage. <o:p></o:p>

    Bref, un air de vieux con d'abbé que même les chiens fuyaient.<o:p></o:p>

    Et puis un jour la chrysalide s'éveilla, des ailes apparurent. Le bourgeon enfin fut bien mûr, nul ne sait par quel miracle. Une fleur surgit sous la soutane. Le père Troquebière était devenu un abbé, un vrai.<o:p></o:p>

    Du jour au lendemain il enfila drument châtelaines, gueuses, oiseaux de passage, hôtes de couvents... Et même dit-on, de jeunes bougres. Il buvait au tonneau, à la bouteille, à la coupe, jusque dans les bottes fines des dames de haute vertu. Se calant la panse avec des cuissots de chevreuils, des chapelets d'andouillettes, des paires de chapons, des couilles de taureau et des rognons de mouton, il banquetait comme un vrai seigneur. Du grand spectacle ! Il était loin le moineau sans appétit de jadis !<o:p></o:p>

    En peu de temps il devint gras, gros, saoul, séduisant. Remplaçant progressivement ses prières par des chansons paillardes, il s'imposa parmi les ivrognes et les noctambules du village comme la plus joyeuse des compagnies. Les femmes le convoitaient, les hommes le jalousaient, les chiens le suivaient. Il ne sentait plus la naphtaline mais le jambon fumé. Ha ! Quelle belle humeur se dégageait de l'abbé Troquebière à présent qu'il troussait, buvait, mangeait, chantait ! Il mourut net de ses excès. <o:p></o:p>

    On l'enterra avec regret, l'abbé ayant régné fort peu de temps dans la taverne du village. Sur sa tombe l'on grava : "Ci-gît un abbé mort à 95 kilogrammes".<o:p></o:p>

    Son successeur -un abbé fort austère- après avoir reprit les affaires de la paroisse en main s'éternisa dans sa fonction en se desséchant corps et âme. Année après année. A la fin de sa vie il avait maigri d'un tiers de son poids originel.

    A sa mort, l'on suggéra de faire brûler sa dépouille au crématorium : le village était devenu un repaire d'impuissants végétariens minéralisés apolitiques et mêmes apostoliques.
    <o:p></o:p>

    535 - Les tripes

    C'est l'effervescence chez les Holloy-Dutailly. Un jour de fête pas comme les autres au château : la domestique a préparé une spécialité caennaise pour la famille et les invités. <o:p></o:p>

    Des tripes.<o:p></o:p>

    Attablée autour de la marmite fumante, l'assemblée guindée hume une délectation mêlée d'écoeurement les émanations rances du mets carné qu'on va leur servir. Certaines âmes sensibles sont plus désagréablement surprises que d'autres. Quelques beaux esprits trouvent l'idée originale. Une personnalité plus trempée que les autres semble même se pâmer à la perspective de participer à cet immonde festin.<o:p></o:p>

    Une fois chacun copieusement servi, un par un les convives portent à la bouche le contenu de leur assiette. Mademoiselle de la Bruyère en grand décolleté a laissé tomber un peu de sauce sur son tétin droit qu'elle essuie consciencieusement à l'aide de son mouchoir de soie. Le duc de la Charmière à ses côtés bâfre sans façon. La maîtresse de maison, la châtelaine Holloy-Dutailly, félicite la domestique originaire de Caen. Bientôt on n'entend plus que les tintements des couverts d'argent : plus personne ne dit mot. Les dîneurs sont tous occupés à honorer le plat dans un silence quasi religieux. Les portions de tripes disparaissent dans les gosiers fins, désagrégées par les mâchoires de choix, englouties dans les estomacs délicats.<o:p></o:p>

    Le fils du marquis d'Hortancière croise le regard espiègle de Mademoiselle de la Bruyère, toute gorge déployée comme nous venons de le voir plus haut. Entre deux bouchées de tripes, une muette idylle se noue. Les deux jeunes gens ne se quittent plus du regard. Le vin blanc commence à couler, la marmite de tripes se vide peu à peu. Au bout de la table, on intrigue plus férocement : Monsieur de la Verroy-Castilly s'est mis en tête de séduire la baronne d'Estelle, une riche veuve qui ferait son affaire, dans tous les sens du terme. Encore une assiette de tripes pour se donner de l'entrain, et Monsieur de la Verroy-Castilly accède à la fortune de la veuve par mariage interposé.<o:p></o:p>

    Une dame de toute noblesse disserte à présent sur la forme et l'aspect des tripes qu'elle pique ostensiblement de sa fourchette. Elle trouve ces viscères de porcs aux angles géométriques parfaitement répugnants. La conversation est enfin engagée entre les mangeurs : chacun y va de son commentaire. Le fils du marquis d'Hortancière à l'adresse de Mademoiselle de la Bruyère se hasarde à des considérations très élevées au sujet des tripes, ce qui a pour effet de faire sourire la pucelle. Le duc de la Charmière trouve le plat à sa convenance, très banalement. Il a la réputation d'avoir peu de conversation, il est vrai. Les jumelles d'Artacia, minces mais laides, déclarent qu'elles ne reprendront pas une nouvelle assiette de tripes, une spécialité fort mauvaise pour la ligne selon elles. Le duc de la Charmière en profite pour leur proposer ses services ogresques. Le pauvre duc a toujours manqué de classe... Chacun a repris des tripes, cependant il en reste encore. Avec toutes les grâces du monde la châtelaine Holloy-Dutailly décrète que la marmite doit être vidée jusqu'à la dernière tripe. Aussi invite-t-elle tout le monde à se resservir, sauf les jumelles qui viennent d'émettre quelque réticence à ce propos.<o:p></o:p>

    Ainsi s'achève le repas chez les Holloy-Dutailly.<o:p></o:p>

    A la sortie de table, le fils du marquis d'Hortancière a trouvé l'amour en la personne de Mademoiselle de la Bruyère. Monsieur de la Verroy-Castilly quant à lui s'en est reparti au bras de la veuve d'Estelle. Le duc de la Charmière a fait une sieste digestive la panse bien pleine à l'ombre d'un saule chez la châtelaine chez qui il s'est attardé jusque tard le soir. Les jumelles d'Artacia n'ont point embelli leur physionomie ingrate mais ont gardé intacte leur ligne. Enfin les autres hôtes de marque dont nous ne citerons pas les noms pour ne pas lasser le lecteur sont tous repartis en baisant respectueusement la main de la châtelaine Holloy-Dutailly.

    Ce texte que vous venez de lire chers lecteurs est le dernier écho de cette culinaire aventure qui s'est passée au château des Holloy-Dutailly dans les premières années du vingtième siècle, il y a cent ans.
    <o:p></o:p>

    L'affaire des tripes venait de commencer. Elle devait durer un siècle. <o:p></o:p>

    536 - L'abbé Grosfoutu

    Le curé avaient des couilles de boeuf, bien qu'il fût monté comme un bourriquot. La supérieure du couvent qui était sa pire ennemie s'y entendait pour aller chercher querelles à l'homme d'église qui, le pauvre, ne pouvait répondre dignement qu'en exhibant son chibre en action à l'acariâtre renonçante. Parfois devant les insupportables provocations de la mère supérieure il sortait même la grosse saucisse vive de sa soutane devant toute une assemblée de bigotes endimanchées et de fins lettrés outrés.<o:p></o:p>

    Il était ainsi l'abbé Grosfoutu : une vraie nature qui ne faisait pas de manières.<o:p></o:p>

    Le dimanche après la messe il s'enfilait sans complexe nègres éphèbes et jeunes novices du couvent. On dit qu'il aurait même déniaisé jadis, au temps de la fleur de l'âge, un futur évêque entré en fonction depuis. Bref, l'abbé Grosfoutu ne manquait jamais une occasion de foutre drument sa pine au cul des vierges comme à celui des bougres ecclésiastiques.<o:p></o:p>

    Rome eut écho de ses moeurs peu orthodoxes. On le muta au fin fond de la chrétienté, chez les esquimaux. Rien n'y fit : même dans les glaces arctiques, le pieux paillard enculassait, empinait, foutait à tour de bras tout ce qui lui tombait sous la trompette.<o:p></o:p>

    On se résolut à le castrer chimiquement en mêlant du bromure dans sa soupe. Il devint gras, lourd, lent, las.<o:p></o:p>

    Il revint dans son pays d'élection pour se refaire une santé. Ordre de Rome. Entre temps la supérieure du couvent était devenue une catin notoire : la gent ecclésiale du canton et des alentours lui était passée dessus.<o:p></o:p>

    Les deux religieux devinrent naturellement amants et se refilèrent bientôt la chtouille. Tout ce que comptait l'évêché de miasmes syphilitiques put se lire sur leur visage.<o:p></o:p>

    On les surnomma "les amants de la vérole".<o:p></o:p>

    537 - Ma détresse glorieuse

    Je suis une âme en peine, un soupir dans la nuit, un râle triste et doux.<o:p></o:p>

    Ainsi qu'une lyre aux cordes rompues, je ne chante plus que les ténèbres, la pluie morne et vos mortelles amours. Je suis un seigneur abandonné, un aigle blessé, un loup sans foyer. Je pars en enfer. A la recherche d'une damnée. Le Diable est son amant et tous deux se délectent de ma misère.<o:p></o:p>

    Je suis un égaré de la géhenne, un passager du malheur, un oiseau d'infortune. Un fantôme sans ailes, un ange sous les chaînes, l'hôte des ombres. <o:p></o:p>

    Un spectre effaré.<o:p></o:p>

    Mon visage est noir de ma douleur, mes paupières sont lourdes comme celles des pétrifiés, mes songes sont ceux des gisants de marbre. Je marche vers un destin sans repos.<o:p></o:p>

    Je suis une vallée de désespoir, la dernière heure du jour, le premier instant de la mort, un puits que l'aimée a tari, une tombe que le sort a creusée, un trou dans le coeur des hommes. <o:p></o:p>

    L'amour m'a perdu et mon salut n'est plus que dans ce cri jeté dans l'infini.<o:p></o:p>

    538 - Elle reviendra

    Elle reviendra, la perfide, l'infidèle, la fuyarde... Et comme un oiseau blessé, se blottira sous la patte du lion. Ma griffe effleurera sa joue. D'une larme, me désarmera. Perfide ! Infidèle ! Fuyarde ! Mon pardon, comme une croix sera infiniment doux.<o:p></o:p>

    Profonde, rédemptrice, christique, ma peine est un calvaire extatique.<o:p></o:p>

    Elle reviendra, la vérole au coeur, des rêves lourds dans la tête, l'âme voilée de noir. Elle reviendra, la pécheresse, l'absente, l'aimée. Elle reviendra et le Diable cette fois n'applaudira pas. Sur le chemin du retour ses pas seront languissants, ses chants mortels. Lasse comme un soldat revenant de guerre, dans la gueule du loup viendra chercher refuge. Le pain amer de la résipiscence lui apportera des forces nouvelles. Et plein de dégoût.<o:p></o:p>

    Elle reviendra, la méchante, la traîtresse, la cruelle, elle reviendra la douce, la chère, la tendre... Assassine, sans coeur, maudite est celle qui s'est envolée... Je suis condamné à n'aimer que cette damnée en fuite, ce serpent de Cythère, cette tortureuse d'âmes.<o:p></o:p>

    Elle reviendra, les bras vides, la semelle usée, le front nu, les mains sales.<o:p></o:p>

    Mais parce qu'elle sera revenue, ce seront mes plus chers trésors de martyr, les moins vives de mes épines, les plus doux de mes fers, les plus aimables de mes clous, moi le crucifié.<o:p></o:p>

    539 - Le statut d'auteur

    La plupart des auteurs se définissent exclusivement par rapport à leurs activités littéraires, ce qui est parfaitement réducteur, borné, et surtout très vaniteux. Je ne cesse de le répéter : la littérature n'est rien. Et le fait que l'on mette toutes ses tripes dans ce genre d'affaire n'y change rien. <o:p></o:p>

    Mais d'où vient donc cette étrange vanité des auteurs pour leur art ? Sans doute du culte que l'humanité aux temps passés a toujours voué aux plumes et poètes en tous genres, sortes de sorciers civilisés permettant au commun des mortels d'avoir une vue d'accès sur les dieux... De nos jours ce statut d'auteur étant accessible à la masse, il n'est pas étonnant que le moindre quidam de peu de culture prétende au feu sacré. Trois mille auteurs consultables chez "Le Manuscrit", éditeur en ligne des Dupont et autres anonymes !<o:p></o:p>

    Cette société est malade de son nombril.<o:p></o:p>

    Qu’est-ce que la reconnaissance pour un auteur ? Cela change-t-il quelque chose fondamentalement d'être reconnu ? Ne pas être reconnu, cela empêche-t-il les écrivaillons d'écrire ? Loin de là. <o:p></o:p>

    Alors, pourquoi ce malaise ? <o:p></o:p>

    Parce qu'avec l'explosion des médias, télévision depuis quelques décennies et aujourd'hui Internet, on a voulu faire croire aux millions d'auteurs du dimanche et autres poètes improvisés que la gloire était à bout de plume pourvu que le feu fût là... Mais de quel feu s'agit-il au juste ? Ce prétendu feu sacré de l'écrivain est une foutaise que partagent des millions de poires dans leur verger de bla-bla et de rimes au kilomètre... N'est pas Beckett qui veut.<o:p></o:p>

    Bernard Pivot en ce domaine a causé bien du tort. Ses célèbres émissions télévisées ont largement contribué à contaminer la population d'illusions littéraires. On voit ce que ça donne aujourd'hui. Trois milles auteurs en ligne chez Manuscrit.com ! Et combien de centaines de milliers d'autres mulots de la plume noyés dans les méandres du Net, ensablés chez d'obscurs éditeurs ? <o:p></o:p>

    Les faux messies de la cause littéraire (Pivot, entre autres bandits) ont fait croire aux masses que les lettres étaient à la portée du premier "original" venu. Le résultat, on le paye au prix bas : jamais la Pensée Universelle n'a été si   prospère !<o:p></o:p>

    Atteindre à l'universel est seulement à la portée d'une poignée de lettrés : l'élite. Oui, je dis bien l'élite. Le mot ne m'effraie pas ni ne me scandalise, contrairement à bien des vaniteux de ces lieux définitivement hermétiques à mes vues sous prétexte que je ne les inclus pas dans le "Salut Littéraire"... <o:p></o:p>

    Écrire pour les siècles et non pour les regardeurs de télévision, écrire pour les générations futures et non pour les vacanciers, c'est être déjà mort à ce monde. C'est refuser le système de starisation, c'est accepter de demeurer dans l'ombre de son vivant non pour sa propre gloire posthume mais pour la gloire des Lettres, et rien que des Lettres. Sacrifice impossible pour le commun, crime de lèse-auteur impardonnable pour le vulgaire qui ose se prendre pour un écrivain ! Non, décidément, n'est pas Beckett qui veut.<o:p></o:p>

    540 - La réalité est plus riche que votre imaginaire

    Faux poètes du NET qui par milliers nous assommez avec vos productions provinciales, laissez là vos poésies et chants désaccordés de bardes barbants ! <o:p></o:p>

    La terre, la mer et les airs avec leurs créatures aux formes étonnantes, répugnantes ou adorables valent mieux que vos chimères sans saveur. Les conceptions animées sont plus enchanteresses à mon coeur que toutes vos banales "rimailleries" qui prétendent rivaliser en éclat avec les monstres et les merveilles de la Création. Le réel dépasse en beauté, ingéniosité et magnificences vos poésies poussives de petits "poéteux" en mal de reconnaissance "nombrilistique".<o:p></o:p>

    La Poésie se concerte avec l'araignée, la Poésie est logée dans le bec du vautour, dans la plume du corbeau, la Poésie est cachée au fond du terrier, elle se terre dans les abysses océaniques, elle s'exhibe au bord des trottoirs de vos villes, se répand sur vos toits, fait chanter vos gouttières, s'élance au crépuscule vers la nue étoilée, retombe le matin sous forme de rosée. <o:p></o:p>

    La Poésie est partout sous vos pieds et au-dessus de votre tête, et vous ne la voyez pas ailleurs qu'au fond de votre nombril.<o:p></o:p>

    541 - Le Cimetière de l'Ouest

    Ce n'est pas le Père Lachaise non, mais les tombes sont profondes et paisibles, les allées grandes et mélancoliques, et l'horizon n'est qu'un vaste manteau de pierre, funèbre et solennel. Les marbres neufs -d'un goût douteux- luisent au soleil, tandis que les vieilles sépultures plus ternes des siècles passés agissent comme autant de chandelles mortes, ajoutant à la nécropole une atmosphère exquisément désuète. Ainsi se présente le cimetière du Mans, appelé le "Cimetière de l'Ouest".<o:p></o:p>

    J'errais dans ce jardin mortuaire, tantôt. <o:p></o:p>

    Je m'attardais dans les parties XVIIème, XIXème et début XXème siècle du cimetière. Je lisais des noms d'un autre temps, à demi effacés sur les stèles. Il y avait des notables et des pauvres types, des jeunes filles et des vieux grigous, des quidams dont nul sur la planète ne se souvient plus, des députés, d'anciens maires de la ville, des jeunes adolescents isolés avec des épitaphes sobres et austères ou au contraire chaudes, dégoulinantes de larmes vraies... Parfois des familles entières reposaient dans un seul tombeau avec juste le nom des occupants, sans aucun regret gravé. Tous se côtoyaient dans la terre mancelle. Les défunts, jeunes et vieux, beaux et laids, insignifiants et glorieux, appartenant à un siècle ou à un autre, ordures et saints, moi je les trouvais touchants, émouvants au fond de leur trou. <o:p></o:p>

    Je les rendais à la vie temporelle en somme, par mon seul regard. Je lisais leur nom, regardais leur tombe, tentais de deviner qui étaient ces André, ces Hubert anonymes, ces Lucette, ces Marie d'un autre âge, cette famille Champion perdue dans la foule des autres trépassés... Ils avaient vécu dans le monde tous ces gens-là. Ils avaient aimé, souffert, espéré, mangé de la salade verte, bu de l'eau claire, du vin, joué aux cartes, haï leurs voisins...<o:p></o:p>

    Je songeais que lorsque ce sera mon tour de descendre dans la fosse, pâle, avec un rictus énigmatique et figé sur les lèvres ou alors avec un air tout banalement inexpressif, placide (car qui sait quelle sorte de visage donnera à chacun de nous la mort ?), les intestins inertes, les pieds comme deux pierres, la tête droite, je songeais disais-je que lorsque ce sera mon tour de descendre là dans ce trou, alors moi aussi je deviendrai l'anonyme d'un cimetière, un oublié du monde, une stèle illisible. Les siècles me rendront pareil à cette multitude muette couchée sous la terre. Des gens oubliés de tous, jusqu'à leurs ossements.<o:p></o:p>

    Un mort de plus parmi les milliards de gisants que comptent tous les cimetières du monde.<o:p></o:p>

    Voilà ce que sera devenu le vivant Raphaël Zacharie de Izarra de cette heure où je vous parle, et je ne m'en fâche point. Ainsi, égaux nous sommes. La poésie, les lettres, les vanités, les amours ratées, les attentes de bus, les rendez-vous importants, les courriers urgents, les affaires minables, les aveuglements des jeunes gens, les classes redoublées, les comptes-rendus de l'employé à son patron, les soucis météorologiques avant les départs en vacance, les trains à ne pas manquer, les rendez-vous chez le coiffeur, les ascensions sociales, les descentes des pistes de montagne à ski, tout s'apaisera dans la tombe.<o:p></o:p>

    Visitez les cimetières, vous qui vous pensez immortels à force de ne jamais penser que le jour de votre mort arrivera. Un 4 mars ou un 17 juin, peu importe. Mais un des 365 jours de l'année, de manière certaine. Visitez les cimetières, vous qui avez tant de choses à faire, à voir, tant de gens à aimer, à détester. <o:p></o:p>

    Attardez-vous sur les tombes de ces mangeurs, de ces amants, de ces conducteurs de trains, de ces chapeliers, de ces servantes, de ces vagabonds, de ces écoliers, de ces vieillards qui comme vous se croyaient immortels. <o:p></o:p>

    La mort les a pourtant surpris. Maintenant ils sont au fond de leur trou, dans le "Cimetière de l'Ouest". Et vous y serez vous aussi.<o:p></o:p>

    Vaniteux vivants, allez donc visiter les cimetières vous dis-je, et surtout prenez votre temps. Il faut que vous soyez imprégnés, hantés par le marbre.<o:p></o:p>

    Et puis lorsque vous aurez terminé votre visite, alors -et c'est conseillé-, vous pourrez en toute joie vous enivrer de bon vin.<o:p></o:p>

    542 - L'araignée

    Elle me hait de ses huit yeux de myope. <o:p></o:p>

    Conception des ténèbres, ignominie enfantée par quelque cauchemar cosmique, vomissure du Mal, sans-âme échappée du pays de la damnation, chair née de la cervelle d'un dieu mauvais ou pure émanation des égouts de l'enfer, toujours est-il que l'araignée est là, qui me fixe.<o:p></o:p>

    Et me glace les sangs. <o:p></o:p>

    Immobile, minuscule, mince et noire, ses pattes sous mon regard d'épouvanté deviennent géantes et vont bientôt m'enlacer, alors même que d'un simple coup de talon je pourrais l'aplatir. Pourtant je n'ose, pétrifié par le monstre gros comme un caramel mou.<o:p></o:p>

    Elle s'approche. Je suis un marbre tremblant, une feuille de pierre, une enclume de chair. Elle grimpe sur ma chaussure, abjecte jusque dans ses moindres mouvements. Avec son abdomen comme un vivant immondice, n'est-elle point hideuse la huit-pattues qui s'accroche au cuir luisant ? Ses longs doigts velus dérapent sur ma chaussure. Et méchamment s'agrippent, insistent ! L'infernale créature parvient à ma cheville... Et grimpe, résolument. Moi, je ne suis plus qu'un chêne prêt à tomber en poussière : l'effroi incarné.<o:p></o:p>

    Je sens ses pattes immenses qui enlacent mon esprit, emprisonnent ma raison, mettent en cage mon souffle, mon coeur et mon âme. Elle continue de grimper, ses huit pattes me possèdent, son abdomen maudit d'entre toutes les inventions de la Création glisse le long de ma jambe... Je devine ses entrailles répugnantes et les grossis, les invente, les projette mille fois plus noirs qu'il ne le sont en réalité. Mais je suis prisonnier de ma terreur. Incapable de raison.<o:p></o:p>

    Elle vient à moi chargée de toute sa haine, sa haine remontée des siècles lointains, héritée des temps les plus obscurs de la planète où la vie s'éveillait à peine... Haine originelle demeurée intacte depuis les profondeurs millénaires de la terre et les gouffres immémoriaux de la genèse ! La haine, la Haine qu'éprouve l'araignée pour tout ce qui vit, tout ce qui est bien, bon et beau. Je sens cette haine inextinguible, sans fond, sans fin et huit fois multipliée de mon ennemie l'araignée.

    Une haine démesurée enfermée dans un corps si ténu... Cette haine innée qu'éprouve l'araignée pour l'Univers, ne la lisez-vous pas sur ses huit pattes affreuses, sur son abdomen sans chaleur, à travers la nuit dont elle est imprégnée ?
    <o:p></o:p>

    Elle arrive à mi-hauteur de mon corps statufié. D'un tremblement d'horreur je la précipite involontairement à terre.<o:p></o:p>

    Libéré de l'effrayante étreinte, j'émerge peu à peu de mon enfer. Je sens monter en moi le feu terrible de la vengeance. Je vais la foudroyer, la broyer, la pulvériser, la réduire à l'ordure, la rendre au néant, la mêler à la poussière, l'expédier aux éternels enfers. Je tremble de toutes parts : coeur, chair, esprit.<o:p></o:p>

    Et je tremble tant et si bien que je décide de laisser la vie à mon ennemie. Tant de déchéance incarnée me pousse à la pitié, à la miséricorde. Je n'écraserai point les huit pattes ignobles. L'expérience de la hideur m'a donné l'envie de l'amour : la vue de ces huit pattes a fait naître chez moi deux ailes.<o:p></o:p>

    543 - Dans le charbon

    Dans la réserve à charbon il fait sombre et c'est plein de vieilles toiles d'araignées déchirées, noircies de poussière. Autrefois sous ce toit ouvert à tous les vents nichaient quelques bestiaux à destination de la boucherie locale. Moeurs d'un autre temps qu'adoptaient les précédents propriétaires, avant la Grande Guerre. Aujourd'hui en 1978 la servante vient y puiser son noir fardeau. La servante, une pauvre imbécile gentille et sans le sou. Une idiote incapable d'économiser ses gages mais bien tournée. Et qui plaît au maître, ce coquin quinquagénaire qui n'a pas son pareil pour faire tourner les vieux moteurs à pétrole !<o:p></o:p>

    Suzanne, c'est son nom, porte le charbon vers le foyer. Pendant ce temps Nestor son ennemi de toujours, un gentil garçon boiteux mais mal embouché, prend son envol vers sa destinée. La porteuse de charbon trébuche dans la cour, ses boulets roulent, Nestor clame haut et fort que jamais on ne le reprendra à réciter par coeur des leçons inadaptées à son niveau scolaire qui est plutôt bas pour son âge (45 ans).<o:p></o:p>

    Une partie infime du charbon est écrasé par les pas maladroits de Suzanne-la-godiche. Quelques morceaux de dimensions négligeables se sont également perdus dans l'herbe.<o:p></o:p>

    Il ne faut pas trébucher quand le charbon est entre les mains de Dieu. Le feu cuira les poireaux, la servante se sent belle. Et effectivement, elle est belle.

    Jusqu'au lendemain.
    <o:p></o:p>

    544 - Un vrai seigneur

    Je suis un seigneur. <o:p></o:p>

    Je mange dans une gamelle de bois, dors dans de la fourrure, nage en eaux libres, mendie avec dédain, gâche sans remords, mâche solennellement, marche sans me presser, cours avec les ânes, bêle en compagnie de mes femmes.<o:p></o:p>

    Je regarde l'heure qu'il est à la seconde près quand je n'ai pas besoin de savoir l'heure qu'il est. J'oublie le temps qui passe quand je vois le temps qu'il fait. La fatalité chez moi s'appelle "fatalitas". Je baigne parfois mes pieds dans une bassine en zinc. Je suis un seigneur et mes orteils valent autant que vos cocktails.

    Comme tout seigneur, j'ai plein d'honneur : je crache par terre avec ostentation. Ca me fait coqueter quand je porte mon beau chapeau à plume. J'aime me pavaner, railler, mépriser, persifler. Je déteste la compagnie de mes semblables portant un couvre-chef plus haut que le mien. Je porte un amour presque immodéré à mes chats. Ma bonne les nourrit, et elle est âgée. Je ne la paye pas pour ne rien faire, aussi j'attends de cette vieillarde maintes satisfactions et moult services : transports de bois, arrachage de souches, port de seaux d'eau fort lourds. Pour la cuisine, j'emploie un tendron de seize ans peu farouche.
    <o:p></o:p>

    Je suis riche, avaricieux, poltron, déloyal, menteur, faussaire, enthousiaste, retors, élégant, colérique et prétentieux.<o:p></o:p>

    Je prends dans les troncs des églises, donne aux moins pauvres, fais la morale aux riches, recueille dans mes écuries les miséreux, mange à ma faim, vole ma vieille bonne, gâte ma cuisinière de seize printemps, flatte mon curé.<o:p></o:p>

    Je suis un seigneur. J'ai besoin de le répéter, de le rappeler, qu'on s'en souvienne. Mon chapeau à plume est seyant, mes crachats sont sonores et puissants, ma demeure est glaciale. Je vis dans mes écuries la plupart du temps, sauf quand je recueille des vagabonds. Là, je dors dans mon lit, eux dans mon foin quotidien. Je suis un seigneur. <o:p></o:p>

    Un peu étrange disent certains.<o:p></o:p>

    545 - La Vierge sylvestre

    Aux abords d'une forêt sarthoise que longe une route communale, gît une antique chapelle ouverte à tous vents, abandonnée, minée par le temps et les éléments. A l'intérieur trône une Vierge parmi des immondices. En pleine décrépitude, rempli d'humus, les murs couverts de moisissures, le sol jonché de squelettes d'animaux, l'humble édifice de pierres et de bois pourri agonise depuis des lustres au bord de la route.<o:p></o:p>

    Il y a quelques jours en passant pour la millième fois devant cette chapelle que j'avais fini par ne plus voir, je fus pris d'une subite curiosité. Attiré par ce temple que la désolation avait rendu finalement charmant, je m'approchai. Histoire de jeter un oeil compatissant sur les trésors dérisoires que devait receler cet autel devenu antre des oiseaux de nuit, de m'attarder avec mélancolie sur les riens qui, j'en étais persuadé, peuplaient délicieusement cette demeure vide... Occupation innocente de promeneur.<o:p></o:p>

    Je vis une Vierge de plâtre peinte dans la position traditionnelle de prière, étreignant un chapelet devant sa poitrine. Naïve, sans goût ni attrait particulier, cette Vierge qu'embaumaient des effluves de champignons et de bois mort ne présentait à vrai dire nul intérêt, et finalement je trouvai ce lieu parfaitement anodin. J'étais sur le point de m'éloigner : pas de quoi m'attendrir sur des bagatelles aussi misérables. Cependant...<o:p></o:p>

    Cependant une force invisible me retenait immobile devant la statue. <o:p></o:p>

    La Vierge en lambeaux parut tressaillir sous mon regard, confusément. Une flamme ardente émana progressivement du visage de plâtre peint. La flamme très vite devint un feu ardent, terrible, violent. Je n'eus guère le temps de m'étonner ni de me laisser gagner par l'effroi. Les immondices disparurent, je ne vis plus que cette Lumière. En moi, une paix infinie. <o:p></o:p>

    La statue me fixait, elle me fixait, me sondait, m'interrogeait avec une indescriptible douceur et il me sembla avoir en face de moi une montagne écrasante d'amour. Sous son aspect piteux, abandonnée de tous, la Vierge de plâtre venait d'être réanimée par le seul regard d'un mortel et se manifestait au monde avec éclat, au bord d'une route perdue de campagne... Miracle à l'ombre d'une forêt communale, dans la plus grande simplicité. Témoin et acteur du prodige, qui étais-je donc pour porter un si glorieux fardeau ? Un passant peut-être un peu plus pieux que les autres... Qu'en sais-je ? Toujours est-il que j'ai vu.<o:p></o:p>

    Ce monde contemporain assoiffé de jouissances matérielles qui, ingrat, a voué à l'oubli et à l'offense les plus chers témoignages de piété édifiés par ses ancêtres, voilà qu'ils se sont rappelés à lui au détour d'une banale route de campagne, et avec quelle fulgurance !<o:p></o:p>

    Dans cette chapelle en ruine la Lumière à travers moi s'est manifestée, j'en porte à jamais les stigmates : désormais je chérirai la pierre, le bois et le plâtre que dans les siècles passés nos parents ont bénis.<o:p></o:p>

    Aussi que l'on me permette, surtout auprès des incrédules et des ventres pleins, de témoigner de l'indicible Lumière d'en haut, car je le répète, dans la petite chapelle abandonnée, j'ai vu.<o:p></o:p>

    546 - Quand tu seras mort

    Quand tu seras mort je verserai de la crème de haricot au beurre de Charente dans ta bouche inerte, je soufflerai sans état d'âme dans tes oreilles définitivement bouchées, je froisserai des billets de banque devant tes narines sans plus d'utilité, je placerai douillettement mes pieds dans tes chaussons à carreaux, je briserai ta pipe en deux morceaux distincts. Quant tu seras mort, ordure, ne compte pas sur moi pour te regretter !<o:p></o:p>

    Ce jour-là, ce jour-là où tu seras étendu prêt à partir pour le cercueil, j'empilerai dans ta chambre devenue froide des boîtes vertes, tant et si bien qu'elles s'effondreront sur le plancher dans un fracas qui ne te réveillera jamais. Des boîtes vertes avec des trucs dedans, des choses lourdes, un peu carrées, un peu citronnées, pas tellement grosses. Mais bien claquantes.<o:p></o:p>

    Quand tu seras mort, fumier, il n'y aura pas de quoi pleurer ! Moi je sonnerai de la trompette tandis que tu dormiras. Et pendant que tu attendras comme un glaçon qu'on t'inhume bien profondément dans la tourbe du Nord, j'émettrai des notes aiguës dans la pièce. Quand tu seras mort je serai bien, moi. Et puis il n'y aura pas de fleurs tu sais, vu que t'es qu'un vieux chardon noir comme un boulet de petit pois. Je boirai un canon à ta santé. Une santé de défunt fini, ça s'arrose   non ?<o:p></o:p>

    Vieux débris, quand tu seras mort il n'y aura personne pour te dire au revoir. Tu auras droit à des " Bon débarras ! " et puis à quelques crachats. Et je serai le premier à le dire, le premier à t'envoyer mon postillon parfumé de chique sur ton costume de bois, vieux cochon de gros verrat à truies que tu es !<o:p></o:p>

    Quand tu seras mort je chanterai l'hymne à ta crevaison. Et tu la fermeras, je jure que tu la fermeras ! Ha ! quand tu seras mort, sale poulet duveteux avec ta tête de poêle à frire, espèce de viande avariée, chien raté, vieux chacal puant, quand tu seras mort mon premier geste sera d'allumer un feu de joie avec ta carte d'identité et d'y attiser ce gros cigare que tu vois dépasser de ma poche depuis des lustres. Je me le réserve depuis toutes ces années en attendant le grand jour, tu sais.<o:p></o:p>

    Exquise, libératrice, quand tu seras mort ma première bouffée sera pour saluer la Camarde à ton chevet. Et dans mes ronds de fumée, mollement, méditativement je te chasserai de ma vie en fermant les yeux, les lèvres expulsant le tabac de Virginie dans un vertige extatique.<o:p></o:p>

    Car c'est en fumant un gros cigare de Virginie -et non de Havane- que je veux, te causant une ultime contrariété, fêter ton départ. <o:p></o:p>

    547 - Le poison de la passion

    Je hais et fuis toute passion. La passion est délétère, funeste, vénéneuse, elle rabaisse au lieu d'élever. La passion est pure animalité. Je n'aspire qu'à la sérénité des hauteurs désincarnées. De ma vie je n'ai jamais éprouvé aucune passion et souhaite à tout prix éviter cet écueil stérile qui empêche toute progression en général, et particulièrement en direction de mes chères étoiles. <o:p></o:p>

    Passion est perte de temps, d'énergie, du sens de la marche. Égarement terrestre, la passion est un chemin semé de bûches de Noël... Qui mène droit au gouffre !<o:p></o:p>

    La passion est la raison des fous. Sage, avisé, plein de bon sens, d'esprit, je chemine loin de ces sentiers que vous empruntez, vous les marcheurs aux semelles embrasées. Je me moque de vos "passions", des railleries qui s'y mêlent, de vos ailes qui bourdonnent comme des flammes, infernales. Ce qui me porte est bleu et non rouge.<o:p></o:p>

    Vous vous croyez pleins de braise sacrée parce que vous êtes habités par des passions, alors qu'en vérité vous êtes aussi vides que des coques de noix brisées. Le ver ronge le fruit du dedans et laisse l'écorce. Vous brûlez certes, comme brûle la coquille une fois la pulpe extirpée... La passion ridiculise.<o:p></o:p>

    Vous brûlez votre huile, tandis que je conserve mon essence.<o:p></o:p>

    Pendant que vous faites de longues glissades en formes de cercles sur vos espaces vicieux, poussés par vos artifices endiablés, portés par vos spores miasmatiques et hallucinogènes, enivrés par vos sports acrobatiques, aveuglés par vos feux multicolores, vous les passionnés, moi je monte. <o:p></o:p>

    Je monte, simplement escorté par ce vent raisonnable que vous haïssez tant et qui n'est autre que le souffle pur de l'esprit.<o:p></o:p>

    548 - Echanges entre un bambin et ses parents

    Charles-Théodore de la Fraissière est un adorable bambin d'à peine quatre ans. Prêtons une oreille indiscrète à des échanges entre le jeune Charles-Théodore et sa vieille tante. La scène se passe dans le salon d'une auguste demeure, quelque part dans les faubourgs d'une ville populaire de la banlieue parisienne. Contrairement aux gens de son âge, le petit héros de cette histoire que vous allez lire sait se tenir... <o:p></o:p>

    - Ma tante, Ô ma chère aïeule, consentez promptement à mes désirs ! Je réclame sur le champ bonbons mentholés et autres délices caramélisées. Je ne puis plus supporter cette privation inique que vous m'imposez !<o:p></o:p>

    - Charles-Théodore, taisez-vous ! Vous irez à la grand-messe plutôt ! Un chapelet et non des gâteries, voilà ce qu'il vous faut.<o:p></o:p>

    - Grand Dieu ! ma tante, vous me contrariez. Je conçois envers vous de vifs émois qui n'honorent point votre rang. Amertume et affliction, voilà ce que m'inspire votre âpre décision. Je le dirai à mère, et elle sera très mécontente de vous.<o:p></o:p>

    - Charles-Théodore, vous êtes un impie ! Pour la Noël vous aurez 25 coups de martinet et pas de joujoux !<o:p></o:p>

    - Ma tante vous me fâchez grandement. D'abord vous avez 98 ans et vous êtes bien proche de la mort. Vous méritez mon mépris. Je vous chasse de ma mémoire. Adieu Madame.<o:p></o:p>

    UN PEU PLUS TARD, CHARLES THEODORE S'ENTRETIENT AVEC SA MERE...

    - Mère, notre vieille tante a assombri ma juvénile humeur, tantôt.
    <o:p></o:p>

    - Quelle en fut la cause mon petit Charles-Théodore ?<o:p></o:p>

    - Mère, cette vieillarde odieuse m'a refusé les douceurs que les gens de mon âge sont en droit de réclamer, même en dehors des jours de fête telles que la Noël ou la Pâques. N'est-ce point insolent de sa part, Ô mère ?<o:p></o:p>

    - Mon petit, sachez qu'il faut respecter vos aïeux. Leurs décisions, fantaisies et pensées, pour iniques et cruelles qu'elles puissent vous paraître n'en sont pas moins justifiées par le rang où l'âge les a placés. En ce monde le grand âge, l'expérience, la situation donnent tous les droits mon enfant. Votre tante est une ancêtre auguste, respectez sa volonté. <o:p></o:p>

    - Certes mère. Cependant cette parente fit preuve d'une révoltante intransigeance face à mon courroux.<o:p></o:p>

    - Que vous a-t-elle répondu ?<o:p></o:p>

    - Mère, la méchante femme m'a dit qu'au lieu des joujoux annuels qui devaient m'échoir à l'occasion de la fête chrétienne du 25 décembre, je recevrai 25 coups de martinet !<o:p></o:p>

    - Hé bien mon petit Charles-Théodore, cette année pour la Noël vous recevrez donc 25 coups de martinet. A presque quatre ans il vous faudrait peut-être commencer à songer à des choses plus sérieuses, ne croyez-vous pas ? Vous êtes bien trop frivole mon enfant ! Disposez à présent, votre proximité autant que votre puérilité m'incommodent.<o:p></o:p>

    - Oui mère.<o:p></o:p>

    549 - Auto-interview

    A la manière d'un vrai journaliste, je vais me poser quelques questions bien choisies. Le but : me dévoiler non sans éclat à mes lecteurs. Je me glisse dans la peau d'un reporter exigeant, conciliant, curieux et compétent, pénétrant et supérieurement doué pour mieux étaler à la face du monde les réponses faites à moi-même :

    - Bonjour Raphaël Zacharie de Izarra. Je ne cache pas ma fierté de vous soumettre au plaisant exercice de l'interview. Quelle consécration dans une carrière de journaliste ! Mes questions seront simples, franches, précises, gênantes, odieuses, sottes ou bien très pertinentes. Vous pouvez toujours vous dérober : à la fois intervieweur et interviewé, vous restez le maître du jeu. A ce titre, j'acquiescerai simplement à toute retraite sans vous jamais juger : je vous connais assez pour vous pardonner ce genre de faiblesse.
    <o:p></o:p>

     - Vous plaisantez ? J'attends au contraire vos questions avec une joyeuse fébrilité. Qu'elles aient l'odeur du souffre ou de la mort, de l'herbe fraîche ou du fumier, de la vengeance ou bien du cake aux raisins, je me ferai un plaisir ostensible d'y répondre avec feux et fracas, voire artifices...<o:p></o:p>

    - Décidément Raphaël Zacharie de Izarra, vous ne cessez de surprendre ! Mais ne tardons plus. Raphaël Zacharie de Izarra, qu’est-ce qui vous fait courir dans la vie ?<o:p></o:p>

    - Ho ! Dans la vie vous savez je plane plus dans mes hauteurs que je ne cours à l'horizontale... Je suis un seigneur ailé, une sorte de chérubin couronné de sa propre gloire d'être ce qu'il est. J'ai les pieds dans les étoiles. Parfaitement déconnecté du sol. Ma tête est ailleurs, je ne suis pas de ce monde.<o:p></o:p>

    - Et la littérature ?<o:p></o:p>

    - Je considère la littérature comme une "grave bagatelle". A la fois fumée insignifiante et grande voile déployée vers l'imaginaire, pensée tantôt creuse mais enchanteresse, tantôt consistante mais indigeste, sucrée ou vénéneuse, parfois vitale et le plus souvent sans valeur, pour moi la littérature est un festin ogresque composé de mets variés, grossiers ou délicats. A ne pas mettre sous tous les palais. Les réponses strictement intestinales en général scellent le sort de bien des littératures. En tant qu'auteur soucieux de pondre de jolis cocos littéraires, j'essaie quant à moi de composer des plats qui montent à la tête et non qui descendent vers les tripes. J'ai fait le choix du vin fin et non du gueuleton profane. Il est vrai qu'à cette fin je saupoudre mes créations d'épices particulièrement relevées, l'essentiel étant d'échapper à tout prix à la réaction des viscères. Monter, voilà ma devise en littérature.<o:p></o:p>

    - Raphaël Zacharie de Izarra, vous aimez les femmes et abusez de leurs faiblesses pour votre plus grand profit, ça n'est un secret pour personne. Justement, quel est votre secret ?<o:p></o:p>

    - La femme est une créature aussi étrange que simple, complexe et primaire, répugnante et exquise. Les femmes belles et intelligentes aiment les amants odieux. Coquetterie de sensibilité supérieure. Les gens aimables sont insupportables aux beaux esprits : leur coeur fébrile affectionne les épines de l'amour. Oser dire aux femmes les mots qu'elles n'attendent pas, cesser de singer ces poltrons amants qui chantent de sempiternelles niaiseries, c'est déjà se montrer digne de leurs feux, c'est leur faire honneur par l'inédite épine et non par l'éculée pâte d'amande. Les considérer comme de glorieux objets dédiés à mes cruautés d'esthète et non comme d'insipides bouquets de fleurs à mettre en pot, tel est mon secret. Faire naître l'inattendu, l'indicible, la souffrance, voilà ce qui sied en amour. Faites couler les larmes d'une femme, vous gagnerez son éternelle reconnaissance. C'est par les sanglots que s'imprègnent les sentiments les plus durables. Marquez un coeur de votre sceau vénéneux, et vous le ferez battre comme une folle mécanique.<o:p></o:p>

     - Raphaël Zacharie de Izarra, vous êtes exquisément détestable. Parlons  particule. Que ce qu'elle représente pour vous qui en faites si grand cas ?<o:p></o:p>

    - Rien. Absolument rien. La particule est mon plus cher faire-valoir de salon il est vrai, mais je sais bien que ces affaires-là ne sont là que pures mondanités justement, car enfin soyons sérieux : je ne me prends pas au sérieux quant à ma particule. Je joue avec ce hochet à deux lettres. Plus que de raison certes. Je ne fais que jouer cependant. Mais à vrai dire, pas tant que ça... J'avoue me laisser prendre systématiquement au jeu délectable de ma particule. Ce qui revient à dire que je suis finalement toujours sérieux quand je parle de ma particule, bien que je m'en défende. En définitive et pour être parfaitement honnête je répondrais que ma particule ne représente pas rien, mais qu'au contraire elle représente tout.

    - Réponse pour le moins ambivalente... Raphaël Zacharie de Izarra, faites-vous preuve d'autant de "bonne foi" dans vos textes ?
    <o:p></o:p>

    - Il y a beaucoup de littérature dans mes textes, vous savez. Or qu’est ce que la littérature sinon l'art de jouer avec les mots ?<o:p></o:p>

     - Raphaël Zacharie de Izarra, d'où vous vient cette étonnante capacité à inventer, créer, imaginer, faire parler vivants et morts, hommes et cailloux sous votre plume ?<o:p></o:p>

    - Elle me vient de mes muses.<o:p></o:p>

    - Pouvez-vous développer pour nos lecteurs ?<o:p></o:p>

    - Les muses qui répandent leur haleine féconde dans le creux de mon oreille, et parfois entre mes lèvres, viennent principalement de l'Olympe, des divers panthéons qui m'entourent, qu'ils soient égarés dans l'oubli des siècles ou solidement boulonnés sur la place publique. Elles tombent encore de nues éblouissantes ou sont issues des ténèbres les plus effrayantes. Elles se manifestent aussi bien à travers les beautés sauvages et indomptées de l'orage qui éclate en plein dimanche que dans les molles sérénités vernales. Comme vous le voyez, mes muses sont convoquées depuis tous les horizons célestes, voire depuis le coin de la rue.<o:p></o:p>

    - Raphaël Zacharie de Izarra, j'ai encore plein de questions à vous poser. Plus je vous interroge, plus ma curiosité s'aiguise.<o:p></o:p>

    - A présent je suis las. Revenez un autre jour, voulez-vous ? Je vais me reposer un peu. <o:p></o:p>

    - Votre première dérobade, Maître ?<o:p></o:p>

    - Ce sera le mot de la fin. Ma foi, un peu de mystère dans cette affaire ne desservira pas ma cause.<o:p></o:p>

    550 - L'esprit des arbres

    Je passai sous de larges pans de feuillus dominant la plaine. C'était la fin de l'été. L'ambiance crépusculaire donnait aux choses des allures augustes. Telle une houle majestueuse, le vent agitait avec ampleur et mollesse les lourds branchages.

    Éole qui caressait ces géants m'évoqua aussitôt des secrets d'enfance... Pareille à une musique mélancolique, il chuchotait à travers la ramée des souvenirs perdus. C'était le chant immortel et nostalgique des jours heureux. Ainsi par l'effet des éléments sur mon âme méditative, je me revis à l'âge puéril, bercé par le murmure champêtre.
    <o:p></o:p>

    Je demeurai longuement sous les frondaisons, hautes et sombres futaies s'élevant jusqu'aux sommets exquis de ma conscience vagabonde.<o:p></o:p>

    551 - Le superstitieux

    Il était né sous une mauvaise étoile, ce qui le comblait de satisfaction : un vendredi 13. Le présage était trop beau. Superstitieux, il passait sa vie à compter ses fantômes, calculer sur le dos de ses chimères, chercher des signes magistraux jusque dans la plus extrême platitude de son quotidien. Un simple numéro rencontré par hasard pouvait prendre des proportions énormes. Par exemple il se persuadait que les chiffres 5, 9 ou 13 lus sur une plaque d'égout, sur le chapeau d'un passant ou sur le fronton d'un édifice signifiaient qu'un événement bénéfique en rapport avec ces chiffres allait bientôt survenir et changer radicalement sa vie. Alors ses journées se chargeaient de sens. Il attendait jusque tard le soir quelque révélation sublime qui eût donné raison à son intuition. Comme jamais rien ne se passait mais que sa bêtise demeurait, il interprétait à son avantage les non-faits. Avec lui le vide le plus stérile résonnait de mystères grandioses et les ronds de fumée sortant de sa pipe se dissipaient avec plein d'éloquence.<o:p></o:p>

    Plus les années passaient, plus le superstitieux pataugeait dans ses chiffres, prophéties et espérances, s'accrochant comme un diable aux volutes de son calumet.

    Vieillard, il fit un bilan amer de sa vie. Aucun des signes auxquels il avait accordé tant d'importance ne lui avait donné richesse, succès ou chance. Une vie passée à attendre, en vain... En désespoir de cause il espéra une fin pleine de panache, sorte de revanche symbolique qui eût signé aux yeux du monde le caractère extraordinaire de son destin. Il s'attendit donc à trépasser un 1er janvier pendant les douze coups de minuit, au milieu du réveillon de Noël ou, pourquoi pas, en pleines fêtes du 14 juillet, un linceul tricolore pour ultime habit de cérémonie.
    <o:p></o:p>

    Il mourut à une heure indue, un mardi 19 mars.<o:p></o:p>

    552 - Rimbaud déréglé

    Penchons-nous sur la fameuse et fumeuse phrase de Rimbaud :<o:p></o:p>

    "Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens."<o:p></o:p>

    Moi je prétends que le poète ne voit bien qu'avec le bec ténu de sa plume et surtout avec la folle maîtrise de tous ses sens dirigés vers les hauteurs accessibles à ses semblables. Un poète qui se fait passer pour un mage n'est plus un poète mais un maladroit augure. Le vrai chantre des couleurs et des profondeurs n'a pas la semelle planant dans les nues mais les pieds sur terre en compagnie de ses frères humains aux mains calleuses. Celui qui se réclame de Rimbaud n'est qu'un singe à la grimace usée, un gugusse au numéro éculé, un gros pigeon déplumé.<o:p></o:p>

    Je défie quiconque de décrocher les astres en naviguant sur quelque "Bateau ivre" ou en traversant je ne sais quelle inepte "Saison en enfer". J'invite au contraire les beaux esprits et bonnes volontés poétiques à cheminer sur mes pas à la rencontre des chants cosmiques. Ne pas dévier des rails qui mènent à la sérénité olympienne, voilà mon credo. La Poésie est harmonie, paix, éclat et non chaos, ténèbres, effroi.<o:p></o:p>

    Les disciples de Rimbaud sont de sots laudateurs qui voient des mirages dans les fumées de l'aube, des fantômes en plein midi et des chimères dans les vapeurs du soir, trompés par le "grand mousse de Charleville" se prenant les pieds dans les voiles de son radeau voguant nul ne sait où...<o:p></o:p>

    Cessez de feindre les érudits touchés par la grâce rimbaldienne, vous les fats admirateurs pleins de vagues émois car en vérité je vous le dis, le vrai génie est dans l'éclat de la simplicité.<o:p></o:p>

    553 - L'insignifiance de la pierre

    Blanchir des cathédrales noircies, reconstituer dans l'esprit des époques révolues des monuments en péril conçus il y a deux, quatre, cinq siècles, mille ans par des architectes morts et depuis longtemps réduits en poussière, mettre des béquilles à des châteaux de toute façon voués à la disparition, faire des moulages de têtes perdues... A quoi bon toutes ces gesticulations de restaurateurs éblouis par des illusions de grandeur ? Recoller les morceaux érodés du patrimoine historique vaincu par le temps : vaine mission ! <o:p></o:p>

    Notre siècle plus que tous les autres sacralise le passé. Cela est sot, cela est profane, cela est superflu. L'essentiel n'est-il pas d'admirer ce qui est vif, proche, présent ? Ce qui doit être respecté, n'est-ce pas la chair plus que la pierre ? Ce qui doit être glorifié, n'est-ce pas le coeur palpitant mieux que les crânes jaunis ? Ce qui doit être vécu, n'est-ce pas notre quotidien plutôt que par procuration ces chimériques âges d'or des anciens ?<o:p></o:p>

    Que vaut un vitrail de cathédrale devant un souffle humain ? Les "trésors" médiévaux tombent en ruine, et alors ? Faire tant d'histoire pour restaurer les ouvrages du passé, quelle onéreuse indécence ! Je ne crois pas au poids hypertrophié que le passé donne aux choses. Ce qui fait le prix des cathédrales, des pyramides égyptiennes ou même de la Tour Eiffel, est-ce véritablement leur lignes, leurs dureté, leurs hauteurs ou bien simplement leur âge ?<o:p></o:p>

    Hier le centre Beaubourg à Paris était considéré comme un ratage. Aujourd'hui on commence à le regarder d'un oeil bienveillant. Demain ce sera une merveille.

    Les cathédrales ne valent rien. Les pyramides sont caduques. La Tour Eiffel se fout du monde entier. En vérité la vie est dehors, au soleil, sous la pluie, dans le vent, parmi la foule des hommes, loin des pierres, au coeur de nos viscères, au fond de nos âtres, sous nos draps, tout proche de nos pieds, dans le creux de nos paumes, au bout de nos lèvres, à deux doigts de nos cheveux. La vie est là, dans les détails les plus banals, les plus insignifiants de nos journées. Le reste n'est qu'artifice de pierre et de métal.
    <o:p></o:p>

    Blanchissez vos cathédrales, restaurez vos monuments, sondez vos pyramides, moi je contemple l'escargot sous sa coquille frêle qui mollement, de son pied unique glisse sur ma feuille de salade, plein d'un baveux, universel, vivant mystère.<o:p></o:p>

    554 - Le champ des mots

    Au fil de la ligne ces mots tirés comme des flèches foncent vers leur point de chute. La phrase est une arabesque fulgurante, précise et fantasque née d'idées sages et délirantes que le style seul justifie. Sans cesse renouvelé, le verbe circule en tous sens, tourne sur lui-même, s'égare hors de son cadre, revient en son centre, musarde, vagabonde au gré des discours, erre sans fin et même parfois explose en mille éclairs féconds.<o:p></o:p>

    Adjectifs, noms, verbes, tous unis pour une même cause : l'extase textuelle, l'ivresse phraséologique, le vertige verveux. La plume est une arme qui caresse. C'est l'épée de la pensée, le plomb de l'esprit, la flamme du songeur.<o:p></o:p>

    Ce texte en trois paragraphes produit avec un minimum de lettres, d'espace et de temps un maximum d'éclat.<o:p></o:p>

    555 - Ché picards des camps

    (Les picards des champs)<o:p></o:p>

    Mortels sont certains villages picards à la morne saison. Sous la pluie, la brique rouge devient grise et les gouttières qui débordent hantent les âmes de leur chant monotone. Alors les casquettes longent les murs, les aboiements deviennent déprimants et les clochers lugubres. Triste est la terre du nord quand on en exhume les betteraves à sucre, sombre est le ciel de là-bas à la récolte des endives qu'on épluche devant l'âtre... Le temps des patates cependant réjouit les coeurs picards : la frite jaune -qu'accompagne la bière dorée- égaient ce pays de peupliers et de crachin.<o:p></o:p>

    Les chemins de craie sous l'onde mènent vers des horizons pleins d'ennui : la terre promise autour de ces villages d'enterrés est faite de peine et de larmes, de langueur et de grisaille. Le souvenir des batailles de la "14" est partout, et les corbeaux avec leurs plaintes funèbres donnent du relief au lointain trop plat.<o:p></o:p>

    Le soir au troquet le tabac est âcre et le jus sent la gnôle, les moustaches sont épaisses et les mots toujours les mêmes. Mais les coeurs restent grands ouverts. Dans les brumes de l'ivresse on cause chasse, pièges-à-loups, charbon, saucisses, braconnage, femmes.<o:p></o:p>

    Dans les rues désertes les nuits sont de longs rêves humides et glacés.<o:p></o:p>

    L'aube sous les pleurs sans fin de l'automne est cafardeuse, la rosée lourde, le café exquis. <o:p></o:p>

    J'aime les trous perdus de la Picardie intime : c'est dans ces terres froides et trempées, noires et profondes que j'ai pris racine.<o:p></o:p>

    556 - Les avantages inouïs de la particule

    La particule, qu'elle soit usurpée, mensongère ou parfaitement authentique protège définitivement celui qui la porte de l'ineptie dupontesque, duvalesque ou tartempionesque.

    Heureux le porteur de particule ! Mieux qu'un couvre-chef, le "de" signe la supériorité innée de son possesseur sur la "rotaille". Un Dupont jamais n'accèdera aux hauteurs vertigineuses du "particulé".
    <o:p></o:p>

    L'insignifiance congénitale d'un Durand, d'un Duchenoque ou d'un Lacouillard est un crime pour l'heureux détenteur du précieux sésame à deux lettres.

    C'est pourquoi je revendique le droit inaliénable de mépriser haut et fort tout ce qui ne porte pas ces deux lettres de noblesse indispensables à l'édification de tout honnête homme qui se respecte.
    <o:p></o:p>

    557 - Retour sur Terre

    Rimbaud, le Christ, James Dean, le Che : destins fulgurants ! Et trompeurs quant à leur réalité intime... <o:p></o:p>

    Illustres pantins dont à notre insu nous tirons nous-mêmes les ficelles, illusionnés que nous sommes par leur prestige historique, politique, littéraire ou spirituel, ces êtres banals ou exceptionnels que nous sculptons dans le roc plein d'artifices de notre pauvre imaginaire nous en apprennent long sur notre sotte propension à faire porter toges, capes et lauriers à des mortels fondamentalement aussi triviaux que n'importe quel anonyme. <o:p></o:p>

    Ces personnages que nous percevons de loin - de trop loin - ne se sont jamais ridiculisés en prenant dans leur vie quotidienne des postures de statues. Encore moins dans les instants les plus solennels de leur existence. Le Christ ne se promenait pas à longueur de temps les bras levés au ciel, l'air inspiré, Rimbaud déféquait comme tout le monde sans se sentir obligé d'avoir vingt-quatre heures sur vingt-quatre le regard plongé dans le lointain, James Dean n'était pas plus tourmenté que le plus ordinaire des comptables, le Che dans ses plus glorieuses actions n'avait pas des allures particulièrement glorieuses.<o:p></o:p>

    La réalité est plus simple, plus belle et surtout beaucoup moins compassée que ce que nous fait croire notre imagination contaminée par le mensonge des apparences : le théâtre n'existe pas dans la vie naturelle, la vérité ne s'affuble pas d'habits d'apparats, le réel n'imite pas les livres. <o:p></o:p>

    Redescendons sur Terre. Rimbaud puait des pieds, le Christ était parfois constipé, James Dean rêvait de pot-au-feu, le Che avait des poux dans ses cheveux longs.<o:p></o:p>

    Pour résumer l'inconcevable, disons que le patois picard ou sarthois peuvent véhiculer les mêmes vérités que celles déclamées en latin ou en grec. <o:p></o:p>

    Le reste, tout le reste, n'est que creuses légendes et vraies tromperies.<o:p></o:p>

    558 - Les conséquences de la naphtaline

    La langue pendante, la main tremblotante, l'haleine pleine d'effluves de naphtaline, la bigote manque d'aspirer les doigts du prêtre en happant l'hostie. Voûtée, sénile, haineuse, Mademoiselle Alphonsine est selon la rumeur vierge depuis sa naissance. Mais de cela, elle s'en moque. Sa plus grande fierté ? Avoir tué il y a quatorze ans le chat de celui qui dans un temps très lointain avait voulu devenir son amant, à l'époque où elle était jeune, précocement dévote et fort laide. C'était au siècle dernier, au temps où il n'y avait pas encore l'électricité dans les maisons... Ce qui ne la rajeunit certes pas. Aujourd'hui Mademoiselle Alphonsine est une vieillarde honorable âgée de quatre-vingt-treize ans qui porte un chapeau à plumes et se pare de cosmétiques bon marché. Ce qui accentue son aspect repoussant et la fait puer encore plus.<o:p></o:p>

    On dit qu'elle a travaillé dans les bordels avant la guerre, en tant que cuisinière. Officiellement, du moins. Ca se pourrait, en tout cas elle a toujours affirmé être restée vierge. On prétend également qu'elle aurait couché avec le curé en 1948. Le pauvre est mort depuis longtemps... Qu'est-ce qu'on ne dit pas sur elle ? Il paraît qu'elle serait encore plus vicieuse qu'on ne le pense. Une chose est sûre : elle est laide, vieille, méchante. <o:p></o:p>

    Et se gave d'hosties.<o:p></o:p>

    Depuis que le vieux prêtre a été remplacé par ce jeune abbé efféminé aux allures très séduisantes, Mademoiselle Alphonsine lui tend chaque dimanche sa vieille bouche baveuse de bigote décatie avec plein d'obscénités dans le regard. Le pauvre abbé en éprouve un profond malaise qu'il a bien de la peine à dissimuler... Dégoûté par cette ouaille douteuse qui lui fait des avances répugnantes, le jeune abbé attend avec impatience qu'elle crève, accompagnée du dernier des Saints-Sacrements cela va sans dire.<o:p></o:p>

    Mademoiselle Alphonsine est toujours vivante. Déjà deux ans qu'elle continue son odieux manège dominical ! Le jeune abbé a pris un amant depuis, aussi cette vieille toupie dégénérée ne lui en paraît que plus immonde. Aux dernières nouvelles le sodomite clérical a fini par devenir définitivement chaste à force de côtoyer cette ancienne employée de bordel à l'haleine chargée d'odeur chimique.<o:p></o:p>

    559 - Gloire et misère à la ferme

    Dans la ferme Marie-Gilberte s'affaire autour du pot-au-feu. Sa grand-mère dans la cuisine, sénile, gît dans un fauteuil crasseux, le regard fixé sur la marmite.

    Marie-Gilberte n'a pas vingt ans et rêve d'étoiles au fond de son trou. Seule la radio meuble le vide de son existence, peuplant de rêves simples son imaginaire borné par les travaux de la ferme. Justement, un chant émis par la radio, posée sur la table entre le saladier et la boite de sucres, allume soudain en elle des feux inconnus, éveille dans son coeur des sentiments magnifiques. C'est un petit chanteur à la voix céleste interprétant un chant sacré qui vient de semer chez Marie-Gilberte cette graine de paradis.
    <o:p></o:p>

    Un ange en somme à travers le poste de radio vient d'entrer dans la vie misérable de la jeune fille, libérant son âme étouffée.<o:p></o:p>

    Au son de la voix cristalline le pot-au-feu disparaît, la ferme n'existe plus, la grand-mère s'évanouit : Marie-Gilberte a le regard perdu dans des sommets intérieurs. Des sensations fulgurantes l'envahissent, des rêves flamboyants illuminent son visage. Le chant est de plus en plus beau, Marie-Gilberte est en pleine extase.<o:p></o:p>

    La vieillarde impotente pendant ce temps est prise d'une quinte de toux, le regard toujours fixé sur la marmite où mijote le pot-au-feu, parfaitement insensible au chant séraphique qui est en train de bouleverser sa petite fille, de transformer la larve en libellule, de changer la patate en rose, ouvrant son intelligence à la vie, son coeur à la joie.<o:p></o:p>

    Marie-Gilberte, toujours noyée dans ses nues, s'éloigne peu à peu des lourdeurs de ce monde, sourde à la pantomime catarrheuse de sa grand-mère. Cette dernière, pitoyable dans sa chaise qui exhale l'urine rance, à demi morte d'imbécillité avec son regard radoteur, en pleine décrépitude physique et mentale n'a qu'une pensée en tête : surveiller le pot-au-feu. Sa plus grande hantise pré-mortem : voir déborder le bouillon de la marmite.<o:p></o:p>

    La jeune fille dans ses hauteurs éthéréennes entend de moins en moins les quintes de toux qui redoublent. Les éclats de voix de la vieille femme qui lui adresse des propos inintelligibles ne lui parviennent plus. <o:p></o:p>

    Marie-Gilberte est exquisément déconnectée de la réalité. <o:p></o:p>

    Le chant sublime à la radio se termine, des publicités criardes lui succédant aussitôt. Lorsqu'enfin Marie-Gilberte redescend de ses nuages dorés entre le bouillon du pot-au-feu qui déborde et le tic-tac horripilant de l'horloge en forme de cercueil, sa grand-mère fixe toujours la marmite, le corps sans vie.<o:p></o:p>

    560 - Les mots de l'amour

    Alphonse fait une déclaration amoureuse écrite à la fille de la fermière, la grosse Marie.

    La Marie,
    <o:p></o:p>

    Ma lettre que tu vas lire va te faire un étonnement incroyable, mais je vais te dire avec mon âme toute nue ce que je dois te dire. <o:p></o:p>

    Voilà la Marie, c'est que je t'aimions. <o:p></o:p>

    C'est pas que t'es tellement belle, non c'est pas ça. T'as pas la figure d'une beauté et tu es même plutôt pas jolie à voir de ce côté-là mais en tout cas t'as du téton, t'es pas une fainéante et pis faut dire aussi que t'as un sacré gros cul de fumelle, ce qui fait que je t'aime bien. Tu feras de beaux zéfants dans un beau mariage. Moi j'ai du bien, je suis un homme avec des couilles dedans et je te demande ta main en mariage.<o:p></o:p>

    Je sais que t'es dure au labeur, tu seras pas compliquée à nourrir vu que tu travailles comme un boeuf aux champs et pis à la cuisine. Je t'aimions la Marie. Je suis pas fort pour jouer les écouillés de bureaucrates avec une plume dans la main pour dire des choses de l'amour, mais je te le dis avec mon coeur qu'a des couilles dans le cul. Pis des grosses la Marie crois-moi, vu que je suis pas une tapette de citadin de la ville.<o:p></o:p>

    Avec ton gros cul tu me pondras des héritiers la Marie. C'est que je t'aimions. Je ne sais pas te dire ces choses-là mais je vais te le dire aux noces avec autre chose qu'une plume dans la culotte ! Je suis pas doué pour les écritures mais je pourrai t'engrosser du premier coup. J'avions de bonnes couilles pour t'ensemencer la matrice. Vu que t'as un gros cul on pourrions faire des gosses dans le mariage. La Marie, il faut que tu saches que je suis un gars sérieux qu'a du bien engrangé dans ses économies.<o:p></o:p>

    Pour toi la Marie je mettrai mes sabots du dimanche pour te faire ma déclaration d'engrossage. Je t'offrirai des patates, des bonnes grosses patates de mes champs, des patates grosses comme mes couilles, pas des "pommes de terre" de la ville pour mauviettes. Je te donnerai tout mon amour que je t'aime bien, ça ne mange pas de pain et ainsi je ferai des économies dès le premier jour du mariage vu que l'amour que j'ai pour toi non seulement ne s'usera jamais, mais surtout ne coûtera jamais un centime. Je ferai un bon mari qui jette pas son bien par la fenêtre : je t'aimerai toute ma vie à l'économie.<o:p></o:p>

    Je t'aimions la Marie. T'es pas belle non, ça je peux pas dire le contraire. J'aime bien ton odeur, de loin. Tu sens l'honnêteté, la sueur, la farine et pis aussi la fumelle. Quand je te regarde en fermant les yeux, je t'imagine que t'es une princesse qu'a une face plus belle que tu n'as, alors je t'aime encore un peu plus jusqu'à temps que je rouvre les yeux. Heureusement que t'a un gros cul la Marie, sinon je t'aimerions moins. Le beauté que t'as pas, je la remplacerai par mon imagination. Ca coûtera jamais un seul sou. C'est ça qui est bien avec l'imagination. Je suis un économe-né. Je ferai un bon époux. La Marie, j'aime bien quand tu parles pas. T'es pas une fainéante, toi.<o:p></o:p>

    Voilà, j'espère que ma demande t'auras fait montrer que mes sentiments à ton hangar sont sincères et loyals comme des chevals fous, sans noyaux ni pépins et que le but de ma démarche est de pas seulement de me purger les boyaux dans tes treux mais aussi de vider mon coeur avec ces mots que tu liras, même si y sortent pas d'un livre de fainéant d'savant.<o:p></o:p>

    Alphonse qui t'aimions<o:p></o:p>

    =======<o:p></o:p>

    Réponse de la Marie à Alphonse.<o:p></o:p>

    Alphonse,

    J'ai bien reçu ta belle déclaration d'ensemencage. J'ai été très émue, touchée jusqu'aux rognons par ta lettre. J'ai failli pleurer. Mais comme j'ai des couilles moi aussi, finalement j'ai pas pleuré. J'ai de qui tenir.
    <o:p></o:p>

    Tu es un grand sensible Alphonse et j'aime pas ça. Même si c'est bien beau ce que tu m'as écrit, je suis pas une femme qu'on achète avec des mots doux. C'est-y que tu me prendrais pour une demoiselle avec des dentelles autour, des fois ? L'Alphonse, je suis pas une fille de la ville qu'on conquérit avec des mots de la plume pour lui faire des séductions à la noix... Tu m'as déçue de ce côté de la vérité, je suis obligée de t'éconduire de ta demande.<o:p></o:p>

    T'as de la couille l'Alphonse, ça je dis pas le contraire. C'est même ta grande qualité que je reconnais. Tu m'aurais comblée par le côté de la chose, c'est sûr. Mais moi j'attends de mon prince charmant qu'y cause pas comme une fainéante de pucelle de mes deux, j'attends un fouteux de sabotard, un qui m'enfourne sa matraque dans la viscère-à-foutre sans bavardages inutiles. <o:p></o:p>

    L'Alphonse, je veux pas t'offenser en t'enfonçant mais t'y parle de la bouche avec des pincettes comme une marquise à fanfreluches qu'aurait perdu ses couilles... On dirait que tu reviens de la ville avec des mauvaises habitudes que t'aurais prises dans les beaux quartiers de la sous-préfecture, là-bas à la Ferté-Bernard où que les bourgeois y z'ont des cabinets à la ouateur-claused dans les maisons... Je te reconnais plus Alphonse. J'attendais que t'y causes moins, pis que tu viennes me la mettre sans te répandre avec des mots qui font pleurer. Mais j'ai pas pleuré. <o:p></o:p>

    Ca pourra jamais marcher entre toi et moi : je crois bien que j'ai plus de couilles que toi l'Alphonse. <o:p></o:p>

    La Marie <o:p></o:p>

    561 - L'incroyable consistance de la particule

    Sans ma particule, que suis-je ? Rien.<o:p></o:p>

    L'identification à ma particule est telle que sans elle je ne pourrais plus respirer. Ma particule, c'est mon air hautain, mon oxygène social, mon sang mondain.<o:p></o:p>

    La particule m'a sauvé dès je jour de ma venue au monde. J'étais fait pour n'être pas comme les autres, la particule me mettant d'emblée sur un piédestal. Dés lors mon existence était vouée au lustrage incessant de ma particule, mais pas seulement : je devais aussi être digne de la grâce accordée par les dieux huppés de l'Olympe.<o:p></o:p>

    Porter la particule, c'est être condamné, douce crucifixion ! à porter chapeau, canne et lorgnon. Ce que je m'ingénie à faire avec zèle.<o:p></o:p>

    562 - L'arrosoir

    J'entrai dans la quincaillerie. <o:p></o:p>

    J'y croisai un échantillon de la population locale. Toute la province était là. Réunies autour des cuivres et de la soude, des ménagères se concertaient avec les employés, la lèvre contrariée, l'oeil interrogateur, le front angoissé : il était question de tuyaux de douches, de seaux de zinc... Préoccupations ordinaires de la gent commune.<o:p></o:p>

    Mais au fond du magasin une intrigue se tramait, dans une atmosphère pesante. Une cliente monopolisait toutes les attentions, du personnel jusqu'à la direction, qui tous très courageusement regardaient de loin, du coin de l'oeil. <o:p></o:p>

    L'affaire était grave.<o:p></o:p>

    La blouse à fleurs tendue par un giron opulent aux charmes douteux, la femme du maraîcher tentait une énième fois des séductions mammaires sur un des employés du magasin, un trentenaire effacé, afin qu'il consentît à lui céder à vil prix un arrosoir en aluminium de toute beauté. Étincelant, l'objet de convoitise semblait faire de l'oeil à la corruptrice. L'employé savait l'étrange passion de sa cliente pour cet arrosoir qu'elle ne pouvait décidément pas se résoudre à acheter au prix affiché, pourtant fort abordable. C'est que cette dernière était avaricieuse. Maladivement avaricieuse. Aussi, régulièrement elle venait discuter âprement le tarif de ce trésor horticole, de plus en plus revu à la baisse pour un oui, pour un non. Elle voyait plein de défauts à cet l'arrosoir. Si bien qu'au bout de plusieurs mois de ce manège, l'arrosoir complètement dévalué par ses soins ne valait, selon elle, quasiment plus que quelques sous ! Forte de son incroyable mauvaise foi, la femme du maraîcher comptait bien acquérir à moindres frais l'objet de sa folie.

    Tous les moyens étaient bons pour faire triompher une si noble cause ménagère, se persuadait-elle. Aussi le marchandage durait-il depuis presque un an, comme une ronde sans fin. Le fameux arrosoir, fort heureusement, attendait toujours dans le magasin, brillant de tous ses feux sous le néon jaune, n'ayant trouvé nul acquéreur au fil des mois qui passaient, ce qui confortait sa future acheteuse dans son idée fixe. Pour elle c'était un signe. Le Ciel des avares s'était penché sur son cas, mobilisant tous les anges de la pingrerie autour de sa cause. Il fallait dans ces conditions qu'elle continuât le combat, elle ne pouvait pas abandonner après des luttes aussi acharnées, héroïques.
    <o:p></o:p>

    La rage de l'économie la tenait en éveil en permanence, lui donnait des ailes, du courage, de la patience et même des idées. Perspicace, obstinée, parfaitement incorruptible, la cliente de la quincaillerie bravait systématiquement et sans ployer d'un cil les arguments de l'employé.<o:p></o:p>

    Sordide et pittoresque, ce spectacle m'enchantait. Je m'attardais souvent dans le magasin pour observer ce phénomène et me tenir au courant de l'évolution de son affaire. Lorsque je voyais rôder cette ladre mamelue autour de la quincaillerie, j'entrais avec elle discrètement sans jamais rien acheter, juste pour me délecter de ce vivant théâtre.<o:p></o:p>

    Et puis un beau jour, là devant mes yeux le miracle eut lieu : las, résigné, exaspéré, le patron du magasin intervint, au grand soulagement du pauvre employé. Il fit cadeau de l'arrosoir à la femme du maraîcher. Le fait était vraiment inattendu.

    Immense émoi dans le magasin.
    <o:p></o:p>

    "L'acheteuse" ressortit triomphante devant les clientes sidérées. La centième tentative de l'avare avait été la bonne, dépassant d'ailleurs toutes ses espérances puisqu'elle avait obtenu gain de cause sans même débourser un seul centime. Certaines clientes, visiblement blessées, en conçurent une profonde jalousie. Deux ou trois mauvaises langues prêtèrent même au patron de la quincaillerie de malhonnêtes desseins envers sa si "fidèle" cliente... <o:p></o:p>

    L'affaire de l'arrosoir eut un retentissement funeste. Le bruit de ce scandale local s'étendit jusqu'aux limites de la paroisse voisine, ce qui ruina bientôt la réputation du quincaillier qui dut fermer boutique. <o:p></o:p>

    C'est que dans certains trous de province, on pardonne rarement ce genre de crime.<o:p></o:p>

    563 - L'hôte du marécage

    L'automne était flamboyant. <o:p></o:p>

    La flore aux teintes chaudes dégageait des senteurs séminales. Partout l'or triomphait, ses reflets sauvages se mêlant avec éclat au terreau profond. Les artifices d'octobre embrasaient ciel et terre. <o:p></o:p>

    Aux abords d'un marais je m'égarai exquisément, humant l'humus fécond, l'âme bercée par ce paradis de feuilles mortes. La glorieuse agonie des éléments m'enchantait, je succombais à ses charmes. J'étais sur le point de tomber en pâmoison quand...<o:p></o:p>

    Quand les joncs remuèrent.<o:p></o:p>

    Une tête hideuse sortit des flots. L'épouvante me gagna. Avec sa face horrible, ses cheveux comme du foin, ses yeux pareils à des yeux de loup, son allure ogresque, ses poils de garou et ses halètement d'ours, l'être lentement s'approcha, ruisselant de vase.<o:p></o:p>

    Pétrifié d'horreur et tout à la fois incrédule devant ce géant issu de l'onde fangeuse, le doute traversa mon esprit. Je ne rêvais point pourtant. Ce génie velu était bien sorti de l'étang. La créature toutefois se révéla bien inoffensive. Craintive, voûtée, comme écrasée par sa propre déchéance, la bête semblait suppliante. Chose étonnante, devant son attitude misérable mon effroi peu à peu s'évanouit. J'eus bientôt pitié de ce titan au poil trempé de boue qui me tendait la main. Je sortis de ma besace quelque quignon de pain. Il le prit avec un air de profonde reconnaissance avant de disparaître aussi vite dans les eaux troubles.<o:p></o:p>

    C'était il y a vingt ans. Depuis je n'ai plus jamais revu le monstre solitaire. Mais à chaque automne je relève de mystérieuses traces de pas aux alentours du marécage. Aujourd'hui encore j'ignore qui était cet énigmatique habitant du marais, je sais cependant qu'il est toujours là, qu'il hante les lieux à chaque saison, errant entre les joncs tel un intemporel pénitent en quête de je ne sais quel salut. <o:p></o:p>

    564 - Vieille stèle

    Lors d'une promenade dans le minuscule cimetière d'un village perdu de la Normandie profonde, je m'attardai sur une large et vieille tombe de quelque notable décédé au début du vingtième siècle. La pompe désuète de la sépulture contrastait avec l'humilité des autres tombes. La pierre était érodée mais on y distinguait, gravé en forme de médaillon, un profil auguste indiquant l'origine sociale élevée du défunt. Avec ses allures d'empereur romain, le portrait du trépassé aux moustaches hautaines et distinguées surprenait parmi les stèles modestes qui l'entouraient.<o:p></o:p>

    Je ne saurais dire pourquoi, cette tombe vaniteuse me toucha plus que les autres...

    J'essayais d'imaginer ce que fut la vie de cet honorable personnage, notaire ou huissier, banquier ou juge, inhumé à proximité de gens simples de la campagne normande. Ému par cet oiseau à moustaches d'un autre temps dégageant par-delà le tombeau, intactes, des ondes de mystère, je me perdais avec délices dans la contemplation de la demeure mortuaire en forme de lit à deux personnes, rappelant un grand livre ouvert. Vaste était la couche funèbre. Comme un drap de marbre jeté sur le mort, le suaire épais s'étendait bourgeoisement. Avec une profonde sérénité, une immense mélancolie.
    <o:p></o:p>

    Sur la surface usée de l'ample pierre tombale je voyais le reflet matériel du ciel impalpable, le commencement tangible d'une éternité invisible, le promontoire de l'infini.

    Cette tombe démesurée, bien plus que les hésitants, misérables carrés où gisaient les pauvres gens tout autour, était comme la promesse tranquille d'une survie de l'âme, la certitude de trouver un astre au fond du trou, la foi affichée en lettres de roc que la mort n'est pas une fin où tout doit disparaître mais le passage d'un monde à un autre et qu'en tant que tel il était permis d'en témoigner le plus glorieusement possible... Telles étaient mes pensées au bord du gouffre.
    <o:p></o:p>

    Somptueusement parée, la fosse du notable n'était pas vaine. Grâce à ses artifices, échos de l'invisible, elle m'a permis de regarder derrière la dalle et, au lieu de la pourriture, d'y voir de la lumière.<o:p></o:p>

    565 - Le buveur

    A mesure que sa panse se remplissait, sa tête se vidait. Le gosier en perpétuelle détresse, l'ivrogne ne trouvait de salut que dans la Bénédictine. Après deux verres il parlait de plus en plus de ses chaussettes et de moins en moins de ses soucis, chantant même à la gloire de ses semelles percées.<o:p></o:p>

    Au bout de quatre verres, l'heureux homme voyait déjà des écus scintiller au fond d'une marmite imaginaire, éclats fabuleux avec lesquels il avait l'intention de payer le tavernier...<o:p></o:p>

    Il voulait pisser dans sa bouteille à demi entamée, persuadé de la réapprovisionner grâce à cette manoeuvre hautement alchimique ! De bonnes âmes étaient toujours là pour l'assurer que de sa vessie nulle humeur divine ne s'écoulerait.

    Ca fait longtemps que je connais le "bénédictineux". Un peu fou, un peu lucide, pas très futé, il erre en titubant à travers les jours qui passent, chancelle de Bénédictine en Bénédictine, traînant on ne sait quel douloureux secret au coeur.
    <o:p></o:p>

    Il est parfois malheureux, souvent seul, toujours méprisé. Pour le buveur de Bénédictine j'ai de l'amitié. Dans sa misère vous ne voyez chez lui que haillons et indignité.

    Au fond de son verre lui boit des étoiles.
    <o:p></o:p>

    566 - Eloge de la médiocrité

    J'aime la médiocrité. Conspuée par l'ensemble des hommes, la médiocrité est un refuge à portée de main, d'esprit. A portée d'homme. <o:p></o:p>

    A ma portée.<o:p></o:p>

    La médiocrité ne m'effraie point, au contraire. Je la recherche, la cultive, la savoure comme du pain jeté à terre. Les sots la fuient comme la peste. Les médiocres du monde entier eux-mêmes feignent de la mépriser. Pourtant la médiocrité n'est-elle pas le ciment universel de l'humanité ? Tous les hommes de bonne volonté devraient se reconnaître à travers la médiocrité au lieu de se jurer mutuellement de n'être pas liés entre eux par cette caractéristique fraternelle... Hélas ! La médiocrité est le patrimoine humain le plus décrié, l'héritage universel le moins apprécié... <o:p></o:p>

    Entretenir la médiocrité est l'apanage des penseurs modestes proches des vérités quotidiennes, débarrassés du poison commun de l'orgueil. C'est surtout une manière de briller autrement. Les beaux esprits aiment leur médiocrité. Luxe des belles gens, la médiocrité revendiquée, affichée, portée aux nues est une gifle hautaine assénée à tous les petits coqs infatués de leur plumage crotté qui clament sans crainte du ridicule n'être point médiocre, ne pas l'aimer, la fuir... <o:p></o:p>

    La médiocrité protège souverainement ses adeptes des fausses certitudes. Elle les préserve de bien des tempêtes, certes éclatantes mais inconfortables. La médiocrité est un fauteuil percé dans lequel aiment à se laisser bercer les gens persuadés d'être à leur place. <o:p></o:p>

    Je suis un médiocre convaincu : je dîne au rabais, me contente des petites pluies passagères, pioche au hasard de la vie, prends garde à mes pieds pour économiser mes semelles, fais les choses à moitié de peur d'aller trop loin, suis mitigé dans mes avis les plus manichéens, tiède avec mes ennemis, partagé entre coeur et raison. Je suis tellement à mon aise dans ma médiocrité que non seulement je ne sens nullement le besoin d'aller voir ailleurs mais en plus, fierté des âmes humbles (beaux esprits par définition), j'éprouve le besoin de communiquer à la terre entière mon bonheur d'être médiocre.<o:p></o:p>

    567 - L'éveil

    L'homme étendu à même le sol contemple la voûte étoilée, l'oeil noyé dans l'infini. Il sait le spectacle ultime. Tout à sa béatitude, il se laisse aller au vertige avec des sourires doux et désespérés. Le sentiment d'absolu qu'il ressent face aux étoiles éparpillées dans la nue est à la hauteur de sa détresse. A la vue des astres scintillant dans la nuit, une ivresse inédite l'envahit.<o:p></o:p>

    Résigné, il admire les étoiles, n'ayant plus rien d'autre à faire. Comme s'il attendait une porte ouvrant sur quelque éternité.<o:p></o:p>

    Depuis la boue séchée où il est allongé, la beauté du monde lui apparaît magistrale, suprême. Inénarrable. Cet homme a conscience d'être. Aussi s'attarde-t-il sur le ciel nocturne, l'âme de plus en plus légère, le corps de moins en moins présent. Puis il tourne la tête sur le côté. Sur le tas d'immondices où il agonise dans l'indifférence générale, il distingue son bras squelettique, sa main comme une poignée d'os, son flanc décharné, sa peau lépreuse. Déconnecté de ses étoiles, il reprend immédiatement contact avec l'abjecte réalité. Alors il décide de ne plus voir que le ciel : dans un geste dérisoire et pathétique il détourne le regard du sol et le dirige définitivement vers le cosmos, le corps comme un haillon, l'âme comme une flamme.<o:p></o:p>

    C'est un sans-nom de Calcutta né dans la misère, fait pour la misère et crevant dans la misère. A quelle époque sommes-nous ? Quel âge a ce malheureux ? Peu importe ! C'est une ombre qui gît dans un coin de l'enfer terrestre parmi ses semblables passifs, sourds à sa souffrance. Cet homme qui a toujours connu la misère, le malheur, la faim, le désespoir accède ce soir à la beauté de manière fulgurante, la sensibilité exacerbée par l'approche de la mort. Le ventre vide, le corps malade, le moribond s'extasie sans bruit sur le mystère de cet univers où il a enduré son long calvaire de miséreux. Venu sur terre pour souffrir, il interroge longuement le ciel sur sa terrible destinée, magnifiquement réconforté par les lumières de la nuit cependant.<o:p></o:p>

    Puis dans un râle d'agonie pitoyable, atroce et presque insignifiant tant le monde qui l'entoure est insensible à son sort, l'inconnu au corps nu rend l'âme les yeux fixés sur le firmament.<o:p></o:p>

    568 - La dictature de la norme

    Ne rougissons pas de nos tares congénitales, misères temporelles et autres semelles trouées ! Notre société ne veut pas voir traîner les trisomiques au-delà de ses ornières aseptisées. Elle refuse de voir les mongoliens "hors-circuit". Aussi cette société composée de gens responsables qui ne jurent que par le salaire mensuel veut mettre les débiles mentaux au travail... <o:p></o:p>

    Façon commode de se débarrasser de ses éléments improductifs en les casant dans les usines, justement... Les mongoliens font tache. Du matin au soir, ils sont mongoliens et nous le montrent non sans une certaine indécence dans les rues où ils passent avec rires et fracas. Mais un mongolien que l'on a mis au travail, n'est-ce pas un peu lui débrider les yeux, le rendre légèrement plus beau, plus sortable ?<o:p></o:p>

    Faire travailler les trisomiques, voilà la nouvelle lubie ridicule de notre société incapable de regarder en face la mort, l'infirmité, la laideur. Non le travail ne rendra pas les trisomiques moins trisomiques. Cela les rendra peut-être un peu moins visibles dans nos rues, cela donnera peut-être meilleure conscience aux humanistes à la gomme qui ne supportent pas que certains de leurs semblables soient si dissemblables, que les "humains ratés" existent encore en 2005, mais aucun de ces mirages sociaux chers aux obsédés du salut par l'économie ne pourra me faire croire que les trisomiques sont faits pour participer à nos messes figées, singer nos savantes comédies, se raidir dans nos cols de comptables.<o:p></o:p>

    Ce qui fait la gloire des trisomiques, c'est que leurs éclats de rire troubleront toujours nos républiques solennelles.<o:p></o:p>

    569 - Une amoureuse éconduite

    Mademoiselle,

    J'ai bien reçu l'expression de votre flamme à mon endroit. Maladroits, vos mots m'ont mis de bonne humeur ce matin. Vous m'avez fait rire dès le lever et je vais vous expliquer pourquoi en quelques mots.
    <o:p></o:p>

    Nous ne sommes pas du même monde Mademoiselle, en outre et c'est le plus grave, vous êtes fort laide. Ce qui est pour me déplaire au possible. Je déteste votre rire vulgaire, votre maintien grotesque, votre toilette bon marché.<o:p></o:p>

    Vous croyiez donc me séduire avec des artifices aussi pitoyables ?<o:p></o:p>

    Je vois en vous une petite écervelée sans beauté, sans talent, sans titre. Une cloche fêlée, une poule déplumée, une ânesse imbécile. <o:p></o:p>

    Quoi ! Vous m'aimez ? Et alors ! Cela vous donne-t-il le droit d'offenser ma sensibilité d'esthète ? Mademoiselle, vous êtes une infâme, permettez que je vous l'écrive en toutes lettres. Une infâme. Et mes amantes qui se pavanent à mon bras avec leur teint éclatant, leurs appas sans pareil, leur atours flatteurs, leurs manières délicates, qu'en faites-vous ? Pensiez-vous pouvoir plus longtemps offenser cette cour d'amoureuses avec vos audaces déplacées ? Femme née sans grâce pour votre malheur mais pour la joie de vos railleurs, imaginiez-vous avec vos haillons de chair et d'esprit pouvoir détrôner mes courtisanes à la beauté innée, leur ravir la place qui est la leur à ma droite ?<o:p></o:p>

    J'espère pouvoir vous revoir en public pour vous souffleter Mademoiselle, et ce afin que vous appreniez, à vos dépens, à vous tenir à l'écart des belles gens de mon espèce.<o:p></o:p>

    Vous voici définitivement renseignée quant aux sentiments que vous m'inspirez.<o:p></o:p>

    570 - La Poésie

    Qu’est-ce que la Poésie ?<o:p></o:p>

    La Poésie est un mets capricieux et doux, meringué et acidulé, mou et croustillant qui se déguste en dehors des heures de repas. La Poésie est non seulement l'art de chanter les bouches d'égout de nos quartiers mais également le meilleur moyen de faire tomber la pluie en juin. La Poésie est un puits de sentences sans plafond qui se perd dans les méandres d'un ciel invariablement bleu. Sauf quand il pleut, puisque nous venons de voir que la Poésie avait le pouvoir étonnant de recouvrir nos rues de matière aqueuse.<o:p></o:p>

    J'ajoute non sans outrecuidance que la Poésie est aussi un matelas de coton azuré qui flotte dans les airs nébuleux et sur lequel s'étend de temps à autre le joueur de luth en mal d'inspiration. Mais passons sur cet aspect olympien de la Poésie, assez anecdotique, pour nous attarder sur son côté commun, qui est le plus répandu. <o:p></o:p>

    La Poésie est la soupe du soir du mortel qui ne veut pas mourir. Elle peut être chaude, épaisse, claire, hachée, légèrement aréneuse ou bien franchement horticole. Elle est comme une rigole qui conduit les humeurs domestiques vers les sillons féconds du cultivateur. Une sorte de ruisseau universel duquel s'écoule un sang assez pur abreuvant des partitions patriotiques.<o:p></o:p>

    La Poésie, voyez-vous, c'est l'aptitude humaine à transposer le discours vulgaire sur des hauteurs quasi divines. Jouer du langage comme d'un piano, émettre des notes avec des citrons verts, des papillons bruns ou de vieilles cruches. En un mot, faire braire le verbe.<o:p></o:p>

    La poésie qui descend des étoiles se ramasse dans des soupières, elle se marie à merveille avec les condiments du quotidien, s'accompagne habituellement de laitue et de fraises des bois. Elle se digère un cigare aux lèvres ou une bague au doigt.

    Mais surtout, et c'est l'essentiel, la Poésie est une digestion cosmique auto régénératrice qui ensemence la Beauté. C'est une coulée céleste traversant nos âmes qui, après les avoir agitées, transformées, épurées, s'en retourne aux étoiles dans de grands jets lactés.
    <o:p></o:p>

    571 - Dandy

    J'ai trente six ans, quatre femmes, un chaton, de la morgue, de la fortune, de la poudre de riz qui me tombe dans le col, beaucoup de chance et peu de scrupules.

    Je regarde la domesticité d'un oeil glacial, paie ma boulangère avec un air plein d'arrogance, jette mes piécettes usagées aux mendiants, accueille mes convives chaudement pour peu qu'ils présentent une moue aussi méprisante que celle de mon bisaïeul à tricorne.
    <o:p></o:p>

    J'ai le pied luxueusement chaussé, le doigt finement bagué, le front savamment pommadé, les viscères inexistants. Né avec un chapeau sur la tête, je ne puis concevoir un digne trépassement sans ma redingote ni ma chemise aux manches parées de dentelles. J'endure maux dentaires et blessures d'épées avec un détachement étudié à l'extrême. <o:p></o:p>

    Je m'alimente avec des raffinements horaires d'une très grande cérébralité. D'une part, les mois brefs de lune croissante je dîne à minuit et appelle "souper" mon chocolat chaud de seize heures pris volontairement entre 18 heures et 18 heures 30 les jours impairs des mois longs et à exactement 17 heures 45 les jours pairs et impairs des mois courts de lune décroissante. D'autre part, je déjeune les jours pairs de la première quinzaine des mois longs à l'heure du thé vespéral en clamant que c'est là un réveillon de quatorze heures, cette fois indépendamment de la lunaison mais suivant un deuxième calendrier orthodoxe grec périmé, le tout accompagné de rituels gestuels parfaitement désuets mais toujours très stricts, déplaisants à détailler devant un auditoire profane, délicieux à énumérer en aristocrate compagnie. <o:p></o:p>

    Mes caprices de table sont d'une infinie complexité.<o:p></o:p>

    J'élève une autruche née en Bulgarie, adopte piverts blessés et muses lasses. Détesté par les classes inférieures, je me pavane en toute modestie avec à mon bras droit une femme portant une mouche de taffetas sur la joue gauche, à mon bras senestre une canne à pommeau légèrement courbé vers la dextre.<o:p></o:p>

    Je plais aux canards des canaux à qui je lance matinalement de la brioche tiède, je déplais aux cygnes à qui je refuse mes bonbons blancs fourrés à la liqueur de Chine. Mal reçu chez mon tapissier, je présente invariablement le bord droit de mon chapeau conique à la vue de mes huissiers. En effet, je porte un couvre-chef en forme de coquille de gastéropode.<o:p></o:p>

    Toutefois, et cela rassurera certainement la plèbe, la façon de lacer mes bottines est d'une confondante simplicité.<o:p></o:p>

    572 - La déchéance poétique d'une jeune mère

    Voici la réponse faite à une ancienne épistolière qui benoîtement m'annonce qu'après une gestation de neuf mois sans histoire, l'extraction finale de l'hôte crû dans sa matrice a réussi, surchargeant ainsi volontairement la planète d'une bouche supplémentaire qui réclame son dû lacté. Je ne la félicite pas du tout pour cet "exploit" à la portée de la première plébéienne venue. La Poésie est définitivement incompatible avec les affres et petitesses de la condition humaine. Donner la vie n'a rien de particulièrement admirable ni d'exceptionnel, c'est banal. Tout le monde sait le faire, même les animaux les plus vils. Mais surtout, c'est une insulte faite à la Poésie qui, profondément allergique aux braillements de la gent puérile, ne tolère que le son cristallin de la lyre. <o:p></o:p>

    Madame,

    Quoi ? Vous avez succombé à pareille horreur ? Vous avez expulsé de vos femelles viscères un ennemi des muses ? Vous, victime consentante de la pire des trivialités de la condition humaine ? Et moi qui vous prenais pour un ange ! La nouvelle m'effraie. Il est vrai que j'avais oublié que vous étiez grosse. Vous me l'aviez dit il y a quelques mois, mais par naturelle réaction de défense face à cette agression poétique, j'avais inconsciemment occulté ce détail horrible.
    <o:p></o:p>

    Vos entrailles chéries, qu'en avez-vous fait ? Vous les avez offensées, souillées, déformées... Et tout ça pour accoucher d'un trésor qui n'en est pas un, d'une fausse promesse de bonheur, d'une illusion de joie. Vous baissez dans mon estime, moi qui vous portais aux nues jadis...<o:p></o:p>

    Je vous préférais vierge, mince, stérile.<o:p></o:p>

    Je vous aimais à ma manière, idéalisée, onirique, éthéréenne, tout en douleur et papier toilé de luxe chargé d'encre de Chine. <o:p></o:p>

    Mon amour pour vous était un amour supérieur, éclatant, pur et spirituel : c'était un amour de plume.<o:p></o:p>

    573 - L'immortel

    Je suis l'oiseau, le songe et le vent. Je vagabonde, chante, plane, survole petits chapeaux et grands édifices. Je m'amuse de vos soucis, me moque de vos drames domestiques, raille vos valeurs ajoutées, d'un rire fais voler en éclats vos chères certitudes, vos doutes les plus affreux.<o:p></o:p>

    Cimetières, coffre-forts, confort : tout ce qui vous hante, vous préoccupe, vous absorbe, j'en fait des ronds de fumée, des auréoles malicieuses pour ma tête pleine d'azur.<o:p></o:p>

    Vous me visez d'une flèche de plomb, votre tir grossier n'effleure même pas le bout de mon aile. Vous tentez de me crucifier de vos pointes d'ironie mais mon éclat a les vertus du diamant : tout se brise contre ma face. Vous me désignez d'un index moralisateur, je vous retourne le geste d'un pouce relevé qui signifie : gloire aux étoiles et paix sous vos semelles !<o:p></o:p>

    Parce que je suis loin de vos petits dimanches d'hiver, à des lieues de vos fins de mois difficiles, aux antipodes de vos boutons de chemisettes, vous me reprochez de n'être qu'un guignol sans poids ni ancrage sur votre sol de béton.<o:p></o:p>

    Vous me traitez de fou, vous les mortels ensommeillés, parce que j'ai succombé à l'appel du large et vogue vers l'infini, rêvant d'espaces tempétueux, de chevauchées éternelles, d'aubes sans fin, emporté par le radeau de mes muses, les voiles gonflées par le souffle de la Poésie.<o:p></o:p>

    574 - Le berger

    Berger, va faire paître loin de mon éden policé tes moutons sales. Je déteste tes mains calleuses, je fuis ton odeur douteuse, me méfie de tes airs de bohémien. <o:p></o:p>

    Ta barbe longue m'inspire dégoût. Quelle femme honnête chercherait l'ivresse dans tes baisers ? Ta face hirsute effraie les enfants, fait rire les belles gens de la ville. Tu es un sauvage berger. Un coureur de pâturages, un vieux cerf puant, un fumeur de tabac bon marché. Tu n'es qu'un va-nu-pieds, tandis que ma semelle à moi est hautaine, claquante, luxueuse. Les gens de ton espèce dorment sous l'étoile, étendus dans leur peau de bête. Pire qu'à la cloche. Et tu te crois libre parce que ton matelas est fait d'herbes sèches, toi le vagabond ? Pâtre, tu es un sot, un ignare, un benêt et un pouilleux. La laine crottée de ton troupeau est une offense à la civilisation, à la Beauté, et même aux bonnes moeurs.<o:p></o:p>

    Tu avances dans ta montagne mais tu régresses dans ta tête, pauvre pasteur ! Sais-tu lire au moins ? Tu ne connais que des boniments, vieux cancre ! Au lieu de rêvasser sous les étoiles, tu ferais mieux d'ouvrir un livre. Ou de retourner à l'école apprendre l'alphabet. L'Arcadie est un mythe berger. Tu n'as rien d'un héros antique. Tu n'as ni allure ni profondeur, et aucune sentence immortelle ne sort de ta bouche muette. Incorrigible solitaire, tu es pitoyable sous la pluie comme au soleil. En réalité tu n'es qu'un misérable et nul artiste n'aurait l'idée ni le coeur de peindre tes haillons.<o:p></o:p>

    Je n'ai pas besoin de tes services, berger. Je me vêts de dentelles et mange les fruits de mon potager. Mon jardin est droit, carré, propre. L'ivraie n'y a pas droit de cité, le loup n'y rôde pas, et la rose l'embaume.<o:p></o:p>

    Éloigne tes bêtes stupides de mes sillons. Je ne veux pas entendre les sots braiments des hôtes de ta drôle d'étable. Le chant de la laine est épais comme l'enclume. Va t'en berger ! Que les bêlements de tes quadrupèdes ne viennent jamais troubler la beauté furtive de l'aube...<o:p></o:p>

    Et que demeure intacte autour de mon verger la rosée du matin où viennent s'abreuver muses et poètes.<o:p></o:p>

    575 - Conte de Noël

    Gérard Lebrun est un parfait abruti : quarante deux ans, marié, trois beaux enfants, un gros chien, un travail stable de cadre moyen dans l'alimentation industrielle, une maison Phénix achetée à crédit, voiture de série rutilante, télévision écran plat dernier cri, quelques convictions politiques modérées, deux ou trois hobbies à la mode, plein de rêves de vacances aux Seychelles dans la tête. Bref, une tête bien modelée pour une destinée sans surprise.<o:p></o:p>

    Gérard Lebrun s'affaire aux préparatifs de Noël. Boudin blanc, cadeaux, dinde, champagne, chocolats, musique de discothèque... Petit bonheur annuel sous le toit familial de la zone résidentielle où s'accroche un Père Noël gonflable indifférent aux autres rouges pantins qui l'entourent. <o:p></o:p>

    Suspendu aux gouttières, étendu sur les tuiles, escaladant de mille façons maladroites, étranges et peu orthodoxes cheminées, murs de crépit, balcons surplombés d'antennes paraboliques, le peuple de clones à barbe blanche se gèle joyeusement les guirlandes en attendant d'être relégué dans les remises ou à la poubelle, une fois accomplies les saintes saturnales. Quelques-uns pourriront sur les toits, oubliés jusqu'en février.<o:p></o:p>

    Gérard Lebrun est heureux. Heureux de son petit bonheur à lui, sans exigence ni souci, entouré de Pères Noël de toutes sortes : des petits, des géants, des moyens, des grandeur nature, des en chocolat, des en plastique, des en guimauve, des en chair et en os... Et même, paradoxe des paradoxes de cette société de consommation qui ne consomme même plus ses surplus, des en sucre non comestible !<o:p></o:p>

    Tonnerre dans le cosmos ! La foudre s'abat sur la petite tête de Gérard Lebrun, modeste mortel propriétaire d'une de ces maisons alignées en zone d'habitation urbaine. Pétrifié par la grâce à quelques heures du réveillon de Noël, Gérard Lebrun sent l'éclair de la Vérité le traverser. <o:p></o:p>

    Lueur autrement plus fulgurante que celles qui l'entourent... Au pied du sapin qui, imperturbable, clignote depuis trois semaines d'un bonheur égal dans le salon, rivalisant avec l'illumination de l'écran plasma de la télévision allumée en permanence, Gérard Lebrun décide d'entrer dans les ordres. Qui comprendra les voies du Ciel ? Des larmes de joie tombent sur la moquette achetée en promotion.

    A la minute même l'abruti de naissance miraculeusement mué en âme éveillée prend la décision de se retirer du monde, abandonnant réveillon, sapin, foie gras, femme, chien et enfants pour se cloîtrer à vie chez les Chartreux.
    <o:p></o:p>

    Ultime témoignage du passé du repenti arborant aujourd'hui la tonsure : le Père Noël gonflable qui a moisi jusqu'au printemps sur le toit. L'année suivante le nouveau compagnon de sa femme, demeurée idiote quant à elle, l'a remplacé par un autre blanc-barbu garanti anti-corrosion. Mais de tout cela Gérard Lebrun est à des années-lumières.<o:p></o:p>

    A quarante deux ans Gérard Lebrun est devenu un homme, un vrai sous sa bure. <o:p></o:p>

    576 - Mal-aimé

    Vous me détestez. <o:p></o:p>

    Vos crachats tombent sur mes chaussures laquées comme des jets fâcheux que je fais ôter avec dédain. Vous n'ignorez pas que mon cuir rongé par votre fiel vaut de l'or... Nul ne le respecte pourtant. C'est à ce point que vous me méprisez... Qui aura pitié de ma semelle précieuse ?<o:p></o:p>

    Vous me destinez les plus noires pensées. Qu'ai-je fait pour mériter votre rage ? Mes souliers ont le malheur de vous déplaire... Il est vrai qu'ils sont sertis de pierres fort coûteuses. Votre oeil est chargé de sang mauvais lorsqu'il se pose sur mon chapeau. N'est-ce pas parce qu'il est disposé avec soin sur ma tête et que sa hauteur vous offense ? Vous ne répondez jamais à mes bonjours sous prétexte que mes allures sont trop hautaines pour vos petits matins médiocres... A moins que ma domesticité, mon cheval ou les ronds argentés autour de mes doigts vous semblent choses peu aimables ?<o:p></o:p>

    Faites-vous de moi un bandit simplement d'avoir beuglé comme un diable aux funérailles de mon banquier ? Oublieriez-vous, détracteurs, que vous me devez dettes et respects ? Je suis fortuné, je vous ai prêté. Aussi je chante quand je veux, enterre qui je veux, fais la morale à l'heure qui me plait. Ca vous enrage, comment pourrais-je l'ignorer ?<o:p></o:p>

    A la messe je fais claquer ma canne au premier rang. Cela vous autorise-t-il à me souhaiter voir mort plutôt que vif ? C'est moi qui ai financé la dorure du clocher. L'écho public de mon ivoire est le prix à payer à ma générosité. Marteler la dalle le dimanche est mon plus cher plaisir, de quel droit me l'ôteriez-vous ? Allez vous plaindre, moi qui ai acheté jusqu'à votre patience ! Ingrats que vous êtes !<o:p></o:p>

    Mal-aimé j'ai toujours été parmi vous. Mauvaises gens qui ne savez pas vivre en ma compagnie, soyez persuadés que je vivrai plus que centenaire sous ma perruque poudrée avec mon grand chapeau par-dessus. Je lustrerai encore longtemps ma canne, mes bottes et ma ceinture. Je porterai mon monocle jusqu'à quatre-vingt-dix-sept ans avant d'adopter le binocle cerclé de quelque étincellent métal qui vous fera braire, braire, braire à n'en plus finir.<o:p></o:p>

    Vous pourrez toujours attendre... Jusqu'à plus de cent ans je ne me ferai pas oublier.

    Mal-aimé mais bien portant, j'aurai votre peau.
    <o:p></o:p>

    577 - Entre pierre et ciel

    Au Père Lachaise parmi les marbres il la retrouve, coeur battant, front vaillant. Une fièvre impie l'habite en cette saison de mai. Trouble exquis de l'âme en proie à ses plus chers tourments... Dans l'oeil de la précieuse, le dandy ne voit que l'écho de sa propre flamme. Leur rencontre est un feu mutuel où la cause poétique s'ajoute à la passion charnelle. Le temps est aux amours : les tombes sont légères et la brise vernale fait chanter la pierre. Un parfum de mélancolie embaume l'air, les allées, la nue. Les feuilles de quelques grands arbres frémissent çà et là autour des tombes. Il la salue, froid, conventionnel, hautain. Elle lui répond avec la même retenue. Un chat frôle la jambe de l'élégante. Petit cri de surprise... <o:p></o:p>

    Leurs lèvres viennent de se croiser. <o:p></o:p>

    La voie est ouverte. Nulle ombre aux alentours... Leurs corps s'étendent sur la première tombe venue dissimulée aux indiscrets par quelque angle avantageux. Il dénude la poitrine de la galante, fébrile. Allongée à demi dévêtue sur la pierre rugueuse, elle sent sa caresse âpre contre sa peau. L'alcôve improvisée est couverte de mousse séchée. L'humus sur cette tombe séculaire enivre l'amant qui, emporté par ces effluves, se perd dans ses hauteurs fantasques alors que sa maîtresse se pâme sous le mâle assaut. Les baisers sont profonds et sauvages comme des morsures, les souffles précipités. Les lèvres de l'homme courent sur les seins de l'offerte, les aspirent avec rage, tandis que ses doigts s'immiscent vers les profondeurs vives de la chair femelle ébranlée. <o:p></o:p>

    Bientôt la gorge de l'amante est bâillonnée par un sceptre vivant qui la déchire délicieusement. Des va-et-vient lents et longs embrasent son palais, et sous le regard ardent de cette femme qui lui rend le plus doux des hommages, l'esthète se laisse aller à de voluptueux égarements, couchés tous deux sur la tombe. L'objet de leur mutuel émoi s'attarde, rougit, gonfle, durcit de plus en plus sous les lèvres avivées jusqu'à ce que dans un éclat de fauve le libertin lâche prise. Alors l'haleine de l'amoureuse devenue soudain visqueuse exhale les senteurs âcres et sucrées de la vie triomphante qui se répand, déborde, se perd dans une coulée suprême et affolante... L'écume au bord des lèvres, elle vient l'embrasser. Leurs corps haletants s'enlacent dans un baiser général, exquisément prolongé par la semence qui passe de bouche en bouche. <o:p></o:p>

    Un peu de cette liqueur vive s'égare sur le marbre funèbre, comme si la vie voulait se réconcilier avec la pourriture gisant dans la fosse. <o:p></o:p>

    Dans l'ultime instant de lucidité précédant l'extase, le regard du sybarite s'est posé par hasard sur la stèle de la tombe de leurs ébats. Furtivement, il a pu lire le nom du défunt, avant de succomber au vertige : <o:p></o:p>

    "Comte Théophile Duplaisir, 1759-1830."<o:p></o:p>

    578 - Les cruautés de l'amour, les inconvénients de la Nature

    Dans le salon de Madame de la Brissolière je brillais comme d'habitude, jouant de la dentelle et du chapeau avec affectation. Lorsque je la vis. Blanche, triste, la taille fine, les poumons larges dans leur étoffe aérée, elle écoutait mes frivolités avec gravité.<o:p></o:p>

    Je continuai à débiter doctement mes fadaises aux convives qui étaient plus de vingt, feignant de demeurer insensible à cette vestale mamelue qui me fixait avec un air mélancolique et fantasque.<o:p></o:p>

    Qui était cette juvénile créature aux imposants appas à demi dévoilés ? Prétextant une diarrhée subite, je m'éclipsai vers les lieux d'aisance, invitant la belle à me suivre d'un regard hautain accompagné d'un geste discret mais assez explicite pour qu'elle n'ignorât point mes desseins. Je n'eus guère longtemps à attendre. Deux minutes après ma sortie honteuse la triste demoiselle me rejoignit. Nul n'osa me porter secours dans mon état d'indisposition supposé... Et dans la surprise générale produite par ce mensonger mais fracassant aveu, qui se serait aperçu de la disparition de la muette ? Censé me vider les viscères loin de l'assemblée mondaine, j'avais l'assurance qu'on me laisserait en paix.<o:p></o:p>

    Nous nous éloignâmes immédiatement du cabinet de toilette. J'emmenai l'amoureuse dans la chambre de Madame de la Brissolière, occupée à faire bonne figure au salon. La porte était close mais je la défonçai sans peine. <o:p></o:p>

    L'alcôve était d'autant plus délectable que l'accès nous en était interdit. Là, la morose beauté me fit les honneurs du contenu de son corsage, ainsi que de son coeur, qui était plein de larmes.<o:p></o:p>

    - Quelle est la raison de ce chagrin en pareille circonstance, ma belle ?<o:p></o:p>

    - Mon beau Monsieur, mon cher, mon tendre ami, Ô Seigneur de la plume que vous êtes, vous qui êtes si fier de votre particule et qui savez si bien briller en légère société, ces larmes sont pour vous. Ce sont des larmes d'amour, car enfin mon coeur s'est enchaîné à votre haute personne ! Mais je n'ignore pas que vous êtes fort cruel Monsieur, et sais par conséquent que jamais vous n'acquiescerez à mes élans les plus chers. Votre égoïsme est légendaire, et votre odieux mépris pour la gent puérile anéantit tout espoir d'avoir de vous quelque digne progéniture. Je suis réduite à ne vous donner que ce que vous voudrez bien prendre de moi. Et vous ne voulez de moi que l'hymen et le giron. Ne suis-pas à plaindre ?<o:p></o:p>

    - En effet, aimable demoiselle. Vous êtes bien à plaindre. Mais descendons plutôt rassurer Madame de la Brissonière car mes humeurs en vous se sont répandues et la serrure de la porte de sa chambre est brisée. Je dois m'arranger pour faire porter la responsabilité de cet incident sur quelque domestique. Vous êtes bien jolie Mademoiselle, à la vérité. Mais réajustez votre corsage voulez-vous ? Vos tétins m'indisposent. Et puis cessez de sangloter, vous avez l'allure d'une fille de ferme avec votre joue enflée et votre toilette en désordre ! Et puis votre coiffure, est-elle bien laide ! Qui donc vous a si mal poudrée ? Changez de bonne ou bien entrez dans les ordres Mademoiselle ! Tenez, vous êtes si peu aimable que je sens sourdre en mes intestins quelque chiasse carabinée... Vous me faites bien mauvais effet. Ha ! ôtez-vous prestement de ma vue, scélérate, odieuse vipère, détestable catin !<o:p></o:p>

    - Monsieur, je vous aime tant...<o:p></o:p>

    - Taisez-vous et disposez vous dis-je ! Vous ne faites qu'empirer mon mal ! Votre présence m'importune et ma colique est violente. Allez plutôt annoncer aux belles gens d'en bas que le Maître es plume est en train de se vider les tripes, ainsi mon mensonge de tantôt n'en sera plus un et nul ne saura que nous nous sommes livrés au commerce charnel sur le lit de notre hôte.<o:p></o:p>

    - Bien Monsieur.<o:p></o:p>

    Quelque temps après j'apparus dans le salon, éclatant de satisfaction, le teint frais, les intestins apaisés, les glandes séminales allégées.<o:p></o:p>

    Un audacieux osa tout haut la question que nul ne se serait permis, même tout bas :<o:p></o:p>

    - Alors mon cher, allez-vous mieux ?<o:p></o:p>

    D'un regard plein de morgue je lui répondis d'une voix forte afin que tous pussent m'entendre :

    - Fort bien Monsieur. Je me suis dégorgé les couilles dans la chambre de Madame de la Brissonière avant de me vider les tripes dans ses chiottes.
    <o:p></o:p>

    Par dessus son épaule j'aperçus l'amante éplorée, les yeux fixés sur moi, qui de plus belle brûlait d'amour. <o:p></o:p>

    579 - La gloire du quincaillier

    Il se lève avant ses voisins, le quincaillier. Prêt à défier chaque nouvelle journée avec une égale ardeur, il porte cravate et blouse blanche. On le respecte, on le consulte, on l'écoute. Trente-cinq ans d'immersion totale en pensées pratiques dans les rayons de son magasin où cent fois par jour il vient trôner à la caisse comme un chef qu'il est, entre rangée d'arrosoirs et piles de désherbants, ont fait de sa vie une légende. Le roi du robinet, c'est lui.<o:p></o:p>

    Jamais à cours de stocks, le quincaillier est prévoyant, polyvalent, et même prévenant : il ouvre la porte à ses clients, qu'ils entrent ou qu'ils sortent.<o:p></o:p>

    Un jour j'ai posé la question suivante au quincaillier :<o:p></o:p>


    - Craignez-vous la mort ?
    <o:p></o:p>

    Plein de bon sens, des diamants dans les prunelles, le quincaillier m'a répondu :<o:p></o:p>

    - Aucune crainte de la mort : je suis chez Assuror. J'y ai souscrit une assurance-vie en béton.<o:p></o:p>

    Désarmante innocence ! A moins qu'il ne se soit lui-même parfaitement conditionné, ramolli jusqu'à la moelle, voire pétrifié par sa fonction qu'il semble prendre tellement à coeur... Depuis j'ai compris la gloire du quincaillier. Une telle solennité dans la petitesse, une pareille grandeur dans l'insignifiance, une foi aussi inébranlable dans ses seaux de zinc et tuyaux de poêle confine à l'héroïsme matérialiste poussé à l'extrême. Une forme de sainteté "quincaillière". Je vois désormais sa vie comme une oeuvre d'art dédiée à la cause ménagère. En a-t-il au moins conscience ? Peu importe. Cet homme est un phénomène, une chance pour l'humanité non-pensante. Un alchimiste d'un genre nouveau. Son exploit : changer le plomb usuel étalé dans ses rayons en or destiné à son banquier.<o:p></o:p>

    Cet homme convaincu que la vérité est dans la clé de douze, cet être vêtu de blanc et de certitudes de ferblanterie, ce lève-tôt brillant comme le cuivre astiqué de ses casseroles savamment alignées ne craint pas la mort.<o:p></o:p>

    La gloire du quincaillier vous dis-je...<o:p></o:p>

    580 - Un pied dans l'infini

    J'errais parmi les tombes, le coeur léger, les semelles alourdies. Une ondée venait de laver les marbres qui pleuraient sous les rayons déprimants d'avril. Nulle âme dans le vieux cimetière, pas un bruit, juste une brise caressant quelques flaques argentées au soleil. <o:p></o:p>

    Je marchais, tranquille. Mes pas sous les restes de pluie faisaient des clapotements sinistres dans cet univers de pierre et de fer rouillé. L'air frais s'alliait à la lumière blanche dans une parfaite harmonie. Les sons résonnaient agréablement contre les sépultures transies de froid. Ce léger écho après la pluie finissait de donner à l'atmosphère un caractère étincelant. Impressions de ruisseau aérien, de verte coulée céleste, de neige fondue teintée d'azur... <o:p></o:p>

    Tout à mon trouble, les idées de plus en plus vagues, j'avançais, charmé par cette ambiance éclatante et funèbre. <o:p></o:p>

    Distrait, j'en oubliai la réalité qui m'entourait. A mesure que je marchais le long des allées bordées de tombes, imperceptiblement je pénétrais dans un environnement subtil. Je ne sentis plus la boue amassée sous mon talon. J'avançai encore en baissant les paupières, ébloui par la face de Râ. Puis les éclats de l'astre cessèrent. Lorsque je rouvris les yeux, le cimetière avait disparu. Une clarté inhabituelle tombait du ciel. Autour de moi, un espace étrange, sans limite, pareil à un immense jardin. De ce monde émanait une beauté indescriptible, impossible à retranscrire avec des mots humains. De toutes parts rayonnait la Beauté. <o:p></o:p>

    Sans m'en rendre compte j'étais arrivé de l'autre côté des choses visibles... Inexplicablement mes pas m'avaient mené jusque dans ce champ de verdure aux reflets inconnus, à l'aspect inouï. Cette prairie lumineuse, loin d'être une illusion, avait ses fondations dans le ciel. <o:p></o:p>

    Je me crus mort. <o:p></o:p>

    Meurt-on aussi facilement en marchant ? En rêvassant ? J'étais pourtant là, les deux pieds posés sur un sol bien réel. Aux antipodes de l'humble clos mortuaire que, sans m'en apercevoir, je venais de quitter. Où étais-je ? Quel était ce monde radieux et énigmatique où je venais de pénétrer, poussé par le caprice d'un Ailé ou emporté par une étrange brise cosmique ? Salle d'attente du séjour des défunts ? Antichambre de l'éternité ? Porte de l'Eden ? Venais-je d'être projeté en ces lieux par erreur ou sous l'effet de quelque volonté angélique ? <o:p></o:p>

    Mystère.

    Toujours est-il que je me suis aussitôt retrouvé étendu dans une allée du cimetière, le front rafraîchi par un zeste de pluie émanant de la tombe contre laquelle je m'étais endormi, un sentiment cosmique dans l'âme, une persistante, profonde sensation de réalité en moi.
    <o:p></o:p>

    De cette brève, fantastique promenade dans l'Ailleurs je garderai à jamais l'extrême saveur, la divine, l’intolérable nostalgie. <o:p></o:p>

    581 - Tête de paon

    Admiré, envié, méprisé, raillé, adulé, haï, je remporte tous les suffrages. On vient de loin pour me cracher au visage, on se lève tôt pour admirer mon luth. On se presse sous les étoiles pour humer mes chaussettes, voir se ramollir ma citrouille, se durcir ma corde sensible, entendre chanter mon rossignol. Objet de curiosité, sujet de polémique, j'attise bien des flammes et provoque moult averses.<o:p></o:p>

    J'ai de la plume et du zèle, du plomb dans la plume, des ailes dans la tête, de l'air dans les ailes, des L dans les R, la tête en l'air, les pieds dans les étoiles.<o:p></o:p>

    Et la rime à l'envers, ce qui donne de la myrrhe aux vers et de l'or au vermisseau.<o:p></o:p>

    Quand les ailes se font légères, elles s'élèvent dans l'air. Ce qui me donne belle ALLURE avec mes deux L et mon grand R. Pour les grands airs dans mes L azurés, je roule les R tel un matamore. Quant au zèle de ma plume, je dirais que c'est la prunelle de mes yeux. <o:p></o:p>

    Ma trompette sonne comme une lyre quand le vers est là, alors j'ai l'R unique d'une casserole car je résonne avec mon seul ego. C'est pour ça que du bout des lèvres on me nomme "homme de lettres" avec des doutes dans le jeu, des dettes de mots et des JE de joutes. Si certains me comparent à un oiseau plein de panache, d'autres ont plaisir à me dénigrer. Mais s'ils veulent plumer le cul du coq, il tomberont sur un bec.<o:p></o:p>

    Un dernier mot à ceux-là, un dernier mot pour finalement leur dire en une seule lettre que loin d'être un faux Q, je suis un vrai K.<o:p></o:p>

    582 - Les cloches du bedeau

    Emile le simplet du village avec son air benêt de sacristain-né et son imposante stature était tout destiné pour recevoir de son curé la charge officieuse d'homme à tout faire. Plus exactement de sonneur de cloches, domaine dans lequel il devait bientôt exceller. <o:p></o:p>

    Fier de ses 130 kilos, il savait comme nul autre faire chanter le métal. Sa surcharge pondérale faisait merveille pour occuper cette fonction hautement spécialisée. Pouls du village, c'est du clocher que se répandaient les informations essentielles : funérailles, baptêmes, mariages, fêtes... Seule distraction du village, les cloches représentaient la voix du Ciel.<o:p></o:p>

    Emile avait découvert que de son habileté à battre l'airain dépendait la force avec laquelle impressionner les ouailles. Tristes ou joyeuses, il savait avec subtilité annoncer les nouvelles, influencer les coeurs dans un sens ou dans l'autre, accélérer ou apaiser leurs battements. Pas si sot qu'on le croyait, doué d'un pouvoir hors du commun, il avait très vite appris à nuancer les clameurs du clocher afin de mieux faire résonner les âmes. <o:p></o:p>

    Par exemple à l'heure du glas il pouvait à sa guise alléger les âmes en peine ou au contraire donner un air sinistre aux mariages, rendre poétiques, comiques ou bien infiniment solennels les dimanches matins, et tout ça rien qu'en modulant le son des cloches, à sa façon... Il pouvait choisir certains dimanches de remplir l'église ou en interdire l'accès. Il lui suffisait pour cela de manier d'une certaine façon les cordes du clocher pour attirer les fidèles ou les décourager. Au grand émoi du prêtre qui, comme les autres, ne comprenait rien à ces mystères, incapable de faire le rapprochement entre ces événements et l'écho des cloches. Ce qui amusait beaucoup Emile.<o:p></o:p>

    De sonnerie en sonnerie il s'initiait à cet art jusque là inconnu, dont lui seul d'ailleurs détenait le secret. Ainsi Emile agissait sur l'inconscient des habitants, manipulant à son gré son petit monde, parvenant même à toucher les personnalités les plus averties, les êtres les plus insensibles, les notables les plus instruits, changeant leur état d'âme, dirigeant leurs humeurs, provoquant chez eux joie ou mélancolie, sérénité ou excitation. Alors que tous, curés comme paysans, considéraient Emile comme un imbécile, lui les dominait parce qu'il maîtrisait leurs rouages intérieurs, à leur insu.<o:p></o:p>

    Emile, pour idiot qu'il passait aux yeux de tous, n'en était pas moins passé maître dans l'art de faire sonner le fond des êtres, par cloches interposées. Il était en quelque sorte le vrai chef du village, lui qui secrètement savait régler la mécanique des âmes. <o:p></o:p>

    Emile vécu longtemps à la tête de son orchestre de "diablotins à cordes".<o:p></o:p>

    A ses funérailles, tout le village se réunit autour de sa tombe. Le temps était calme, pas une brise. Au moment de mettre en terre l'humble cercueil du bedeau, les cloches de l'église se mirent à sonner légèrement sous un mystérieux coup de vent.<o:p></o:p>

    583 - La rayure

    Bertrand Lefort est un brave type, ni pire ni meilleur qu'un autre.<o:p></o:p>

    Une situation stable, marié depuis 20 ans à une femme qui lui a donné trois beaux enfants, monsieur Lefort est un homme heureux et sans histoire.<o:p></o:p>

    Sauf qu'une rayure est apparue sur sa voiture il y a cinq jours. Certes c'est une minuscule, insignifiante, invisible rayure à laquelle il est confronté. Mais tout de même, c'est une sale, méchante rayure sur l'aile de sa belle voiture rouge qui l'empêche de dormir depuis cinq jours. Une ombre bien légère dans sa vie qui devrait s'estomper avec le temps... Une ombre qui malheureusement grossit, s'étend, prend de l'ampleur, obscurcit ses jours. Et surtout ses nuits. C'est que Bertrand Lefort entretient une relation privilégiée avec son véhicule de série, comme la plupart de ses semblables ayant parié sur les valeurs palpables de ce monde. La rayure peu à peu devient sa bête noire.<o:p></o:p>

    Il en rêve.<o:p></o:p>

    Muni d'un double-décimètre, il a pris la mesure de la catastrophe : 14 centimètres.

    Quel est l'abruti qui lui a rayé sa voiture sur 14 centimètres ? Quel est le fils de salaud qui a osé toucher à sa carrosserie ? Ha ! S'il le tenait ce bandit ! Bertrand Lefort pense qu'il l'étranglerait, cet assassin... Il le pense vraiment, la rage au coeur, les mains fébrile, le sang bouillonnant. Un homme qui raye l'aile d'une voiture achetée neuve et à crédit sur 24 mois, a-t-il le droit de vivre sous le soleil de la norme occidentale ?
    <o:p></o:p>

    La rayure au bout d'une semaine d'insomnie est un boa qui traverse de part en part son imagination perturbée. Matin, midi, soir, la rayure hante notre homme. Monsieur Lefort prend des calmants afin de retrouver le sommeil, en vain. Il ne mange plus. Obsédé par la rayure, il n'ose plus sortir son véhicule. Depuis l'incident il préfère prendre le train pour aller au travail. En attendant une solution, il a mis sa voiture à l'abri dans son garage. En sécurité.<o:p></o:p>

    Un suspect croisé dans le train a failli être agressé par l'offensé : monsieur Lefort voit des rayeurs de tôle partout. L'irréparable a été évité de justesse, grâce à l'intervention courageuse d'un contrôleur. <o:p></o:p>

    Après une grave dépression Monsieur Lefort s'est finalement racheté une nouvelle voiture et en quelques mois son état s'est amélioré. <o:p></o:p>

    Aujourd'hui il a retrouvé une vie stable, presque sereine, même s'il n'est plus le même homme. Désormais fragile, anxieux, des séquelles pour le restant de ses jours, Bertrand Lefort a contracté une assurance plus complète pour sa nouvelle voiture : il est couvert à cent pour cent en cas de rayure. La priorité : protéger sa voiture. Il a préféré se priver de sorties de week-end pour pouvoir se payer cette onéreuse mais essentielle assurance.<o:p></o:p>

    Le prix d'une paix retrouvée.<o:p></o:p>

    584 - La moribonde<o:p></o:p>

    Morbide à souhait, la vieille bigote insistait lourdement pour faire de son agonie un spectacle mémorable et navrant, endeuillant avec des cérémonies outrancières et superflues sa chambre qui puait le formol, l'urine et la naphtaline. Vivant depuis toujours sous ce toit, elle en avait fait son théâtre. Mortuaire. Sa vie qui s'achevait dans ce grand lit en fer n'avait été qu'un long chant funèbre, une ode à la privation, un hymne aux mesquineries les plus sordides.<o:p></o:p>

    Afin d'attendre dignement la Camarde, la prude avait transformé sa maison en caveau : partout, de la dentelle noire, des rideaux couleur de mort, des crucifix à tous les murs, des statues mariales à en vomir d'indigestion, jusque sous le lit, côtoyant pot-de-chambre douteux et fioles embuées. Babioles pieuses ramenées de Lourdes et conçue dans le style sulpicien le plus achevé, ces spectres de plastique et de métal vil peuplaient la maisonnée depuis une éternité : la célibataire en plus d'être infiniment dévote était quasi-centenaire. Sinistre et macabre, ce décorum de croix et de Vierges rendait l'atmosphère irrespirable. Le seul qu'elle pût respirer. N'importe quel autre mortel dans une semblable ambiance serait mort avant l'heure. Elle, se sentait revivre dans ce cercueil géant où elle gisait exquisément comme un asticot se repaissant de pourriture.<o:p></o:p>

    Elle rayonnait sur son lit de mort, blafarde. Peau sèche mais coeur vif, traits cadavériques mais âme brûlante de fiel, elle débitait avec jubilation sa haine de la vie et de ses plaisirs, sous formes de prières. Fébriles, ses doigts osseux étreignaient du matin au soir un chapelet usé. Moribonde diabolique, elle vomissait ses repas sur son chapelet avec des gémissements à fendre l'âme. <o:p></o:p>

    Astre mort au regard hypocrite, la vieillarde avait conscience de jouer là son plus beau numéro. <o:p></o:p>

    Finalement elle ne mourut point.<o:p></o:p>

    Huit et onze ans après cette fausse alerte, elle assista même aux funérailles de deux de ses veilleuses. <o:p></o:p>

    On dit qu'elle cracha sur leur tombe, après les avoir veillé à son tour.<o:p></o:p>

    585 - Les poireaux

    Aujourd'hui mardi c'est jour de poireaux chez les Fournicheaux, un couple de provinciaux sans âge, sans enfant, sans autre horizon que les murs décrépits de leur maison à l'écart de toute bourgade, protégés de l'influence citadine par une haie aussi haute qu'est étroite leur mentalité de morts-vivants. La ménagère lasse s'adressant à son mari :<o:p></o:p>

    - Le Michel, t'as-t-y fait chauffer la cuisinière que j'y fasse cuire la poireautée pour à midi ? <o:p></o:p>

    Lui avec sa casquette mal vissée sur son crâne ridé :<o:p></o:p>

    - J'a va tirer le feu, j'a va tirer le feu... A-t-y mis la soupière qu'est pas percée au moins ? <o:p></o:p>

    Dans un geste ample et vif, la vieillarde se saisit de l'ustensile, et d'un air triomphant :<o:p></o:p>

    - J'a m'est pas trompée de soupière cette fois-ci. J'a prends la bonne soupière qu'a l'est pas percée du cul. <o:p></o:p>

    Ainsi les deux vieux sédentaires s'apprêtent-ils à faire cuire leurs poireaux du mardi dans une ambiance sclérosée au possible... Festoyer dans la tristesse et le dénuement de l'esprit est leur plus chère habitude de gastronomes avaricieux. Sorte d'esthètes au rabais, les deux indigents ne boudent pas leur plaisir. Se gaver de poireaux qui ont poussé gratuitement dans leur potager est pour eux une réelle revanche sur la vie. Payés en nature par la terre de leur jardin et l'eau du ciel, ils s'exclament parfois :<o:p></o:p>

    - Ca sera toujours ça que les Prussiens y z'auront pas dans le bec !<o:p></o:p>

    De temps à autre, la femme moins sordide que son mari se permet de jeter quelques morceaux de fromage sur ses poireaux, geste invariablement suivi par ces paroles, toujours les mêmes, lancées sur le même ton solennel :<o:p></o:p>

    - Le fromage c'est bon, ça fond dans le poireau tout chaud et ça le rend meilleur à avaler.<o:p></o:p>

    Pour se faire pardonner cette audace, la vieille femme reprend à chaque fois une pleine assiette de poireaux natures, comme son mari, afin d'ôter aussitôt le goût du fromage fondu qu'elle vient d'ingurgiter. Le crime le plus odieux à ses yeux consistant à succomber au goût du luxe, le fait d'ajouter du fromage de temps à autre sur ses poireaux lui pose un sérieux problème moral. Son mari n'a jamais vraiment approuvé la faiblesse de sa femme, depuis cinquante-cinq ans qu'ils mangent ensemble des poireaux le mardi. De longues conversations s'engagent souvent entre eux à ce sujet, jusque fort tard dans la nuit. Toujours dans le noir afin de n'user pas inutilement la chandelle.<o:p></o:p>

    Mais laissons à leurs poireaux et conversations nocturnes ces deux vieilles gens que l'isolement rend plus improbables encore à notre époque de poireaux vendus sous cellophane, laissons s'enterrer inexorablement ces oubliés de la France profonde qui s'inquiètent de l'usure de leurs chandelles alors que nous surfons sur le NET à grande vitesse... <o:p></o:p>

    J'ai croisé ces mohicans un jour. Jamais ne les oublierai avec leur plâtrée de poireaux du mardi et leur sempiternelle histoire de fromage fondu. J'entends encore la vieille adresser ces mots irréels à son mari, tandis que je m'étais égaré jusque sous la fenêtre de leur masure lors d'une randonnée pédestre dans la Creuse :<o:p></o:p>

    - Le Michel, est-ce que c'est-t'y pasque t'aime t'y point le fromage fondu sur le poireau que t'en mange point ou ben est-ce que c'est-y que pasque le poireau est déjà fondant que t'y veux pas y rajouter de la nourriture inutile dessus qu'est pas donnée au prix qu'elle est du kilo ?<o:p></o:p>

    586 - Repas entre amis

    Je me promenais d'un pas oisif comme à l'accoutumée lorsque, pour une fois, je passai par hasard devant chez les Trivieux, la famille "bruyante" du village. Gens au grand coeur, simples et joviaux, à la culture limitée mais au sens de l'accueil développé, ils ne purent se retenir de m'inviter à venir partager leur repas. Comment aurais-je pu dire non ? Un refus de ma part, même courtois, eût été mal interprété par ces esprits certes généreux mais fort susceptibles, prompts aux représailles verbales, voire à la franche querelle. Et puis n'était-il pas l'heure de manger après tout ? Cela me changerait agréablement de mes habitudes aristocratiques, pensai-je. D'autant que cette invitation impromptue formait là une circonstance heureuse pour approcher cette famille indigente, l'occasion inespérée d'étudier de près cette espèce sociale singulière.<o:p></o:p>

    Famille au sort maudit, rongée depuis des générations par des problèmes sociaux multiples, les Trivieux n'en étaient pas moins des gens honnêtes, travailleurs, serviables, débrouillards, très attachés à leurs trois gros bergers allemands, prêts à se saigner aux quatre veines pour eux, payant sans rechigner les meilleurs vétérinaires quand il le fallait, ne lésinant pas sur leur nourriture, abondante et de qualité. Certes leur réflexion ne dépassait pas la hauteur de leur friteuse électrique, mais au moins avais-je affaire à des êtres sans aucune malice intellectuelle. Ce qui pour mon esprit las des intrigues mondaines paraissait plutôt reposant. Du moins au premier abord.<o:p></o:p>

    J'allais vite déchanter.<o:p></o:p>

    Dès que je fus attablé, diverses vagues sonores et alimentaires m'assaillirent de toute parts : un énorme plat de frites entourées de gros morceaux de porc ruisselant de graisse m'attendait, le bruit de fond inaudible de la télévision poussée presque à fond se mêlait aux grésillement infâmes venant de la radio mal réglée posée elle-même sur le poste de télévision, des canettes de bière bon marché s'entrechoquaient sur la table tremblant sous le séisme familial, les bergers allemands surexcités par ma présence ajoutaient leurs aboiements au concert, donnant à la cacophonie une allure irréelle d'orchestre furieux, diabolique, assourdissant !<o:p></o:p>

    Le tout dans une atmosphère enfumée absolument irrespirable formée par les brumes âcres du tabac et les vapeurs vives de la friture. A ce brouillard artificiel se mêlaient les odeurs tenaces d'huile rance et d'haleines de chiens. Étourdi, je ne savais où donner de la tête. Mes hôtes riaient de me voir si bien entouré, n'imaginant pas un seul instant ma terrible solitude... <o:p></o:p>

    Les agressions feutrées de l'esprit que j'avais l'habitude d'affronter dans les boudoirs étaient remplacées ici par des agressions culinaires. Brutales. Les joutes verbales, ludique et élégante, si joliment cultivées dans les salons littéraires avaient fait place chez les Trivieux à l'offense au goût, pure et simple. Le choc fut à la mesure de ma curiosité. A la fois fasciné et terrifié par la situation, je décidai de donner le change pour me sortir au plus vite de l'impasse. Je goûtai aux frites du bout des lèvres, feignant affectionner cette nourriture grossière. Je ne pus cependant me résoudre à toucher à la viande de porc. Comment expliquer à mes hôtes en termes accessibles que j'avais proscrit de mon alimentation cette viande que j'estimais impure ?<o:p></o:p>

    Dans un élan désespéré je me levai d'un bond à peine le repas commencé pour me précipiter vers la sortie en débitant mille excuses académiques et inintelligibles qui seules pouvaient m'absoudre aux yeux de mes hôtes, impressionnés qu'ils avaient toujours été par la langue châtiée qu'ils ne pratiquaient point mais qu'imbécilement ils respectaient, de la même façon qu'un ignare respecte naturellement le chapeau de l'érudit.<o:p></o:p>

    C'est ainsi que je pus sortir sans trop de dommage de cette instructive mésaventure.

    Les Trivieux ne m'en ont jamais voulu d'avoir quitté si hâtivement leur table. Ils continuent à me saluer dans la rue, comme si rien ne s'était passé.
    <o:p></o:p>

    Ils ont pris ma fuite pour une simple diarrhée passagère.<o:p></o:p>

    587 - La hauteur du monde

    L'aube qui se propage éclaire les nues, irradiant le monde d'un éclat argenté. Un nouvel astre se lève à l'horizon. Je monte vers les lueurs bleues, empruntant une voie blanche le long de laquelle tournoient des papillons. Dans cet espace limpide je remarque que des cailloux étincellent au bord du chemin. La lumière devient plus chaude, et je reconnais le soleil en face de moi. Il commence à m'éblouir. Je me retourne. Derrière moi, la mer. Un océan lumineux. Avec toujours ce ciel comme un cristal pur.<o:p></o:p>

    Des milliards de créatures, animaux, plantes, êtres divers et multiformes, d'apparences étranges ou familières habitent cet univers. Certaines se côtoient sans dommage, invisibles mais réelles, présentes telles des pensées dans l'air. D'autres s'ignorent de bonne foi, soupçonnant toutefois leur mutuelle existence.<o:p></o:p>

    Je continue de monter. Au point culminant de mon ascension, des rayons de lumière de teintes différentes me traversent et j'accède à un état de conscience fulgurant : je deviens une écume aérienne composée de particules infinies aux couleurs inconnues, une ébullition éthéréenne, un éclair à l'état pur. Je suis à la fois brin d'herbe et étoile, brasier et coquillage, entre cosmos et atmosphère familière : un sentiment de grandiose et de simplicité, d'infini et de proximité, de mystère et de connu. Progressivement je redescends, me réaccoutumant aux choses que je viens de quitter plus bas, comme si je me rassemblais, me recomposais après un éclatement parfait de mon être à l'échelle de l'Univers.<o:p></o:p>

    Suis-je mort ? Sous le souffle de quel dieu de l'Olympe suis-je apparu en ces lieux ? Suis-je né de cette lumière qui m'inonde ? Ce monde est-il l'antichambre des âmes prêtes à être incarnées ? Vais-je apparaître en des lieux inconnus et lointains, sous une forme prodigieuse ? Impossible à savoir, tant le soleil, le chemin, les cailloux, les papillons sont présents autour de moi comme des réalités intimes et éternelles.<o:p></o:p>

    Où me suis-je donc égaré, là où le temps n'a plus d'emprise, où des lois improbables, éblouissantes régissent les choses ?<o:p></o:p>

    Je suis parti dans un fabuleux voyage.<o:p></o:p>

    Le soleil au-dessus de moi est en fait une lune qui luit dans une nuit d'été. Les cailloux aux allures de diamants ne sont que de banales mottes de terre. Les papillons pourraient être ces chauves-souris qui chassent les insectes dehors. Moi, plongé dans un sommeil profond, presque mort, je poursuis mon long voyage. Un voyage à la fois ordinaire et magnifique, accessible et impénétrable.<o:p></o:p>

    Je voyage dans mon âme, emporté par les vents oniriques.<o:p></o:p>

    588 - L’ombre des choses

    J'errais au bord de l'étang, mélancolique. L'automne était morne, la lune pleurait, le vent chantait dans le soir, monotone à mourir. Au loin s'élevaient les plaintes d'un âne, poignantes. Ainsi là-bas un être affligé semblait partager ma peine... Je marchais, résigné, au bord de l'onde. Solitude, accablement, ennui, dégoût : quatre murs oppressants, quatre raisons pour ne plus songer à rien d'autre qu'aux barreaux de mon âme en deuil.<o:p></o:p>

    L'âne dans le lointain se lamentait toujours. Etais-je le seul à entendre sa détresse ? En moi, une nuit sans fin, un vide sombre, une vallée désolée. Les braiments de l'animal résonnaient comme un glas grotesque dans la campagne. L'écho pitoyable sous les étoiles de la créature déshéritée accentuait ma douleur. Le quadrupède adressait à qui voulait l'entendre son désespoir.<o:p></o:p>

    L'âne au-delà l'étang, hors de vue, oublié de tous, ne racontait-il pas à l'Univers entier son humble chagrin ? J'avais l'impression de récolter ce soir-là la plus secrète misère du monde, venue de l'horizon, tentant de monter jusqu'aux étoiles, pour finalement retomber sur mes épaules... <o:p></o:p>

    Les appels de la pauvre bête ressemblaient à une prière dans la nuit, j'en fus touché. Des cordes insoupçonnées vibrèrent chez moi. Je sentis mon humanité s'étendre jusqu'aux figures les plus modestes de la nature. En pensée je rejoignis l'équidé. Les yeux fermés je le caressai au cou. Puis je le chevauchai. Alors tout s'illumina. Des espaces radieux s'ouvrirent devant moi. Je me retrouvai au milieu d'une prairie éclatante de lumière, sur le dos de l'âne. Ses braiments sinistres s'étaient transformés en autant de rires. Des gens m'aimaient, qui m'appelaient tout autour de moi. Partout, des fleurs vives, de l'eau claire, une joie irréelle.<o:p></o:p>

    Je rouvris les yeux dans l'obscurité. La lune pleurait toujours au-dessus de ma tête. Le vent gémissait dans la plaine. L'étang me parut plus noir que jamais. L'automne était un véritable tombeau. Et ma solitude, une pierre dans la fosse.

    Longtemps, l'âne manifesta son infinie détresse dans le lointain.
    <o:p></o:p>

    589 - Les aires de repos

    Plus mortels que les centres-villes des cités ordinaires de province le dimanche : leurs vieux cimetières. Perdus au fin fond du pays, ils sont le prolongement extrême de ces communes endormies. <o:p></o:p>

    Sinistres ces nécropoles décrépites du cul de la France ? Pas tant que ça ! En fait les vieux cimetières de province, loin de me faire fuir, m'attirent.<o:p></o:p>

    Les villes moyennes de province avec leur population léthargique des dimanches d'ennui, leurs bars minables où traînent quelques habitués las, leurs rues mornes où sont échouées des petites existences sclérosées, leurs passants sans histoire errant aux heures ronronnantes de l'après-midi, sentent la mort, la vraie mort. Les cimetières de l'arrière-pays avec leurs tombes séculaires où les destins se résument à un nom illisible, une épitaphe sobre et classique, longue et pompeuse ou brève et énigmatique, sont un refuge ironique, serein et joyeux, pas si morbide que ça, loin, très loin des morts-vivants dominicaux qui hantent les centres-villes des sous-préfectures.<o:p></o:p>

    Là, étendues pour l'éternité sous le marbre rédempteur, toutes les vanités de la province se sont tues et les consciences des trépassés se sont enfin élevées à la hauteur des causes cosmiques. Aux antipodes des ambitions "épicières" qui rongent les vivants. Flânant entre les sépultures, je prends la mesure de l'insignifiance des gloires provinciales. Sous la stèle, la médiocrité se transmute nécessairement en excellence. Les provinciaux les plus pitoyables de leur vivant, accèdent à la reconnaissance universelle une fois installés au fond de leur trou. Là, les petites moustaches deviennent augustes. Dans le secret des tombes définitivement refermées, les pharmaciens affectés ont l'âme désinfectée, les quincailliers clinquants sont plein d'éclat, les instituteurs studieux se reconstituent. <o:p></o:p>

    Débarrassés de leur fardeau de provinciale insignifiance, ils n'ont plus que des occupations célestes. Les os dans la fosse mais la tête dans les étoiles, ils ne laissent aux vivants que le témoignage de leur terrestre, regrettée ineptie. <o:p></o:p>

    Dans les cimetières de la France profonde les destins les plus médiocres viennent s'échouer avec fracas. <o:p></o:p>

    Les ambitions locales les plus mesquines se heurtent aux portes des cimetières de province plus cruellement qu'ailleurs. Pour mieux édifier le visiteur averti. Ici la lame insolente du sort est plus aiguisée qu'ailleurs, bien que son allure soit fruste. Les têtes y sont tranchées par une Camarde en gros sabots et les défunts reposent là avec une involontaire ironie :<o:p></o:p>

    Alphonse TREPASSE, fils du célèbre Maréchal TREPASSE et maire de la commune UNTELLE, 1845 - 1902 <o:p></o:p>

    Delphine DUPONT, institutrice dévouée, membre de la Défense de la langue Française, première adjointe au maire 1856 - 1922 <o:p></o:p>

    Albert MEUNIER, notaire de Nogent-le-Trou, Président d'honneur de l'Association régionale des Philatélistes 1858 - 1943... <o:p></o:p>

    C'est sur les tombes des cimetières de province que la comédie humaine a gravé ses lettres de noblesse.<o:p></o:p>

    590 - Dogmes et faits

    ( - Les dogmes - ) <o:p></o:p>

    L'Homme est sur Terre pour souffrir, payer ses péchés, son pain, son droit de vie. Il doit être élevé à la badine, faire des études très poussées, rébarbatives, soporifiques. Il doit apprendre des choses sèches, austères qui l'édifieront. Il doit étudier l'Histoire, la géographie, l'art hermétique (tchèque, égyptien, inuit, chinois), la linguistique, la politique, la sociologie, la psychanalyse, la philosophie et savoir analyser, discuter, disséquer, faire des thèses complexes sur toutes ces choses savantes dans un français exemplaire. Sa jeunesse doit être laborieuse, studieuse, sinistre. <o:p></o:p>

    A ce prix il s'élèvera.<o:p></o:p>

    Tout en étant initié à ces sciences et arts, il devra s'adonner à d'âpres besognes physiques. Par exemple, creuser des galeries au fond de son jardin (rocailleux de préférence) le matin avant d'aller aux cours à l'Université, construire des puits en pierres savamment taillées le soir après les études, jusque fort tard dans la nuit. Pas de chocolat, ni de chat ou de chien à caresser, ni de rêvasserie, ni de commerce amoureux, ni de jeux de société, ni de plaisirs culinaires, ni de détente champêtre... Du travail, du travail, rien que du travail. Et des nuits de veille, la pensée absorbée dans des manuels universitaires épais, poussiéreux, lourds, incompréhensibles, écrits en très petits caractères et rédigés en latin classique pour endurcir, exercer encore plus son esprit d'étudiant soumis.<o:p></o:p>

    L'homme devenu adulte apprendra le maniement des armes avec abnégation. Il chantera la Patrie, boira l'eau du robinet, mangera du pain républicain, hanté par le désir de se surpasser en tout. Au retour de son service militaire il se mariera avec une femme laide pour lui faire de nombreux enfants. Si la femme est belle alors l'Homme aura de la chance et ce sera tant mieux pour lui. Aussi flatteur soit-il, le sort conjugal ne doit cependant pas lui faire oublier l'essentiel : l'échec est toujours salutaire. Il rend humble. <o:p></o:p>

    Et puisque le dimanche l'Homme (d'une piété irréprochable) ne pourra pas travailler, les six autres jours de la semaine il s'adonnera sans faillir ni broncher à des travaux de force herculéens. Ceux-ci commenceront très tôt le matin pour s'achever longtemps après la tombée du jour.<o:p></o:p>

    L'Homme est sur Terre pour suer. Toutefois, quelle chance !, marié dans les formes strictes de la religion et de la loi devant témoins (avec les balais accrochés derrière le véhicule et la pancarte traditionnelle "Convoi d'anges heureux"), il aura des rapports sexuels complets qui lui donneront une progéniture digne de sa paternité assumée. Si ses enfants sont infirmes, alors le mérite de l'Homme qui les élèvera sera grand. Si ses enfants sont beaux et fort, il pourra être fier de lui, fier de sa vie consacrée au bien général en attendant que la mort l'emporte vers un Panthéon céleste éternellement figé.<o:p></o:p>

    ( - Les faits - )<o:p></o:p>

    L'Homme est sur Terre pour apprendre, s'émerveiller, se libérer dans tous les sens du terme, se destiner à un idéal. Apprendre l'amour, la vie, les arts, les sciences, mais uniquement selon ses préférences, ses capacités, sa sensibilité, ses caprices. Il est sur Terre non pour gagner sa vie en suant le plus possible pour ensuite s'acheter du beurre, du sel, du pain, du poisson, des poireaux, des pommes de terre, bref pour aller faire ses "commissions" le samedi, mais pour lever les yeux au ciel, méditer avec gravité mais non sans joie sur les astres, les arbres, son âme, jouer sur son ordinateur, faire des plaisanteries, ne pas se priver de chocolat.<o:p></o:p>

    L'Homme ne doit pas s'abrutir à des travaux rébarbatifs si les circonstances ne l'y obligent pas. Il rejettera les armes, critiquera l'Histoire, la politique, les classes moyennes, troublera l'ordre établi dès qu'il l'estimera inique. C'est ainsi que l'Homme grandit. Il fuira les femmes laides tout en affichant devant elles une mine suggérant l'intérêt amoureux. Il dissimulera ses sentiments aux laiderons, les dévoilera aux créatures. L'Homme pourra rester un enfant cruel s'il le désire. <o:p></o:p>

    L'Homme a le droit d'avoir des moments de faiblesse. Parce qu'il est doué de sensibilité, l'Homme doit être ménagé. Il a droit à des égards. <o:p></o:p>

    L'Homme est sur Terre pour mener son chemin et monter, s'épanouir, se construire dans la joie, l'équilibre, la santé, et non pas pour faire des provisions avec sa femme le samedi, ni pour construire des puits parfaitement inutiles quand il est jeune le soir après ses cours à l'Université, et surtout pas pour accrocher des balais derrière sa voiture avec la pancarte infamante "Convoi d'anges heureux"...

    L'Homme doit s'affranchir des travaux usants lorsque ceux-ci ne s'avèrent pas nécessaires, il doit sortir de ses galeries sous son jardin et étudier l'art de faire des vers. Ou regarder des livres d'images à la place si ça le chante. Ou dormir, prolonger tant qu'il le voudra ses songes nocturnes.
    <o:p></o:p>

    Bref, l'Homme n'est pas sur Terre pour suer sottement mais pour s'ouvrir aux merveilles qui l'entourent, s'éveiller à la Vie. Il regardera avec pitié (mais aussi avec charité) les jeunes époux qui accrochent derrière leur voiture de série des balais avec la pancarte crucifiante : "Convoi d'anges heureux".<o:p></o:p>

    591 - A tous les pauvres types

    Toi l'abruti moyen, toi la cible commerciale à tête de quidam, toi le minable à visage lisse, toi l'esprit sans relief, toi le coeur mou, toi l'âme médiocre, écoute la Vérité te recracher à la face tes quatre pattes d'animal humain que tu es.<o:p></o:p>

    Tu écoutes religieusement Madonna au prix fort sur ton indispensable téléphone portable. La putain de l'Amérique te séduit avec ses clameurs dégénérées, ses déhanchements scéniques stéréotypés. Tu es un imbécile, un sot, un lapin élevé en clapier. <o:p></o:p>

    Tu vas régulièrement au cinéma te gaver de films "grands publics". Tes héros se nomment Bruce Willis, Brad Pitt, Di Caprio... Tu aimes la laideur, la vulgarité, la violence en grand écran et en couleurs. Tu es un pigeon sans aile, un ruminant satisfait, un chien obscène.<o:p></o:p>

    Tu baves devant tes joujoux cylindrés. Tu aimes patauger dans tes bassesses achetées à crédit. Tu es un hérisson écrasé par ta propre ineptie, une limace à goudron, un chevalier à la noix. <o:p></o:p>

    Tu parles avec sérieux d'Oméga 3, de liberté de pensée, de vacances à la mer... Tu es un infirme du ciboulot, un idiot culturel, un moule à tartes.<o:p></o:p>

    Tu raisonnes comme un rossignol, chantes comme un boeuf, aboies comme une vache, panses comme un malade, marches comme une cloche, parles comme un parasol, te conduis comme un singe.<o:p></o:p>

    Tu vis en face de chez moi, dans la ville à côté, à l'autre bout du monde, tu aimes ta femme, chéris ton chien, regardes ta télévision... Tu gagnes ta vie, tu crois au football, défends ton club, absorbes des breuvages saturés de sucre, tu as peur de l'avenir, tu trembles de froid aux sports d'hiver, frémis d'aise à la Saint-Valentin, vomis de dégoût devant la Beauté. J'oubliais : tu mets des sous de côtés en prévision de ta mort. Ta bêtise est insondable.<o:p></o:p>

    Tu ressembles à tout le monde, je te vois partout, je ne te supporte pas et pourtant je vis sur la même planète que toi.<o:p></o:p>

    Tu es d'ici, de là-bas, d'ailleurs, tu es mon frère et tu es un abruti, un minable, un pauvre type.<o:p></o:p>

    592 - Mensonges à durée indéterminée

    Réussite professionnelle, assise sociale, respectabilité et reconnaissance par le mérite et le travail, lauriers, prestige et éclat par la fortune : les pires leurres du siècle passé éblouissent encore les membres les plus faibles, les moins évolués de notre société. Le profit matériel avant toute chose, la performance dans l'entreprise, la quête inlassable de la croissance économique à l'échelle nationale, la prospérité matérielle sur le plan individuel, la tentative d'épanouissement par les satisfactions les plus primaires, toutes ces aspirations futiles, immatures, irresponsables restent l'idéal de vie pour beaucoup de nos semblables encore englués dans leurs rêves de confort matériel.<o:p></o:p>

    Comme l'a si bien dénoncé le professeur Albert Jacquard, la poursuite d'une croissance économique sans fin est une pure aberration, une parfaite ineptie vouée au néant. Comme si un système économique pouvait indéfiniment courir après sa propre expansion, sans autre but que de s'étendre pour s'étendre... La recherche et l'entretien d'un équilibre économique au service de l'homme a plus de sens que la quête insatiable de croissance toujours plus effrénée, plus stérile au service de l'économie. L'évidence de cette sagesse pourtant élémentaire n'effleure même pas les esprits pollués par le conditionnement ambiant.<o:p></o:p>

    Sous nos molles latitudes les agences pour l'emploi, agences de travail intérimaire et autres sanctuaires dédiés à la cause socio-économique sont plus vénérés que les flèches de nos cathédrales désignant de célestes conquêtes. Une tête bien faite est avant tout une tête pour l'emploi. Le système ne reconnaît le salut que par l'effort dans le travail rémunéré, le sacrifice pour l'entreprise, le mérite professionnel. Celui qui s'écarte du chemin de l'emploi est un paria, un paresseux, un parasite, un rêveur improductif.<o:p></o:p>

    Subvenir à ses besoins superflus et à ceux de sa famille, partir au bord de la mer, offrir une cuisine équipée à sa femme, acheter une voiture neuve : le summum de la gloire. De nos jours le statut d'honnête homme s'obtient par les huit heures quotidiennes de travail rémunéré. Rien de moins, rien de plus.<o:p></o:p>

    Espoir des indigents, les agences pour l'emploi sont des boîtes à mirages qui font rêver le chômeur moyen persuadé que son salut est dans l'accès à l'automobile, à la propriété, aux loisirs... Vanité, insanités, misère de l'âme ! Ces promesses de bonheur sont aussi trompeuses que les images de nos écrans plasma qui, pour flatteuses qu'elles soient, ne changent en rien la qualité des programmes télévisés. Les bienheureux (les élus du système définitivement satisfaits de leur sort car sauvés de "l'enfer Chômage") auront beau posséder les écrans les plus chers, les plus plats, les plus vastes, les plus performants, invariablement ils applaudiront de sotte béatitude devant l'inanité de leurs émissions favorites... Peu importe, leur but sera atteint : faire partie des travailleurs. Un privilège. Une grâce. Un idéal.<o:p></o:p>

    Que l'on me permette de ne boire définitivement pas à cette fontaine de mensonges.<o:p></o:p>

    593 - Des funérailles bien réglées

    Nous avons l'immense douleur de vous annoncer le décès de Raphaël Zacharie de Izarra, victime d'un accident météorologique rarissime : foudroyé en pleine gloire. Par le feu du ciel justement, un jour d'orage. <o:p></o:p>

    Le symbole, terrible, quasi prophétique, n'échappera pas à ses admirateurs. <o:p></o:p>

    Plume d'envergure s'il en est, visionnaire d'exception, mauvais citoyen, excellent sonneur de cloches, machiavélique envers son épicier, naïf avec les grands de ce monde, médiocre au tir à l'arc, le cher disparu sera inhumé en terre poétique après l'heure de la sieste. Eviter d'ennuyer les convives, même aux heures les plus pénibles de l'existence, telle fut, en effet, sa dernière volonté. Touchante délicatesse de notre ami Raphaël Zacharie de Izarra... Au triste banquet de ses funérailles le mets principal sera froid mais les coeurs des hôtes seront chauds eux, n'en doutons pas.<o:p></o:p>

    Un discours bref et bien articulé écrit par le défunt lui-même (décidément très prévoyant) sera prononcé à la fin de la cérémonie funèbre. Les amateurs de reportage, qu'ils soient férus de technologie ou simples aéronautes, sont chaudement invités à prendre sans restriction photos, films vidéo ou argentique ainsi qu'enregistrements audio de la cérémonie, le défunt ayant souhaité une large couverture publicitaire pour son ultime prestation en ce monde. Tous les angles de vue sur la cérémonie seront non seulement permis mais vivement recommandés, que ce soit à travers films, photos ou même -pourquoi pas ?- croquis pour les plus artistes. Pour les distraits ou les retardataires, le discours sera éventuellement prononcé une seconde fois, toujours bien articulé, lentement, haut et fort.<o:p></o:p>

    Les pleureuses seront artistiquement dévêtues.<o:p></o:p>

    Enfin une quête est prévue, merci à tous pour votre générosité.<o:p></o:p>

    594 - Passager nocturne

    Je suis la voix dans la nuit, l'astre luisant qui veille, le hanteur d'âmes éprises de hauteurs et de coeurs pris au piège. <o:p></o:p>

    Seul auteur de ces mots, je suis la plume à la pointe d'acier et le vol doux de l'enclume, la cause suprême de vos songes et le dernier des Mohicans. Je file dans le firmament à la vitesse de l'escargot : je suis la chandelle fumante et le coq au gros ego. <o:p></o:p>

    Magicien et faux monnayeur, illusionniste et vrai fantôme, je joue avec les chiffres et l'alphabet. La nue est ma piste, le Ciel mon numéro, le rire mon masque, l'humour mon glaive. Et la muse, ma seule flamme. De l'Amour je connais les affres, des lettres l'enchantement. Je trouve le miel amer et le silex exquis, vos violons répugnants et le cri de l'âne suave. <o:p></o:p>

    J'ai des ailes, de l'esprit, une queue, pas de bec mais un beau couvre-chef.<o:p></o:p>

    Entre les deux Z de mon nom vous imaginerez tout un roman, portés par le souffle de ces mots, et trouverez bien des façons d'interpréter ce mystère... Moi, je poursuis ma montée silencieuse au coeur de la nuit, saluant hommes et étoiles de mon chapeau levé.<o:p></o:p>

    595 - Les mots piégés

    Je monte à la Lune. Le disque tourne, devient potiche céleste, se laisse encenser puis ensemencer avant de disparaître dans les nues en friches. Dès maintenant tout est possible. Nous pénétrons sur les terres floues et fantasques de la langue qui s'écrit avec des arabesques. Les mots sonnent, les cloches de phrases en phrases s'alimentent : je dis que tout naît, tandis que la Lune s'élève et qu'un pot de fleur s'écrase sur ma tête. <o:p></o:p>

    Je monte d'un cran. Les mots ont l'éclat de l'imposture. Un feu plein d'azur éblouit le profane. Ces mots qui sont de brillants mensonges, je les lustre à la Lune, les cire à la semelle et un peu de vent s'en mêle. Là, tout devient solennel. Texte éculé qui trompe papillons, pachydermes et même statues ! Défense d'y voir clair sous peine de plomber les ailes d'airain ! Le zèle est en zinc, le marbre est de bois, la coupe est pleine.<o:p></o:p>

    Je monte à la mer. Le voile s'épaissit mais les sots y voient une voile qui file au gré de l'onde. Mats démontés ? Mots d'antan ? Qu'importe ! Vagues démonstrations dans les brumes du langage qui arrangent bien les choses... Je laisse libre cours à l'écume de l'ignorance. Je fais le beau, on m'applaudit. Ma plume avec brio raille, les laudateurs me disent bravo ! Je me moque de ceux qui me glorifient. <o:p></o:p>

    Mais cessons déjà le jeu...<o:p></o:p>

    Mes amis, ne gobez pas tout ce qui brille sans en jauger de près l'éclat. Les mots peuvent être des pièges subtils qui n'ont d'autre but que de noyer les naïfs dans une jolie fumée. Méfiez-vous surtout des mots solennels qui sonnent comme des barriques. Le vrai poète use avec parcimonie des artifices et consens à dire simplement toute chose à portée de coeur. Le mirliton ajoute des cordes à son luth, l'inspiré est plus arcadien. L'un est verbeux, l'autre verveux.<o:p></o:p>

    Amis, ne croyez jamais ces poètes qui vous racontent des sornettes belles comme des oriflammes.<o:p></o:p>

    596 - Cosmos

    Le monde, fondamentalement est beau. En tous lieux la matière, vivante, brute ou inerte célèbre le mystère palpable dont elle est faite. Sous toutes ses formes, de la plus glorieuse à la plus insignifiante. <o:p></o:p>

    A travers les tableaux infinis qu'elle peint, à chaque fois les mêmes et cependant toujours différents, depuis les hauteurs cosmiques jusque dans la moindre parcelle de la glaise que l'on prétend vile, et ce mille fois par instant dans toutes les parties de l'Univers, la matière s'agence avec éclat : partout triomphe la Beauté.

    Même la mort recèle ses splendeurs : la pourriture, géniale alchimie des éléments, est un miracle de recyclage parfait.
    <o:p></o:p>

    Le spectacle des choses est une merveille sans fin, de l'astre à la particule, de la flamme ardente du Soleil au cristal éphémère contenu dans le flocon de neige, de l'humble clapotis de la marre où barbotent les canards aux inextinguibles fournaises galactiques.<o:p></o:p>

    Là où se pose le regard règnent Lumière, Intelligence, Harmonie.<o:p></o:p>

    Rien de heurte qui sait élever son regard à humaine distance des choses. Avec une simplicité biblique, sans autre prisme que ses propres yeux. <o:p></o:p>

    Le protozoaire qui invisiblement se meut sur quelque minuscule planète végétale faite d'une seule feuille de cerisier, le chêne déraciné avec fracas par la tempête, la plume perdue de l'oiseau qui file dans l'azur, l'orage sur les galets, l'excrément de mouton engraissant le chardon, la pomme qui jaunit sur sa branche, l'aile de la mouche réveillant le dormeur, l'écume se formant à la sortie des gouttières, l'éternelle répétition des vagues, la forme unique de chaque grain de sable recouvrant la planète Mars, tout produit le Beau, à toutes les échelles.<o:p></o:p>

    L'homme, placé à égale distance entre abysse sidéral et goutte d'eau, entre tonnerre divin et son de flûte, entre mécanisme céleste et brise du soir, de la naissance à la mort contemple le spectacle incessant de l'infini et du dérisoire, il contemple, souverainement posé sur ses deux pieds.<o:p></o:p>

    597 - Epris d'esprit

    L'honnête homme méprise travail rémunéré, moteur à explosion, autorité républicaine.

    Le bel esprit travaille pour rien, se donne de la peine pour la gloire des étoiles, la beauté du geste.
    <o:p></o:p>

    Il se déplace volontiers à dos d'âne, parcourt avec assiduité la campagne à vélocipède. Sa moralité est au-dessus des obligations légales. Sa fierté consiste en un mode d'existence anachronique, aberrant, hautement aristocratique.<o:p></o:p>

    Oisif, l'homme de bien n'a pas le souci de se nourrir, tel le vulgaire, mais celui de se préparer à la mort. Esthète, il chante aux funérailles de ses amis, se lamente sur la laideur de ses maîtresses, lève son verre à la mémoire des vivants. Hautaine, fielleuse et charitable, l'âme de noble qualité pose un regard plein de morgue et de pitié, de cynisme et de compassion sur ses semblables mieux lotis que lui. Envers les pauvres gens, il adopte une attitude résolument égale, définitivement équivalente.<o:p></o:p>

    Fortunés, bancals, vicieux, gourmets, égoïstes, indifférents, laborieux, tous sont considérés par la haute figure comme des frères glorieux et pitoyables, étranges et familiers, chers et importuns.<o:p></o:p>

    Solitaire, studieux et désinvolte, le beau penseur affectionne la compagnie des fantômes. Ses songes sont peuplés d'astres obscurs et luisants. Il dédie ses insomnies aux muses, à la spectrale étoile, à l'Amour.<o:p></o:p>

    La Poésie le hante de la naissance à la mort.<o:p></o:p>

    L'homme de valeur se reconnaît à son front illustre, à sa chaste éloquence, à ses dentelles crasseuses : l'esprit supérieur est un mortel indéfinissable.<o:p></o:p>

    598 - Le son de la lune

    Elle me hante avec délices, me tourmente comme un fromage jaune dans la nuit, m'obsède telle une femelle à la chevelure blonde, au regard obscur. Spectre sidéral, oiseau aux ailes d'éther, insecte doré à l'abdomen comme une grosse pierre molle, limace céleste glissant dans le firmament, escargot cosmique faisant baver de toute éternité rimailleurs et superstitieux, la lune qui s'arrondit annonce des rêves peuplés d'herbes folles et de mirages fauves.<o:p></o:p>

    Avec son visage phosphorescent, ses yeux charismatiques, sa bouche pleine de miel pâle, la lune me dérange en pleine nuit. Hôte importun, attendu et redouté, elle est la cause suprême de mes insomnies, l'objet essentiel de mes ravissements.

    Ses manières lentes, énigmatiques lui confèrent un charme vénéneux, doux et subtil.

    Quand la lune brille pareille à un phare, je la soupçonne de réfléchir de toute sa tête. Et à quoi songe ce crâne luisant, enchaîné à son immuable orbite ? La lune pense comme un philosophe, imagine des romans puérils, tisse des histoires à dormir debout, bêle dans la nuit.
    <o:p></o:p>

    Ses pensées éblouissantes, absurdes et fantasques, ne seraient-ce pas ces rêves nocturnes qui depuis des temps immémoriaux agitent et apaisent, effraient et bercent les hommes sur la terre ?<o:p></o:p>

    Non, ce serait trop beau.<o:p></o:p>

    Les pensées de la lune sont des rayons sauvages et suaves qui percent mon coeur comme des flèches enduites de bave de mollusque vomitive afin d'en faire jaillir feux et silex, éclats lyriques et noirceurs béotiennes, bile amère et exhalaisons exquises.<o:p></o:p>

    599 - L'Amour

    On vous dira que l'amour est enfant de Bohème, aveugle, sot, éclatant, qu'il est bleu, rose ou verdâtre... Qu'il ressemble à un oiseau blessé, qu'il est solennel comme une porte de cathédrale, qu'il brûle, empoisonne, apaise, irrite... On vous dira même qu'il durcit les coeurs. Vous serez mollement convaincus et oublierez bien vite ces fadaises.<o:p></o:p>

    Moi je vous dis que l'Amour, l'Amour, le vrai, l'unique, le beau, le tendre, l'inouï, l'indéfinissable n'est pas une étoile, pas un chemin perdu, pas une musique. Il n'est ni de marbre ni de bois. <o:p></o:p>

    L'Amour court sur les toits, plonge dans les gouttières, se répand dans les fosses, s'y vautre, s'évapore jusqu'aux nues, redescend en chute libre, s'écrase contre la gueule des loups, remonte aussi vite au-dessus de nos têtes, retombe sous forme de flocons, s'immisce dans nos cous, s'égare dans nos cheveux, se transforme en particules infiniment ténues, revient et s'abat comme une grosse vague salée dont l'écume dévaste tout, n'épargnant que les rats.<o:p></o:p>

    L'amour n'est pas un chien galeux, pas un cygne errant, pas une libellule aux ailes d'argent. Il n'est ni à droite ni à gauche, ni devant ni derrière. Il glisse comme une ombre, se fait oublier à chaque heure qui passe, sursaute avant midi, colle aux semelles, s'en échappe par les trous, fuit de tous côtés, vole au secours des bien-portants. Déroutant, il s'arrange pour se faire réveiller à dates fixes. Prévisible, il sonne comme une cloche fêlée. <o:p></o:p>

    L'amour n'est pas une histoire à dormir dans un lit, pas un roman à l'eau-de-vie, pas un poème acide. Il n'est ni blanc, ni gris, ni jaune. L'Amour est un citron peu pressé, une terre battue en neige, c'est une coquille dans un livre qui sert de cale. Il monte quand il faut monter, descend quand il faut descendre, tourne quand il ne faut pas tourner. L'Amour est un âne, une barrique, une bourrasque inique, une barricade "ânesque". Têtu, il transpire à grosses gouttes.<o:p></o:p>

    Car enfin l'Amour finit toujours par revenir courir sur les toits, quels que soient ses masques : issu des nuages il recouvre tout, imprègne tout en formant d'inutiles tourbillons que personne ne verra jamais. Invariablement il surgit en geysers minuscules, reprend le chemin des gouttières, retourne à ses fosses pour le seul plaisir de les féconder avant de s'en extraire et lentement grimper jusqu'à son firmament de brumes et d'azur. <o:p></o:p>

    Arroser les toits, mouiller les hommes, humecter l'herbe, baver sur le monde, envelopper de brouillard têtes et espaces vitaux, laver les peaux, noyer la planète, tel est le mystère diluvien et infini de l'Amour.<o:p></o:p>

    600 - Six-cents raisons d'écrire ce texte

    De A à Z j'ai agité les lettres, y compris le W et le K, pour le plaisir de voir couler avec tumulte, élévation, harmonie ou éclat chacun de mes mots. Que ce fleuve fût constitué d'eau claire ou qu'il charriât d'épais morceaux de carottes, toujours la soupe fut à la hauteur du festin attendu. La Poésie pour credo, l'ivresse pour moyen, les mots pour flacon. Six-cents fois en ces lieux j'ai servi avec le zèle de ma plume, le zeste de ma peau et le reste de mon citron cette maîtresse amère, sans coeur et infiniment délicate que tout oiseau digne de ce nom nomme avec tremblements : LITTERATURE. <o:p></o:p>

    Ai-je parfois failli ? Certes. Quelques mots ont pu s'envoler pour aller s'égarer entre midi et quatorze heures. Oubliez ces papillons trop légers, admirez plutôt ces champs d'enclumes, ces espaces semés de fer, de cloches et de statues issus de dessous mon chapeau. Mes personnages ont souvent eu des voix d'airain, des sabots aux pieds, des bras comme des glaives, des rêves de marbre, des vies pitoyables, des trépas glorieux.<o:p></o:p>

    J'ai égratigné le Ciel de ma pointe d'acier, répandu dans des sillons vierges mon encre noire, chatouillé le nez des muses. La puissance de la plume...<o:p></o:p>

    Que reste-t-il de ces drôleries ? <o:p></o:p>

    J'ai toujours clamé avec hauteur et gravité, désinvolture et frivolité que finalement la littérature, ça n'est rien du tout. Ou alors juste une fumée qui passe, une rosée qui s'évapore, un parfum qui compte pour du beurre, une tartine de vent. Ce qui est déjà énorme pour une simple affaire de mots.<o:p></o:p>

    Mais voilà : de A à Z je n'en ai toujours pas fini avec les lettres et leurs soixante, six cents, six mille miettes.<o:p></o:p>

     


    votre commentaire
  • 401 - L'âne à la calotte

    Je précise que les propos contenus dans le texte ci-dessous n'ont rien d'anti-cléricaux mais émanent d'une approche saine, honnête, clairvoyante de l'Eglise actuelle, sans nulle aigreur ni prétention, juste teintée d'humour. Je ne cherche pas à dénigrer l'Eglise loin de là, je mets seulement le doigt sur quelques manies révélatrices de notre société, vues à travers les rites religieux. Sachons rire ensemble de nos petits travers.<o:p></o:p>

    Les messes dominicales sont toujours des spectacles comiques et ineptes pour qui a su préserver son regard d'enfant intelligent, occultant pour la circonstance son propre regard contaminé d'adulte.<o:p></o:p>

    Lors de ces solennels numéros de cirque du dimanche, au bel esprit, au coeur allégé le prêtre apparaît alors dans toute sa vérité stéréotypée, officielle et fausse.

    Le ministre du culte, dès qu'il est en représentation devant ses ouailles parle subitement d'une voix doucereuse, lénifiante, toujours égale, pleine d'une onction à toute épreuve... Effet magique et immédiat : au son de la vivante cloche tout de blanc vêtue, les âmes se mettent au garde-à-vous. Le ton, la gestuelle empruntés qui accompagnent la voix mielleuse du curé font sentir les cours de "communication publique" appris au séminaire, pieusement restitués. C'est lourd, énorme comme un cierge de Pâques et pourtant ça marche toujours : les fidèles écoutent avec cet air compassé caractéristique, comme pour faire écho à l'automate qui leur fait face. Le prêtre lève les bras avec majesté, l'auditoire se fige, l'amollissement des esprits est à son paroxysme.
    <o:p></o:p>

    Alors les "R" finaux du prêtre sont prononcés avec emphase. Ils sortent des profondeurs de sa gorge, à la fois doux et imposants : <o:p></o:p>

    - "Le SeigneuRRR notre Dieu tout pu-I-ssANT"..."<o:p></o:p>

    De plus le "I" d'attaque et le "ANT" final de "TOUT PUISSANT" sont prononcés de telle sorte qu'on sent justement très bien la puissance de Dieu... Le "I" est fort et perçant et le "ANT" s'étire, avec une montée finale qui fait ressembler le mot "PUISSANT" à une flèche tirée en l'air. <o:p></o:p>

    - "Le SeigneuRRR notre Dieu tout pu-I-ssANT"..."<o:p></o:p>

    C'est absolument cocasse et parfaitement puéril. Se dire que des adultes responsables se prennent au sérieux est à la fois rassurant et affligeant. Rassurant parce qu'on se sent d'emblée bel esprit devant tant d'insignifiance, affligeant lorsqu'on songe que ces pantins dominicaux s'entre-déchirent avec d'autres pantins pour des histoires de foulards alors qu'eux aussi -et le plus sérieusement du monde- se font leur petit cinéma, prenant des airs sincèrement pénétrés pour des histoires de "RRRR", de "I" et de "ANT".<o:p></o:p>

    402 - La soupe est prête !

    D'un geste las, la maîtresse de maison pose la soupière fumante sur la table. Ca sent fort la soupe aux poireaux-pommes-de-terre. Son mari, une espèce de légume insignifiant, regarde le récipient sans broncher. Il attend le signal de sa femme pour y plonger la louche. <o:p></o:p>

    Avec sa calvitie prononcée, son air d'épicier de province et ses vieilles pantoufles usées, il est loin de faire pitié. Au contraire, il inspire mépris, dégoût, railleries. Le filet de bave qui lui pend aux lèvres est la goutte de trop : devant tant de décrépitude, qui résisterait à la furieuse envie de lui cracher au visage ? Cet ancien comptable a l'air de ce qu'il est : un éternel sédentaire qui n'a jamais eu d'autres rêves que de posséder des canapés en cuir, de rutilantes boîtes à outils vues dans les catalogues, un bon système d'adoucisseur d'eau, une véranda, une tondeuse à gazon dernier cri facile à entretenir, une assurance-vie... Aspirations de petit fonctionnaire étriqué que des milliers de soirs successifs à patienter devant des soupières ont fini par abrutir parfaitement. <o:p></o:p>

    - " Sers-toi donc Gaston, tant qu'la soupe elle est ben chaude !"<o:p></o:p>

    Toujours la même phrase, tous les soirs. Et lui de répondre invariablement, des milliers de soirs de suite :<o:p></o:p>

    - " Ha ben ça fait-y pas du bien de manger de la bonne soupe, hein ?<o:p></o:p>

    Parfois au milieu de la soupe le retraité se prend à rêver un peu plus que d'habitude :

    - " Tu sais Germaine, un jour j'aimerais bien toi et moi acheter la cabane de jardin dont je t'ai parlée l'autre jour. Avec les p'tits nains tout autour, ça serait-y pas beau près de la véranda, hein ? J'en ai vu des beaux en passant devant chez Bricolage-Service... Y en a de vraiment chouettes alors ! "
    <o:p></o:p>

    Avec ses rêves ineptes de minus et ses soupières pleines de promesses potagères l'ex-comptable vécut heureux encore très longtemps auprès de sa femme à son image. <o:p></o:p>

    Ils n'eurent aucun enfant. <o:p></o:p>

    Mais des soupières à vider, des milliers. <o:p></o:p>

    403 - Petit poisson deviendra grand

    Petit-Paul, enfant fragile, sensible et doux a été placé dès l'âge de six ans en pension dans une institution sévère. Élevé chez les bons prêtres. Ces derniers, austères, intransigeants, impitoyables, ont toujours exercé sur l'enfant une sainte terreur. Écrasé par le sort, broyé par les dogmes despotiques d'une religion d'un autre temps, à douze ans Petit -Paul est une créature chétive, timide, parfaitement timorée.<o:p></o:p>

    Figures maternelles réconfortantes, les rares bonnes soeurs oeuvrant au sein de cet univers rigide devaient adoucir l'existence de petit garçon. Du moins le pensa-t-il naïvement en entrant six ans auparavant, car à la vérité elle se montrèrent particulièrement cinglantes.<o:p></o:p>

    Bref, Petit Paul après six années d'éducation religieuse intensive dans cette digne institution a fini par prendre la couleur des murs qui l'entourent : gris. Ou plutôt terne. Sinistre serait le mot juste. <o:p></o:p>

    Pour autant, l'enfer n'est pas terminé pour notre jeune héros : il lui reste encore six années à expier dans cette prison pour âmes tendres. <o:p></o:p>

    Mais faisons plutôt un bond en avant de six années. Petit-Paul a atteint ses dix-huit ans, on le libère. Sa fragilité est devenue dureté, sa sensibilité imperméabilité, sa douceur fermeté. Petit Paul a bien changé... Il a pris de la carrure : épaules larges, mâchoire carrée, coeur d'acier.<o:p></o:p>

    Parfaitement conditionné par ses précepteurs, Petit-Paul fuit comme la peste les filles de son âge. Elles lui apparaissent comme des démones, aussi les hait-il de toute la force de son coeur brisé. La religion est devenue le seul repère de son existence de pierre. La solitude, l'unique refuge de son âme de glace. La tristesse, sa plus chère compagnie. Si bien qu'avant ses vingt-cinq ans, Petit-Paul entre dans les ordres et devient prêtre-enseignant dans l'institution qui l'a si bien dressé, et se montre aujourd'hui le pire tortionnaire d'enfants que cette dernière ait pu abriter entre ses murs.<o:p></o:p>

    Les petites victimes l'appellent maintenant "Grand-Paul".<o:p></o:p>

    404 - L'Homme

    L'Homme a des profondeurs qui résonnent, des hauteurs folles, des légèretés d'oiseaux et des faims de loup.<o:p></o:p>

    Il suit les chemins droits, préfère parfois ceux qui vont de travers. Mais toujours, l'Homme est une statue qui marche. Sous ses pieds il y a du sacré, au-dessus de sa tête du profane, dans ses poches du fromage. L'Homme perché sur ses jambes a les semelles percées. C'est un prince qui vagabonde.<o:p></o:p>

    L'Homme coasse, espère, chante et mord. Il rit aussi. De tout : des châteaux chantant, des morts enchantés, des champs hantés, de ses pieds. L'Homme est un petit farceur : il s'esclaffe aux larmes, pleure de joie, chante sa misère... Il philosophe devant un verre, s'enivre d'amour, boit sa fortune, trinque à sa mort.<o:p></o:p>

    Se sachant mortel, il plaisante. Car l'Homme a peur.<o:p></o:p>

    Éternel facétieux, insatiable conquérant, incorrigible fou, l'Homme un jour deviendra Dieu. <o:p></o:p>

    405 - Une fin sans pompe

    Il fut inhumé simplement, sans larme ni couronne.<o:p></o:p>

    Haï de son vivant, il était détesté sous la stèle. Il eût été inconvenant d'uriner sur le marbre neuf, aussi préféra-t-on cracher par terre. Maudit par les vivants, le défunt eut droit au sermon moralisateur du curé, aux quolibets de ses ennemis, aux rires des enfants. Seuls les chiens regrettèrent leur maître trépassé. <o:p></o:p>

    On les piqua.<o:p></o:p>

    S'il est vrai que l'or dure, le mort autrefois si affairé à amasser le précieux métal semblait avoir oublié que les os eux se corrompent. Enrichi grâce à sa poigne de fer légendaire, l'enterré au coeur de pierre ne porta pas mieux son sobriquet. A titre posthume.<o:p></o:p>

    Sur la tombe du riche défunt on peut lire : ci-gît L'OR DUR.<o:p></o:p>

    406 - Prêtre homosexuel

    Mon inclination contre-nature pour la gent virile se confirma dès mon entrée au séminaire. Le regard clair mais le coeur troublé, la hantise du faux pas agissait comme un garde-fou. La crainte de la chute m'obligeait à la plus parfaite intégrité au contact de mes frères séminaristes. Ascèse, chasteté, volonté étaient ma seconde religion. Cependant avec les années le feu impie me rongeait de plus en plus... Ma vocation pour l'exercice de la prêtrise ne perdit pas de son ardeur pour autant. Mon âme était au ciel, ma chair en enfer, voilà tout. <o:p></o:p>

    Seul dans ma cellule ou en compagnie des autres étudiants, je luttais avec âpreté contre le "mâle". J'appris peu à peu à éviter les pièges de la tentation, bien que je n'ignorasse point la brièveté des trêves consenties par les sens. Je ne me contentais pas de m'éloigner certains jours de la cause de mes émois impurs, je me donnais également la discipline afin, espérais-je, de tuer le désir. Hélas ! la chair mortifiée se rebellait assez vite et je me retrouvais bientôt face à mes démons qui me défiaient de plus belle, la corne acérée, l'oeil plus lascif encore... Le mal ne faisait qu'empirer, aussi dus-je changer de méthode. <o:p></o:p>

    La volonté seule ne suffisant plus à borner mes excès, j'optai pour la solution la moins modeste. A l'étude approfondie des livres anciens de théologie censés me distraire de mes fantaisies honteuses, j'ajoutai la chimie lourde. Latin et sel de bromure devaient me délivrer, pensais-je, des tourments grandissants de ma chair incapable de se soumettre à la loi divine. Peine perdue ! <o:p></o:p>

    La nature prenant définitivement le dessus, je décidai d'apaiser l'ogre libidineux qui réclamait son dû : je pris un amant. Dans la foulée je m'improvisai porte-parole de mes frères d'infortune, partagés entre le désir de servir le Ciel et l'oppression de leur chair dénaturée, incompatible avec la dignité de leur futur ministère. En interrogeant les élèves et mes supérieurs je découvris que le séminaire était un repaire d'homosexuels à divers degrés refoulés mais parfaitement conscients de leur état... <o:p></o:p>

    Je terminai mes études dans la plénitude spirituelle et fus ordonné prêtre dans le quartier du Marais.<o:p></o:p>

    407 - Fait de guerre

    La bataille battait son plein mais j'étais déjà loin. Je me réfugiai dans un fossé. Derrière moi, la plage, les bombes, les cris des blessés. Dans ma cachette, une surprise m'attendait : un soldat allemand avait eu la même idée que moi. En voyant mon casque américain il prit peur. Mais blessé, épuisé, l'ennemi ne put qu'esquisser un mouvement dérisoire de défense, étreignant avec maladresse son fusil.<o:p></o:p>

    La tempête de feu autour de moi ne m'incitait guère à sortir de mon trou. La providence m'avait désigné ce refuge, j'avais saisi l'occasion. Demeurer en vie était mon devoir de fils, d'époux, de père de famille. Mais j'allais devoir passer la nuit avec l'Allemand. <o:p></o:p>

    Que faire ? Pactiser, jouer au héros, faire comme si je n'avais rien vu ? Moi l'Américain, lui l'Allemand... La réponse était simple : le tuer. <o:p></o:p>

    Certes, mais je n'avais guère l'âme d'un guerrier. La théorie martiale est nette, mais rien n'est jamais aussi simple dans la tête d'un homme.<o:p></o:p>

    Rassuré de me voir peu enclin à poursuivre la guerre dans ce sillon de boue, l'Allemand se détendit. Une heure passa ainsi, chacun de nous attendant que l'orage d'acier se calme. Il se lamentait à cause de sa blessure, oubliant son fusil, persuadé que j'allais l'épargner. Ne l'aurai-je pas tué depuis longtemps si j'en avais eu l'intention ? C'est ce qu'il devait penser. En fait tout était confus en moi. Je réfléchissais, méditant longuement au fond de mon trou. Moi l'Américain, lui l'Allemand, que faire ?<o:p></o:p>

    Il portait une tenue vert-de-gris, il était dans l'autre camp, il était l'ennemi...<o:p></o:p>

    Je le tuai.<o:p></o:p>

    408 - Vieille tante

    Chez elle ça puait l'honnêteté : vierge en plastique trônant sur le poste de télévision, chien bâtard sagement couché dans son panier, horloge-baromètre aux armes criardes du Mont-Saint-Michel, portrait jauni d'une aïeule au regard sévère et stupide... <o:p></o:p>

    Inculte, superstitieuse, aimable avec tous par opportunisme, croyante par habitude, cette vieille tante attardée méritait, à soixante-dix-neuf ans, une bonne raclée littéraire, un concert de trompettes dans l'espèce de caveau lui tenant lieu d'habitation, un grand coup de masse dans sa routine.<o:p></o:p>

    Bref, un réveil en fanfare à l'orée de sa mort.<o:p></o:p>

    Pour commencer je crachai au visage de la défunte encadrée. Grand émoi chez la casanière. Pour faire hurler de plus belle la vieille pantouflarde, je me mis à lui parler avec la désinvolture des gens qui se savent supérieurs :<o:p></o:p>

    - "Infâme décrépite, que croyez-vous que vous valez à mes yeux avec une si minuscule existence ? Qu'attendiez-vous donc d'un bel esprit comme moi avec vos allures d'éternelle retraitée ? Que je me range à votre cause inepte ? Esprit rabougri ! Gibier d'hospice ! Âme insignifiante !"<o:p></o:p>

    Scandale dans la chaumière. Je m'emparai de la Vierge en plastique :<o:p></o:p>

    - "Vieille chouette, à voir cette horreur couverte de poussière ça fait bien vingt ans que vous avez été vous agenouiller à Lourdes en ânonnant des prières pour l'âme de l'autre hulotte décatie accrochée au mur, n'est-ce pas ? Et qu'avez-vous fait pour sa mémoire ? Vous avez acheté à grand frais cet ignoble moulage d'usine. Vous n'avez pas honte ? Femme sans goût, avez-vous au moins ouvert un seul livre dans votre vie de limace, à part les almanachs locaux ?"<o:p></o:p>

    Je jetai contre le portrait de l'ancêtre l'objet du délit. Fracas du verre sale recouvrant le cadre (qui en bougeant laissa échapper quelques araignées tapies derrière depuis des lustres), effroi de la propriétaire, rire sardonique de l'auteur de ces lignes... <o:p></o:p>

    - "Maintenant que vous savez ce que je pense de vous, vous pouvez rendre l'âme ma tante, si vous en avez encore une. Votre grand âge ne vous mettant pas à l'abri d'hériter d'un si petit esprit, il serait inconcevable que vous ne me rendiez pas grâces pour ce grand dépoussiérage intérieur que je viens de vous accorder."<o:p></o:p>

    Je quittai l'ingrate qui ne daigna pas m'adresser le moindre remerciement. Elle mourut trois jours après.<o:p></o:p>

    D'inanité.<o:p></o:p>

    409 - Le visiteur

    J'étais jeune à l'époque. Il frappa à ma porte. Minuit venait de sonner. Il est entré avec son chapeau miteux, sa vieille canne, ses chaussures usées, son air affligé. Je lui désignai un tabouret dur. Il me restait un croûton de pain, du vin aigre, des pommes âcres. Il mangea sans se plaindre. Silencieux, il interrogeait la chandelle du regard. D'où venait-il, qui était-il ? Un pauvre diable d'homme. Une bien mystérieuse compagnie...<o:p></o:p>

    Je le questionnai sur ce qui l'avait amené jusque dans ma demeure perdue au milieu de la campagne, au coeur de la nuit. Dehors on entendait le vent, les cris de chouettes. La charpente du grenier grinçait sous la bourrasque. Il mangeait. Sa canne lisse portait la marque des ans. Des siècles eût-on dit... Je répétai ma question. Lui, continuait de manger. Le vent sous la porte faisait danser la flamme devant mon hôte, et les ombres mouvantes sur le mur me rappelaient quelque mage, prince ou messie.<o:p></o:p>

    Après avoir répété trois fois ma question je me tus, comprenant qu'il ne me répondrait pas. Je le laissai finir son repas de misère. Il but le vin lentement sans faire la grimace puis se leva, l'air plus triste encore. Avant de partir il m'adressa un regard profond et étrange qui me bouleversa. <o:p></o:p>

    La porte s'ouvrit sur la nuit. Il disparut dans le noir. Cette nuit-là je suis resté tard à veiller, seul avec mes pensées, perplexe, troublé. Aujourd'hui encore, alors que je suis bien vieux, je me demande qui était cet énigmatique visiteur de la nuit qui a continué à hanter ma mémoire tout au long de ma vie et dont jamais, jamais je n'ai pu oublier le regard.<o:p></o:p>

    410 - La roture

    Une espèce haïssable domine ici-bas, par le nombre : la roture. Vaste engeance comprenant entre autres les mécaniciens automobiles, les épiciers de province ambitieux, les hôtes heureux des maisons "Phénix", les spectateurs assidus des émissions télévisées commerciales, les prolétaires sans envergure ainsi que les propriétaires de tondeuses à gazon motorisées, de perceuses électriques et de gros chiens aboyants, les philistins sont avant tout des êtres primaires, sans finesse, aimables, sociaux, dociles.<o:p></o:p>

    Je leur reproche d'être ce qu'ils sont. Déplaisants au possible, les gens de vile extraction sont ma bête noire et ça n'est pas un hasard si je me suis réfugié depuis maintenant deux ans dans les remparts de la vieille cité mancelle, loin du commun, dans une sorte de ghetto pour petits aristocrates. Avant, il me fallait vivre dans le même décor que mes ennemis. Aujourd'hui je vois le soleil se lever avant tout le monde : la cité mancelle est sise dans des hauteurs inaccessibles au vulgaire.<o:p></o:p>

    Cela dit, il m'arrive encore de me frotter au peuple. Sans jamais rien laisser paraître de mon malaise, je le côtoie avec simulation. J'adopte une contenance singée sur ses moeurs, la plus flatteuse possible : je souris au pompiste, suis poli avec les employés des magasins, me montre humble en compagnie des gradés de l'administration. Tous sont dupes de ma comédie. Mais dès que je me retrouve dans mon fief... Je redeviens le petit seigneur arrogant, cynique, insupportable et hautain que je suis fondamentalement. Combien de fois, depuis les rues pavées surplombant la ville béotienne, ai-je médit sur les habitants d'en bas comme un aigle relevant le bec ?<o:p></o:p>

    La plèbe est l'exutoire favori de ma bile d'aristocrate. Peut-être parce qu'à travers elle parfois j'ai peur de me reconnaître, peut-être parce je crains un jour de lui ressembler un peu... Ne vaut-il pas mieux maudire que guérir ? La meilleure façon de n'être pas contaminé par les moeurs de la canaille, c'est de la toujours tenir à distance, de ne se laisser fléchir à aucune indulgence.<o:p></o:p>

    411 - Les deux pauvresses

    Deux soeurs mendiaient. L'une était laide comme un poux, sans grâce, vêtue de haillons. L'autre ressemblait à un papillon, et bien que sa toilette fût humble on sentait une recherche, un souci d'élégance dans sa tenue. De fait c'était une authentique sirène sur laquelle les riches passants daignaient poser le regard, alors que l'autre, affligée d'une affreuse laideur et affublée de guenilles n'attirait nulle attention.<o:p></o:p>

    Je remarquai aussitôt les deux soeurs. Du haut de ma monture je m'adressai à la Vénus :<o:p></o:p>

    - " Gente demoiselle, venez chez votre sauveur chercher le gîte et le couvert. Je saurai également vous couvrir d'or et de dentelles si vous y consentez. Sous mon toit vous n'aurez qu'à exiger. Chez moi la beauté à tous les droits. Soyez dès à présent l'hôte de mon alcôve et votre fortune est faite ! "<o:p></o:p>

    La belle répondit :<o:p></o:p>

    - "Mon bon seigneur, ma soeur me suivra-t-elle ?<o:p></o:p>

    Je fus franc envers la jolie naïve :<o:p></o:p>

    - " Parce que votre soeur est laide, elle ne mérite que raillerie. Vous êtes belle, vous seule avez le droit d'hériter des biens de ce monde. La beauté doit être récompensée, la laideur châtiée sans pitié. Laissez là votre soeur, elle ne vaut guère plus que l'égout qu'elle côtoie. <o:p></o:p>

    L'ingénue de me tenir tête :<o:p></o:p>

    - " Cependant j'ai promis à mère de ne jamais abandonner ma soeur ! Noble seigneur, je vous en prie prenez ma soeur avec moi ou bien laissez-moi ! Jamais je ne l'abandonnerai à la misère ! "<o:p></o:p>

    Excédé par tant d'impudence, j'abrégeai la discussion en tendant le bras vers l'élue :

    - " Il suffit avec ces tergiversations stériles ! Vos scrupules sont parfaitement déplacés. Laissez la fange à la fange et abandonnez-vous plutôt au sort qui vous sourit. Demain vous porterez mon nom. Allons, montez ! Je vous emmène au château. Hâtez-vous car je ne souffre pas qu'une femme discute mes desseins ! "
    <o:p></o:p>

    Après avoir craché sur le front de la gueuse restée à terre, d'un coup de talon   hautain je fis se cabrer mon destrier. Le bruit de ses sabots sur le pavé recouvrit les sanglots du laideron. Je pris la direction du château au galop, les bras de la belle serrés autour de ma taille. <o:p></o:p>

    412 - Elle tourne !

    Elle part à minuit pile. Ponctuelle. A une heure du matin on l’oublie presque. Deux heures après son départ, il y a comme un flottement et on ne sait plus trop où elle se trouve. A trois heures elle passe parfaitement inaperçue : tout le monde dort. Ou somnole. Quatre heures du matin, c’est une heure creuse. Elle tourne pourtant, imperturbable. A cinq heures lorsque Paris s’éveille, on fait un peu plus attention à elle. A cette heure là, elle passe vraiment à la postérité. Et c’est peut-être sa plus belle heure de gloire dans notre pays. On connaît tous la musique. A six heures, elle arrive à point nommé, régulière comme un métronome. A sept heures, elle met la France debout.<o:p></o:p>

    Huit heures, on commence à la connaître : elle est toujours là où on l’attend. Sans surprise. Neuf heures, courrier. On l’aime ou on la déteste. Dix heures, elle est bien là et on n’est pas pressé. Mais à onze heures, pas le temps. Quant à midi, c’est pas encore l’heure. Elle repassera.<o:p></o:p>

    A treize heures elle est très sollicitée. A quatorze heures, c’est fatidique. Quinze heures, elle s’étire. Seize heures, elle n’en finit pas d’être là et c’est souvent consternant. On attend avec impatience qu’elle vienne nous libérer vers les dix-sept heures. A dix-huit heures, elle est exquise. A dix-neuf heures, elle file. Vingt heures, c’est son heure. Vingt et une heures, elle est en vitesse de croisière. A vingt-deux heures, en général on s’en souvient bien, on la retient. En revanche à vingt trois heures, on ne s’en souvient plus très bien. C’est plus vague. Enfin jusqu’à minuit moins une il s’en faut de peu et on patiente. Parfois pour y prendre quelque grave et solennelle décision. Alors à minuit moins une, elle devient vraiment mémorable.<o:p></o:p>

    Mais à n’importe quelle heure il se passe parfois un événement assez notable pour être signalé : elle s’arrête.<o:p></o:p>

    Ainsi en va-t-il des 24 heures de la course de la petite aiguille d’une horloge autour du cadran.<o:p></o:p>

    413 - L'apparition

    Elle traînait le pas au bord de l'onde, parmi les herbes hautes. Sa robe d'un autre temps glissait le long de son corps, je détournais le regard avant de m'enfuir, l'âme en feu, le coeur à vif. Chaque jour je revenais, toujours je me sauvais. Jusqu'au jour où je trouvai le courage de rester. Je l'épiai alors qu'elle entrait dans les flots. La créature s'ébattait devant moi, j'en tremblais. C'était la première fois. Depuis ma cachette je voyais sa chevelure ondoyer, son flanc émerger, sa gorge jouer dans le courant.<o:p></o:p>

    Simple mortel, j'étais témoin de cette apparition qui devait me marquer pour la vie. Peu d'hommes croiraient à mon aventure. Mais elle était là, elle nageait, chantait, et moi, tétanisé, je l'observais. A moi le fils des hommes, à moi l'humble enfant de la Terre il était interdit de voir la baigneuse. Fasciné, tremblant, je bravais le tabou. Allais-je survivre à la profanation ? Je craignais de perdre la vue, la raison, la vie ou que sais-je ? Le péril était grand, mais n'en valait-il pas la peine ? Puis la crainte du courroux divin me gagna. J'en avais vu assez pour donner du prix à une existence entière, peupler toute une vie de songes radieux. Ou de cauchemars rédempteurs.<o:p></o:p>

    Je m'éclipsai. Courant comme un fou, haletant, les larmes aux yeux, la fièvre au corps, je me sentais des ailes. J'étais le plus chanceux des hommes. Le plus malheureux aussi. A quel prix le Ciel allait-il me faire payer le sacrilège ? Je courais sans oser me retourner, comme si tous les dieux de l'Olympe étaient à mes trousses.<o:p></o:p>

    J'avais vu. <o:p></o:p>

    Au bord de la rivière j'avais surpris par hasard celle qu'il m'était interdit de voir, et au lieu de fuir et oublier, j'avais voulu connaître certain secret. Les jours suivants j'étais revenu la guetter, dissimulé dans l'ombre. J'avais osé violer l'intimité de la légende, entrer dans l'onirique tabernacle, regarder en face le Mystère.<o:p></o:p>

    J'avais contemplé dans sa splendeur la fabuleuse, la mythique, l'hellénique Daphné.<o:p></o:p>

    414 - Un étrange autochtone

    Il vient du fond des âges, nourri de légendes, abreuvé de vins, héritier du vent de la liberté, du pain de l'esprit, du poids des mots. Et de la légèreté d'être. Son luth chante le blé des champs et la boue des tranchées. Ses idées sont folles, lumineuses, toujours nouvelles. Il se brouille avec ses frères, s'accorde avec les étoiles, se réconcilie sous un tonneau. Il aime les grecs, les dieux romains, le cochon.

    Serviteur de l'amour, il honore sa femme, ses maîtresses, viole les règlements. Mais respecte le code pénal.
    <o:p></o:p>

    Créatif, inventif, résistant, il défie la loi des tyrans comme celle de la pesanteur. Ses ailes sont de plume, ses rêves de plomb, ses idées de velours. <o:p></o:p>

    Il est pleutre, fier, courageux, minable, hautain, éduqué, mal-élevé, distingué, rebelle, meuglant... Ses pieds puent le fromage, sa tête sent le laurier, sa langue est d'oc, d'oïl, de gouaille ou de veau.<o:p></o:p>

    Il pullule dans notre pays, rayonne dans le monde, ennui ses voisins de palier. <o:p></o:p>

    C'est un foutu français.<o:p></o:p>

    415 - Evénement dominical

    Le village somnole sous le soleil de cet énième dimanche d'été. Rien ne bouge. Avec cette impression que l'inertie dure depuis des siècles... Les rues mortes semblent avoir été conçues pour des habitants morts. Leurs maisons sont des tombeaux d'où émanent parfois des senteurs de cuisine. Odeurs pesantes de pot-au-feu, de graille, de fritures douteuses...<o:p></o:p>

    Sous les toits, on parle de tout et de rien : de la météo, des dernières nouvelles potagères, des minuscules événements du village voisin... Parfois on ne parle pas du tout, les repas, les journées se passent dans un silence crétinisant. Les têtes, les paroles, les regards, tout est vide. Sauf les assiettes : préoccupation vitale qui donne une raison de végéter à ce peuple de légumes. Les repas forment le point d'orgue de leurs journées sans saveur. Même quand ils ne mangent pas, la plupart des habitants passent leurs journées assis, à attendre que le temps passe.<o:p></o:p>

    En arpentant la rue principale de ce cimetière d'éternels attablés, l'étranger égaré sent les petits yeux ridés qui épient. Derrière les carreaux, les fantômes du village s'en donnent à coeur joie. Un étranger ! Événement considérable. Pour ces éternels enterrés n'ayant rien à faire du matin au soir, ne connaissant que les limites de leur espace maraîcher, limitant leur cercle social aux voisins les plus proches et aux cousins, un visiteur est un ennemi, une bête curieuse, un parisien, un messie. Ou bien alors le Diable.<o:p></o:p>

    Quand passe l'ombre du flâneur, nécessairement hérétique, sorcier ou alchimiste, même le coq sur le clocher n'en revient pas ! La cloche de l'église se tait, le bedeau oubliant l'heure de son service devant la portée de l'affaire. Un passant que nul ne connaît, qui plus est dans la rue principale du village ! Le centre de l'Univers violé par le passage d'un inconnu. Les chiens aboient, les fichus se collent aux fenêtres, les casquettes se figent, tout est aux aguets dans la "rue-morte"...

    État de choc dans le village.
    <o:p></o:p>

    Mais voici que le marcheur s'éloigne, prend la direction de la sortie du village. Dix paires d'yeux derrière des jumelles escortent l'étranger jusqu'à l'horizon. Un héros anonyme le suit même courageusement dans le viseur de son fusil. Sait-on jamais... La silhouette disparaît au loin. Tout est fini. Le village peut reprendre son souffle.<o:p></o:p>

    Un dimanche dont les habitants se souviendront longtemps !<o:p></o:p>

    416 - Un bon rustre

    J'ai un chapeau sur la tête, une pipe dans la poche, de la chique dans la bouche et de l'or dans un coffre. Mais je vous dirai pas où. Croyez-moi, ma canne est plus dure que vos caboches d'assistés, tous autant que vous êtes ! Je ne crains ni les cornus, ni les statues, ni les moustachus. D'ailleurs je suis moi-même barbu avec de la moustache. C'est pas demain que l'on me verra mettre de la cire d'abeille sur ma selle de vélo comme font les jeunots qui tiennent pas dessus ! Je roule à la sueur, vis à l'ancienne, dors au rouge. L'eau est réservée pour arroser pendant l'été. Je vais à l'ombre au fond des bois quand le soleil tape trop fort. Pas besoin de bouton électrique : dans la nature je suis chez moi.<o:p></o:p>

    Je fais mon jardin, mon pain, mon beurre. Jamais malade. Je n'aime pas rentrer dans les villes, c'est antihygiénique. Et puis les citadins n'aiment guère mes senteurs. Je sens la terre, les bois, le jardin de la campagne. Un peu la sueur aussi. Je travaille sans me presser, c'est meilleur pour le moral. Les patates ont le temps, pourquoi j'irai faire la course aux plantations ? Il n'y a que du naturel dans la terre que je retourne. Il faut respecter le sillon. A la ville on mange sous des plastiques. Moi je me nourris sans emballage.<o:p></o:p>

    Les enfants aujourd'hui sont tous des bons à rien. Ils sont habillés avec du chimique sur le dos, engraissés au sucre blanc, gonflés au blé industriel. De mon temps ils allaient au vent avec des bures contre le froid. Ils faisaient pas les difficiles pour la soupe. Ils étaient pas chétifs avec des casques pour aller à vélo.<o:p></o:p>

    J'ai pas la télévision, mais plein d'étoiles à regarder, une cheminée pour rêver dans les flammes, un chat qu'il faut caresser tous les soirs.<o:p></o:p>

    On me prend pour un attardé à la ville. Demain matin ils partiront tous dans leurs usines manger des sucres blancs dans des plastiques pour revenir le soir voir ce qu'il y a dans leur poste de télévision. Demain matin j'aurai quatre-vingt-treize ans. Toujours vaillant. Jamais vu le docteur. <o:p></o:p>

    J'irai faire mes fagots. <o:p></o:p>

    417 - Le moine et la pucelle

    Rien n'y fit. Ni ses courbes lascives à demi dévoilées, ni l'échancrure de son corsage ne parvenaient à détourner le regard du reclus. Vexée devant l'offense faite à sa beauté, la jeune impudente décida d'attaquer de front. Son honneur de vierge étant en jeu, il fallait que le moine fût séduit par sa chair.<o:p></o:p>

    Alliant la gestuelle aux paroles, elle lui fit des propositions immodestes dans l'enceinte du monastère. Imperturbable, l'anachorète continuait à prier. On la chassa sans ménagement. Lui n'avait pas bougé d'un pouce : face à la chaste Vierge vêtue de marbre, il se perdait en adoration, insensible au monde extérieur. Ses prières semblaient l'isoler de toute tentation. S'était-il au moins rendu compte de la présence de cette démone de chair et de dentelles ?<o:p></o:p>

    Elle revint à la charge avec une résolution inébranlable. S'approchant tout près du moine, avec rage et fracas elle déchira son corsage, libérant ses blancs tétins. Puis resta là, idiote avec sa gorge dévêtue devant le priant parfaitement immobile, toujours agenouillé face à la statue mariale.<o:p></o:p>

    Touchée par tant de piété la jeune catin décida de se faire bonne soeur.<o:p></o:p>

    Une fois entrée dans les ordres et ses voeux dûment prononcés, elle apprit que le moine était sourd et aveugle.<o:p></o:p>

    418 - Les ordures du village

    Nul n'appréciait l'étranger. Il avait une tête pas de chez nous, des regards de travers, des idées peu catholiques. Il habitait l'impasse, ne mangeait pas comme les autres, s'habillait comme un diable, priait un dieu lointain. Nous le toisions du regard. Fier, il ne baissait pas les yeux... Insupportable !<o:p></o:p>

    Il n'était pas chez lui et il osait. Chez nous, il osait... Il fallait agir.<o:p></o:p>

    L'intimidation n'ayant rien donné, certains -plus téméraires que d'autres- employèrent la force. Mais l'étranger avait de la pogne et en usa, laissant les assaillants meurtris dans leur honneur. Nous devions venger l'affront. Les humiliés attendirent une occasion. Une nuit ils essayèrent de le prendre par derrière. A plusieurs, c'était quand même plus prudent pensèrent-ils... Mais l'ennemi avait le dos solide. Et puis il était vif, un vrai serpent. Les nôtres essuyèrent un second revers. Plus cuisant que le précédent. Des enfants du pays, battus, rabaissés par ce métèque, cet intrus, ce criminel ! C'était le village entier qu'on humiliait. On était chez nous, et lui là, il osait... <o:p></o:p>

    Nous décidâmes d'en finir : le feu prit chez lui par une nuit sans lune ni témoin. Mais le vent se leva, et les flammes épargnant subitement le foyer du coupable allèrent lécher puis embraser la maison voisine, là où vivaient la veuve et ses trois enfants. Il les sauva du péril. La veuve qui s'était montrée la plus haineuse à son égard n'osa plus le regarder en face. Lui gardait la tête haute. Insupportable ! Nous tentâmes alors de l'accuser d'avoir mis le feu chez la veuve en espérant pouvoir enfin se débarrasser de lui... Les gendarmes l'emportèrent finalement.<o:p></o:p>

    Au soulagement de tous, le condamné finit sur l'échafaud.<o:p></o:p>

    Nous n'aimions pas l'étranger.<o:p></o:p>

    419 - Le nain crapuleux

    Dans ma cave vit un drôle de personnage. Sorti des murs, vivant dans les ténèbres, nourri de haine, assoiffé de misère, un nain crapuleux hante ma demeure. Méchant, pervers, sadique, l'intrus ne cesse de me harceler. La nuit il ricane au fond de la cave, le jour il hurle, crache, mord, insulte quand je descends prendre une bouteille ou du charbon. Heureusement il ne sort jamais de son trou. <o:p></o:p>

    Parfois, excédé par ses cris, médisances et saletés, je lui administre une correction, un fer rouge à la main. C'est que le nain crapuleux est un vrai diable. Une créature étrange et maléfique, un petit monstre insaisissable, un cafard increvable, un rat des enfers, un fantôme de chair et de sang... Avec ses petits os de canard boiteux, ses sarcasmes sans fin, sa voix nasillarde, le nain crapuleux se loge partout, se cache dans les moindres recoins, se fond avec tout décor et me saute dessus, infatigable, irascible, moqueur.<o:p></o:p>

    Il m'arrive de descendre en pleine nuit, un seau d'eau bouillante à la main. Un cadeau nocturne pour le nain crapuleux... Au matin, j'entends ses insultes qui redoublent. Satisfait de ma vengeance, je le laisse hurler. Dans ses pires moments il lui arrive de monter l'escalier de la cave pour m'insulter à travers la porte entr'ouverte. Il faut que je fasse attention à ce qu'aucun visiteur ne le voie. Ce nain est un furoncle dans ma maison. Cantonné à la cave et ses plus proches abords, le nain crapuleux ne me pose pas trop de problème avec l'entourage. C'est juste qu'il m'importune lorsque j'ai besoin d’aller chercher du bois, une bonne bouteille, des patates ou un seau de charbon. Mais armé de mon fer rouge, je ne le crains plus tant que ça avec ses sempiternelles vociférations de diablotin... J'ai appris à éviter ses morsures, à faire un vif écart quand il me saute dessus.

    Pour les cris stridents j'ai finalement résolu le problème en insonorisant la porte de ma cave. Depuis j'ai appris à vivre avec cet inquiétant énergumène habitant le sous-sol de ma maison, sans explication aucune, venu là je ne sais comment ni pour quelle raison. Et impossible à chasser. Mais après tout, il n'est pas si terrible que ça, tant qu'il reste à l'ombre en compagnie des araignées et des rats.
    <o:p></o:p>

    Je sais, cela peut paraître extravagant mais c'est ainsi : j'ai un nain crapuleux dans ma cave.<o:p></o:p>

    420 - Naissance d'une star

    Je m'éveillai dans des limbes de splendeur. Des horizons s'ouvrirent autour de moi, qui s'étendirent, sans bornes. Mon regard alors scruta l'infini. La clarté, l'intelligence, l'émerveillement : tout devint instantanée. Je m'étonnai d'en être étonné. Mais je sus que cela devait être. Je pris la mesure de tout. C'était là ma place, né de ma propre naissance et éternel, fruit d'un principe dont en naissant, je devenais l'auteur.<o:p></o:p>

    Je débordais d'Etre. <o:p></o:p>

    Alors tout fut dit : des particules émergèrent, donnant corps à ma puissance. Nées de n'être encore jamais nées. Créées pour être. Je nommai, cela fut. Les particules s'unirent, des mondes naquirent, des créatures les peuplèrent, des hommes apparurent, qui m'appelèrent Dieu.<o:p></o:p>

    421 - Un nouveau riche

    Par temps sec on le voyait marcher sur son toit en portant un seau d'eau qu'il déversait cérémonieusement sur le faîte. Les jours de pluie il ouvrait portes et fenêtres, poussant des cris douteux au son de sa lyre, une vraie lyre sonore et dorée. Le samedi, c'était jour de hibou : il imitait le cri de l'oiseau du matin au soir.<o:p></o:p>

    Émile était un fada. <o:p></o:p>

    Un peu poète, un peu original, toujours plongé dans ses drôles de rêves. Tout le monde l'aimait dans le village, bien qu'il fût boiteux, paillard et passablement bavard sur ses chaussettes. Un jour le curé vint le voir pour lui proposer une affaire. Du jour au lendemain Émile devint riche comme Crésus. Certains prétendirent que l'abbé serait venu chez lui pour traficoter tous les deux avec le Diable. C'était la première fois que l'on voyait l'Émile vêtu de velours et de soie, il fallait bien douter...<o:p></o:p>

    On le voyait toujours faire l'équilibriste sur son toit. Mais cette fois il se versait du vin fin dans le gosier, se contentant d'évacuer sa vessie sur les tuiles au lieu d'y répandre son habituel seau d'eau de puits. Il chantait toujours aussi faux sous l'onde vernale, mais il faisait grincer sa lyre avec de la dentelle au poignet. Le samedi il rendait toujours hommage à son volatile favori, mais le concert de hululements diurnes portait loin dans le village, amplifié par un puissant haut-parleur.

    Émile était devenu riche, jalousé par certains, ami fidèle du curé, discret sur la provenance de sa fortune bien qu'invariablement prolixe sur la laine qu'il portait aux pieds, fier de porter chapeau et chemises ouvragés, encore plus célèbre qu'avant dans la contrée.
    <o:p></o:p>

    Mais toujours aussi fada.<o:p></o:p>

    422 - Jean-Eugène

    Il tirait grande fierté d'avoir un esprit sain dans un corps chétif : Jean-Eugène marchait de travers mais pensait juste. <o:p></o:p>

    Ses allures de caprin boiteux ne l'empêchaient pas d'avoir des prétentions de séducteur : dès ses quarante-sept ans il se mit en tête d'entreprendre sa première collection de conquêtes féminines. Pour commencer il corrompit la Gertrude, fille de ferme au physique humble, passablement sotte, voire franchement idiote. Puis ce fut au tour de Marie-Albertine, une espèce de souillon, laitière de son état, fille de sa pauvre mère et future crémière destinée à faire carrière dans la laiterie parentale. Presque jolie. <o:p></o:p>

    Ces deux premiers trophées agrestes déçurent notre coquelet qui rêvait surtout de châtelaines évanescentes, de filles de docteurs aux manières compliquées, de citadines adroites dans le maniement de l'éventail, érudites, prenant le thé en levant l'auriculaire... Poussé par la nécessité de coïter avec des mondaines, il alla frapper au premier château rencontré, fut reçu par son hôte tout de dentelles vêtue, but le thé, mangea même quelques biscuits à la cannelle, reparti bredouille mais guère découragé.<o:p></o:p>

    Il se rendit aussitôt chez le docteur de la châtelaine qui avait deux filles, avec le fol espoir d'en séduire au moins une. Malheureusement toutes deux étaient fort laides.

    Il fallait qu'une marquise, une vestale costumée, ou bien une tragédienne, bref une célébrité, lui ouvrît son hymen. Sain d'esprit dans un corps chétif. Sa devise... Sa quête utopique dura quelques années.
    <o:p></o:p>

    Jean-Eugène finit entouré de ses premières amours à la toilette modeste, les seuls sujets d'émoi qu'il pût conquérir charnellement. La Gertrude fut son bras droit. Celui-là précisément qui était débile. Marie-Albertine, sa cuisinière. Spécialiste des soupes aigres. <o:p></o:p>

    Et la châtelaine, un rêve inaccessible.<o:p></o:p>

    423 - La crémière phallocrate

    Elle était laide, méchante, sotte, très douée pour les arts martiaux, incapable d'élever des enfants, excellente dans la pratique quotidienne de la cruauté, médiocre à la pêche à la ligne. Enfin elle ne pesait guère plus que le tiers d'un quintal, ce qui ne fait pas très lourd. Et pour cause : elle était chétive. La crémière avait tout de la vieille fille osseuse acariâtre aux doigts calleux.<o:p></o:p>

    Détail étrange : elle portait aux nues les hommes bien montés, bien qu'elle fût chaste, superstitieuse. D'une piété maladive, hypocrite et malsaine. Elle ne jurait que par la domination masculine. Un jour le fils du châtelain, oisif pédant et inutile à la main lisse proposa à la crémière d'enfiler ses gants blancs avec mépris avant de la besogner charitablement (il avait pitié de cette gueuse délaissée), puis de cracher sur ses fromages pour se donner un genre, avant de repartir l'âme légère d'avoir pu faire une si belle, si mâle action...<o:p></o:p>

    La vile ne refusa point l'odieux marché. Elle perdit avec grande joie son honneur entre fromages de chèvres et lait caillé. Lui, gagna l'estime du laideron qui pour le récompenser lui glissa deux ou trois fromages secs dans la poche. Le lendemain le galant mourut d'une mystérieuse maladie.<o:p></o:p>

    Nul ne décela dans les fromages de la "belle" un léger parfum de sortilège...<o:p></o:p>

    424 - La tendresse

    La tendresse, ce ne sont pas ces niaiseries si souvent évoquées. <o:p></o:p>

    La tendresse, la vraie, la mâle, virile, mûre tendresse, c'est la gifle hautaine du sybarite contre la joue de la gueuse sur qui dans un magnifique élan de charité mêlée de pitié il daigne se pencher, loin des us mièvres qu'adoptent les âmes amollies.

    La gifle du dandy réveille l'indigente qui la reçoit, elle sonne comme l'airain dans l'air frais du matin, claque comme un drapeau après la bataille, vivifie le sang, cingle le coeur léthargique. C'est un grand honneur pour une femelle que d'être méprisée avec tendresse par un seigneur. C'est une grande élévation pour le seigneur que de condescendre à abaisser le regard sur la misère (l'état de féminilité étant en lui-même une misère, une déchéance naturelle), de la rudoyer pour mieux s'en repaître quand, ainsi malmenée, elle prend conscience de sa petitesse, pitoyable.
    <o:p></o:p>

    Le maître, lorsque l'objet de ses attentions se fait soudain vermine, étend sa dextre magnanime jusqu'à la joue déchue et frappe, anéantissant d'un seul revers de la main toute prétention à la fierté, à l'amour propre, qui serait une offense au principe-même de tendresse.<o:p></o:p>

    Car la vraie tendresse c'est le renoncement de l'être faible face à son seigneur et maître, la totale soumission à sa cause. La tendresse, c'est l'abandon sans artifice de celle qui s'y adonne. Abandon de la déshéritée à son mâle souverain.<o:p></o:p>

    425 - Un abruti fini

    Le père Eugène est un ancien combattant des tranchées de la "14". Quand il raconte ses souvenirs de guerre, il à la larme à l'oeil. A force de rire. <o:p></o:p>

    Il s'esclaffe en racontant ses anecdotes triviales de bidasses, inconscient des horreurs vécues dans la boue de Verdun. Il narre, joyeux, sa folle jeunesse sous les obus, le pinard des tranchées, le Boche qu'on tirait comme un lapin en faisant des paris avec les copains, intarissable sur ses coups pendables, se vante de ses succès en permission, prétend qu'il paradait fièrement au bras des filles, exagère ses faits d'armes, se souvient avec tendresse des chants paillards précédant les assauts, se remémore, hilare, les champs de bataille quand il fonçait sur l'ennemi, toujours rond...<o:p></o:p>

    Il avale sec sa gnôle le père Eugène, trinquant à ses souvenirs, l'air nostalgique :<o:p></o:p>

    - " Ha ! C'était quelque chose les tranchées mon gars ! Ca y allait. Pis ça pétait de tous les côtés ! Y sortait du Boche de partout. Ca mitraillait dur. On avait la trouille, mais que ce qu'on rigolait mon gars ! Fallait nous voir courir comme des lièvres... Ha ! Dans ce temps là j'avais des pattes pour la course, c'est pas comme maintenant. Tu penses bien, à cent-un an... C'est pus comme avant,  hein ? Fallait le faire quand même, quand on y pense... Ha ! Ca y allait dans les tranchées ! "<o:p></o:p>

    Toute sa vie durant, et ce depuis bien avant qu'il soit envoyé dans les tranchées, le père Eugène a tiré sa substance vitale des mamelles de Bacchus. Habité par le dieu Gnôle du matin au soir, analphabète, inculte, ignare, le père Eugène passe cependant pour un héros sous prétexte qu'il a connu les tranchées. Pion de base imbibé en permanence de mauvais vin, Eugène aurait tout fait pendant sa jeunesse pourvu qu'on le lui ordonnât, pourvu qu'on le ravitaillât en pinard républicain : casser du Boche, envahir l'Espagne, coloniser les Nègres, conquérir le monde, pour lui aucune différence. Bien rigoler entre bidasses, voilà l'essentiel.<o:p></o:p>

    Il est jovial le père Eugène. Tout le monde l'aime bien.<o:p></o:p>

    Il faut quand même reconnaître qu'à cent-un an, cet ivrogne d'Eugène est un parfait, définitif, irréductible abruti.<o:p></o:p>

    426 - La pleine lune

    Elle se lève sur l'horizon avec un visage pâle, des joues enflées, une tête molle. Elle monte et survole forêts, routes, villages en rapetissant, devient plus vive à mesure qu'elle s'élève. Parvenue au zénith, l'oeil pétillant, le front clair, elle crache comme une vipère sur les oiseaux de nuit qui la contemplent en rêvassant. Éblouissante, muette comme une taupe, féline dans son empyrée, elle plane au-dessus des têtes, ricaneuse.<o:p></o:p>

    Elle miaule dans le ciel, les spectres l'entendent. Les hérissons sont ses confidents, les hiboux ses messagers, les tombes ses miroirs. Marmoréenne, duveteuse et sépulcrale, elle étincelle d'un seul feu. C'est une flamme mourante que ravivent à chaque instant les moribonds de la Terre. Asile des trépassés, refuge des âmes envolées, l'astre est un vaisseau hanté. Des fantômes sont à la barre : elle vogue, naviguant à vue, myope, stupide.<o:p></o:p>

    Belle comme une morte, séduisante avec ses cheveux de sorcière, charmante avec son sourire hypocrite, amoureuse comme une pieuvre, la mélancolie est son royaume. Déesse inquiétante, fauve céleste, oiseau sidéral, caillou plein d'éclat, la Lune depuis la nuit des temps chante sa complainte à l'Éternité.<o:p></o:p>

    427 - Le casino

    Quand j'entre dans un casino, mon coeur se met à battre et je tremble, fébrile. Avec cette impression de passer les portes solennelles d'un doux enfer. Dans les clartés enfumées où je pénètre -la fièvre aux tempes- et sous les clameurs des machines à sous, j'aperçois parfois de vieilles connaissances : mes rencontres de la veille. Des frères et soeurs de jeu. Anonymes dans le vice. <o:p></o:p>

    Il y a des têtes d'abrutis, des mines défaites, des gorges déployées, des yeux éteints, des regards qui brillent, de laides filles et d'exubérantes baronnes, des catins glaciales et de vertueuses débauchées, des vieux messieurs, des dames, des demoiselles, des loups de mer cyniques et des novices à la peau tendre. <o:p></o:p>

    Ce sont mes amis. Des vautours qui me tournent autour attendant que je quitte mon bandit manchot après lui avoir laissé mon capital, avec l'espoir vénal, infâme et partagé de récupérer ma mise abandonnée à la machine. Nous sommes du même monde eux et moi : celui des éternels perdants. Ca n'est pas la faune, non. C'est plus aimable que ça. C'est une population de pauvres gens, de riches en rêve qui oublie le monde sous des luminaires dorés.<o:p></o:p>

    Ici les sourires sont crispés, les mains moites, les heures fluides, les secondes cruciales. Le temps est paradoxal : le cadran se fait oublier mais les minutes sont vertigineuses. Seul compte le verdict des rouleaux, chargés de sens. Tous espèrent voir s'aligner sur l'écran les trois sésames d'or et de plastique donnant droit au pactole. Le casino : un univers clos sans cesse au bord du drame. <o:p></o:p>

    Au casino n'importe qui peut laisser sa maigre fortune au joueur suivant qui prend sa place, plus chanceux. Au casino c'est le hasard qui tire les ficelles. De ces lieux obsessionnels le joueur ressort les poches vides mais la tête haute car, je l'ai remarqué à force de côtoyer ces établissements, tout perdant qui se respecte a certes peu de sagesse mais beaucoup de fierté. <o:p></o:p>

    428 - Un retraité honnête

    Marcel Laval est un honnête citoyen, retraité, bon père de famille, patriote, pas mauvais époux, excellent ami, jovial, correct avec le monde, sobre, travailleur. En plus il vote modéré. Il est tolérant, il aime sa vieille mère, son chien, la pêche à la ligne, les vacances au bord de la mer. Il cultive une passion pour les trains en modèle réduit. <o:p></o:p>

    Marcel Laval est un brave type sans histoire. <o:p></o:p>

    Il y a quarante ans des atrocités ont été commises pendant la guerre d'Algérie par la soldatesque française hilare. Abominations de toutes sortes : viols, meurtres, enfants éventrés... Qui ignore encore l'odieuse musique ? Marcel Laval est un homme bon. On l'a toujours su révolté par ces méfaits historiques. Marcel Laval aime sa femme, ses enfants, sa Patrie. Il croit en Dieu. Depuis quarante ans cependant il porte un secret lourd comme un calvaire. Personne d'autre que lui ne sait, pas même sa chère épouse. <o:p></o:p>

    Sauf peut-être le Diable. <o:p></o:p>

    Au fond de sa conscience il le sait bien Marcel Laval qu'il y a quarante ans, tout bon petit retraité qu'il est, il ne faisait pas moins partie des soldats français qui se sont adonnés à l'ignominie.<o:p></o:p>

    Marcel Laval est mort, on l'a enterré sans faire d'histoire. Ses petits enfants l'ont pleuré. Sous la tombe les vers le rongent.<o:p></o:p>

    Ayons pitié de lui car ce sont les vers du remords. <o:p></o:p>

    429 - La régression du beau sexe

    Je ne comprends pas les femmes qui veulent imiter les hommes. Elles veulent travailler. J'ose considérer que dans notre société le travail féminin est synonyme d'abrutissement, d'esclavage, d'échec, de malheur. Dans une société riche, évoluée, les femmes doivent-elles rétablir leur honneur en se croyant obligées de courber le dos ?<o:p></o:p>

    Lorsqu'une femme travaille, où est le progrès pour elle ? Ne choit-elle pas de sa naturelle et glorieuse assise pour se retrouver dans un monde parfaitement   trivial ? Obligée de se commettre dans des activités domestiques digne de la valetaille pour vivre... Au fond des cavernes de nos lointains aïeux, il me semble que la femme était socialement mieux lotie que sous notre république cruellement égalitaire...

    Jadis, bien avant de devenir aussi sotte que de nos jours, la femme régnait sur les âmes et intriguait en société par sa seule beauté. Aujourd'hui elle doit descendre dans l'arène et suer auprès des mâles prédateurs.
    <o:p></o:p>

    Mes détractrices dénigrent les moeurs du Moyen-Age ? Pourtant en ces temps bénis les femmes qui avaient la chance d'être belles étaient traitées comme des princesses par leurs courtisans fortunés. En ces temps les femmes bien faites n'avaient pas besoin de s'abaisser à travailler. Leur fortune était faite dès les premiers signes de leur rayonnante féminité. <o:p></o:p>

    Mais de nos jours ? De nos jours les belles femmes exigent d'être traitées comme des paysannes et renoncent à leurs droits innés d'être célébrées pour leur seule beauté.

    Lorsque les jolies femmes préfèrent perdre leur temps dans les bureaux plutôt que de se laisser entretenir, où voyez-vous le progrès ?
    <o:p></o:p>

    Le travail est fait pour les paysannes, les grossières, les vieilles et les laiderons. Pour ces femmes-là, courageuses, ayant le sens du sacrifice, le travail est méritoire. Mais pour les autres qui l'exercent, pour les femmes qui ont la chance d'être belles, je le considère comme une infamie. Hélas ! cette infamie est élevée au rang de vertu par notre société moderne. <o:p></o:p>

    Un comble !<o:p></o:p>

    430 - Fleur de Patate

    On l'appelait "Fleur de Patate". C'était une belle jeune fille aux manières ignobles. Visage vénusiaque, corps de statue, Fleur de Patate éructait comme un sanglier, se dégorgeait les boyaux sans façon, bâfrait en faisant des bruits de coche affamée. Chez Fleur de Patate la hideur des us se conjuguait avec l'éclat le plus pur.

    J'aimais Fleur de Patate. Non qu'elle fût belle au point de me faire oublier ses moeurs infâmes, mais elle me faisait rêver avec son chant mélodieux. Sauf qu'elle chantait d'indicibles paillardises (qu'elle composait elle-même). Pour autant, la voix de cristal portait bien au-delà de la fange où son auteur se vautrait : elle pénétrait les âmes, traversait les coeurs, résonnait chez l'auditoire comme une prière. Et si ses chansons heurtaient les sensibilités les moins prudes, les plus aguerries, la façon qu'elle avait de faire vibrer dans l'air le son des mots "couilles", "tripailles" ou "zobinard" avait quelque chose de divin.
    <o:p></o:p>

    La morve, l'excrément, les vomissures, les humeurs les plus répugnantes émanaient quotidiennement de cette Vénus. Ce qui faisait s'interroger les philosophes, douter les amants, médire les laides, mentir les traditions, remettre en question bien des certitudes.<o:p></o:p>

    En compagnie de Fleur de Patate -privilégiant son aspect le meilleur- je me sentais au sommet de moi-même. Sa voix m'ouvrait des horizons célestes insoupçonnés. J'écoutais sous les étoiles le chant de la sirène, béat. Et les "couillasseries", les "dégorgeux-du-zob", les "tripaille-moi-la-couillarde" et autres "Alphonse-la-triquaille-à-gueuse" qui sortaient d'une si jolie gorge résonnaient de manière éthéréenne sous les astres. <o:p></o:p>

    Mystère insondable de ce monde où la Beauté triomphe de la laideur sous les pires apparences...<o:p></o:p>

    431 - Gueuvers

    "Gueuvers", contraction commode et ironique de "gueule de travers", désignait le héros de cette histoire. Affligé d'un bec de lièvre, Gueuvers n'en était pas moins un homme mauvais. Le sobriquet cruel qu'il avait hérité n'était pas indu. L'on était en droit d'espérer de la part d'un tel personnage que la naissance avait si peu avantagé un minimum de bonté qui eût inspiré compassion. Hélas ! Gueuvers était un homme né sous l'aile du fourchu, bec de lièvre ou pas. Son infirmité le rendait plus bête, plus ignoble encore.<o:p></o:p>

    Ses ennemis s'en donnaient à coeur joie, la méchanceté innée du disgracié justifiant leurs vengeances. Ca commençait par les enfants, cruels par nature, qui avaient trouvé là le bouc-émissaire idéal à travers qui canaliser les débordements joyeux de leur jeunesse. Les belles quant à elles raillaient sans retenue cet éternel tue l'amour comique à force de laideur. Les hommes faibles lui crachaient au visage de loin. Les bûcherons le menaçaient de leurs haches. Les vieillards le maudissaient, brandissant leurs cannes. Les chiens eux-mêmes ne se privaient pas du plaisir d'aiguiser leurs crocs dans ses pantalons.<o:p></o:p>

    Un jour Gueuvers s'enticha de la fille du châtelain, la plus jolie créature qui fût de toute la contrée. Foncièrement pervers mais ne manquant pour autant ni d'audace ni de panache, promptement il partit demander la main de la belle. Il fut reçu par une volée de bois vert par l'aristocrate qui lui offrit ensuite le thé avec toutes les politesses dictées par son rang. Sa difformité buccale aggravant les choses les plus anodines, il but son thé bruyamment en bavant devant la belle.<o:p></o:p>

    Les épousailles n'eurent pas lieu. Geuvers repartit du château toujours aussi pauvre de sa solitude et de son bec de lièvre mais riche d'un nouveau sobriquet : Geuvers-la-bavure.<o:p></o:p>

    432 - Les saintes gens

    Une espèce pie m'insupporte plus que toutes les autres : celles des vieilles âmes engoncées dans leurs moeurs sinistres. Saintes gens qui ont la Beauté en horreur, la poussière pour compagnie, qui chérissent la souffrance, la tristesse, la bêtise dogmatique ainsi que leur nombril de pieux asexués... <o:p></o:p>

    Ces modèles de vertu vivent dans une chasteté funèbre et morbide qui sied parfaitement à leur existence de renoncement hypocrite. Les apparences sont leur salut. Ces petits saints du quotidien vivent dans la pénombre par souci d'économie, dans la méchanceté gratuite par habitude, dans l'austérité par vanité. Leur visage émacié est celui d'un cadavre, leur lit ressemble à un caveau, leur joie consiste à contempler leurs chères, saintes, consacrées douleurs.<o:p></o:p>

    Ces bonnes âmes parlent de Dieu en serrant des dents, des enfants avec une badine dans la tête, de l'amour avec une flamme mauvaise dans l'oeil. L'amour, leur plus grand ennemi... Obsédés de sexe, pervers et dénaturés, ces adversaires du plaisir ne supportent pas la vérité. La moindre flèche les blesse, pour peu qu'elle soit juste, droite, nette.<o:p></o:p>

    Ces tristes sires en question portent soutane, baisent cérémonieusement croix de fer, bagues d'or d'évêques et pieds papaux, font des sermons moralisateurs le dimanche. Ils prônent la sobriété l'haleine chargée de vin de messe, vont voir les prostituées en discutant âprement leurs prix, confessent les petites filles dans leur chambre, distribuent aux pauvres bonnes paroles, aux nantis argent des quêtes.

    Méchants petits abbés de province qui enseignez le mal de vivre, la misère et le néant, vous avez engendré assez de collectionneurs de Vierges en plastique, d'abstinents et de névrosés de la croix. Que les vivants et les morts vous prennent en pitié.
    <o:p></o:p>

    Moi je vous ai pardonné : vous avez ôté vos masques à travers ma plume. <o:p></o:p>

    433 - Défense de la sottise

    La sottise est le dernier rempart efficace contre la suprématie inique des beaux esprits qui ne gagnent leur cause qu'avec la lâche, fourbe, insidieuse subtilité de leur pensée.<o:p></o:p>

    L'intelligence est torve, sinueuse, secrète. La sottise est franche, directe, claire. L'intelligence aime les énigmes, se complaît dans le mystère, se masque avec éclat. La sottise méprise l'obscurité, fuit l'hermétisme, se dévoile sans ambages. La sottise n'a rien à cacher, rien à prouver, rien à vendre, tout à perdre. Donc rien à gagner. L'intelligence caresse, séduit, convainc avec des fioritures de langage. La sottise cogne. Elle n'use d'aussi vains détours indignes de tout bon sot qui se respecte.

    Le sot aime les carottes, les navets et les soupes chaudes. Le bel esprit ne se préoccupe que d'affaires qui ne se mangent pas. Et qui vient se plaindre de crever de faim quand vient la bise ? Le sot ne porte pas le regard plus loin que son sillon. Le bel esprit le raille. Et qui vient crier famine l'hiver venu ? Le sot n'argumente pas, il frappe. En cela les faits lui donnent toujours raison, la loi en vigueur ici-bas étant celle du plus fort.
    <o:p></o:p>

    Les sots ignorent l'alchimie étrange de la terre mais eux au moins y font pousser patates, poireaux, tomates. Les sots ne savent rien des mystères cosmiques, mais ils ont de quoi tenir l'hiver. Ils n'ont rien dans la tête mais tout dans les poings.

    Les sots n'ont pas d'amis mais plein de bois pour leur feu. Ils sont seuls mais heureux de l'être. Ils sont dépourvus d'intelligence et sans malice, sans ironie, sans vanité peuvent s'en vanter.
    <o:p></o:p>

    434 - Mélancol

    Il aurait pu être baptisé Tristan, Eplore ou Luciole. <o:p></o:p>

    Mélancol fut préféré. Une naissance sous le signe de la ronde Lune avait déterminé ce choix. Il avait le regard triste des enfants rêveurs, la moue plate pareille aux statues de plâtre, la mine pâle qui sied aux délicats. <o:p></o:p>

    C'était une onde, un parfum, un sable fin, un fil au vent. Il riait sous la pluie, pleurait dans la nuit, chantait dans les herbes folles.<o:p></o:p>

    Mélancol aimait le mystère, le silence, la solitude. Lors de ses retraites poétiques il avait pour seules compagnies les nuages, les feuilles mortes, les oiseaux lointains et un ou deux chats frêles. Énigmatique, doux et sauvage, Mélancol fuyait les gens. Il préférait lire dans les bois, s'évader dans les cimetières, rêver au bord de l'eau.<o:p></o:p>

    Mélancol un jour fut retrouvé mort, face contre ciel, yeux ouverts, bouche béante. Sa mort fut mise sur le compte de la tristesse.<o:p></o:p>

    En vérité Mélancol avait succombé à la Poésie.<o:p></o:p>

    435 - Oiseau drosophile

    J'ai une femme laide, un chien véreux, des amantes superbes, brillantes, fortunées, un notaire efféminé, quelques hectares de patates. Et puis des lingots de bois. Je roule en Dior, me vêts en argent, mange chez mon garagiste. Je fume du Château-Renard, me parfume au hêtre, bois en vain. <o:p></o:p>

    J'honore marquises déchues, scélérates à particule, gueusaille enrichie. J'ai un vice : j'aime avec retenue. Je besogne le beau sexe avec des pincettes, prends mes desserts avec des gants, dors sans assurance-vie. La femme est ma perte, Henri IV mon ancêtre, son cheval blanc ma bête noire, le firmament ma voûte.

    Je descends de mes aïeux, monte mes escaliers, m'attarde sur mon sort. Et passe ainsi le temps, lorsque je ne jacasse pas au sujet de mon col, car il faut dire que je sors en queue de pie.
    <o:p></o:p>

    Certains me trouvent étranglé, barrique, un peu broque. Ni étrange, ni baroque, ni en briques : je m'appelle Raphaël Zacharie de Izarra. Je ne vois rien de particulier à cela. Les gens disent n'importe quoi. <o:p></o:p>

    Pendant ce temps-là moi je brille à vue.<o:p></o:p>

    436 - Petites terreurs du dimanche

    Je pénètre dans la cour de la maison abandonnée. Tout est triste et serein. Comme un animal crevé, la demeure a desséché : toit de chaume troué, murs fissurés, installations électriques rouillées, portes béantes. Un lieu coupé du monde. Au milieu de la cour, éventrés, des vieux matelas fangeux dégageant une odeur âcre. Le soleil d'été ajoute de la mélancolie aux lieux, une atmosphère paisible.

    Soudain, une sonnerie de téléphone !
    <o:p></o:p>

    Je pousse la porte de la pièce d'où émane l'alarme stridente. Au milieu de la pièce, gisant par terre, un vieux modèle de téléphone, le fil coupé. L'appareil sonne tout seul. Je décroche :<o:p></o:p>

    - "Al... Allô ?" balbutié-je, interloqué...<o:p></o:p>

    Dans l'écouteur, une voix suraiguë, excitée, sardonique me répond :<o:p></o:p>

    - "Allô, bonjour Raphaël ! Alors comment tu la trouves la maison des six-vents ?"<o:p></o:p>

    Je lâche aussitôt l'écouteur et m'enfuis, épouvanté ! Mais la porte un instant plus tôt éventrée, ouverte aux vents et aux visiteurs s'est transformée en un épais couvercle de cercueil qui me barre la route. La poignée est en or. Qui plus est finement ouvragée... Peu importe ! Impossible de sortir. Un feu s'allume spontanément dans la cheminée. Dans la flamme un visage se forme, insoutenable. Ses yeux me fixent, et le sourire qu'il m'adresse est indicible. Je détourne le regard. La flamme à présent ricane d'une voix sonore. Sur l'étagère de la cheminée, un bébé pleure : en fait c'est une vieille poupée démembrée qui geint. Ou qui rit aux éclats, comment savoir ? M'adressant à tous les fantômes qui m'entourent :<o:p></o:p>

    - "Que me veux-tu poupée du Diable ? Et toi tête infernale, cesse tes ricanements imbéciles, détourne ton regard atroce !"<o:p></o:p>

    Et voilà que le téléphone me répond... La sonnerie reprend, plus terrible que jamais. L'appareil fait résonner la pièce de ses clameurs perçantes. S'y ajoutent des rires, des hurlements, des éclats de toutes sortes émanant des murs, de la cheminée, des fenêtres closes. Et le visage dans le feu qui fait des grimaces monstrueuses... Il fait sombre dans la pièce, mais bientôt le feu jette des lueurs horribles sur les murs décrépits. Le visage étrange et pervers se projette sur le couvercle du cercueil qui fait face à la cheminée. La poupée démembrée tourne la tête vers moi, et de sa voix ridicule et effrayante :<o:p></o:p>

    - "Raphaël, je te propose une partie d'échec ! Le perdant sortira d'ici libre, le gagnant se retrouvera dans la cave de cette demeure... Si tu me libères de cette maison, c'est toi qui sera à ma place sur la cheminée, et moi, moi je courrai les vents dans les champs, les champs, champs, champs-champs... Et tu vois le feu, le feu des vents de la radio qui met en pleurs tes angoisses, et de la chaise montante qui descend et roule-roule ses roulettes enrayées aux fleuves amers et les mers des mêmes mémés mortes à même d'émettre mes mètres aux maîtres d'acier..."

    Je mets fin aux propos incohérents de la poupée en la fracassant contre le mur. Sa tête éclate dans un bruit spongieux. Du "sang de poupée" éclabousse la paroi moisie. Une idée me vient : avec le doigt, fébrile, j'écris en rouge sur le couvercle du cercueil qui me barre toujours le passage : OMAR, OUVRE TOI !
    <o:p></o:p>

    En un instant je suis dehors, en plein soleil. Silence total. Pas un bruit. Le couvercle du cercueil a disparu. Tout est redevenu comme si rien ne s'était passé. Je repars comme je suis entré : à pas feutrés. Comme si rien ne s'était passé, décidément...<o:p></o:p>

    Derrière moi la maison abandonnée gît sous le soleil d'été, muette, paisible, presque anodine. Je me retourne : vraiment, rien ne semble s'être passé sous ce toit effondré aux murs lézardés. Mais je n'ai pas rêvé. Les fous et les romantiques croiront s'ils le veulent à mon histoire, les autres riront, mais pour ma part je préfère encore ne plus y songer et laisse à qui voudra le résoudre le mystère de la maison abandonnée.<o:p></o:p>

    437 - Septembre

    Septembre, enfin !<o:p></o:p>

    Saison des glas, mois des retours, royaume de la mélancolie, septembre enchante les âmes d'envergure de ses parfums d'encens, de ses teintes funèbres, de ses violons mornes. Septembre fait fuir les couleurs immodestes de l'été, chasse les chants impies de la viole, ôte aux femmes leurs robes légères, les farde de terreau. <o:p></o:p>

    Fertile, contemplatif et horticole, septembre a raison des vanités estivales. <o:p></o:p>

    En septembre les cigales méditent, les jardins se fanent, les cimetières s'embellissent. Septembre est un verger d'humus, une promesse de mort, l'éden des incarnés, l'hymne des luthistes, la récompense des éplorés, la vengeance des vendangeurs.<o:p></o:p>

    Bacchus, Euterpe et mon voisin de palier sont les hôtes de septembre : le neuvième mois assoiffe les affamés, dénoue les langues, rapproche les frileux.<o:p></o:p>

    En septembre les marbres s'allègent des feuilles tombées, le vent endort champs, arbres, hommes. La terre berce les défunts, prolonge les racines, s'enrichit de fleurs mortes.<o:p></o:p>

    Et moi je renais.<o:p></o:p>

    438 - L'autorité du chapeau

    Il ne savait ni lire ni écrire, ajoutait de la gnôle à sa soupe, puait comme un diable, titubait comme un imbibé qu'il était, chiquait du mauvais tabac... Cela dit il portait le plus haut chapeau du village, aussi était-il respecté, jalousé, craint. Il avait pour lui de porter comme un chef son grand chapeau sur la tête... Homme devenu puissant, important depuis qu'il avait trouvé ce vieux haut-de-forme dans son grenier, le père Chaudot usait de son nouveau pouvoir sans retenue. <o:p></o:p>

    Il exigeait de sonner les cloches de l'église, de faire partie du cercle intime des notables, d'ouvrir la cérémonie du 14 juillet, de fermer les portes de la mairie, de seconder le premier adjoint, de serrer la main du garde-champêtre, de l'employée de mairie, et même du pharmacien ! <o:p></o:p>

    Homme devenu respectable, en tout cas homme au chef dûment couvert de feutre et de prestige, ce qui était déjà beaucoup au village, le père Chaudot passait pour LA personnalité locale, jetant une ombre insolente sur la renommée du maire fraîchement élu. Ce dernier ne portait d'ailleurs qu'un plat béret.<o:p></o:p>

    Le maire peu à peu était descendu dans l'estime de ses administrés. Descente proportionnelle à la hauteur du chapeau de son rival. Bientôt ce fut le père Chaudot qui sembla faire la loi au village : c'est lui qu'on invitait à dîner, lui qu'on admirait, lui qu'on écoutait.<o:p></o:p>

    Six ans plus tard le père Chaudot, bien qu'il fût analphabète, incapable et passablement altéré par la gnôle, fut élu maire du village.<o:p></o:p>

    439 - Miracle dominical

    A la messe du dimanche matin il se passe de temps à autre des petits miracles : sous les voûtes d'une cathédrale prestigieuse ou d'une humble église de campagne la grâce peut soudainement descendre, faire frémir les statues, briser la pierre des coeurs.<o:p></o:p>

    Face aux fidèles un visage apparaît, au regard plein de pureté. Celui d'un enfant ou d'une jeune fille. Silhouette diaphane sous la lumière des vitraux... Alors les lèvres se tendent, une voix fluette s'élève, fervente. Et sème au vent de l'esprit une prière qui emplit tout l'espace, fait oublier et le passé et les jours à venir. Et une minute durant abolit même l'épouvante de la mort, fait désirer les sommets de l'autre monde. <o:p></o:p>

    Là, le Ciel brouille ma vue, éclaircit mon esprit.<o:p></o:p>

    Ce chant en solo m'émerveille, me trouble, me bouleverse, entraîne mon âme dans les hauteurs rares de ses savants aigus. Le visage de l'interprète au timbre cristallin devient radieux sous l'effet de la pieuse harmonie. Une parcelle d'éternité passe à travers la gorge frêle. <o:p></o:p>

    C'est le chant de l'ange.<o:p></o:p>

    440 - Ernestin ou le sexe fort

    Il ne jurait que par les femmes couillues : Ernestin aimait les ogresses. Lui-même terrassier de délicate constitution, il avait la prétention de faire ployer les créatures faites de bois dur. De sa voix de fausset Ernestin adressait ses galanteries à de musculeuses fermières, à d'indociles maîtresses de maison, à de viriles bûcheronnes.<o:p></o:p>

    Certaines riaient de bon coeur de ce frêle homme au discours si hardi. D'autres raillaient plus férocement ce petit mâle prétentieux se livrant non seulement à des travaux de force, mais encore à de ridicules séductions. Alors Ernestin piqué au vif, l'oeil égrillard, prenant des airs de coq, se faisait fort de prouver sa vigueur à ces dames de chêne. Et c'était chose inouïe que cet organe qu'il leur présentait aussitôt ! Avec son manche de pioche entre les mains, Ernestin le terrassier chantait comme un rossignol.<o:p></o:p>

    Il les captivait littéralement avec son bel appareil vocal. Gorge déployée, empoignant avec fièvre son instrument de travail, Ernestin poussait, forçait la voix pour mieux séduire son auditoire de colosses. Il chantait à tue-tête, et bientôt les matrones s'attendrissaient.<o:p></o:p>

    Elles demeuraient longuement auprès de ce gallinacé au si beau panache. Jusqu'à ce que, lui-même épuisé par ses roucoulades savamment modulées, finisse son récital en apothéose, se répandant en longs jets phoniques, crachant son cocorico ultime le coeur battant, les tempes humides, sa hampe à la main.<o:p></o:p>

    Ernestin le gracile, terrassier à la pioche infatigable, pouvait se targuer d'honorer les fortes dames de son bec mélodieux.<o:p></o:p>

    441 - Jésus de Vire

    Elle partit de Vire comme une andouille pour se rendre à Lourdes en quête de miracle. Ce dernier eut lieu : elle dépensa une petite fortune en objets de dévotion qu'elle se mit à chérir imbécilement, elle qui d'ordinaire était si avaricieuse.

    De retour à Vire la sotte femme prit un amant de passage. Celui-ci l'engrossa en le faisant exprès, puis la quitta par inadvertance. Elle enfanta d'un mâle qui fut baptisé "Jésus".
    <o:p></o:p>

    Jésus grandit à Vire entre vierges en plastiques remplies d'eau de Lourdes et mère peu dévouée. Il devint sonneur de cloches à l'abri du besoin. Monsieur le curé -homme fier, austère, injuste, violemment antistatique- en fit un parfait paillard, alors qu'il prônait avec ardeur l'abstinence lors de ses sermons.<o:p></o:p>

    Au pays des pommes Jésus de Vire passait pour une poire. Maladroit, cruel, aliéné par la folle piété de sa génitrice -vraie bigote à l'opposé de la mère castratrice-, homosexuel peu refoulé, esprit tordu bien que faible, Jésus de Vire visita Lourdes vers sa vingtième année. Là, il reproduisit aussi fidèlement que possible le parcours de sa mère. De son union passagère avec une amante oublieuse, il hérita d'un fils, Joseph. Ce fut le nom presque involontaire que la mère donna à sa progéniture avant de l'abandonner à son géniteur.<o:p></o:p>

    A Vire désormais vivaient Jésus et Joseph, derniers d'une lignée détonante.<o:p></o:p>

    442 - Un homme honnête

    Monsieur Richard est gras, gros, riche.<o:p></o:p>

    Non content d'avoir l'argent, le pouvoir, la gloire, il a aussi la loi avec lui. Satisfait, comblé, repu, il s'adresse avec dédain à ses semblables moins fortunés. Monsieur Richard est honnête, courageux, égoïste. Il aime sa femme, sa patrie, son confort.<o:p></o:p>

    L'or l'attendrit, la misère l'endurcit : monsieur Richard est un homme sans pitié. Travailleur, railleur, obstiné, sévère et exigeant, il ne supporte pas l'oisiveté. Pour lui tout pauvre est inactif, tout actif est théoriquement bien portant, casé, heureux. Monsieur Richard travaille, agit, écrase.<o:p></o:p>

    Son credo : l'argent. Ses moyens : l'argent. Son but : l'argent.<o:p></o:p>

    Monsieur Richard ne fait pas de quartier : les pauvres méritent leur sort, les riches ont droit au respect. Les juges lui donnent raison, les puissants le soutiennent, les gens de la rue l'envient. Personne ne l'aime, tout le monde le respecte : monsieur Richard est gras, gros, riche.<o:p></o:p>

    443 - La tombe

    Je flânais sous la Lune, m'égarant avec délices sur des terres que je n'avais plus parcourues depuis des lustres, que je reconnaissais vaguement. Sur mon chemin de hasard je croisai une tombe qui sous l'effet de l'astre jetait une ombre funèbre. L'humble croix de bois se dressait dans la campagne. Étrange, jamais je ne l'avais remarquée auparavant...<o:p></o:p>

    Intrigué, je m'approchai... J'y lus le nom d'un ermite que j'avais bien connu jadis. Ainsi ce vieux fou était mort ! Selon sa volonté il avait été mis en terre là où il avait vécu : nulle part, loin de tout. Une vie simple, admirable en vérité. Alors me revinrent les souvenirs de ce passager hors du temps, à l'écart du monde, épris d'idéal.

    Sa piété était grande, sa joie spirituelle immense, son antre minuscule. Il vivait comme un pauvre, riche de son renoncement. A l'époque, admiratif, méfiant et amusé, j'écoutais ses histoires, toujours belles, inspirées, mystiques. Mais chimériques pour l'hérétique que j'étais.
    <o:p></o:p>

    Je m'attardai sur sa tombe, affligé de constater qu'une vie aussi glorieusement incarnée, honnête, saine, se nourrissant d'altruisme, de prières, d'espoir pouvait s'achever misérablement sur la pourriture. Peu réjouissante condition humaine qui me laissait perplexe, désabusé.<o:p></o:p>

    Je décelai une fissure sur la dalle. Le pauvre illuminé était mort depuis si longtemps... Machinalement je posai le pied à l'endroit de la fissure. Alors il se passa une chose extraordinaire, inimaginable : mon talon s'enfonça, la pierre se fendit, le gouffre macabre s'ouvrit. L'épouvante me gagna, très vite remplacée par l'incrédulité, l'ébahissement, l'émerveillement : de la tombe surgit un puissant geyser de ciel bleu, un pur jaillissement d'azur, une éblouissante irruption de bleu, un torrent de lumière d'une beauté inouïe ! Un rayonnement de bleu intense dans le silence de la nuit qui dura deux minutes tout au plus. Phénomène inexplicable et pourtant réel qui devait bouleverser le cours de mon existence.<o:p></o:p>

    Ces flots azurés sortant de la sépulture m'avaient raconté là un grand mystère que j'étais loin de soupçonner. Tant d'évidence ne pouvait me laisser de marbre. Touché par cet aperçu de ciel fusant de la fosse, je fus converti. <o:p></o:p>

    Je me fis ermite à mon tour.<o:p></o:p>

    444 - Déclaration d'amour

    "Cher Marquis,<o:p></o:p>

    Vous n'ignorez plus les sentiments que je vous porte. Les transports de l'âme souvent rejoignent les fièvres de la chair non pour offenser l'Amour mais au contraire pour le décupler. Ma vertu se résume à la flamme que je vous destine, beau Marquis.<o:p></o:p>

    Aimer, n'est-ce point la quête absolue ? Ha ! Marquis, vous dirai-je l'émoi qui m'envahit l'autre jour lorsque dans mon boudoir vous conquîtes mes terres les plus extrêmes ? Pudeur s'inclina face à Volupté : ma modestie s'évanouit devant l'assaut suprême de votre chibre qui me fit l'honneur de sa visite, et toute bouleversée je vous demandai de me le bien mettre jusqu'aux roustons afin qu'il ne faillît point dans son mâle ouvrage.<o:p></o:p>

    Et vous Marquis, vous me le logiez avec la science juste des coeurs épris. Vous me foutiez à l'endroit, à l'envers. Votre gros braquemart allait, venait, s'attardait, avec rage me sondait. Alors vos roubignoles en dedans de moi se dégorgeaient, et je trouvais l'hommage digne d'un hyménée contracté devant le prêtre... Mes sentiments à votre endroit n'en furent que plus sincères, Marquis. <o:p></o:p>

    Aussi, moi Mademoiselle de la Virtus, fille de l'Archiduc du même nom, je vous demande de m'épouser en grande pompes afin que je puisse chaque soir retrouver l'objet de tous mes transports dans une matrimoniale légitimité, et qu'ainsi sous l'alcôve votre énorme porte-couilles me saille avec la bénédiction de l'abbé qui nous aura passé l'anneau.<o:p></o:p>

    Marquis, vous considèrerez avec gravité ma flamme. Une jeune fille honnête ose en toutes lettres vous ouvrir son coeur, après vous avoir ouvert ses plus profonds trous-à-foutre. J'espère qu'après avoir purgé le contenu de vos roupettes au fond de mes femelles béances, après avoir fouillé de fond en comble mon séant, exploré avec fureur mes foutrailleuses entrailles utérines, enfin après m'avoir prise à l'endroit, à l'envers, vous daignerez prendre ma main.<o:p></o:p>

    Je n'oublierai jamais l'hommage de votre braquecouilles au fond de mes féminins autels. Je vous aime Marquis. En attendant votre réponse permettez que je baise avec décence le voile virginal de l'Amour encore tendu entre nous. Le mariage seul le pourra déchirer.<o:p></o:p>

    Mademoiselle de la Virtus"<o:p></o:p>

    445 - Monde de chiens

    Sales cabots ! Je n'ai pas pitié de vous. Plutôt de vos maîtres dénaturés. Comment des humains normalement constitués peuvent-ils aimer des chiens ? Créatures au ventre répugnant, au pelage puant, aux moeurs plébéiennes, je vous hais ! Vous les gueules aboyantes, vous les haleines fétides, vous qui naissez avec la salive au bord des babines, vous m'inspirez dégoût, répulsion, horreur. Parasites de nos rues, cessez de souiller les caniveaux, allez plutôt crever dedans, et promptement encore ! Votre place n'est pas ailleurs que dans la fange.<o:p></o:p>

    Je me débarrasserais de vous sans aucun scrupule si je le pouvais ! Vous les chiens, que vous soyez bâtards ou racés, que vous soyez princes des salons ou gueux des taudis, vous êtes des insultes sur pattes, des offenses vivantes, les déchets de nos villes.<o:p></o:p>

    J'allègerais volontiers la planète en bannissant vos quatre pattes de sa surface, sales clébards ! Du plus petit au plus gros, du plus attendrissant au plus laid, je vous ôterais la peau du dos, je vous désosserais si je le pouvais ! Plus de granulés à fabriquer dans nos usines pour vous nourrir, chiens que vous êtes ! Il n'y en aurait que pour les chats. Eux sont des créatures bénies des dieux, eux sont des gens propres, eux sont des personnes subtiles. Eux sont mes vrais amis. Les chats, enfants du Ciel, tout proches des anges... Mais vous les chiens, votre nom même est une injure, vils agresseurs de postiers, traînards des poubelles, renifleurs d'excréments ! <o:p></o:p>

    Ne mettez pas la patte chez moi, maudits chiens ! Fuyez mon foyer, allez extorquer chez le voisin votre pitance indue. Mais pas chez moi. Vous vous tromperiez de porte. On vous a abandonné sur les routes des vacances ? Soit. Vous pouvez crever maintenant ! Pas la peine de venir chez moi. Vous avez bien profité de la bêtise de vos maîtres qui vous ont hébergés, nourris, soignés, allant -les insensés ! - jusqu'à vous céder leur fauteuil, jusqu'à vous mettre des morceaux de repas dans la gueule en plein dîner familial ? Vous vous êtes bien gobergés sous nos toits ? Vous pouvez tous aller au diable maintenant ! <o:p></o:p>

    Retournez aux enfers et n'en ressortez plus, maudites bêtes ! <o:p></o:p>

    Cerbère est votre vrai maître.<o:p></o:p>

    446 - Fini de rire !

    Je suis un bandit, un vaurien, un vendu. Ennemi de la société, le crime est mon pain quotidien, la tentation du gain facile étant chez moi une soif impossible à étancher... Je suis né sous le signe de la corruption, j'ai du sang sur les mains et dans mes veines coule le Mal. Mais aujourd'hui je suis entre quatre murs, aux fers : la Justice a mis fin à mes progrès sur le chemin du vice.<o:p></o:p>

    L'heure est venue de payer une vie vouée à la débauche. Je suis un gredin, un brigand, un misérable. L'homme sans foi ni loi doit répondre de ses méfaits devant le Ciel et la Terre. La mise au ban, l'injure, la honte, voilà mon héritage. J'ai bien joui de l'existence, j'ai assassiné sans compter, dormi du sommeil du scélérat dans les lits de mes victimes. J'ai dépouillé la Vertu, vidé leurs poches aux mortelles dépouilles, volé bourses et vies pour tuer le temps, fais mourir l'innocent pour nourrir le vice. Oisiveté, or, plaisirs : tels furent mes maîtres. Je suis une fripouille. <o:p></o:p>

    Les pauvres que dans le dos j'ai égorgés, les riches que par derrière j'ai occis, les barreaux de ma prison ne les ont pas empêchés d'entrer. Quelle compagnie !<o:p></o:p>

    De mon cachot, leurs cris de vengeance me tiennent éveillé. Impossible d'éviter ces crânes, éclatants de vérité ! Depuis les ténèbres de ma cellule, j'y vois mieux que sous le soleil du crime. Leurs orbites sont profondes de reproches et leurs dents blanches en disent long sur mes noirceurs... Ricanent-ils ? Menacent-ils ? Les deux à la fois : ils crânent.<o:p></o:p>

    Je ne ris plus, non je ne ris plus du tout de mes coups, rongé par le remords.   Las ! Pourquoi n'ai-je pas préféré un chemin plus clair ? Trop tard pour se repentir ! La Justice est passée, je ne ris plus. Non, vraiment je ne ris plus... <o:p></o:p>

    J'implore le pardon de mes victimes. Que Dieu ait pitié de mon âme car je suis un bandit, un vaurien, un vendu. <o:p></o:p>

    Demain à la première heure je serai un pendu.<o:p></o:p>

    447 - Le triomphe de l'esthète

    Elle aimait déplaire. Grande, belle, riche, elle remerciait les serveurs en crachant dans les coupelles, prenait congé de ses amis avec des mots cassants, émettait des critiques négatives sur les oeuvres d'artistes prodigues. <o:p></o:p>

    Détestée de tous, la vipère hautaine plut à l'auteur de ces lignes, esthète notoire. Je lui déclarai mes feux d'un crachat au visage. Sa gifle scella notre idylle. Couple maudit doublement honni, nous accouchâmes d'un enfant et d'un livre. Précisons que l'enfant était l'oeuvre de la mère, le livre le fruit de ma plume.<o:p></o:p>

    L'enfant fut baptisé Nestor, le livre fut intitulé Pastor.<o:p></o:p>

    Le premier n'avait rien d'extraordinaire, le second en revanche était une fort belle chose qui eut un succès retentissant auprès de l'espèce lettrée. Je répudiai la génitrice d'une si piètre oeuvre issue d'une inesthétique, laborieuse grossesse, tout au succès de mon ouvrage enfanté quant à lui dans les bercements légers, enchanteurs des muses.<o:p></o:p>

    Enfin je pris pour épouse définitive la Poésie, mère autrement plus féconde, flanc prolifique donnant plus de chefs-d'oeuvre que n'importe quel ventre femelle.<o:p></o:p>

    448 - Trésor d'avare

    Il détestait par dessus tout dépenser. <o:p></o:p>

    Son argent étant sa raison de vivre, il préférait encore le savoir en train de croupir dans son coffre plutôt que de devoir alléger ce dernier d'un fifrelin. Le contenu de sa cassette aurait pu lui donner l'aisance jusqu'à la fin de ses jours. Mais il préférait vivre chichement, avec la faim pour seule compagne. Il considérait d'ailleurs la faim comme un démon qu'il lui fallait apprendre à dominer, non comme un maître à servir. Dérobade d'avare...<o:p></o:p>

    Selon lui, résister à la faim était une vertu, tandis que flatter ce tyran réclamant pain frais et soupe chaude tenait du péché de faiblesse. Succomber à la tentation de faire un bon repas aliénait sa liberté d'économe, invoquait-il comme prétexte. <o:p></o:p>

    Astreint à un régime alimentaire odieux, il tombait régulièrement malade. Sa fortune hermétiquement scellée eût pu lui payer les soins nécessaires à son rétablissement. Mais il préférait encore souffrir les affres de la maladie plutôt que de dépenser dix sous chez l'apothicaire. Le prix des remèdes n'en valait pas la chandelle estimait-il, et le temps finirait bien par avoir raison du mal... Et en effet, sa patience était chaque fois récompensée : loin de l'affaiblir, la maladie finissait par l'endurcir. Privilège de ladres ! Une raison de plus pour faire du temps sa médecine préférée car le temps au moins, au contraire des potions, ça ne mange pas de pain !<o:p></o:p>

    C'est ainsi que notre héros vécut fort longtemps. A son enterrement ses héritiers se partagèrent le privilège de côtoyer pour l'éternité sa tombe car, moins sobres que leur riche aïeul, ils étaient tous morts d'excès divers longtemps avant lui, si bien que seul le coffre perpétuellement scellé hérita de la fortune du pingre.<o:p></o:p>

    PRECISION DE L'AUTEUR<o:p></o:p>

    La morale de mon histoire, c'est qu'à force de privations l'avaricieux vit plus longtemps que ses sots héritiers (morts d'avoir trop bien vécus) et que nul profiteur ne trouvera son argent oublié dans le coffre voué à la pourriture. Autrement dit, l'avare emporte avec profit son argent dans la tombe : il meurt satisfait et non amer.<o:p></o:p>

    Ce sont les potentiels héritiers restants les vrais lésés, pas notre cher avare qui est le héros positif de mon histoire. C'est la cause de ce personnage pittoresque que je défendais, et certainement pas la morale des dépensiers qui s'imaginent vivre plus dignement parce généreux avec eux-mêmes ! J'aime les avares.<o:p></o:p>

    Etait-ce donc si peu clair dans mon texte ? C'est que certains me reprochent une certaine ambiguïté... En ce cas que l'on me permette de clarifier la chose : dans ce texte je rends hommage aux avares, raille les dépensiers. <o:p></o:p>

    449 - Un honnête homme

    Je suis un grand homme. J'aime me mesurer à mes ennemis, me vanter de mes exploits, vivre en harmonie avec mes convictions. J'ai fait la guerre, traversé les années, défié les jours qui passent. J'ai perdu des batailles avec panache, achevé mes adversaires tombés à terre sans hésitation, me suis ennuyé à attendre que le temps passe. Et suis toujours debout. <o:p></o:p>

    Enfin je veux dire assis.<o:p></o:p>

    La guerre a fait de moi un homme. J'ai frappé par derrière avec efficacité, égorgé les blessés sans retenue, massacré les plus faibles. Magnanime, âme de valeur, j'ai cependant laissé la vie aux plus forts. J'ai eu faim en ces temps martiaux : alors j'ai mangé sans compter. Mes camarades d'infortune moins futés que moi sont crevés de faim. Les sots ! Ma subsistance de guerre était là, à bout de fusil. Il me fallait juste demander. Mes camarades de combat ont été gentils avec moi. Aucun n'a refusé sa pitance à l'honnête homme qui voulait rester en vie. Il faut dire que je les ai bien payés : deux balles la ration. <o:p></o:p>

    De fait j'ai surtout souffert d'indigestions. Mon plus fameux fait d'arme a fait de moi une légende vive, au moins à mes yeux. Devant le danger je n'ai écouté que mon courage : j'ai fui.<o:p></o:p>

    A toutes jambes et sans regret. Ce qui ne fut pas le cas pour les plus lâches, prétextant blessures ou arrêt du coeur. Mauvais patriotes qui se font porter pâle pour cause de balle perdue ou reçue, ou je ne sais quelle jolie excuse ! Moi je me suis senti un héros. Tant qu'on ne m'avait pas encore tué. Finalement j'ai gagné la guerre à force de patience. <o:p></o:p>

    Non sans mal toutefois : rations doubles et discretion m'ont permis de tenir dans ma cachette. Ma tactique : le "chacun pour soi". <o:p></o:p>

    Après la guerre, j'ai demandé une décoration. Pas en montrant mes blessures, mais mes écus. Elle m'a été accordée moyennant bonnes finances. Avec ma médaille chèrement payée de ma personne j'ai bénéficié d'un droit d'autorité inné sur les pauvres, les petits, les pas méchants. Profitant de ma situation, j'ai flatté mes ennemis, écrasé mes amis, me suis enrichi bravement à la force de mes poings.

    J'ai pu passer ma vie à manger, dormir, rire sans me soucier de devoir pleurer sur le sort des autres. Tout un art. D'ailleurs je ne pleure que sur moi-même. J'ai même pu choisir mes amis en les achetant. L'argent permet tout.
    <o:p></o:p>

    Je suis béat, heureux, satisfait, content, rassasié, repu, gavé, fourbu, rompu, brisé, crevé...<o:p></o:p>

    Et pour tout dire, ecoeuré de moi-même.<o:p></o:p>

    450 - Emoi au village

    Les rosières trépignent devant la salle des fêtes. Déjà en état d'ébriété avancé, le garde-champêtre supervise tant bien que mal l'organisation. De zélés administrés s'improvisent auxiliaires municipaux, le béret bien vissé, fiers comme le coq penché du clocher. Les anciens (respectés parce qu'ils ont connu le Café-Tabac d'avant la guerre) jouent de la casquette le mégot humide collé à la lèvre inférieure, le rire gras comme les frites-saucisses qu'on sert sur les tréteaux, l'haleine fraîche comme le rosé, la bedaine héroïque. <o:p></o:p>

    Le bedeau, incorrigible vieux garçon qui ne connaîtra décidément ni les subtilités de l'amour ni l'usage du savon lorgne l'assistance femelle, l'oeil égrillard, un ballon de rouge d'une main, le drapeau tricolore de l'autre. <o:p></o:p>

    Ils sont tous là : le maire avec son écharpe républicaine qui impressionne tant la vieille Taupine, que certains prétendent de Hambourg mais qui en réalité est née au village, qui plus est ennemie farouche des Boches... <o:p></o:p>

    Il y a le curé bien sûr, la soutane imprégnée de naphtaline, le missel à la ceinture, prêt à dégainer au moindre appel du Ciel. Bon vivant, bon buveur, bon prêcheur, mauvais exemple, il aime ses ouailles impies, déteste les pécheurs véniels. Allez comprendre ! <o:p></o:p>

    Le premier adjoint quant à lui ne manquerait pour rien au monde les festivités : il rayonne, auguste, le regard dur, la chique molle, enivré depuis la veille à l'idée de parader au milieu des administrés, pénétré de son importance municipale. Il brigue le trône aux prochaines élections et a d'ailleurs promis d'arrêter la chique le jour où il sera élu.<o:p></o:p>

    Le commis Alphonse : toujours là quand il y a distribution gratuite au buffet de la mairie, traînant odeurs de foin et relents de gnôle. Analphabète, épris de ses guêtres, le souffle chaud, le chapeau crasseux, les manches râpées, il n'est pas difficile l'Alphonse : il ne demande qu'à faire son trou au village. Et puis au cimetière aussi, il y tient chèrement. Un romantique l'Alphonse, le dernier des Mohicans.

    La moitié des avinés ne sait pas ce qu'on fête à la mairie. L'autre moitié a oublié, grisée par l'ambiance, emportée par le souffle puissant, divin de l'accordéon. Peu importe le flacon : la salle des fêtes est pleine, le maire balbutie de joie - enfin d'ivresse -, le bedeau est aussi sonné que ses cloches, le père Eugène, béquilleux, danse sur ses trois pattes.
    <o:p></o:p>

    L'émotion est grande ce soir au village.<o:p></o:p>

    451 - Un grand homme

    Il rêvait de lauriers, d'océans, de jours éclatants. <o:p></o:p>

    Il regardait le ciel avec gravité, prenait la parole avec emphase, marchait avec dignité. C'était un tribun, une légende, un héros dans l'âme. Plein de componction, il considérait les événements de sa vie avec la hauteur de ceux qui se savent supérieurs. <o:p></o:p>

    Soucieux de son image publique, il prenait soin de sa longue barbe, de l'intonation de sa voix, pesant chacun de ses mots de sorte que ses interlocuteurs soient persuadés d'avoir en face d'eux un grand philosophe, un subtil stratège, un esprit pénétrant embrassant maintes connaissances. Magistral, secret et pédant, l'homme rayonnait dans sa basse-cour. Avec ses allures de César, il occupait naturellement une haute fonction de la vie sociale.<o:p></o:p>

    Il avait décidé que sa mort serait à l'image de sa vie : pontifiante, exemplaire, mythique. Il se complaisait d'ailleurs à décrire ses derniers instants dans ses livres sérieux, ce qui impressionnait beaucoup ses lecteurs. Si bien que nul n'ignorait que cet homme était une statue vivante, une toge ambulante, une barbe de bronze.<o:p></o:p>

    Olympien, profond, solennel, ce grand personnage s'attendait à s'éteindre comme un astre : avec majesté, cérémonie, mystère.<o:p></o:p>

    Il mourut d'une glissade sur une déjection canine. Lorsqu'on le ramassa, sa main étreignait encore sa baguette de pain.<o:p></o:p>

    452 - Les affres de la condition humaine

    Je suis un rebelle, un antisocial, un réfractaire, un révolté : je laisse des traces de doigts sur les carreaux propres, mets un demi-sucre dans mon chocolat, utilise du papier rose pour faire mes devoirs. Écorché vif, je pleure à tièdes larmes quand on me tire la langue, ris avec une haleine pas fraîche quand je torture des escargots en les saupoudrant de poivre. <o:p></o:p>

    Plus tard quand je serai grand, je me vengerai. Mon destin sera tragique, romantique, absolu. Je m'engagerai dans une voie anti-conventionnelle, héroïque et désespérée : la voie du Destin. C'est comme ça que je l'appellerai.<o:p></o:p>

    Et je boufferai des sucettes écoeurantes et des gros gâteaux bourratifs à m'en péter la panse, à m'en claquer les boyaux, à m'en "enchiasser" les tripes ! Et je tuerai les mouches toute la journée. Et je perdrai mon temps à faire des ronds de fumée avec un gros cigare. "La voie du Destin"...<o:p></o:p>

    Je suis une âme en peine, un enfant du Destin, un soleil éteint. Privé de dessert, j'erre au hasard le coeur à vif. Demain sera un autre jour. Mais déjà je serai mort en dedans de moi. Que m'a-t-on ôté de mon Destin, que je ne saurai jamais ? Charlotte aux fraise, baba au rhum, ou plus modestement banane, pomme,  prune ? Allez savoir ! Je suis déjà mort, éteint, asséché. <o:p></o:p>

    "Privé de dessert !". Ces mots qui tuent. Trois mots intolérables... Moi qui n'ai vécu que pour mieux donner un sens au mot "dessert"... Un froid mortel gèle mon âme. Le tombeau s'ouvre devant moi. Il me faut y entrer sans mon dessert. Finir mon repas sans joie, me coucher avec un estomac frustré, moi l'affamé de sucre, poignardé dans le dos par l'injustice... Rimbaud, Baudelaire, Hugo, à moi ! <o:p></o:p>

    Attendez-moi. De vos lointains exils, entendez-vous l'appel du désespéré aux culottes encore brèves ? Quand je serai grand mes amis, mes chers amis, je sortirai de la tombe de l'enfance et alors, alors je me ferai aviateur, croque-morts et même pourquoi pas, pâtissier !<o:p></o:p>

    PRECISION DE L'AUTEUR<o:p></o:p>

    A travers ce texte je tourne bien évidemment en dérision certains creux "rebelles" qui pour bien peu de choses usent de mots décidément trop grands pour eux... <o:p></o:p>

    453 - A mes bienfaiteurs

    A vous chers précepteurs, à vous bienveillants conseillers en tous genres, à vous assureurs de vies, à vous guides bien droits, bien drus, bien drôles, à vous pairs, vassaux, héritiers, supérieurs, disciples et détracteurs, je destine ces mots. <o:p></o:p>

    Vous m'avez élevé la tête au-dessus de vos souliers, et je les ai trouvé bien cirés, bien que pompeux. Vous m'avez fait partager vos cours de récréation et même si je ne m'y suis pas amusé, votre attention n'était pas vaine. Touchant le fond de vos pensées, j'ai eu l'honneur de vous recevoir dans mes fêtes. Vous invitiez l'ennui, je chassais le cerf. Vous partiez pour Beyrouth, je revenais par un chemin. Je vous tendais un verre, vous renversiez les rôles. Vos coeurs restaient bien au secs, je me mouillais dans des affaires orageuses.<o:p></o:p>

    Vous les soutanes, vous les souteneurs des causes et des effets, vous les vents d'artifice, j'ai avalé sans rien dire vos postillons, salué vos matins, baisé vos doigts bagués de pigeons sédentaires. Vous avez parrainé mes dons, les bras croisés. Vous mettiez le feu à l'eau, c'était une eau-de-vie. Vous mettiez les nouilles à l'eau, c'était votre plat préféré. Je vous servais la sauce, c'était de la crème. Du gratin. Du beurre avec son argent. Au parfum d'hypocrisie. Empâtés, vous mangiez l'air de rien, la mâchoire forte, l'intestin flatté, la vie frêle. Et moi je vous regardais mastiquer, la patte fine.<o:p></o:p>

    Vous les marchands de carottes, de marmelade et de navets, vous avez toujours vu du bleu dans votre ciel. Vous vouliez me faire rêver. Je n'ai pas marché, j'ai volé de mes propres mains, prenant de la hauteur sur vos profondeurs. En tous sens j'allais. Tout droit vous persistiez. Dans le mur vous avez fait votre trou. Vos serrures toujours bouclées, vous avez manqué de courage. Avec vos fauteuils comme des trônes, vous étiez perchés au-dessus de mon ombre. Vous m'avez proposé fruits et légumes, marbres et coupes de cheveux, bois et peaux, neige et beurre de cacahuète, vacances et bombonnes de gaz, banques et sphères. Je vous ai écouté l'oeil égrillard, l'oreille sourde, le coeur léger.<o:p></o:p>

    A vous tous je n'ai que trois mots à vous dire, vous les trouverez suprêmes : <o:p></o:p>

    JE VOUS EMMERDE.<o:p></o:p>

    454 - Réponse au directeur de mon agence ANPE

    L'ANPE de ma ville m'a demandé de me justifier au sujet de mon silence administratif. Avec sincérité j'ai répondu en ces termes dans la lettre suivante. Puisse-t-elle faire des disciples :<o:p></o:p>

    Monsieur,

    Je ne me présentai effectivement pas à l’ANPE rue Notre Dame tandis que votre administration m’invita à le faire avant le 15 octobre 2004 afin de rencontrer un conseiller dans le but de «construire mon projet d’action personnalisé».
    <o:p></o:p>

    Des circonstances supérieures dictent les actes principaux de ma vie, y compris le fait de ne pas me présenter à vos services. Une folie passagère me poussa à m’inscrire à l’ANPE, alors que fondamentalement j’aspire à vivre selon d’autres normes que celles qu’imposent les (fausses) nécessités de ce monde sous l’emprise de forces prosaïques. Mon inscription à l’ANPE fut un acte de profonde hérésie dont je me repens. Par ce geste inconsidéré je me suis dérobé aux muses, j’ai failli à la Poésie, je me suis menti à moi-même. <o:p></o:p>

    Je ne souhaite nullement nuire aux ministères de ce monde ni les railler stérilement, encore moins bénéficier indûment de leurs largesses : le difficile apprentissage de la pitié m’interdit de succomber à ces bassesses. A bientôt 39 ans je n‘ai plus la volonté de mentir aux agents de l’administration ni de les mépriser ou de profiter de leurs services mais celle de leur enseigner un autre credo, de les élever à ma hauteur avec charité, de leur désigner des sommets plus essentiels que ceux qu’ils s’efforcent de me faire gravir.<o:p></o:p>

    Mon inscription à l’ANPE est le fait d’influences extérieures regrettables tenant pour vrais certains dogmes administratifs. Pressions néfastes (émanant d’âmes honnêtes soucieuses de mon avenir terrestre mais parfaitement hermétiques à la cause poétique) que je n’ai pas eu le cœur de contrer, par faiblesse, par lâcheté peut-être.

    Toutefois je ne suis pas un réfractaire fanatique aux considérations professionnelles et intérêts économiques (j’excuse les profanes), et consens à venir m’humilier dans votre agence à la recherche d’un emploi à temps partiel afin d’éprouver rigueurs et douceurs, misères et gloires du salarié. Du moins me laisser illusionner par les affres dorées qui font le quotidien de mes semblables éblouis par leurs chaînes. A l’image du Christ qui accepta de se laisser tenter par le Mal pour mieux le vaincre. J’aimerais avant de rejeter avec fruit cette existence vulgaire, insane, impie (je n’ai travaillé que deux mois de toute ma vie) pouvoir l’expérimenter encore, descendre dans ses profondeurs vides. Sans fat héroïsme, avec lucidité. Entrer dans la réalité la plus triviale pour la mieux fuir, me rapprocher davantage des étoiles.
    <o:p></o:p>

    Ceci dans le dessein de convaincre mes détracteurs de ma bonne foi. Un feu de longue portée brûle en moi. Le Bien, la Beauté, l’Amour, la Poésie habitent mon âme.

    Avec l’espoir que mes raisons vous auront convaincu, je vous prie de croire, Monsieur, à ma parfaite considération.
    <o:p></o:p>

    455 - A Farrebique

    Le sabot dans le sillon, la main calleuse, voici l'homme des champs. Il n'a pas de lyre mais sa charrue chante mieux que vos muses. Sa terre à lui est noire, profonde, âpre et belle. Il ne maudit pas la boue, a pitié du ver, respecte l'humble chose qui gît, n'ignorant pas même l'ombre du caillou, aime tout ce qui frémit.<o:p></o:p>

    Il n'a pas vos délicatesses, ni votre parler fin, ni vos neuves étoffes, mais il est riche de vertus séculaires. Il tape du sabot sous la chandelle pendant que vous valsez sous des éclats d'artifice : ses moeurs simples plaisent à vos ancêtres, pères agrestes oubliés. Les battements de vos coeurs sont réglés sur l'air du temps, ses amours à lui sont fécondes. Vous êtes plus légers que lui mais il vole plus haut que vous : vous avez de la plume, de l'esprit, de l'aisance, il a de la paille.

    Vous avez la culture, il a l'or.
    <o:p></o:p>

    Cet homme que vous plaignez, né entre l'âtre et l'étable, nourri de pain et d'humilité, vêtu de lin et de crasse est un grand initié. Mystères des saisons, gloire du matin, secrets du soir, légendes lunaires pour vous sont choses vues. Lui, le poing sur la herse, la tête au vent, un brin d'herbe entre les dents contemple le monde de la naissance à la mort. <o:p></o:p>

    456 - La conformation physique d'un héros

    Je suis un héros. <o:p></o:p>

    Toujours les cheveux au vent, jamais perdant, j'avance sans l'ombre d'un doute. Ma tête est un marbre pensant posé sur une statue mouvante. J'adopte à chaque instant des allures épiques. Né avec des lauriers sur le front, j'ai des grâces de prince. Mon coeur est pur, dur, déshumanisé. Je n'ai aucun défaut. La perfection me rend étranger au monde. Insensible à la douleur, incorruptible, ardent au travail le plus pénible, prêt à risquer ma vie pour un grain de sable, une idée, je suis économe de mots. Et supporte sans grimacer le soleil du désert, la glace des hauteurs. Je dors comme un gisant, me réveille avec la gloire du lion, mange du bout des lèvres. Jamais je ne pousse la porte des toilettes. <o:p></o:p>

    Un héros n'a pas d'intestins.<o:p></o:p>

    457 - Rêverie

    Mademoiselle,

    Je vous ai vue dans mon imagination amoureuse jouant entre des marbres républicains (à moins qu'ils ne fussent royaux ?), sous de grands arbres augustes. Jeune femme espiègle qui s'amusait entre des pierres érigées... Je vous ai associée à une allée bordée d'artifices. Image fulgurante. Où était-ce ? Versailles, peut-être.
    <o:p></o:p>

    Versailles, j'en suis sûr ! <o:p></o:p>

    La vision est assez floue mais je vois de hautes grilles de fer forgé, des espaces pavés, une avenue, un parc, des sommets ciselés. L'asile de Mélancolie.<o:p></o:p>

    Dans ce décor idéal qui sied aux évocations les plus chères de l'Amour, je vous ai vue charmer des statues. Des coeurs de pierre battaient autour de vous, des têtes pétrifiées se penchaient à votre passage : vous étiez oiseau de jardin batifolant sous l'escorte figée de silhouettes majestueuses. Deux ailes au soleil, une jupe brève, avec des bruits de souliers fins résonnant dans l'air. <o:p></o:p>

    Vous étiez l'image de la Nostalgie, la femme intemporelle des photos jaunies, l'hôte inaltérable des réminiscences amoureuses, la mémoire universelle d'un peuple d'amants. <o:p></o:p>

    Je vous ai vue mademoiselle comme un souvenir devenu regret, lointain mais intact. J'ai entendu vos rires ingénus dans ces lieux intimes et solennels. Pour tout dire, je rêvais avec nonchalance à ce décor printanier, dominical, anachronique qui m'est si cher. Quand vous êtes apparue.<o:p></o:p>

    Vous traversiez mon rêve, vêtue d'un costume marin sous le soleil blanc d'un dimanche vernal.<o:p></o:p>

    458 - L'air des poètes

    Poète du dimanche, garde ta lyre pour faire peur aux oiseaux. Et va jardiner. Versificateur à la noix, accroche ton luth au cerisier. Faiseur de rimes à la gomme, tes vers ne valent pas ceux des pêcheurs à la ligne. Poète sans souffle, tu parles de l'amour avec ennui. Tu dis que le ciel est bleu, tu chantes la vie, la mort, l'amitié... Et puis quoi encore ? Personne ne t'écoute. Tu radotes, te répètes, nous casses les oreilles. Tu nous fatigues, nous assommes, nous crèves. Que valent tes mots ? Poète je t'assure, si tu es grand, c'est parce que tu mesures au moins deux mètres de haut. Et si tu brilles, c'est parce que tu es lisse.

    Tu nous beugles sur tous les tons que l'amour c'est de l'or éternel, que tes larmes de poète sont des diamants, que les vagues de la mer chantent en choeur, que les étoiles sont inaccessibles... Sot que tu es ! Et tu te prétends poète ? Va, retourne plutôt à ton jardinage. Va vider ton coeur ailleurs. Va nettoyer tes latrines au lieu de te répandre en bave et postillons qui nous importunent !
    <o:p></o:p>

    Poète sans levain, laisse tomber la plume et apprends à faire du pain : l'oeuvre de ton four vaudra toujours mieux que les confidences de tes muses. Tu ne vois donc pas qu'elles se moquent de toi ? Tes inspirations profondes les font rire... Cruelles sont les muses. Tu t'imaginais donc que des fées inoffensives siégeaient dans l'Olympe ? Des chouettes les hantent ! Et toi tu es leur jouet, poète naïf.<o:p></o:p>

    La Poésie est plus féroce que les légumes de ton potager lyrique ! Ta guitare est un panier plein de navets. Que valent tes carottes que j'écrase ? Un jus en sort. Tu prends ça pour du sang. Moi je te dis que c'est du lait. Ca te navre, poète larvé. A nous chanter Homère, tu nous barbes ! <o:p></o:p>

    A débiter tes salades, tu ne fais que ruminer. A nous asticoter avec tes vers, on te prend pour une pomme. A déclamer tes perles, on t'élit roi des poires. William, mais sans Shakespeare.<o:p></o:p>

    Rimailleur épris d'absolu, ivre d'idéal, ne confonds pas le souffle et le vent. En vérité je te le dis, à vouloir faire sonner des mots creux, le poète ressemble vite à une cloche.<o:p></o:p>

    459 - La face cachée de la Lune

    Verte, sournoise, tranchante, voici la Lune qui croasse. Ses ailes d'éther sont de mauvais augure. J'aime les sourires fourbes de cette hanteuse.<o:p></o:p>

    Point crucial de la nuit, oeil errant de la voûte, confidente des clochers, elle accompagne mes veilles, fidèle, moqueuse, attachante. Je trouve sa face subtile, sa caresse ironique, son silence mortel. Elle passe, fécondante, prodiguant mauvais rêves et bonnes fortunes. Ses quiets rayons irradient le malheur. Elle rassure les chouettes, effraie les dormeurs.<o:p></o:p>

    Elle répand son miel dans l'espace, déverse son fiel sur les poètes, rend muettes les villes, fait parler les campagnes... Elle attise les rumeurs, ravive âtres et légendes, délie les mauvaises langues, fait fermer les portes et sceller les coffres.<o:p></o:p>

    Il m'arrive de lui parler. Mes mots pour elle sont tendres. Mais ses éclats sont durs. On la croit pâle, molle, sereine, elle est vive, sèche, tourmentée. C'est une amie sévère qui rit avec férocité, sanglote à faire rendre l'âme.<o:p></o:p>

    J'aime cette séductrice aux joues brillantes, au front lisse, au regard fixe. Ne vous fiez pas à ses allures candides, car la Lune en vérité est une méchante fée, une sorcière qui diffuse un parfum venimeux, suave et mystérieux sur la Terre.<o:p></o:p>

    460 - Virtus !

    Un peu d'humour cruel n'a jamais fait de mal à personne ! Caricaturons à loisir les outrances de la religion...<o:p></o:p>

    La religion est chose édifiante pour l'homme. Les préceptes de la religion de l'amour sont entre autres de bien châtier les enfants afin de leur inculquer ses lois. Surtout les petits infirmes, il faut savoir bien les dresser, bien les redresser, et au besoin à coups de lanières. <o:p></o:p>

    Il faut leur apprendre à se tenir droit à la messe, et ce même si le bon Dieu leur a mis, dans son infinie bonté, la colonne vertébrale de travers. L'homme n'est point un animal, aussi pour sa dignité il se doit de se tenir droit lorsqu'il est en prière. Quant aux autres petits êtres trop débiles pour être sensibles aux coups qu'on leur assène dans le but de leur faire entendre raison, il vaut mieux les livrer tels quels aux feux des démons, parce qu'il semble que ces enfants-là soient le fruit de coupables hyménées.<o:p></o:p>

    Les femmes qui auront péché avant le couronnement conjugal devront expier par là où le mal sera entré. On sera plus indulgent envers les offenseurs de ces femelles impies, tout en exerçant contre eux une sévérité symbolique : les hommes qui se seront rendu coupables d'un tel crime avec des jeunes vierges devront châtier ces dernières devant leurs juges. Ordinairement, le nerf de boeuf sied à cet usage. La femme dont on aura abusé des charmes, que ce soit par la ruse ou par la force, sera durement fouettée.<o:p></o:p>

    Si la femme a été violée hors mariage, elle subira en outre les châtiments prévues pour les vierges pécheresses : la bastonnade. Si le viol a été commis sur une femme déjà grosse, le fruit de ses flancs devenu alors impur se verra refuser le baptême. On le relèguera ensuite, dès qu'il parviendra à l'âge de pouvoir besogner, vers quatre ans, aux travaux des champs. S'il est chétif, il sera voué aux travaux des étables et des écuries. <o:p></o:p>

    On inculquera aux enfants l'amour du travail, le respect de l'argent, des traditions. On leur enseignera l'esprit d'économie, d'austérité, de sévérité. On fera d'eux des hommes. Afin qu'ils puissent plus tard s'unir avec des femmes qui leur donneront d'innombrables héritiers. Le dessein de la femme est de produire des enfants. La bonne mère sera un ventre généreux. La mauvaise épouse sera celle dont le ventre est infécond : ces créatures-là sont plutôt faites pour les plaisirs de la chair, donc pour les perditions. Les hommes qui se seront unis à de semblables monstres seront voués aux flammes éternelles de l'enfer, sauf s'ils paient un tribu financier à l'Église dont le montant est fixé par les autorités cléricales compétentes.

    Ce qui devait être dit a été dit. Qu'il en soit selon la volonté de notre sainte Église catholique, apostolique, romaine.
    <o:p></o:p>

    461 - Une apparition

    L'ange me faisait face. <o:p></o:p>

    Grand, maigre, légèrement tordu, un costume terne sur le dos, une cicatrice crapuleuse sur la joue, ce qui frappait chez lui, c'était son air d'une profonde dignité. Son apparence minable s'évanouissait devant la pureté de son regard. Une infinie noblesse émanait de ce demi épouvantail. Je le devinais incorruptible, puissant, supérieur. Je ne voyais que hauteur, bonté, lumière chez ce pauvre type aux allures un peu louches.<o:p></o:p>

    Il sortit une cigarette de la poche externe de sa veste à la manière d'un petit mafieux sans envergure. Minable jusque dans les gestes les plus anodins... De sa voix grêle l'ange s'adressa à moi en ces termes suprêmes :

    - " Raphaël, je suis descendu jusqu'à toi pour te conforter dans ton parcours glorieux. Persiste sur cette voie, et sans jamais te décourager éclaire les hommes sur les merveilles désincarnées que ta plume évoque. Tu es le messager des causes subtiles, le souffle pur du large, l'azur qui allège les âmes. Continue à répandre sur le monde tes vérités poétiques. Des armées séraphiques te soutiennent. Les horizons de l'univers intérieur sont sans fin, l'esprit qui s'y meut est un principe immortel, indestructible. "
    <o:p></o:p>

    Une bouffée de tabac ingérée de travers le fit tousser. Après une quinte de toux aiguë il reprit, la cigarette aux lèvres :<o:p></o:p>

    - " Méprise les railleries. Soit fort, généreux, chevaleresque. Oppose aux bassesses de tes détracteurs ta noblesse, à leurs noirceurs ton éclat, à leurs vices tes vertus. Les hommes ont oublié l'essentiel. Si tous savent que le corps se nourrit de pain, beaucoup ignorent encore que l'esprit se nourrit de beauté. Ouvre aux aveugles de la Terre la porte de l'infinie lumière. "<o:p></o:p>

    Maladroit et distrait, tout en me parlant de la sorte le messager du Ciel laissait tomber la cendre de sa cigarette sur ses chaussures. Passablement discourtois, il lançait devant moi des postillons et s'essuyait d'ailleurs sans façon les lèvres du revers de sa manche. Etranger aux codes de politesse du monde des incarnés, il poursuivit avec feu :<o:p></o:p>

    - " Raphaël, je te le dis en vérité, ta mission sur Terre est d'enseigner la Beauté. Ta plume est ta force et ton salut. Ta flamme et ton sang. Tu es libre de tes mots Raphaël, aussi fais bon usage de ta plume car il te sera demandé des comptes ".<o:p></o:p>

    Lorsqu'il eut fini de me dire toutes ces choses admirables, sa cigarette était devenue mégot pitoyablement collé à sa lèvre inférieure... En signe de bénédiction, il me salua avec toute la dignité de l'ange qu'il était. Solennel, irradiant de pureté, d'amour, de beauté, il disparut en trébuchant sur son lacet défait.

    Ainsi l'ange était descendu jusqu'à moi, divin dans ses hauteurs, touchant dans son humanité...
    <o:p></o:p>

    Que l'on me permette de témoigner de son apparition et de diffuser son message à travers ce texte en forme d'hommage.<o:p></o:p>

    462 - Mauvaise fille

    Bien qu'elle soit indigente, elle porte sans complexe bijoux et armes à fard. Tirant sur tout ce qui brille, elle excelle dans l'art de subtiliser ce qui n'appartient à personne, perdant son temps à compter ses faux amis comme les maillons de ses bracelets en or. Riche de ses babioles, elle mendie ses biens superflus, vole de l'artifice, achète ce qui ne se vend pas.<o:p></o:p>

    Et dit volontiers la mauvaise aventure moyennant finances.<o:p></o:p>

    Avaricieuse, elle ne regarde jamais à la dépense, surtout lorsqu'il s'agit d'amasser de la fumée. Égoïste, elle nourrit rats et scorpions avec amour. Vicieuse, elle enseigne la chasteté à de vieux eunuques décatis. Méchante, elle prodigue soins et caresses à ses pires ennemis. Les chats blancs sont ses confidents, les colombes ses bêtes noires.<o:p></o:p>

    Elle fait griller des sauterelles pour nourrir plus pauvres qu'elle, se réservant huîtres crues et vins cuits.<o:p></o:p>

    C'est une passante sans le sou, bien avec tout le monde, accompagnée de personne, aimée des cafards et des fantômes : voici celle que l'on nomme Esméralda.<o:p></o:p>

    463 - Le curé Descouilles

    L'abbé Descouilles était burné comme un boeuf, c'est dire le trésor d'eunuque qu'il cachait sous sa soutane... Chez la Marquise Déculade l'abbé Descouilles faisait merveille, vu que la noble dame en connaissait plus long sur les mystères de ses missels que sur ceux de l'anatomie virile. Et pendant que l'abbé s'entretenait chastement avec la marquise, le jardinier du château s'en donnait à coeur joie avec la bonniche : au verger, avec abnégation ils se démenaient pour ramasser tomates et salades, désherber, arranger, ordonner, et ce afin que madame la marquise pût être fière de son jardinier et de sa servante.<o:p></o:p>

    Le jardinier et la bonne à force d'ardeur finirent plus tôt que prévu leur labeur. Et, pénétrant à l'improviste dans le salon du château, surprirent leur maîtresse à califourchon sur un tabouret et derrière elle l'abbé à genoux, toutes fesses dehors...

    Le scandale n'eut point lieu.
    <o:p></o:p>

    Après une brève explication les deux serviteurs se rendirent compte de leur confusion. En fait la Marquise était en prière, ainsi que le prêtre. Ce dernier, victime d'une lourde myopie, avait oublié ses lunettes au presbytère. Et dans son empressement à recevoir dignement la confession de la pécheresse, s'était trompé de sens dans sa posture pieuse. Si bien qu'au lieu de lui faire face à genoux, il s'était mis derrière elle. Par malchance, en se baissant à la hauteur de son ouaille, les coutures de son pantalon s'étaient déchirées (chose qui arrive, même aux abbés), ce qui fait qu'au moment-même où les deux domestiques entrèrent, ils trouvèrent la Marquise Déculade et l'abbé Descouilles en infâme posture. Mais seulement dans les apparences, heureusement...<o:p></o:p>

    C'est du moins l'explication que leur donnèrent les "coupables".<o:p></o:p>

    Mais curieusement à la suite de cet étrange incident on vit de plus en plus souvent le prêtre se rendre chez la marquise sans ses lunettes.<o:p></o:p>

    464 - Monsieur Leblanc

    Monsieur Leblanc est un citoyen exemplaire mais irascible, viscéralement attaché à des principes étranges et ridicules, incompréhensibles pour le commun des mortels.

    Chaque matin il vient demander haut et fort des croissants rassis chez son boulanger exaspéré. Rien ne lui interdit de faire pareille demande, aussi offensante soit-elle, même en affichant avec une admirable feintise un air de reproche à glacer le pain chaud. Aussi s'en donne-t-il à coeur joie. Des rumeurs circulent chez certains clients du commerçant, moins amusés que d'autres par les plaisanteries pétrifiantes de ce boute-en-train...
    <o:p></o:p>

    Monsieur Leblanc a un sens aigu de l'humour.<o:p></o:p>

    A la banque, soucieux de la sécurité de ses biens, notre héros vient faire vérifier son compte de nombreuse fois par jour, lentement, longuement, fastidieusement, scrupuleusement, surtout quand derrière lui s'étire une interminable file d'attente de gens pressés. Régulièrement le préposé lui fait savoir qu'il serait temps pour son client de posséder une carte bancaire afin de consulter son compte directement dans la machine automatique sans plus jamais déranger personne. Il rétorque invariablement qu'il ne souhaite pas posséder de carte bancaire et que de toute façon même s'il en avait une, personne ni aucune loi au monde ne lui interdirait de ne pas s'en servir et de continuer à consulter son compte au guichet, "à l'ancienne". Il ajoute, imperturbable, qu'il est dans son droit le plus strict de demander dix, vingt fois par jour les mêmes renseignements, que cela plaise ou non aux agents, que leur métier de banquier est de lui répondre avec courtoisie à chaque fois, combien il les consulterait jusqu'à trente fois par jour... <o:p></o:p>

    Monsieur Leblanc connaît ses droits.<o:p></o:p>

    Chez le marchand de tabac il achète tous les quatre jours une petite boîte d'allumettes et paye chaque fois avec un billet de 500 euros. C'est sa façon à lui de lutter efficacement contre le tabagisme national. <o:p></o:p>

    Monsieur Leblanc n'a pas tort.<o:p></o:p>

    Au bar il commande chaque jour un verre d'eau du robinet et ne le boit pas. Il sait que c'est gratuit et que le serveur ne peut légalement pas le lui refuser. Rien ne lui interdisant ensuite de ne pas demeurer des heures entières devant son verre d'eau, il demeure par conséquent des heures entières devant son verre d'eau. Ca ne sert à rien mais il a la loi pour lui. Aussi passe-t-il ses après-midi à profiter stérilement des lieux. Ca ne lui rapporte certes pas grand-chose, mais ça ne lui coûte rien non plus.<o:p></o:p>

    Monsieur Leblanc a un certain sens des affaires.<o:p></o:p>

    Les toilettes publiques sont en quelque sorte sa seconde demeure, étant donné qu'il entend profiter sans entrave du fruit de ses impôts, par ailleurs dûment payés. Personne ne peut par conséquent lui reprocher d'utiliser les toilettes publiques à chaque fois qu'une envie naturelle lui commande d'aller se soulager, c'est-à-dire plusieurs fois par jour, et ce tous les jours de l'année. Notre bonhomme n'ignore pas que les toilettes publiques peuvent être utilisées sans restriction par les administrés. Les utilisateurs ont même le droit de se plaindre à la mairie en cas de mauvais entretien. <o:p></o:p>

    Monsieur Leblanc n'est pas un hors-la-loi.<o:p></o:p>

    Il a porté devant les tribunaux bien des affaires. Certes baroques, inhabituelles, voire complètement saugrenues mais parfaitement recevables sur le plan juridique. Il a obtenu gain de cause à chaque fois. La République française l'a même dédommagé pour une histoire presque virtuelle : l'ombre du toit de la mairie jouxtant sa propriété portait illégalement jusque sur un angle de son jardin où il avait choisi de planter une espèce rare de mauvaise herbe ne donnant le meilleur d'elle-même que dans des sillons fortement ensoleillés. C'était son droit le plus strict que de faire pousser des ronces dans son jardin et de choisir cet angle litigieux précisément pour les cultiver, même si ses détracteurs lui rétorquèrent que le reste du jardin, vierge de toute plantation et sans aucune ombre, aurait pu faire l'affaire. <o:p></o:p>

    Monsieur Leblanc fut le plus malin.<o:p></o:p>

    Bref, Monsieur Leblanc a trouvé la combine idéale pour importuner ses concitoyens le plus longtemps possible sans jamais être inquiété par la loi et ainsi occuper joyeusement sa retraite.<o:p></o:p>

     Souhaitons longue vie à Monsieur Leblanc !<o:p></o:p>

    465 - Le quincaillier

    Vêtu de sa longue blouse de travail couleur grisaille, il s'affairait au milieu de ses marchandises avec l'air pénétré de ceux qui sont investis de hautes missions. Une vie passée à exaucer des souhait ménagers, à débattre avec les fournisseurs et les clients de sujets pointus relatifs à des produits détergents, à des chignoles, à des mécanismes subtils de balais-brosses... Parfois il entrait dans des discussions savantes et inspirées avec ses clients pour savoir quel évier, quels jeux de vis ou genres de casseroles correspondaient le mieux à leur recherche. La satisfaction de ses clients lui donnait le sentiment d'être utile. Voire indispensable.

    Il avait trop conscience de passer pour un notable dans la petite ville. Aussi remplissait-il sa mission avec une authentique ferveur.
    <o:p></o:p>

    Dans sa boutique, une odeur de sainteté. Rien que des exhalaisons âcres de chasteté provinciale. Un siècle et demi de trésors domestiques entreposés en ces lieux avait rendu l'atmosphère irrespirable : tout dans la quincaillerie puait la province étriquée ! Les murs restituaient avec insistance des parfums ensevelis depuis une éternité et passés de mode. Odeurs obsolètes à jamais perdues, oubliées par le reste du monde et qui donnent cette nausée délectable que l'on appelle peut-être la mélancolie...<o:p></o:p>

    Vétustes et cossus, les rayons croulant sous les marchandises inspiraient un ennui mortel. L'ambiance désuète et austère de la boutique s'accordait à merveille avec la tête du quincaillier qui se prenait très au sérieux dans son métier.

    La quincaillerie était une vieille affaire fondée par d'illustres aïeux qui, en plein XIXème siècle, s'étaient fait un nom dans la ville. Pères d'une future dynastie de quincailliers vouée à la légende familiale, leurs portraits jaunis trônaient au-dessus de la caisse, lieu symbolique de toutes les réussites provinciales.
    <o:p></o:p>

    Endroit vénérable de la quincaillerie, zone rouge de l'antre séculaire, sujet tabou, depuis plus de cent cinquante ans la caisse inspirait un respect inné de père en fils...

    Cette maison honnête fréquentée par de vieilles rombières en panne de robinetterie ou de dames "bien comme il faut" en manque de produits détartrants lui conférait une honorabilité qui avait fait son renom depuis plus de cent cinquante ans. Ici on ne vendait que des choses utiles, pragmatiques, fonctionnelles. Point de fanfreluches ni de bagatelles, rien que des accessoires indispensables au bon entretien de la plomberie des honnêtes gens, essentiels à la bonne marche du quotidien des bons citoyens, nécessaires au soutien du moral des troupes immergées dans le réel...
    <o:p></o:p>

    Pauvre type ne rêvant pas plus loin que ses articles de zinc et d'étain et qui pour rien au monde n'aurait voulu changer sa place de gardien des biens ménagers, le fier quincaillier faisait pitié à voir dans sa destinée aussi étroite, aussi minable que sa longue blouse de travail couleur grisaille.<o:p></o:p>

    466 - J'accorde une interview à une jeune journaliste

    La journaliste (séduisante) - Raphaël Zacharie de Izarra, bonjour.<o:p></o:p>

    Moi (l'air hautain, méprisant) - Bonjour.<o:p></o:p>

    - On ne vous présente plus : plume d'exception, authentique esthète, hâbleur brillant, les qualificatifs flatteurs ne manquent pas pour vous définir...

    - Effectivement. Multiples sont mes talents, de même que mes tares. Mais je dirais que, comme chez beaucoup d'esprits supérieurs, mes tares participent de mes talents. Je n'ai donc, d'un point de vue individuel, que des talents.
    <o:p></o:p>

    - Raphaël Zacharie de Izarra, qu'est-ce qui vous fait courir dans    l'existence ?<o:p></o:p>

    - Poésie est mon credo (long silence qui impressionne beaucoup la jeune journaliste).

    - Que pourrait-on ajouter à une réponse si brève et si essentielle ? Mais parlons plutôt des femmes. Vous les aimez, c'est de notoriété publique. Vous le rendent-elles bien au moins ?
    <o:p></o:p>

    - Au jour de mes funérailles Madame l'on mesurera sans doute le poids ou la légèreté de ma plume sur le coeur des femmes... Si je les sers le plus possible avec des mots et le moins possible avec des preuves plus coûteuses, j'entends qu'elles me répondent avec autant de générosité que je mets de prudence à émettre vers elles mes doléances. J'escompte bien que vers ma centième année des files de pleureuses inconsolables et légèrement vêtues accompagneront ma dépouille jusqu'à la tombe.<o:p></o:p>

    - Vous parlez de doléances... Pour vous l'amour est donc synonyme de souffrance Raphaël Zacharie de Izarra ? Pouvez-vous développer pour nos lecteurs ?<o:p></o:p>

    - Madame, Poésie et Amour sont des choses qui échappent à nos strictes analyses. Néanmoins je puis vous répondre que oui, sûrement l'amour chez moi est lié à une certaine idée de la souffrance. Ai-je dit pour autant que j'aimais souffrir ? Non. C'est la souffrance de l'objet qui vous aime qui importe. Elle seule est délectable. Un esthète aime toujours voir le papillon agitant une dernière fois les ailes entre l'épingle qui le transperce. Moi je collectionne avec des gants blancs et des pincettes. J'aime de loin, avec calcul, science et rigueur, soucieux de garder les mains nettes. Regarder s'agiter l'insecte femelle qui vous fait des signes désespérés derrière une vitre avant de mourir, le coeur percé par quelque pal littéraire ou poétique est un plaisir raffiné que l'esthète sait capter avec délectation. L'hymenée dans le formol est une conception plutôt confortable de l'amour. Du moins pour celui qui tient le bocal.<o:p></o:p>

    - Raphaël Zacharie de Izarra, vous êtes odieux.<o:p></o:p>

    - Madame, pardonnez-moi d'être ce que je suis. Mes détracteurs me reconnaissent au moins cette qualité. L'on me trouve odieux, soit. Je ne saurais mentir à ma nature, n'est-ce pas d'ailleurs ce qui fait ma force ?<o:p></o:p>

    - C'est aussi ce qui fait votre charme Raphaël Zacharie de Izarra. Je dois d'ailleurs avouer que votre cruauté légendaire ne me laisse pas insensible... Mais venons-en à un sujet plus serein : parlons littérature. Quel mot selon vous définirait le mieux votre littérature ?<o:p></o:p>

    - Le mot le plus léger, le plus aigu, le moins usité. Ce sera le mot de votre choix.

    - Raphaël, vous permettez que je vous appelle Raphaël ?, que pensez-vous de la façon...
    <o:p></o:p>

    - Non, je ne vous permets pas Madame. Chacune des quatre parties de mon nom ne compte pas pour rien et j'entends que vous n'omettiez point de prononcer et ma particule et les syllabes composant les trois autres belles parties de ce nom qui fait mon identité littéraire. Que vous soyez une journaliste parisienne brillante particulièrement avenante et de toute évidence fascinée par votre invité ne vous dispense pas de vous soumettre au même protocole strict que j'impose aux reporters de province. Reposez-moi correctement votre question, je vous prie...<o:p></o:p>

    (Air gêné) - Raphaël Zacharie de Izarra, que pensez-vous de la façon dont vos contemporains vous perçoivent ? Vous déclenchez souvent des réactions très vives, voire outrées. Ce que vous écrivez n'est pas anodin, reconnaissez-le.<o:p></o:p>

    - Je m'adresse à un lectorat raffiné, lettré, intelligent. Ce sont les connaisseurs sachant goûter à des mots fins qui apprécient ma cuisine littéraire. Ces réactions que vous évoquez ne proviennent que de la plèbe. Un bel esprit comme le mien n'accorde aucune importance à ce genre d'insignifiance. Jamais la roture n'a fait partie de la gent littéraire.<o:p></o:p>

    - Raphaël Zacharie de Izarra, vous êtes un incorrigible misanthrope !<o:p></o:p>

    - Détrompez-vous, j'aime les hommes. Les humbles, les glorieux, les contrefaits, les riches, les avares, les ignares, les érudits, les idiots, les homosexuels, les vieux, les sots, les noirs, les brutes, les gentils, les insignifiants, les puérils, les fiers, les fragiles, les inébranlables... Les hommes m'attendrissent avec leurs imperfections, leur qualités, leurs mesquineries et leurs grandeurs. Je suis un grand humaniste qui ne craint pas de mettre le doigt sur les petites douleurs humaines, de relever les contradictions, de placer sous le projecteur de la vérité l'aveuglante bêtise de ses contemporains, d'accentuer à loisir toute nuance, de mettre en valeur les contrastes. Et tout ça pour mieux m'amuser de mes semblables ou les dénoncer avec férocité. Mais c'est parce que je les aime que je me moque d'eux, n'est-ce pas ?<o:p></o:p>

    - On pourrait en douter à vous lire... Vous faites usage du vitriol comme si c'était du petit lait. Vous avez le sens de la mesure comme le loup dans la bergerie a le sens fraternel... Vous avez conscience que vous faites mal au lecteur parfois ? Oui vos mots font parfois très mal Raphaël Zacharie de Izarra !<o:p></o:p>

    - Non ? Vous êtes sérieuse ? Tout est question du degré de lecture vous savez... Est-ce ma faute si certains de mes lecteurs prennent parfois au pied de la lettre mes textes les plus légers et n'accordent nul crédit à mes autres textes plus inspirés ? Quand j'écris sur le loup on s'attendrit, et quand je chante l'agneau on crie au loup !<o:p></o:p>

    - Raphaël Zacharie de Izarra, en définitive qui êtes-vous en deux ou trois mots ?<o:p></o:p>

    - Avant tout je suis une plume. Libre, légère, blanche, affranchie des pesanteurs terrestres, libérée des obligations religieuses, professionnelles, mondaines, n'hésitant à baisser la tête devant les puissants pour mieux leur plaire. J'ai le sens de la diplomatie. Ou de la fourberie, comme l'on voudra. N'importe ! Je sais montrer un visage humble, docile lorsque je suis devant les institutions sévères. Mais par derrière, qu'est-ce qui me retiendrait de cracher mon fiel ? C'est l'apanage des beaux esprits que de rassembler son courage quand l'ennemi a le dos tourné. Les sots échouent parce qu'ils affrontent l'ennemi en face. Le but est de gagner le combat et non pas de se glorifier de l'avoir mené de front. En deux ou trois mots je dirais que je suis un bon citoyen par devant, le roi des retors par derrière. <o:p></o:p>

    - Raphaël Zacharie de Izarra, je vous remercie pour cette interview passionnante. Comme beaucoup d'admiratrices, je suis impatiente de lire vos prochains textes sur FOXOO. <o:p></o:p>

    467 - Dialogue avec mon ego

    - Ego, es-tu là ?<o:p></o:p>

    - Comme ton ombre, toujours fidèle au poste. Que me veux-tu Raphaël ?<o:p></o:p>

    - Ego, me diras-tu pourquoi tu ne cesses de me talonner ?<o:p></o:p>

    - Raphaël, c'est parce que je suis le parfait écho de ta petitesse, le prolongement jusque dans l'infini de ton MOI. Tant que nous serons aussi proches l'un de l'autre, je serai toujours là pour te donner la réplique. Quitte tes jeux d'artifice et je te promets que me ferai oublier. Sinon, jamais nous ne nous séparerons et avec beaucoup de zèle je te rappellerai ma présence.<o:p></o:p>

    - Ego, tu es mon plus cher fardeau. Tu m'enchaînes à moi-même, m'empêchant de voir autre chose que ma tête à la place des étoiles, tu es une baudruche qui s'enfle pour mieux me ridiculiser, insatiable et grotesque, et cependant je ne puis me passer de toi. Partout où se pose mon regard, je te vois. Je t'adore et je te déteste. Je te chéris et je te maudis.<o:p></o:p>

    - Raphaël, je suis inconsistant mais tu tiens tellement à ma compagnie que tu vois en moi des reflets d'or et d'airain. Pure illusion ! Je ne suis que du vent, mais toi tu as la folie de croire en moi comme à un trésor sans prix ! Que tu es sot... Le jour où je ne répondrai plus à tes questions Raphaël, ce jour-là je serai mort. Et tu seras enfin libéré de mon influence, détaché de toi-même. Mais ce jour-là n'est pas près d'arriver Raphaël... Pour l'heure, tu es à moi. Je te tiens et je ne te lâche pas.<o:p></o:p>

    - Ego, qu'en sais-tu ? Qu'est-ce qui te fait dire que nous n'allons pas très bientôt nous quitter toi et moi, pour mon plus grand soulagement ?<o:p></o:p>

    - Mais regarde-toi donc Raphaël ! Tu en es encore à écrire des dialogues imaginaires entre nous deux... Tu me connais si bien, tu tiens tellement à moi, tu crois tellement en moi que tu me donnes même la parole dans ce présent texte alors que je te répète que je ne suis rien que du vent. A travers ces lignes que tu es en train d'écrire, j'existe plus que jamais pour toi. J'ai même droit aux plus grands égards : tu me traites comme un véritable sujet littéraire. C'est dire l'importance que tu m'accordes... N'est-ce pas la preuve que tu es complètement sous mon joug, pauvre esclave de toi-même que tu es ?<o:p></o:p>

    - Ego, ferme-la ! Je vais te montrer qui d'entre nous deux est le plus fort ! Je ne veux plus t'entendre, tu as compris ? Ego, tu m'entends ? Ego ? Ego, tu... Tu es toujours là ? ... Ego ? Ego ? ... Tu ne réponds plus, ego ?<o:p></o:p>

    468 - Avarice sordide

    Le vieillard craignait que l'on brûlât 98 chandelles pour fêter sa quatre-vingt-dix-huitième année. Avaricieux à s'en rendre malade, même la dépense des autres faite à son attention lui tournait les sangs.<o:p></o:p>

    Toute sa vie il avait économisé. Sur tout. Célibataire par économie, préférant attraper la crève pour épargner un fagot, affamé un jour sur deux pour gagner une livre de pain, il se consolait dans la solitude de son foyer glacial mais paisible, se chauffait avec des flambées imaginaires, se nourrissait de repas sautés. En revanche il buvait de l'eau jusqu'à satiété. Tous les jours de l'année.<o:p></o:p>

    Un jour il mit sa vie en péril pour ne point dépenser deux francs : à Rouen il préféra traverser la Seine à la nage plutôt que de se payer le bac. A deux doigts de la noyade, il réussit cependant à joindre l'autre rive sans payer. Il avait plus de cinquante ans et à l'époque le prix de la traversée en bateau lui avait paru exorbitant. La rage de l'économie l'avait poussé à l'exploit.<o:p></o:p>

    Plus jeune, il décida de visiter Paris. Il gravit les trois étages de la Tour Eiffel à pied. Il fit la charité à un mendiant en lui désignant une fontaine. Du Louvre, il admira sans rien débourser les murs extérieurs avec leurs sculptures haut perchées. Au Jardin des Plantes il opta pour l'observation des pigeons du parc, n'osant franchir la frontière qui sépare la partie du parc public accordée aux simples promeneurs de la partie payante réservée aux visiteurs munis de tickets. Il mangea sans manière, repu des mets divers et inégaux extirpés des poubelles de la capitale. Vu que ça ne lui coûtait rien il écouta de bon coeur les chanteurs de rues. Il leur donna des airs d'encouragements en compensation et estima que c'était déjà bien trop pour des paresseux pareils ! Le soir il sortit aux Champs Elysées en compagnie de sa sinistre mais sobre solitude. Il ne trouva que des gens richement vêtus et en fut ébloui. Lorsque trop las il entreprit de s'asseoir gratuitement sur les marches de quelque établissement huppé pour observer tous ces nantis qui passaient, on le prit pour un indigent. <o:p></o:p>

    Il ne refusa point les pièces qu'on lui jeta.<o:p></o:p>

    De retour dans son taudis de campagne il enferma dans une boîte en fer ses pièces indûment récoltées avant de la cacher sous le plancher, et à l'heure actuelle il les possède toujours, étincelantes dans leur boîte rouillée. La passion de l'économie l'ayant empêché toute sa vie d'aller dépenser cet argent si joliment gagné dans la prestigieuse avenue, ses pièces étaient devenues évidemment caduques depuis 1960, date de l'arrivée des nouveaux francs !<o:p></o:p>

    Pour être honnête précisons que vers soixante ans, écrasé par la solitude, il pensa tout de même à se marier... Dans sa folie d'avare il s'était épris d'une vagabonde ménopausée, vaguement chiffonnière, femme douteuse vêtue de sacs de la tête aux pieds. Les conditions étaient telles que la belle refusa. Il excluait en effet de nourrir chaque jour de la semaine l'épousée. Seulement les dimanches et les jours de fête, soit un jour par semaine plus les jours fériés. Et encore avait-il établi un barème inique et complexe qui lui donnait le droit de compter comme un seul jour férié certains jours chômés qui se suivaient, estimant que ces jours fériés qui se doublaient s'annulaient pour n'en faire finalement qu'un... Trois jours fériés qui se suivaient revenaient selon lui à un jour ouvrable, donc pas de nourriture à devoir à l'aimée... Il exigeait en outre que sa femme lui fût fidèle dans des besognes viles et harassantes, qu'elle ne gaspillât aucun bois, même par grand froid... Et il en était ainsi pour tous les aspects de la vie quotidienne : il tirait à l'extrême la corde humaine, ne se souciant que des économies faites sur le dos d'autrui. Si bien qu'en épousant l'affreux bonhomme la malheureuse chiffonnière eût été bien vite morte de faim, de froid, de fatigue.<o:p></o:p>

    Le jour de ses quatre-vingt-dix-huit ans il eut le soulagement de constater que le gâteau qu'on lui avait préparé ne comportait que neuf bougies symboliques.<o:p></o:p>

    469 - Le bossu méchant

    Jadis je connus un bossu acariâtre. Il allait toujours au puits muni d'un bâton, et gare à celui qui croisait son chemin ! Il frappait pour un oui ou pour un non : pour un regard de travers, pour un mot de trop, pour un mot de moins, pour un silence... Bref il frappait par habitude. Si bien que rares étaient ceux qui osaient encore le croiser.<o:p></o:p>

    Un jour où j'allai puiser de l'eau claire sous la Lune je me trouvai nez à nez avec le courbé devant le puits. Soucieux de m'épargner quelque volée de bois vert, je fis comme s'il n'était pas là. La Lune éclairait la scène. En me penchant au-dessus de l'onde profonde, je vis le reflet du tordu qui brandissait vers moi son bâton. D'un geste vif j'esquivai le coup. Emporté par son élan, l'agresseur faillit choir dans le puits.<o:p></o:p>

    Enragé par tant de malchance, le méchant infirme pesta contre l'astre mort.<o:p></o:p>

    J'en profitai pour m'esquiver, le seau vide mais les os intacts, trop heureux de m'en sortir à si bon compte. Le lendemain j'appris l'incroyable nouvelle : le bossu méchant était devenu riche. <o:p></o:p>

    En voulant reboucher le puits avec des grosses pierres, l'une d'entre elles brisa un coffre enfoui. Sous les lueurs de la blonde planète, de l'or apparu au fond du puits.

    Sa mésaventure s'était soldée par la fortune.
    <o:p></o:p>

    Devenu riche, il n'en demeura pas moins aussi méchant qu'avant : le lendemain, et cette fois en plein jour, je dus éviter les coups de bâton du bossu revanchard. <o:p></o:p>

    470 - De haut en bas

    Le train cheminait au loin, des volutes blanches s'en échappaient. J'entendais les alouettes dans le ciel d'été. La machine avançait dans un sifflement joyeux. Mon regard se posa sur une tige d'herbe séchée où venait de se poser quelque insecte ailé. Noir, trapu, l'hôte du microcosme parcourut de la racine au sommet son repaire éphémère.<o:p></o:p>

    Le soleil illuminait champs et plaine jusqu'à l'horizon. A perte de vue, d'immenses pâturages. Un univers baigné dans une clarté irradiante. En moi, une impression ineffable de liberté, d'infini, de légèreté... L'azur et la lumière se révélaient subitement dans leur plus pure expression, et à ces beautés soudaines mon âme s'éveillait.

    Le train s'approchait lentement, recouvrant peu à peu le chant des alouettes. La locomotive crachait son suif clair, les wagons bringuebalaient dans la prairie... Je vis un poème d'acier.
    <o:p></o:p>

    L'insecte explorait toujours sa tige, indifférent aux géants qui l'entouraient, étranger aux montagnes qui de toutes parts le dominaient.<o:p></o:p>

    Le train arriva à ma hauteur dans un fracas enchanteur, traînant dans son sillage un souffle chaud plein d'odeurs d'huile et de feu. Un vent fabuleux souleva mes cheveux, fit naître en moi un frisson inconnu. <o:p></o:p>

    Subjugué par le spectacle, je devins tout à la fois la pierre au bord du chemin, le buisson non loin de là, la tige séchée à mes pieds, l'air de la prairie et l'acier de la machine...

    En s'éloignant avec son panache éclatant, la créature de métal prit des allures épiques et romanesques qui m'émurent profondément.
    <o:p></o:p>

    Au passage de ce monstre à vapeur l'insecte n'avait pas quitté sa tige, absorbé qu'il était de la naissance à la mort par son monde minuscule. A toutes les échelles, de la plus glorieuse à la plus insignifiante, je ne voyais que Poésie. <o:p></o:p>

    Ce jour-là le ciel égalait en beauté la poussière.<o:p></o:p>

    471 - Un retraité actif

    Le père Eugène est un membre assidu du club des Aînés Ruraux de son village. Quatre-vingt-trois ans et une sénilité parfaitement assumée ! Le dimanche en compagnie de ses pairs, il faut le voir jouer aux cartes, et puis l'entendre chanter, ça n'est pas rien ! Un vrai boute-en-train le père Eugène... Avec son mégot éteint perpétuellement pendu à sa lèvre molle, son éternel béret vissé sur le front et sa démarche chancelante, il a bien l'air de ce qu'il est : un vieil abruti alcoolique.<o:p></o:p>

    Avec ses passions débiles, ses occupations ineptes et ses amours insignifiantes, le père Eugène symbolise à lui seul tous les bas-fonds des hospices de province. Une vie entière passée à boire, fumer, parler voitures, tondre son gazon le dimanche pour finir comme un détritus passant son temps à faire des parties de cartes avec d'autres "seniors" de son rang !<o:p></o:p>

    Rassurons-nous toutefois car le père Eugène a toujours été à l'abri de sa propre inanité derrière ses mégots. Ignorant la misère de sa condition, il vous postillonne chaleureusement à la face en racontant ses histoires sans intérêt, hilare. Sur le sort de son chien, il est intarissable. Sur la météorologie il est capable de débiter en une heure autant d'âneries qu'un plombier sur la philosophie kantienne en une vie entière ! Après ses interminables parties de cartes, en général il n'a plus rien à dire du tout : il cuve.<o:p></o:p>

    Il s'imagine toujours capable d'honorer les caissières de supermarchés le père Eugène ! Mieux encore : il aime dire "Hôtesses de caisses", ça lui plaît à l'Eugène. Ca lui donne l'impression de faire moderne. Notons qu'il est parfaitement conditionné par les émissions de TF1. Un spectateur modèle, irréprochable ! Il sait parler comme les jeunes le père Eugène. Il dit "Hôtesses de caisse" pour ajouter une touche de noblesse à ses mots d'amour...<o:p></o:p>

    Pitoyable du haut de son béret jusqu'au fond de ses charentaises... Longue vie dans le club des Aînés Ruraux Eugène !<o:p></o:p>

    472 - Au piano

    Le dandy est penché sur son piano, mélancolique et las. Le salon sent les vieux meubles. Une odeur de moisi illustre et de boiseries solennelles. La scène se passe en juillet 1830 à Saint-Cloud dans une belle demeure qui longe le fleuve parisien. Par la fenêtre ouverte s'insinuent les bruits de la belle saison.<o:p></o:p>

    L'époque est à la découverte de la photographie, à la bataille d'Hernani, aux prémices du romantisme, à la vapeur... Dans ce monde les nouvelles arrivent à la vitesse du galop, mais guère plus vite. L'on mange encore du pain noir dans les campagnes, le vrai pain noir de la terre. Dans Paris crotté c'est encore les petits quartiers moyenâgeux, et le grain se moud dans les hauteurs de Montmartre.<o:p></o:p>

    Après avoir ôté ses gants blancs, l'esthète assis devant l'instrument exécute une profonde mélodie. Très inspiré, la moue blasée, il joue. Dans de longs soupirs, l'auteur effleure l'ivoire avec détachement. Virtuose et éthéré.<o:p></o:p>

    Avec son air triste et digne, ses gants fins et sa toilette élégante, n'incarne-t-il pas l'éternel MYTHE ce joli ? On l'aime cynique et tendre, hautain et racé, distingué et insolent ! <o:p></o:p>

    Faisons un bond en avant de plus d'un siècle et demi. La scène se passe au Vieux-Mans (autant dire dans le quartier choisi de la cité, réservé aux gens d'esprit). Depuis sa tour d'ivoire un autre esthète aux dehors plus sobres est penché sur son clavier. Il a la même expression, la même attitude arrogante et désabusée que notre héros évoqué plus haut, sauf qu'il pianote sur son clavier d'ordinateur.

    Il se croit dans le même monde que son double du siècle légendaire : il voit des chevaux à la place des voitures, des paysans en sabots au lieu des conducteurs de machines, des moulins à vent et non des distributeurs automatiques... Même son clavier d'ordinateur, il le prend pour une plume avec de l'encre ! Mieux : il se prend pour ce dandy d'une époque révolue, assis devant son piano à Saint-Cloud dans une belle demeure sise au bord de la Seine...
    <o:p></o:p>

    Tel que je suis, me voici présenté.<o:p></o:p>

    473 - Passions pâtissières

    La Rolande n'aimait pas les hommes. <o:p></o:p>

    Seuls les gâteaux pouvaient satisfaire ses appétits les plus ardents. Aussi les aimait-elle à la folie, sans honte ni retenue. Toutes les pâtisseries l'attiraient : les fines, les ordinaires, les grasses, les colorées, les farcies aux potirons, les truffées de fraises, les infâmes, les tristes, les gaies, les molles, les dures, les poivrées, les insipides... Elle les voulait absolument toutes, pourvus qu'elles fussent aptes à emplir son estomac ogresque. <o:p></o:p>

    Insatiable et pas du tout rebutée par les saveurs nouvelles, la gourmande ne jurait que par la crème à la violette, la chantilly à la cannelle ou le feuilleté mou. Elle s'enfournait sans complexe maints desserts à la suite, étranges et divers. Certains étaient somptueux. D'autres plus simples. Mais la plupart étaient répugnants de garnitures sucrées. Si bien que sous son palais les parfums les plus rares se combinaient aux arômes les plus crus. La Rolande avait la passion des gâteaux comme d'autres ont le goût des amours outrancières et variées. Qui pourrait lui reprocher de s'adonner à son vice avec une telle rage et tant    d'excès ? Dans sa bouche la mangeuse mêlait sans distinction la fleur à l'ordure. C'était là son ivresse.<o:p></o:p>

    Précisons que l'affamée arborait un giron sans borne, une taille solide, des muscles saillants, un séant callipyge, des pognes viriles. Et avec ça, elle avait une propension innée à s'approprier l'espace vital de ses semblables pour peu qu'elle partageât avec eux le même trottoir, la même banquette de train, la même table.

    Les pâtisseries constituaient les seules raisons de vivre de la Rolande. Sur Terre ne valaient à ses yeux que les maîtres-pâtissiers, seuls objets dignes de ses transports.

    Elle refusa cependant les avances d'un commis pâtissier borgne et même d'un chef glacier un peu gris. Finalement elle s'unit épisodiquement à un vieux masseur ayant vaguement travaillé aux bains de Vichy dans sa jeunesse. Leurs rapport furent chastes toutefois car il la mit d'office à la diète. Bientôt elle le quitta et renoua avec ses anciennes habitudes de célibataire, heureuse de pouvoir s'enfourner avec toutes les licences que l'on conçoit ses chers, indispensables, irremplaçables gâteaux.
    <o:p></o:p>

    474 - Réveillon de pingres

    Les Bûchebois ont bouleversé leur quiétude, cette année ils fêteront Noël ! Comme chez les jeunes : avec de la chandelle et du gras. <o:p></o:p>

    A ceci prés que chez ce couple de vieillards la moindre dépense est sujette à d'interminables discussions. Deux vieux avares incurables et butés aux moeurs anachroniques s'apprêtent à festoyer dans leur chaumière à l'approche de Noël. Un couple de demi fous en guenilles ne vivant que par procuration, à la vérité...<o:p></o:p>

    Il fut d'abord décidé qu'ils passeraient le réveillon sans feu, car selon eux ça ne valait pas la peine de chauffer la pièce pour l'occasion alors que tous les jours de l'hiver ils résistaient fort bien au froid. L'esprit d'économie a ceci de vrai et d'avantageux : il endurcit les corps.<o:p></o:p>

    - Pas besoin de feu ! C'est déjà ça de gagné, hein la mère ?<o:p></o:p>

    - C'est ben vrai l'pé', c'est toujours ça de gagné d'éconôôômie... Ca fera une bonne année de commencée. Faut pas déjà pousser les dépenses alors qu'on n'a même pas commencé l'an !<o:p></o:p>

    Ensuite tous deux se mirent d'accord pour manger de manière raisonnable. Pas la peine de se rendre malade avec de bonnes choses chères et de devoir aller quérir le docteur le lendemain. C'est qu'il ne travaille pas gratis le bougre !<o:p></o:p>

    - A-t-y des patates douces la mère ?<o:p></o:p>

    - J'en avions l'pé'. <o:p></o:p>

    - Ben ça suffira bien assez tout comme pour les jours ordinaires ! Pis y'a quoi à boire ?<o:p></o:p>

    - Y a d'lieau à boi' dans la cruche l'pé' !<o:p></o:p>

    - Va pour l'ieau d'la cruche ! L'vinasse du ciel elle fait l'affaire tout comme le vin, sauf qu'elle est pas à trente sous la bouteille elle au moins ! Pis elle coule pareil dans la gorge tout comme le vin, pas vrai la mère ?<o:p></o:p>

    - Ca je vais pas te dire le contraire l'pé'... L'ieau et le vin c'est du pareil au même vu que les deux y abreuvent aussi bien. Y 'a juste qu'une différence, c'est une différence de prix. Allez, on va pas se tracasser la tête l'pé ! Y'a de la bonne ieau qui fera l'affaire du pareil au même.<o:p></o:p>

    La nuit de Noël enfin arrivée, les deux avares firent un festin de pommes de terre à l'eau. Sans beurre. Dernier compromis qu'ils s'autorisèrent au dernier moment, quand les patates furent chaudes... Le couple d'ascètes ne put en effet se résoudre à ajouter le beurre. Les vieillards sentaient bien l'un comme l'autre que ça leur faisait mutuellement trop mal au coeur de gaspiller ainsi le beurre. " Le gras c'est pour les jeunes et non pour les vieux ! ", décrétèrent-ils de manière parfaitement arbitraire mais non moins définitive... Ce soir-là ils ne changèrent finalement rien à leurs vieilles habitudes. C'est qu'on ne bouscule pas aussi facilement soixante-dix-huit ans de réflexes institués en véritable religion ! Obstinément attachés à leurs valeurs, les Bûchebois ripaillèrent surtout en imagination ce soir-là. La chandelle qu'ils allumèrent à cette occasion ne brûla qu'une demi minute symbolique. Juste pour marquer le coup. <o:p></o:p>

    - C'est-y pas malheureux tout de même de voir qu'y a des gens qui brûlent jusqu'au bout de la bonne chandelle, hein l'pé ! <o:p></o:p>

    - Que veux-tu qu'on y fasse la mère ? Allez, c'est assez brûlé, éteint donc ta flamme ça va faire une minute...<o:p></o:p>

    - T'en fais pas, ça aura pas fait une minute. J'ai compté, elle aura brûlé trente-trois seconde l'pé. Trente-trois seconde, ça va. C'est honnête.<o:p></o:p>

    - Oui ça va trente-trois secondes... Ca fait pas même pas une minute. On peut bien se permettre trente-trois secondes de chandelle, c'est pour la Noël. C'est pas tous les jours Noël quand même !<o:p></o:p>

    - Ha ! M'en parle pas l'pé ! Tous les jours la Noël, putôt crever oui ! Tu te rends comptes l'pé ? Ca serait pas vivab' ! Tous les jours à faire la fête à la chandelle, ha non alors ! Pas pour moi ! Tiens je préfère encore rester pauvre jusqu'à ma mort à l'idée de devoir dépenser comme c'est pas permis tous les jours de l'année !<o:p></o:p>

    Il discutèrent ainsi une longue partie de la soirée à propos de la chandelle. Et d'autres choses insignifiantes. Ils se permirent tout de même une petite fantaisie qui égaya leur soirée : ils burent leur eau de pluie habituelle jusqu'à satiété. Pour ne pas à avoir à regretter de n'avoir pas bu de vin.<o:p></o:p>

    Ils burent, burent, burent, sordides et mesquins jusqu'à la dernière goutte.<o:p></o:p>

    A la fin de la soirée ils se jurèrent de ne jamais plus recommencer une expérience aussi éprouvante. A force de n'être jamais mangé, leur beurre devint rance quelques jours après ce réveillon mémorable.<o:p></o:p>

    Ils le mangèrent quand même, le trouvant fort bon, regrettant seulement de ne pas pouvoir attendre encore plus longtemps avant de le faire disparaître dans leur maigre estomac.<o:p></o:p>

    475 - Un réveillon réussi !

    Ca s'apprête à réveillonner dur chez les Trivieux : dinde au marrons farcie aux truffes et bûche de Noël de rigueur. Ca fait tellement longtemps qu'ils attendent de fêter dignement cette sacrée naissance du petit Père Noël, il y a un peu plus de 2000 ans... Minuit moins cinq. Ils n'en peuvent plus chez les Trivieux : encore quelques minutes à attendre et ils vont pouvoir s'en "foutre plein la panse". <o:p></o:p>

    Bientôt minuit... Patience, encore quelques instants... La télévision est allumée sur TF1 et pour l'occasion le son a été poussé très fort. La radio judicieusement posée sur le poste de télévision est également allumée : un des fils écoute les programmes lénifiants de RTL. Dans la pièce, une fumée dense faite de tabac (tous le monde fume chez les Trivieux) mêlé de relents de fritures fait aboyer puis vomir le gros berger allemand étalé en plein passage. Ambiance abrutissante convenant parfaitement aux Trivieux...<o:p></o:p>

    Minuit !<o:p></o:p>

    C'est la ruée : fébriles, les mâchoires commencent le marathon. Les ceintures sont desserrées. Les fourchettes s'entrechoquent, les bouteilles d'apéritifs tintent. C'est parti pour six heures de gueuleton non-stop !<o:p></o:p>

    Le père montre l'exemple à sa progéniture. En guise d'entrée il attaque avec de bonnes grosses côtelettes de porc. Du porc cent pour cent pur porc. Du bon porc du pays des cochons qui décidément ressemble à sa petite tête de gros porcin dégénéré... S'adressant à ses deux fils déjà bouffis d'extase par le   hors-d'oeuvre :<o:p></o:p>

    - Allez-y les gars, mangez, y'en aura encore pour jusqu'au bout de la nuit ! Gavez-vous bien, c'est Noël aujourd'hui !<o:p></o:p>

    Sa femme n'est pas en reste. Dans la cuisine s'amoncellent autour de la dinde et de la bûche d'autres plats d'agrément, dégoulinants de graisse. Depuis deux jours la ménagère s'affaire pour que cette année la nuit de Noël soit la plus mémorable possible.<o:p></o:p>

    A même le goulot on s'abreuve à la seule source de vie connue sous ce toit : la bière en cannettes coule à flot (achetée par packs de douze en promotion). Chez les Trivieux, on ne fait pas de chichis ! <o:p></o:p>

    Quatre heures du matin. La dinde réduite à une carcasse informe gît par terre aux pied du berger allemand. Quelques cannettes renversées forment des auréoles immenses sur la nappe. On en est aux amuse-gueules avant d'attaquer la série de desserts puis la bûche finale. Les bedaines débordent de leurs chemises, les bouches suintent de plaisirs assouvis. Les haleines sont fortes, les rires sont gras, les manches sont relevées, la télévision jette des lumières bleues et oranges sur les visages. Ca sent la bière et le pastis, le tabac et le chien, et la radio qui grésille allumée à fond sur la télévision qui lui fait concurrence répand jusque dans la rue ses ritournelles publicitaires : pas de doute, c'est vraiment la fête chez les Trivieux !<o:p></o:p>

    Six heures du matin. Les Trivieux pourront-il faire honneur à la tradition à l'heure sainte de la bûche ? C'est que l'alcool a déjà fait son oeuvre et pas mal de dégâts... Mais enfin, c'est pas tous les jours Noël, n'est-ce pas ? Aussi pardonnera-t-on aux Trivieux leurs excès. Ils ont bien droit à leur petite fête annuelle eux aussi, non ? Vraie famille de prolétaires endurcis, gros travailleurs n'ayant jamais chômé, les Trivieux sont de braves gens qui tiennent à fêter comme il se doit la naissance du "petit Père Noël dans l'étable de la Belle de Babel" aiment-ils à dire dans leur humble culture...<o:p></o:p>

    En effet, les Trivieux peu portés sur la culture ne font guère la différence entre Bethléem et les publicités pour le fromage BabyBel ainsi que le dessin animé "la Belle au Bois dormant". Ils sont vraiment touchant les Trivieux ! Mais laissons-les à leur joie, retirons-nous sur la pointe des pieds et laissons-les continuer sans nous leur festin nocturne, même si c'est déjà le petit matin dans leur maison Phénix (sise idéalement en la zone résidentielle de leur petite ville de banlieue)... Chez les Trivieux, la bûche de Noël c'est sacré.<o:p></o:p>

    Brave famille de français moyens, honnêtes gens de la France authentique, mangez, mangez et buvez jusqu'à satiété car c'est Noël aujourd'hui !<o:p></o:p>

    476 - Le braquemart de l'abbé Benoît

    L'abbé Benoît était d'une rigueur religieuse exemplaire. Sa piété de fer ne faisait pas pitié à voir, bien au contraire. C'était un roc de préjugés éculés, un chêne de certitudes absurdes, une montagne d'orthodoxes hérésies. En sa compagnie on ne craignait pas plus le Diable que les égarements de la raison et de l'esprit critique... Avec sa soutane qu'il portait comme un seigneur, il impressionnait les vieilles dévotes. Avec ses airs entendus de Casanova d'Église, il faisait tressaillir les vierges tendrons. Avec ses ambiguïtés de prêtre douteux, il troublait les jeunes hommes efféminés.<o:p></o:p>

    Mais surtout il rendait jaloux tous les époux qu'il avait mariés.<o:p></o:p>

    Nul dans la modeste paroisse n'ignorait que l'abbé Benoît était monté comme un bourriquot, ses multiples maîtresses étant les pires jacassières qui soient. L'abbé Benoît fourrait donc avec rage et frénésie les membres de son harem autant qu'il le pouvait, c'est-à-dire généralement une fois le matin et au moins deux fois le soir, mais sans jamais quitter sa soutane : respect dû aux emblèmes de sa fonction oblige... C'est qu'il était vraiment pieux l'abbé. Il avait ses petits scrupules.

    Le soir au café du village l'abbé Benoît venait parfois se mesurer aux buveurs. Il y avait des concours de longueur phallique. Les prétendants aux lauriers, tous ivres, s'alignaient au bord du zinc en exhibant sans pudeur leur chibre. Le spectacle était infâme, et on se demandait comment un homme de son rang et de sa dignité pût s'abaisser à de semblables libations, à des moeurs aussi viles... Mais bref, l'abbé Benoît décrochait à chaque fois la palme de la plus grosse trique du bar, au grand dam de ses rivaux. D'ailleurs l'abbé les traitait tous d'ânons, lui qui était monté comme un bourriquot. Ca se terminait habituellement dans l'hilarité générale, et c'était alors le début de beuveries et d'orgies à n'en plus finir.
    <o:p></o:p>

    Le lendemain l'abbé Benoît servait la messe avec ses airs compassés, comme si de rien n'était. Juste les traits un peu tirés.<o:p></o:p>

    Ses compagnons de perdition qui étaient aussi ses ouailles assistaient à l'office, quelque peu dépités. Tous se sentaient offensés que le prêtre qui leur disait la messe puisse posséder le plus gros braquemart de la paroisse et s'en servir plusieurs fois par jour par-dessus le marché. Ils se disaient que décidément le monde était bien mal fait puisque le Ciel octroyait aux prêtres les plus chers trésors de la terre...<o:p></o:p>

    On respectait cependant les règles établies dans le village, et on se taisait poliment devant l'autorité en action : le prêtre officiait. Enfin la messe était dite. Alors l'abbé allait promptement foutre une de ses gueuses tandis que ses ouailles se dispersaient. Tout le monde dans le village savait que l'abbé Benoît avait été conçu comme un diable de satyre. Sa longue pine d'ailleurs laissait songeuse plus d'une rosière, faisait se pâmer plus d'une pécheresse repentie, amenait bien des conflits dans les chaumières...<o:p></o:p>

    Mais sous le clocher, on se taisait.<o:p></o:p>

    477 - Alphonse

    Depuis toujours je considérais Alphonse comme un pauvre homme plein d'indigences. Lui, gentil, chaleureux, inconscient de l'image qu'il donnait me saluait toujours avec un grand sourire. En répondant à son geste j'affichais en sa direction un sourire tout aussi épanoui que le sien mais pensais tout bas : "pauvre type d'alcoolique, minable, raté, crétin, pauvre abruti d'analphabète, méprisable réceptacle à vinasse !"<o:p></o:p>

    Alphonse rendait volontiers service. Je profitais souvent de sa disponibilité d'alcoolique pour lui confier les tâches les plus ingrates. Je décrétais que quelques verres de piquette suffisaient pour le remercier de son dévouement, estimant qu'un semblable abruti ne pouvait que se réjouir de recevoir un tel salaire. Précisons que systématiquement je lavais avec soin son verre après usage, dégoûté par les exhalaisons douteuses de l'individu.<o:p></o:p>

    Un jour Alphonse me demanda d'être payé avec de l'argent. Je refusai, objectant que je n'avais pas envie de lui financer son mauvais vin et que de toute façon j'avais l'intention de le payer en nature, ce qui revenait strictement au même. Après une brève réflexion il admis la justesse du raisonnement et exigea alors d'être payé en bouteilles et non plus en verres à consommer sur place. Je lui accordai une bouteille de vin âcre qui traînait dans ma cave.<o:p></o:p>

    Par le vin je tenais ce pauvre homme sans défense intellectuelle, le manipulais à ma guise, jouais sur sa pensée malléable, sa volonté sans force... Et je me croyais mieux que lui ! Égoïste, odieux et pervers, au lieu de le sortir de sa fange je l'y enfonçais pour mon plus grand profit. Soudain je me vis dans toute ma hideur. La vraie indigence étant celle de l'âme, l'infâme, le misérable, n'était-ce pas moi ?<o:p></o:p>

    Après m'être sérieusement remis en question, je décidai de sortir de sa déchéance celui qui depuis toujours avait été la victime de mes sarcasmes. Le lendemain, résolu à me dévouer entièrement à la noble cause et désireux de réparer les vilenies commises envers ce pauvre diable, je me mis en devoir d'aller lui présenter mes excuses ainsi que mes services. Je frappai à sa porte. <o:p></o:p>

    Silence.

    D'office je poussai la porte, imaginant naturellement l'hôte des lieux terrassé par l'alcool comme à son habitude. En entrant je reconnus par terre la bouteille offerte la veille, gisant à côté d'une masse informe nommée Alphonse, nez contre le sol... Je retournai le corps de l'ivrogne afin de le réveiller en quelques gifles.
    <o:p></o:p>

    Je le trouvai mort, les yeux ouverts, le regard désespéré.<o:p></o:p>

    478 - Un bon gardien

    En flânant au cimetière du Père Lachaise à la verte saison, n'avez-vous jamais senti que les premiers effluves vernaux rendaient légers les coeurs comme les sépultures ? Ce jour-là, tandis que rêvassais dans le jardin mortuaire, le parfum subtil du printemps pénétra en moi de manière aiguë. Et les marbres, confusément, se parèrent d'invisibles beautés. Sensations inédites dues sans doute à ma sensibilité d'éternel oisif... L'air printanier au-dessus des tombes alanguissait mon âme et, plein d'ivresse, je me mis à parler aux morts. Avec fantaisie et emphase :<o:p></o:p>

    - Morts, comme vous voilà trépassés ! Vous qui gisez sous les pierres, m'entendez-vous ? Esprits, âmes errantes, défunts de toutes conditions, allez-vous cheminer à mes côtés entre toutes ces tombes ? Ha ! Quelle jolie compagnie vous me ferez !<o:p></o:p>

    Quelques vivants m'interrogèrent du regard.<o:p></o:p>

    Indifférent aux normes horizontales en vigueur chez mes semblables et à la bienséance qu'exige ordinairement toute présence en ces lieux, je continuai à parler haut et fort aux gisants.<o:p></o:p>

    - Dormez-vous donc ? Ou bien êtes-vous déjà loin sur le chemin de l'Éternité ? Allez-vous finir par me répondre ?<o:p></o:p>

    Soudain, derrière moi une voix sonore et sépulcrale...<o:p></o:p>

    - Je suis le gardien du cimetière. Allez-vous cesser vos imbécillités ? Des gens sont en deuil ici, un peu de respect pour eux s'il vous-plaît ! Les morts ne vous répondront pas pour la simple raison qu'ils n'ont rien à vous dire ! De plus certains d'entre eux sont des âmes irascibles, comprenez-vous ? Allez, maintenant circulez s'il-vous plaît.<o:p></o:p>

    Je lui présentai mes excuses et partis un peu plus loin. Une fois seul, je me remis à interroger les disparus :<o:p></o:p>

    - Allez-vous vous réveiller oui ou non ? Un vivant vous parle ! Allez-vous me dire si vous êtes là oui ou non ?<o:p></o:p>

    Cette fois la voix qui me répondit fut retentissante !<o:p></o:p>

    - Mais vous n'avez pas bientôt fini votre petit cinéma ? Je vous ai dit de respecter les visiteurs en deuil. Où vous croyez-vous ici ? Au théâtre ? Allez, maintenant sortez de ce cimetière je vous prie, sinon j'appelle les forces de l'ordre ! <o:p></o:p>

    Une fois dehors, longeant le mur de la nécropole donnant sur le Boulevard de Ménilmontant, je me ravisai. Le gardien qui m'avait si vertement sermonné avait tout de même quelque chose d'étrange en lui... Cet aspect anachronique, et puis le fait qu'il me retrouva si promptement alors que je me pensais seul dans un coin perdu du cimetière... Je ne m'étais rendu compte de rien sur le moment mais à présent que j'y songeais... Étrange... Personne n'avait semblé faire attention à lui à part moi. Ce gardien irrité à la voix si forte, ne fus-je pas le seul à l'avoir entendu ?<o:p></o:p>

    "Les morts ne vous répondront pas pour la simple raison qu'ils n'ont rien à vous dire ! De plus certains d'entre eux sont des âmes irascibles, comprenez-vous ?", me remémorai-je...<o:p></o:p>

    A cet instant précis je compris tout.<o:p></o:p>

    479 - La preuve par l'ange

    Je vis descendre un oiseau de bon augure. C'était un ange. Il m'adressa la parole en ces termes :<o:p></o:p>

    - Raphaël, tes ailes sont blanches mais tes pages sont pleines de noirs écrits.

    - L'ange, lui répondis-je, c'est que l'encre de ma plume vient du fond de la terre et non de la pointe des sommets. Ce qui coule des hauteurs est clair comme l'eau des montagnes, mais ce qui remonte des profondeurs est dense comme l'huile de roche. L'éther venu d'en haut y remonte bien vite, ne laissant nulle empreinte sur le papier, tandis que le charbon imprime partout et durablement la trace de son passage. Vois-tu l'ange, ce qui marque les hommes ça n'est pas le paradis mais l'enfer.
    <o:p></o:p>

    - Raphaël, tes ailes sont supérieures mais ta plume demeure humaine. Si tu veux toucher le coeur des hommes et non pas simplement leur imagination, en vérité je te le dis, vole à ma hauteur au lieu de ramper dans la poussière d'en bas. <o:p></o:p>

    - Ta noblesse est-elle au moins accessible aux mortels ? Le langage des ailés n'est pas celui des gens convaincus de sciences, sais-tu...<o:p></o:p>

    - Adresse à tes semblables égarés des discours moins psychologiques et plus poétiques Raphaël. Par exemple, tu leur rapporteras ces présents échanges. Par la Poésie tu triompheras de toute hérésie. Elle seule sauvera ce monde du prosaïsme. <o:p></o:p>

    - Tu crois vraiment que raconter cette histoire d'ange descendu jusqu'à moi saura ranger à ma cause les ennemis de la Poésie ?<o:p></o:p>

    - Raphaël, la retranscription fidèle sur une de tes pages de cette seule conversation suffira à les convaincre. Tu n'auras rien d'autre à ajouter que ta signature. Ceux qui te liront jusqu'au bout, je te le promets, par ces mots seront touchés en plein coeur.<o:p></o:p>

    480 - Le mythe rimbalesque

    Parce que je ne suis pas un de ces moutons de la culture qui mâchent sottement le foin qu'on leur sert.<o:p></o:p>

    De nos jours Rimbaud passerait à juste titre pour un délinquant drogué, pour un asocial peu recommandable, pour un dangereux hors-la-loi et surtout pour un très odieux trafiquant d’armes, un charognard des guerres.<o:p></o:p>

    Imaginez le plus adulé de nos écrivains contemporains imiter ce bandit de Rimbaud... Sa carrière serait brisée. Alors pourquoi cette légende à propos de cet infâme dont nul ne comprend certains vers hermétiques mais feint de se pâmer en les lisant ? Justement, Rimbaud est surtout une légende.<o:p></o:p>

    Rien de plus.<o:p></o:p>

    Je comprends parfaitement que l'on tente de m'initier aux subtilités élevées de la poésie rimbaldienne. Seulement je n'y adhère pas, trop méfiant que je suis envers les imposteurs de la lyre qui sous prétexte d'avant-gardisme nous pondent de gros cocos complètement vides.<o:p></o:p>

    Nul ne me fera croire que les âmes tombant en pâmoison devant les vers "illuminés" de Rimbaud ne sont pas victimes d'une auto-suggestion née d'un insidieux conditionnement scolaire, chose qui n'a rien à voir avec l'émoi littéraire véritable...

    L'on décrète à l'école que Rimbaud est un génie et que les "rebelles" dignes de ce nom se doivent d'adopter inconditionnellement le poète maudit pour pouvoir prétendre à la "révolte" et être pris au sérieux sous le ciel des rimeurs. L'on suggère que pour passer pour un fin lettré, un idéaliste, une âme éprise de je ne sais quelles "foutaiseuses" hauteurs, il faut admirer Rimbaud, que la chose se fait depuis plus d'un siècle, que les plus beaux esprits se sont inclinés devant Rimbaud et que railler ses vers qu'un tapage séculaire a fini par consacrer au panthéon des demi-dieux versificateurs relèverait du crime de lèse-poète...
    <o:p></o:p>

    C'est que, voyez-vous, je n'ai pas pour habitude de bêler avec le troupeau des initiés. Le messie de cette espèce de secte littéraire fût-il Monsieur Rimbaud.<o:p></o:p>

    Je préfère encore passer pour un imbécile solitaire, héroïque dans mon hérésie, plutôt que paître tel un ruminant à la solde de Rimbaud dans les grasses contrées de la poésie dispensée en granulés. Me distinguer de la sorte plutôt que me fondre dans la foule d'admirateurs anonymes, trompeter seul au fond des bois plutôt que joindre mes bêlements à ceux de l'étable, voilà ce qui sied au bel esprit que je suis.<o:p></o:p>

    481 - Les humains du cirque

    Ils s'exhibent comme des petits singes surdoués, les gens du cirque. Galipettes savantes et acrobaties recherchées sont sensées faire de ces pantins salariés des êtres à part. Fiers de leurs numéros, ils gonflent torses et muscles sous les acclamations... A-t-on déjà vu semblables puérilités ? Accoutrés avec recherche jusque dans le ridicule, ils font leur petit tour sur la piste et puis s'en vont, les gens du cirque. Artistes grotesques !<o:p></o:p>

    Le clown qui ne m'a jamais fait rire, pitoyablement fait les mêmes pitreries archi-usées. On sent sous son grimage approximatif le comédien raté, de son vrai métier conducteur de camion ou vague préposé à l'entretien du chapiteau, reconverti sur le tard dans la clownerie. Pauvre fantoche qui se met en quatre pour déclencher les rires les plus gras ! Aucun don particulier chez le clown qui semble dans le meilleur des cas n'être qu'un pauvre hère jeté sur la piste par hasard. Dans le pire des cas, il me fait songer à un personnage douteux qui, au fil des échecs successifs d'une vie itinérante que je soupçonne vouée à l'alcool, a fait naufrage dans une troupe de cirque.<o:p></o:p>

    Les dompteurs, rois de la nullité donnée en spectacle, m'ont toujours profondément ennuyé. Vêtus comme des gladiateurs d'opérette, c'est qu'il en imposent ! Aux mémés séniles et bedeaux attardés de province...<o:p></o:p>

    La musique jouée en ces lieux est à elle seule une merveille de monstruosité sonore ! Propre à rendre complètement dingues fauves, éléphants et autres quadrupèdes peut-être atteints de surdité aiguë... Pauvre ménagerie soumise aux lois du spectacle le plus piteux, abrutie chaque soir de représentation par une troupe de crétins à deux pattes !<o:p></o:p>

    Les trapézistes quant à eux sont de courageux inconscients qui ne craignent pas de voltiger en collants serrés. Et s'ils atteignent certains sommets, pour moi ce seront surtout ceux du mauvais goût. Ainsi déguisés en sauveurs du monde tels des "Superman" des pires productions hollywoodiennes des années soixante, j'aime les voir tomber systématiquement dans le ridicule. Véritables grenouilles des airs, ces artistes-là au moins déclenchent chez moi une réelle hilarité, contrairement aux clowns. <o:p></o:p>

    La façon que tous ces gens ont de saluer leur public est en soi le clou du spectacle. Quelle simiesque indigence ! Quel mimétisme dans la balourdise ! Quel comique involontaire ! Pour qualifier ces travailleurs du cirque, je n'ai pas trouvé de terme plus juste, plus adéquat (bien que familier) que le terme "ringards". <o:p></o:p>

    482 - Hasards gratuits et faits anonymes amusants ou émouvants

    Dans une rue du Mans l'autre jour je ramasse une feuille manuscrite gisant sur le bord du trottoir. Naturelle et insatiable curiosité de l'auteur de ces lignes pour tout ce qui tient de l'écrit personnel...<o:p></o:p>

    En effet, j'ai toujours aimé lire ces correspondances privées ou petits mots envolés, jetés ou oubliés qui traînent parfois dans le caniveau ou entre les pages des vieux livres. Cela peut aller de la simple liste de commission jetée sur la voie publique (je m'amuse souvent à établir les portraits psychologiques d'inconnus d'après les produits figurant sur leur liste de courses) au mot d'amour déchiré (dont je recolle les morceaux épars) que je soustrais à une poubelle en passant par la banale carte de voeux servant de marque-page trouvée dans un livre de la bibliothèque municipale. Ma curiosité à ce sujet est inextinguible. J'aime faire ce genre de brève incursion dans les vies anonymes. Ces témoignages ou tranches de vies laissés sur ces bouts de papier me font parfois rêver, sourire, voire me laissent perplexe... Il y a parfois des trésors humbles et émouvants à découvrir au fond des corbeilles à papier ou dans les marges de certains vieux livres. Bref, récemment je ramasse donc comme à mon habitude une feuille manuscrite traînant dans la rue.<o:p></o:p>

    C'est une ordonnance de médecin. Le papier est jauni. Ce qui frappe au premier abord, c'est le numéro de téléphone à quatre chiffres sur l'en-tête. Ce document remonte donc aux années soixante. Le mot est d'ailleurs daté du 19 septembre 59. L'entête est ainsi libellée :<o:p></o:p>

    Docteur Pierre DELINOTTE<o:p></o:p>

    Chirurgien des hôpitaux<o:p></o:p>

    3, rue Delaizement<o:p></o:p>

    PARIS (XVII°)<o:p></o:p>

    Tél. Étoile 07.11<o:p></o:p>

    Je lis :<o:p></o:p>

    "Mon cher ami,<o:p></o:p>

    Je crois que le mieux pour la jeune (illisible) serait qu'elle m'écrive pour prendre un rendez-vous. Sauf dans la première semaine d'octobre car je suis pris par le Congrès. Je peux la revoir quand elle veut. Pour ce qui concerne (illisible) je l'ai réglé, car je demeure persuadé que (nom illisible) a très certainement exagéré.<o:p></o:p>

    J'ai peur qu'il y ait un procès mais le fera-t-il ? Monsieur Binet était de mon avis lors de la dernière réunion commune, mais il paraît qu'il aurait    changé ! ? Qu'en sait-on ?<o:p></o:p>

    A bientôt j'espère, à la chasse, et amitiés à vous (signature illisible)."<o:p></o:p>

    A la lecture de cette lettre j'imagine avec amusement le chirurgien faire de bourgeoises parties de chasse le dimanche dans le parc d'un château en compagnie de ses amis avocats, notaires et autres grosses pointures de la bonne société parisienne. Bref, le cliché traditionnel.<o:p></o:p>

    Je mets la lettre dans ma poche dans l'intention d'en savoir un peu plus sur ce Docteur au nom si cocasse, grâce aux possibilités insoupçonnées qu'offre ce merveilleux joujou qu'est Internet, histoire de satisfaire plus en profondeur ma curiosité.

    Ce matin je commence donc mes recherches sur ce curieux Docteur Pierre DELINOTTE, et voici ce que j'apprends sur un site de généalogie :
    <o:p></o:p>

    Le Docteur Pierre DELINOTTE, médecin chirurgien, est né en 1906 et est décédé en 1964 à Ouzouer-sur-Treze en Sologne. Une petite note précise, qui donne tout son sel à cette histoire :<o:p></o:p>

    "Accident de chasse".<o:p></o:p>

    483 - Lettre d'amour

    Madame,

    Je n'aime pas vos boutons sur le visage ni vos dogues affamés, encore moins votre mari souffrant d'hémorroïdes aiguës. Quant à vos tartes à la crème, elles manquent autant de tarte que possible... Cependant, comme j'aime votre face de femme ! Saurez-vous combien j'apprécie votre présence entre les rangs de betteraves ? Madame, un être humain mâle doué de raison et possédant un coeur sensible en bonne santé vous aime. Je porte une jolie cravate, elle vous plaira. Je suis pauvre c'est vrai, cependant je suis certain d'avoir des choses de valeur. Du prix en tant que personne, beaucoup d'allure comme on dit, un minimum de répartie, de la bonne humeur, et puis quelques boutons de chemise en or, un radiateur de voiture neuf, un nécessaire à pharmacie, un sac presque entièrement rempli d'agates, enfin des choses de ce genre... Je n'ai pas de chien vivant mais il me reste quand même un peu de biens fonciers pour remplacer. Je suis sale sur moi, mais seulement le dimanche. Et encore... Pas tous les dimanches.

    Pour vous plaire Madame je me plierai en quatre, je fuirai devant mes responsabilités, j'enterrerai ma grand-mère et flagornerai même mon arrière grand-tante qui est encore moins vieille que l'autre aïeule. Je courrai comme un fou dans les champs au printemps, je mettrai des roues un peu mécaniques sous mes semelles de cuir. Sans chagrin j'arroserai le jardin les jours de crachin, je pourfendrai les forces obscures qui nous entourent comme un cheval fou. Ou mort, quelle importance ?
    <o:p></o:p>

    Mais avec la crinière au vent, toujours.<o:p></o:p>

    Au piano je vous chanterai l'amour. A canasson je vous le jure, à dos d'âne peut-être mais c'est moins sûr, avec un chien froid sur la tête, à califourchon entre deux principes opposés et symétriques, à la nage et même à la craie sur un tableau ensoleillé. Je ne verrai pas les boutons affreux de votre face de chamelle, trop ébloui par l'amour. Je ne verrai que la gloire des muses dans les hauteurs olympiennes encore accessibles. Madame, permettez que je délaisse mes affaires et que je vienne debout devant vous, vous dire que je veux courir les champs comme un fou au printemps, je le répète.<o:p></o:p>

    Il faut vraiment aimer l'amour et en vouloir madame, pour vous aimer. Vous avez vu votre tête de femme de votre mari ? Ce que j'aime en vous Madame, c'est le Madame. Le reste, c'est surtout de la littérature. Je termine ma lettre d'amour sur des mots sans espoir puisque je sais que vous je ne vous aimerai jamais. Cette lettre que vous avez entre les mains, c'est une farce, rien qu'une farce, soyez rassurée.<o:p></o:p>

    Gonflée comme une vache, grosse comme une barrique, fine comme une dinde. <o:p></o:p>

    484 - Enfantement guindé

    Madame de la Châteloire-Labey accouche après neuf mois d'aristocratique gestation. Assistons à l'événement jusque dans les plus intimes détails.<o:p></o:p>

    - Cher époux, des douleurs m'avertissent que je suis sur le point de livrer au monde le fruit de mes flancs. M'aiderez-vous à accomplir le devoir que m'impose la nature ? Je sens la délivrance si proche que je pense défaillir d'un instant à l'autre...

    - Madame, le fait que vous soyez mon épouse ne vous autorise pas à suggérer que je me mêle de ces affaires-là, quand même seriez-vous au bord du gouffre. Je vous trouve décidément bien indécente Madame ! Veillez à mener à bien cette formalité avec un maximum de discrétion... Vous savez bien que les trivialités de cette espèce ne siéent pas à l'esthète que je suis. Soyez forte Madame, et surtout prenez garde à ne pas vous départir de la plus élémentaire bienséance. Rendez service aux belles gens en éjectant le contenu de vos entrailles loin de leurs regards. Et puis cessez de geindre de la sorte Madame, vous me faites songer à une coche affamée et c'est particulièrement haïssable !
    <o:p></o:p>

    - Mon époux, me pardonnerez-vous d'endurer avec si peu de retenue les douleurs de l'enfantement ? C'est que les affres de la délivrance sont difficilement supportables...<o:p></o:p>

    - Madame, pourquoi devrais-je vous pardonner une telle faute de goût ? Que vous manifestiez oralement ou non les tourments que vous prétendez endurer, croyez-vous que cela changera quelque chose ? Même si ce que vous dites est vrai, votre douleur ne variera pas, que vous la manifestiez ou non, alors pourquoi ajouter à votre inconfort des gémissements qui incommodent tout le monde ? Même les domestiques sont irrités par vos bruits de bête femelle ! Reprenez-vous, je vous en prie ! Votre comportement est inconcevable, inouï, inqualifiable Madame ! Allez-vous cesser ces grognement incongrus et grotesques ? Vous me faites honte devant la domesticité, ce qui est un comble avouez-le... Et hâtez-vous plutôt de vider vos entrailles ailleurs que sous mes yeux Madame, car vous m'indisposez.<o:p></o:p>

    - Mon époux, permettez-moi en ce cas de demander l'aide de quelque domestique, car je crains de ne pouvoir accomplir seule la tâche.<o:p></o:p>

    - Madame, vous m'agacez avec ces affaires ménagères. Et puis voyez donc, vous êtes en train de répandre vos eaux ! Ha Madame vous êtes infâme ! Où vous croyez-vous ici ? Ha ! Disparaissez sans tarder Madame, allez plutôt rejoindre les bêtes aux écuries, seul asile digne de votre laisser-aller ! Quelle honte ! Il me semble avoir épousé quelque gueuse des bocages ! Allez, hors de ma vue, mauvaise épouse que vous êtes ! Ha et puis tenez ! Par votre faute des vapeurs me submergent. A moi Madame, à moi grand Dieu ! (L'époux agite son éventail.)<o:p></o:p>

    - Mon époux, vous sentez-vous mal ? Mais vous vous mourez !<o:p></o:p>

    - Ha oui ma femme, je me meurs de mille morts ! Et par votre faute encore, infâme que vous êtes ! Des sels, vite ! Apportez-moi des sels !<o:p></o:p>

    - Mon ami, je crains que celui que je portais en mon sein ne soit venu au monde entre temps... Entendez-vous gémir ce chérubin qu'un lien de chair relie encore à mon flanc sanguignolent ?<o:p></o:p>

    - Ha Madame, voulez-vous donc m'assassiner ? Croyez-vous que j'ai la tête à vos amusements ? Ne voyez-vous pas que je me meurs, morbleu ? Au lieu de m'ennuyer avec vos vétilles, secourez-moi Madame car enfin je crains le pire ! Alors et mes sels ? Vous savez bien que je ne souffre pas l'attente Madame...  Ho ! Madame, méchante épouse que vous êtes ! Me laisserez-vous donc agonir de la sorte ?<o:p></o:p>

    - Mon époux, je vous demande grâce pour mes égarements. Mais je vois que vous allez mieux... Venez donc près de moi que je vous présente votre héritier. C'est un mâle. Comment l'appellerez-vous ?<o:p></o:p>

    - Théophile. Quand dînons-nous ?<o:p></o:p>

    - Sonnez les domestiques, je crois que le dîner est prêt.<o:p></o:p>

    - Madame, je crains finalement que vos frasques m'aient hélas ! coupé l'appétit. Je ne vous félicite pas. Je me retire dans mes appartements. Bonsoir Madame.

    - Bonsoir mon époux.
    <o:p></o:p>

    485 - Préceptes pieux

    En tant que digne représentant de l'Église Apostolique Romaine et Catholique, et parce que Dieu qui est amour vous veut du bien, soyez-en persuadés, je me dois de vous éclairer, selon les desseins qu’Il a sur vous, sur le chemin de votre vie. Soyez d'abord convaincus, mes chers enfants, de la divine bonté du très Haut qui n'a d'autre souci que de répandre le bonheur en ce monde. Au nom de Lui, au nom de l'Église, et au nom de l'Amour Universel qui unit les hommes entre eux, obéissez aux saints préceptes dictés par le Ciel à tous ses dignes enfants. Recevez la main de Dieu comme l'enfant recevrait la main du prêtre qui le béni, accompagnée d'un livre de bonne conduite et de principes moraux. <o:p></o:p>

    Tout d'abord je vous le dis, vous devrez renoncer aux mollesses d'une existence par trop facile. Dès l'aube, été comme hiver, par temps de paix et par temps de guerre, vous irez prier le Saint du jour en la chapelle sise près du tombeau familial, et prierez encore et encore, jusqu'à ce que vous ne sentiez plus vos genoux sur le roc rugueux. Ô divines souffrances de la prière, sanglante ferveur qui fait oublier les soins de la chair, saintes rigueurs infligées aux corps dont l'esprit s'élance vers le Ciel ! Vous bénirez les douleurs de la prière, après quoi vous vous attèlerez sans plus tarder aux communes besognes du matin, le coeur plein d’une joie toute biblique. Pour maintenir en état de vie votre organisme, ce temple provisoire et impur de l’âme, vous prendrez vers le point du jour un humble repas, préalablement béni par vos soins.<o:p></o:p>

    Composition réglementaire du premier repas chrétien du jour :<o:p></o:p>

    - Pain béni.<o:p></o:p>

    - Eau chaste.<o:p></o:p>

    Les femmes grosses pourront prendre un supplément de pain béni, à condition qu'elles ne se soient point souillées la veille par de mauvaises pensées. Sans pour autant qu'il leur soit accordé un surplus d’eau. A moins qu’elles soient vraiment fort assoiffées et non guidées par des instincts de gourmandise ou par la recherche de quelque autre délectation impie. L’eau étant un breuvage sacré, on ne doit pas la gaspiller inconsidérément.<o:p></o:p>

    A l'heure du sonner de cloches, vers les 10 heures du matin, on s'abstiendra, durant une minute ou deux, de toute émission de parole. Et l'on priera de plus belle pour le Saint du jour. Cela constitue un excellent exercice spirituel qui tient en éveil le chrétien soucieux de vivre en harmonie selon les principes de l'Église. Rappelons que ces principes sont absolus, inaliénables : nul ne peut, sous peine d'excommunication, se rebeller contre l'autorité religieuse qui régit sa vie. Remettez votre vie entre les mains des représentants du Ciel, et vous serez comblés de pure joie.<o:p></o:p>

    A l'heure du repas du milieu de journée, vous vous réunirez en famille. Les enfants feront leur prière. Chaque fois que fourchera leur langue, soit par inattention, soit par vice (tous les enfants ont le vice dans le sang et il convient d'y remédier très tôt par l'application, journalière de châtiments corporels significatifs), les parents aimants, au nom de leur naturelle tendresse envers leur progéniture, prendront soin de régler ces écarts de la manière la plus sévère qui soit. Attention : lors du repas familial, qui se prend ordinairement dans un silence recueillit, les sourires ainsi que toutes les expressions simiesques émanées des enfants doivent être absolument proscrits ! C'est la règle, il faut s’appliquer à la faire respecter. Un repas chrétien se doit d’être pris dans la DIGNITE. Il ne faut surtout pas imiter les hérétiques qui, sous couvert d'humanité, laissent au moment du repas de milieu de journée leurs enfants (voués aux enfers, n'en doutons pas un seul instant...) s'émanciper de la manière la plus grotesque, la plus révoltante qui soit. Alors dans ces foyers dénaturés, ce ne sont que fusions de rires et yeux d'enfants remplis d'infernale allégresse, chahut et désordre à n'en plus finir ! On ne prendra pas pour modèle ces familles à la spiritualité pauvre.<o:p></o:p>

    La composition du repas de milieu de journée est laissée aux soins de la maîtresse de maison. L'Église, en effet, est très large d'esprit. Toutefois, il conviendra d'éviter de manger gras les vendredis.<o:p></o:p>

    Chacun à l'issue du repas et après la prière scellant la première partie du jour vaquera à son labeur. Les enfants, très tôt, auront pris goût à la besogne, grâce à l'éducation empreinte de sainteté prodiguée par les parents. Les basses besognes seront, quant à elles, faîtes dans la joie et la prière. Cela est excellent pour les cœurs par trop remplis d'orgueil. N'oublions jamais que le péché d'orgueil mène l'impie aux abîmes, et que les enfers sont alimentés par les âmes brûlantes d'orgueil ! Que l’effroi qu'inspire le péché d'orgueil ramène les égarés dans le droit chemin ! Dieu est amour, l’Église veille aux desseins du Ciel. Tremblez pécheurs ! Et soyez emplis de joie, vous les baptisés qui ne péchez point, qui suivez les préceptes de l'Église à la lettre, à chaque jour de votre vie, lesquels sont, croyez-le bien, dûment comptés ! Dieu vous veut du bien, remerciez-le. Faites pénitence pour vos péchés, et si par orgueil vous ne voyez pas de péché commis dans vos jours passés, demandez pardon au Ciel d'avoir oublié le jour où vous l'avez offensé.<o:p></o:p>

    A l'heure de l'Angélus, tous, femme, époux et fruits de leur chaste hyménée se prosterneront avec humilité contre le sol, fronts touchant la poussière (n’oubliez pas que vous êtes poussière…), lèvres se mêlant à la boue et mains dans la fange s'il le faut, pour rendre grâce à Dieu. Les enfants récalcitrants se verront infliger les châtiments prévus à cet effet. Les parents aimants n'hésiteront pas à donner en exemple leur piété aux enfants, par nature infirmes tant par l’esprit que par le coeur. Par l'effet de la badine, il faut inculquer aux enfants trop rieurs, trop insouciants ou bien trop enclins à la tendresse et à la douceur les rigueurs d'une tenue chrétienne, exempte de toute manifestation affective superflue. Ces rigueurs sont vites acquises quand on sait manier l'instrument de sévérité. Le salut des enfants n'est pas ailleurs que dans les austérités d'une éducation chrétienne, laquelle est pleine d'amour et de compassion pour l'homme. Pour ce qui est de la reproduction de l'espèce chrétienne, je n'ai rien à ajouter. Tout a été consigné dans la précédente encyclique. Méditez ces préceptes, suivez-les, et vivez heureux.<o:p></o:p>

    486 - Entretien avec le Christ

    Un jour on frappa à ma porte. Un homme empreint de majesté au regard solennel, au front plein d'autorité et à la tête couronnée de gloire se présenta à moi en ces termes :<o:p></o:p>

    - Tu ne m'attendais pas, et voilà que je viens.<o:p></o:p>

    Je ne fus pas plus étonné que ça par cette visite. Je fus même surpris de n'en être pas surpris. Les choses, pour étranges qu'elles fussent, ne m'en paraissaient pas moins naturelles.<o:p></o:p>

    - Puisque vous voilà, soyez le bienvenu. Je vous ai bien reconnu.<o:p></o:p>

     - Maintenant que je suis là et que tu m'as reconnu, tu n'ignores plus la raison de ma présence, Raphaël.<o:p></o:p>

    - Le Christ, je devine que vous n'êtes pas venu pour rien.<o:p></o:p>

    - Je suis venu pour te sauver, Raphaël. Non pas que tu sois vraiment en perdition aujourd'hui, mais un berger craint toujours pour son troupeau.<o:p></o:p>

    - Me sauver, oui... C'est là toute votre affaire. Du diable je suppose ?<o:p></o:p>

     - Non, de toi même, Raphaël.<o:p></o:p>

     - Suis-je à ce point faillible, pervers et méchant ?<o:p></o:p>

    - Tu es un homme.<o:p></o:p>

    - Et loin d'être un ange avec ça, je sais...<o:p></o:p>

    - Tu es une brebis, un pécheur, un mortel.<o:p></o:p>

    - Je ne m'en vante pas, le Christ. Et c'est pour me dire ça que vous êtes venu me voir ?<o:p></o:p>

    - Raphaël, cesse de railler ton prochain. Sois moins cynique avec tes semblables. Gagne le ciel à la force de ton coeur et non à la pointe de ta plume. Tes mots ne valent rien pour moi. Seuls comptent tes actes altruistes. C'était pour te dire ça que je suis venu te voir. Pour te libérer de ta prison d'égocentrisme. Le mal est certes véniel, mais tu risques tout de même de trébucher sur ce chemin tortueux. Prends garde Raphaël.<o:p></o:p>

    - Le Christ, que connaissez-vous à la littérature ? Mêlez-vous donc de vos affaires et laissez les hommes s'amuser entre eux avec leurs vanités. C'est à peu près tout ce qu'ils ont sur cette terre pour mieux oublier l'échéance suprême qu'est la mort. Les vanités sont notre baume le plus certain, notre illusion la plus parfaite, notre meilleure consolation du moment.<o:p></o:p>

    - Raphaël, je suis venu à toi non comme un Dieu mais comme un homme. Puisque je ne peux frapper à la porte de ton coeur, je suis venu frapper à la porte de ton appartement. Tu vois, je suis descendu de ma croix pour venir te voir, d'égal à égal.<o:p></o:p>

    - Le Christ, vous avez bien fait en vérité.<o:p></o:p>

    - Ceux que tu railles si fort, que tu conspues si bien, que tu aimes si mal dans tes textes, sais-tu qui ils sont ?<o:p></o:p>

    - Non, mais vous allez me le dire, le Christ.<o:p></o:p>

    - C'est moi-même.<o:p></o:p>

    - Ho !<o:p></o:p>

    - Et ces criminels que tu honnis, ces menteurs que tu méprises, ces vils que tu hais et que tu dénonces avec toute ta bonne conscience dans tes autres textes, sais-tu qui ils sont ?<o:p></o:p>

    - Ils sont les diables de ce monde, le Christ ! Et j'ai bien raison de les maudire de la sorte !<o:p></o:p>

    - Non, Raphaël. Ces gens que tu voues à la géhenne, c'est toi-même. Ils représentent tout simplement ta part d'ombre inavouée.<o:p></o:p>

    - Si je m'attendais...<o:p></o:p>

    - Ta vanité est bien grande Raphaël...<o:p></o:p>

    - Le Christ, inutile d'aller plus loin j'ai compris. La leçon me va droit au coeur. Qu'allez-vous faire à présent ?<o:p></o:p>

    - Ma mission auprès de toi est terminée Raphaël. Je vais partir et te laisser méditer sur ma visite.<o:p></o:p>

    - Le Christ, par quel moyen allez-vous partir ?<o:p></o:p>

    - Comme je suis venu Raphaël.<o:p></o:p>

    - Vous voulez dire par la porte ?<o:p></o:p>

    - Oui Raphaël, par la porte.<o:p></o:p>

    Et mon hôte s'en fut aussi simplement qu'il était venu. Par la porte. Et je demeurais là, méditant sur la croix accrochée au mur austère de mon appartement.<o:p></o:p>

    487 - Entretien avec le Diable

    Un jour on cogna à la porte de mon appartement. J'ouvris promptement. Je regardai dans le couloir à droite, puis à gauche. Personne !<o:p></o:p>

    Bizarre...

    Je refermai la porte, perplexe. C'est alors que je le vis : il s'était introduit chez moi par un de ses tours de passe-passe dont il a le secret. Je le reconnus instantanément. Toujours aussi farceur, c'était le Diable en personne.
    <o:p></o:p>

    - Le Diable, quel bon vent vous amène ?<o:p></o:p>

    - Raphaël, je suis venu t'aider. D'abord tes ennemis, je vais te donner les moyens de les écrabouiller comme des cafards.<o:p></o:p>

    - Ca peut être intéressant, en effet.<o:p></o:p>

    - Raphaël, pactisons. Avec moi tu auras de l'or, des succès en tous genres, des femmes, toutes les femmes que tu voudras, même les plus laides.<o:p></o:p>

    - Le Diable, là vous me tentez.<o:p></o:p>

    - Je ne fais que mon métier... Raphaël, je ferai encore de toi le plus grand salopard du NET. Tu seras craint, haï, maudit. Réjouis-toi car tes ennemis seront innombrables, mais toujours écrasés par ta plume de fer et de feu. Tu auras avec toi la force des enfers.<o:p></o:p>

    - Diable !<o:p></o:p>

    - Comme tu dis. Alors qu'en penses-tu ?<o:p></o:p>

    - Mes ennemis, vous dites que je les écrabouillerai comme des punaises ?<o:p></o:p>

    - Comme des cafards.<o:p></o:p>

    - Assez ri maintenant. Je me passerais de tes services le Diable. Retourne donc à tes flammes car la pointe de ma plume vaut mieux que le feu de ta fourche.<o:p></o:p>

    Il ne se le fit pas dire deux fois. Je regardai finalement repartir le Diable, piteux avec ses illusions perdues, sans avoir le moins du monde pactisé avec lui. C'est qu'il est naïf, le Diable ! Et puis il a du temps à perdre.<o:p></o:p>

    J'aurais quand même votre peau, vous les petites charognes, vous mes très chers, vous mes très méchants ennemis ! Vous ne perdez rien pour attendre. Pas besoin de pactiser avec les enfers pour vous moucher comme il faut. Le feu de ma rage, le fiel de ma plume et les crachats de ma bouche suffiront bien, allez !<o:p></o:p>

    488 - L'abbé Bichart

    L'abbé Bichart était un saint homme. La quarantaine ascétique, les traits fins, sensible, cultivé, possédant d'authentiques qualité humaines et spirituelles, très pieux, il comblait bien au-delà de leurs attentes ses ouailles comme ses supérieurs.

    A cela près qu'il était affligé d'un défaut insolite arrivé quelques années après son ordination, une étrange tare de langage, une sorte de tic de la pensée, une bizarrerie de l'esprit : le pauvre homme ne pouvait s'empêcher de jurer comme un diable à la moindre occasion et où qu'il fût, et surtout "d'enjoliver" ses phrases anodines ou solennelles avec les propos les plus orduriers qui soient.
    <o:p></o:p>

    Ca n'était pas de simples jurons qui sortaient de sa bouche sensée n'émettre que les plus chastes onctions, non. On avait affaire là à des canailleries sans nom propres à faire rougir des régiments entiers de charretiers affectés aux écuries de l'infanterie ! Sans doute les effets insoupçonnés d'une chasteté mal contenue, le résultat fâcheux de plusieurs années d'abstinence que l'on devine odieuses, funestes pour le prêtre que sa fonction condamne traditionnellement à une solitude cruelle... Soulignons que l'abbé possédait une nature portée sur les plaisirs plutôt subtils, esthétiques de la sensualité. Aussi ces obscénités langagières contrastaient-elles abominablement avec l'aspect efféminé, fragile, fluet de son auteur, ainsi qu'avec ses manières délicates, distinguées, et même aristocratiques. L'abbé Bichart, en effet, était de haute extraction.<o:p></o:p>

    "Où qu'il fût et à la moindre occasion", répétons-le, l'abbé proférait d'incroyables crapuleries. Le pire endroit qu'on puisse songer en ce cas étant bien entendu l'église, de dimanche en dimanche celle-ci avait finit par se vider... Ne restait qu'un noyau de fidèles pour écouter les grossièretés du prêtre. Ceux et celles qui venaient et restaient jusqu'au bout étaient animés, on s'en doute, par une curiosité déplacée. Ou par quelque vice peu avouable. Quelques tendrons émotifs, mais aussi une ou deux vieilles filles "bien comme il faut" s'attardaient volontiers de temps à autre le dimanche à l'église pour entendre les sermons de l'abbé ponctués d'indicibles gravelures...<o:p></o:p>

    - "Mes chers frères et soeurs, remercions notre Seigneur tout puissant pour sa bonté infinie envers l'Humanité toute entière...", disait-il du haut de sa chaire sur un ton solennel empreint de piété, puis sans terminer sa phrase et prenant un ton plus crapuleux il ajoutait aussitôt, s'adressant aux vieilles filles agenouillées et aux demoiselles émotives qui frémissaient déjà : "... et accessoirement remercions-le de ne m'avoir pas doté de deux ou trois paires de couilles-à-vaches en supplément et de plusieurs braquemarts-à-empistonner afin que j'enfilasse par l'entonnoir à purin deux ou trois papes impuissants à la fois et une gueuse-à-couilles en sus ! Ha ! Nom d'un curé pédéraste de mes deux, que celle parmi vous qui veut que je lui envache le treux-à-enfiler monte sur ma chaire, et je l'encouillaserai publiquement jusque dans le fond de sa panse par là-où-que-passe-la-pisse-de-fumelle après l'avoir bourrenvachée truiesquement par le boyeux-de-son-cul ! Sacré nom de mes deux de cureton de nom d'un treux-du-cul d'une escalope de coche à couillasses de sacré nom des couilles du Diable ! Je m'enfilerais bien par le treux de derrière ou de devant quelque donzelle tombée en rut à la vue de mes grosses couilles de vache, et même un pasteur catholique vérolé ou pourquoi pas un pédé d'archevêque embordelisé jusqu'à la moelle ! Je vous montrerai ce que vaut la couille d'un cureton moi, sacré nom d'un boyeux-de-fumelle de vache à baise de mes deux ! Enfin, reprenant un ton plus digne, comme si de rien n'était son sermon se poursuivait de la manière la plus normale qui soit, jusqu'à la prochaine crise : "Mes bien chers frères et soeurs, Dieu tout puissant dans son infinie bonté disais-je donc..." Etc.

    Tels étaient les propos avec lesquels l'abbé Bichart pétrifiait son auditoire (tout ouïe, ne le cachons pas). L'effet évidemment était extraordinaire.
    <o:p></o:p>

    L'écho de ses écarts de langage involontaires parvint jusqu'au plus hautes sphères du clergé, à Rome. Il fut un temps placé d'office dans une station thermale, en repos forcé. Finalement il put reprendre bientôt ses fonctions avec la bénédiction de son évêque qui lui confia la charge ingrate de remettre dans le droit chemin toute une congrégation de bonnes soeurs dévoyées...<o:p></o:p>

    Après cela, allez percer les mystères de l'institution cléricale !<o:p></o:p>

    489 - L'abbé "Queue-de-Boeuf"

    Le père Anselme avait une réputation non usurpée de sacré foutu paillard : il donnait de la bénédiction à tout de rein à qui voulait, et même à qui ne demandait rien. Il faut dire que l'abbé possédait le plus gros manche à bénir de toute la paroisse. Aussi fourrait-il sans retenue ni distinction. Toutes y passaient : rombières décaties, marquises maniérées, donzelles puériles, bonnes soeurs effarouchées, Lilith en personne, et même disait-on la propre fille illégitime de son évêque !<o:p></o:p>

    Bref, l'abbé menait une existence à la fois voluptueuse et agitée entre les enfants de coeur encore nigauds et ses ouailles dûment confessées. Une rumeur courut cependant sur son compte : l'abbé possédait certes la plus grosse crosse de la paroisse, mais celle-ci ne répandait aucune humeur digne de ce nom. Aussi fut-il bientôt surnommé "L'abbé Queue-de-Boeuf" à cause de la similitude de sa trompette vaillante avec celle de l'animal infécond.<o:p></o:p>

    Certes elle se dressait bien comme un coq, ne rechignant jamais à la besogne, s'épaississait sans faillir comme celle d'un âne il est vrai, mais il fallait bien se rendre à l'évidence : jamais elle ne sonnait. De réputation de couillu, l'abbé passa à celle d'authentique eunuque. Cela ne l'empêchait pas de persister dans ses oeuvres charnelles, bien au contraire. Loin d'être desservi par une telle renommée, il pouvait en effet fourrer de plus belle de part et d'autre sans crainte de se déshonorer dans une paternité qui eût été non seulement inconvenable, mais encore absolument incompatible avec sa fonction. <o:p></o:p>

    A ses funérailles l'abbé "Queue-de-Boeuf" fut âprement regretté de toutes les catins de la paroisse mais aussi et surtout des plus pieuses de ses brebis qu'il avait régulièrement fourrées sans engrosser : toutes avaient pu goûter aux bienfaits du bâton défendu sans devoir en payer le prix amer. <o:p></o:p>

    L'abbé "Queue-de-Boeuf" en bon prêtre qu'il fut laissa derrière lui certes quelques larmes d'éplorées consciencieusement fourrées, mais dans leur matrice aucun fruit compromettant. <o:p></o:p>

    490 - Nouvelles de l'invisible

    Le temps d'une brève léthargie, l'inviolable voile d'éther s'est déchiré : j'ai pu passer la tête derrière le rideau. Juste la tête. <o:p></o:p>

    Et j'ai vu.<o:p></o:p>

    J'ai vu des nues dorées, des ciels enflammés, des verts pâturages et des oranges amères, des vents infinis et des sables sans fin, des étoiles éclatantes et des lunes sans âmes, des enfers et des paradis mêlés. Rien que des choses qui ne se voient pas en notre monde. <o:p></o:p>

    J'ai vu des hommes sans nom, des animaux que l'on désigne avec des majuscules, des papillons bleus, des vermisseaux tétant les astres, des loups sereins et des lucioles en pleine gloire. J'ai vu des rivières givrées, des miroirs sans fond, des puits qui ne tarissent pas, des chemins menant nulle part, des fenêtres qui donnent sur l'ailleurs, des portes ni ouvertes ni fermées. J'ai aperçu je crois quelque trou de l'Univers, effleuré la pointe de l'infini, touché le commencement du Tout avant de le perdre de vue.<o:p></o:p>

    Des chevaux translucides par milliers dévalaient une contrée incolore. La terre était blanche, le ciel était blanc, le lac était blanc. La couleur semblait péché. Ce monde était vrai comme le roc. D'autres horizons plus éclatants encore le contredisaient pourtant : des feux aux nuances inouïes brûlaient d'une gloire inextinguible. Étrange enfer de flammes douées de vie... Entités pures, choses passagères, illusions infernales, visions supérieures, sourires d'anges, farces de démons... Comment savoir ? Mais j'ai vu, j'en suis certain.<o:p></o:p>

    Des arbres sans sommet défiaient les cieux, des montagnes aux flancs vertigineux s'élançaient vers un soleil recouvrant l'horizon entier, des herbes folles montaient à perte de vue, et les têtes de ces géants se rejoignaient en une sphère céleste monstrueuse et inaccessible.<o:p></o:p>

    Des femmes, des femmes qui n'étaient plus des femmes mais des lignes suprêmes, des formes sans chair, dansaient sur des rythmes lents et assoupissants, presque ennuyeux, diffusant autour d'elles les ondes aiguës, vibrantes, voluptueuses d'une mort étrange et belle. Démons ou oiseaux du paradis, j'ignore qui étaient ces conceptions femelles... Mais je les trouvais plus belles que tous les levers de soleils de l'Univers.<o:p></o:p>

    Sur son trône j'ai vu l'auteur de ces merveilles éblouissantes et terribles. M'avançant vers lui, je m'apprêtais à lui adresser la parole quand... <o:p></o:p>

    Quand je suis revenu à moi.<o:p></o:p>

    491 - Delphine

    A seize ans, Delphine était une jolie demoiselle très blonde et très méchante. Ses yeux clairs, son teint incomparable, ses sourires ravissants faisaient des ravages, elle le savait. Quoi que fort sotte, Delphine n'en était pas moins très belle, disions-nous : une pimbêche en forme de bouquet de fleurs, une chipie que l'on complimente, un monstre à face d'ange.<o:p></o:p>

    Elle savait qu'elle était la plus belle, aussi fomentait-t-elle maintes bassesses envers tout ce qui avait moins de prix que sa face. Tous les laiderons de son âge (qu'elle côtoyait volontairement) étaient ses ennemis. Elle aimait s'afficher en compagnie des herbes folles afin de se donner encore plus d'éclat.<o:p></o:p>

    Son fiel était adorable : elle charmait même avec sa voix suraiguë, ses mots abjects, ses pensées laides.<o:p></o:p>

    Sa façon de parler de ses jeunes camarades dans leur dos était très révélatrice de son incroyable orgueil : jamais on ne l'entendait dire des choses aimables. Odieuse et insupportable, médisante et haineuse, elle excédait son entourage, enchantait les enfers. <o:p></o:p>

    J'aimais cette fille. Nous avions pourtant vingt ans de différence d'âge. Mal rasé, la mine patibulaire, l'oeil égrillard, j'allai lui demander sa main vipérine, son hymen corrompu, son coeur hypocrite. Elle, plus haïssable que jamais, infâme à souhait, délicieusement perfide ne refusa point l'offre.<o:p></o:p>

    Une bonne occasion, pensa-t-elle, pour faire enrager ses ennemis... Autant dire la Terre entière.<o:p></o:p>

    Avec les années le bel oiseau agité ne se calma pas du tout, bien au contraire. Vingt ans de différence qui la réjouissaient... Pour elle, un crachat jeté à la face du monde. Elle jubilait. Mariée de gré à seize ans à un vieux dandy douteux par goût du tapage ! Les années la rendaient de plus en plus belle, de plus en plus mauvaise, de plus en plus sotte. Pour cette écervelée au coeur d'orties, l'essentiel était là : médire, haïr, embellir.<o:p></o:p>

    Elle me donna deux méchants enfants, Vladimir et Henriette.<o:p></o:p>

    492 - L'incroyable Gertrude

    Gertrude est une "femme à couilles". Cent-vingt kilos, des biceps d'acier, une pogne d'enfer. Et avec ça elle crache plus loin que le Diable, émet des ronflements d'ogre, crie aussi fort que son âne, jure comme un bougre.<o:p></o:p>

    Fermière "à l'ancienne", le sillon est son élément et elle défend ses droits à coups de poing. Gertrude, une femme de caractère diront certains... Une femme, une vraie. La terre est son enfant -celui qu'elle n'a jamais eu, le seul qu'elle aura autant aimé-, le facteur une poule mouillée qui roule en "autojône" et le bon Dieu une espèce de mauviette qui se cache derrière les nuages. Bref, voici une femme de marbre au destin taillé à sa mesure. La terreur locale.<o:p></o:p>

    Qui pénètre sur le territoire de la Gertrude s'expose aux fureurs d'une hôtesse prompte à la riposte. Fureur dans tous les sens du terme car Gertrude est aussi une femme qui à sa manière "aime" les hommes. Redoutables sont ses transports utérins et malheur à celui qui tombe dans ses filets ! Mais laissons-là les amusements. Côté politique, recettes de cuisine et autres subtilités de la langue ou de la pensée, ses arguments sont en général assez convaincants : quand Gertrude se met à causer, elle commence d'abord par remonter ses manches. Même les gendarmes n'osent pas enfreindre la loi de fer qui règne dans la ferme du tyran. Les plaintes portées contre elle n'ont jamais eu de suite. Franchir la barrière séparant le monde civilisé de l'exploitation agricole, c'est faire acte d'héroïsme. Ou d'inconscience : Gertrude manie avec autant d'aisance la fourche que le fusil. Celui qui lui rend visite le fait toujours à ses risques et périls.<o:p></o:p>

    Égorgeuse de porcs, rompant leur cou à mains nue, un couteau entre les dents, une flamme sauvage dans l'oeil, voilà la Gertrude. Arracheuse de souches, bûcheronne à la hache, buveuse de gnôle forte distillée par ses soins, telle est cette femme née sous le passage de Dieu sait quel météore...<o:p></o:p>

    Un jour la Terre trembla : le malingre Jean Duval, comptable de moins de cinquante kilos et de plus de quarante-huit ans -une petite nature-, alla demander la main au monstre. Parfois la folie s'empare subitement de certains êtres... Tous s'attendirent à ne pas voir le prétendant sortir indemne de la ferme.<o:p></o:p>

    L'impensable eut lieu. <o:p></o:p>

    Les chaumières firent leurs veillées autour de cette histoire d'amour contre-nature entre le moucheron et la tarentule. Le maire trembla le jour de l'union officielle, non d'émotion mais de crainte : l'épousée le toisait, le dépassant d'une tête. Le curé encore sous le choc d'une expédition à la ferme vingt ans auparavant pour une belle mais illusoire tentative de "conversion à la douceur christique" de son hôte, expédia la cérémonie sans demander son reste. La maréchaussée quant à elle se tint à carreau, préférant feindre une pacifique indifférence en ce jour sensible.

    Les noces ne se prolongèrent guère à la mairie, au grand soulagement de tous. Le couple vit heureux depuis dix ans dans les hauteurs du hameau. La Gertrude manie toujours aussi habilement la bêche et le canon à gros gibier. Quant à l'heureux époux, c'est un permanent miraculé.
    <o:p></o:p>

    493 - La sorcière

    J'allai visiter la sorcière. Avec sa coiffure à l'iroquoise couleur d'herbe, son blouson clouté démodé depuis vingt ans, son visage comme une terre desséchée, son tatouage frontal "no futur", son piercing à la lèvre inférieure, ses anneaux de pacotille aux oreilles, elle était ridicule et encore plus laide que si elle était simplement sénile. Bref, des allures d'actrice avariée version cheveux verts et artifices "rebelles". Sale, édentée, haineuse, elle me reçut avec aigreur. De sa voix rocailleuse :<o:p></o:p>

    - Que me vaut le déshonneur ?<o:p></o:p>

    En signe de salutation informelle, je crachai à ses pieds, ce qui parut plus la flatter que l'offenser... Puis prenant le ton le plus sincère :<o:p></o:p>

    - La sorcière, tu me fais rêver au fond de ton taudis. Je t'imagine penchée au-dessus de tes décoctions maléfiques... Ton charme agit, diablesse ! Ta silhouette affreuse sous la Lune me plaît. Me diras-tu les secrets de tes chaudrons ? Que fomentes-tu donc dans ton trou à rat ? Tu es pittoresque la vieille, et j'aime tes haillons pleins d'éclat.<o:p></o:p>

    - Passe ton chemin l'étranger. Moi Germaine Lafleur, sorcière des mythes et des cafardises, je te crache à la chandelle ! Cours donc tes pas au lieu de m'emmermifier avec tes chaptalettes emmiloflées !<o:p></o:p>

    - La sorcière, tu me montres tes chaudrons et je te chante les malheurs de la Terre, de quoi faire refleurir les chardons de ton coeur.<o:p></o:p>

    - Chante-moi les sels enivrants et les sèves amères de l'enfer que je les distille dans mes alambics enchantés, et ma masure est à toi mon   Seigneur !<o:p></o:p>

    Ainsi en un instant je devins l'ami de la sorcière. Je l'avais séduite en lui révélant (et en les exagérant) les ragots les plus douteux qui circulaient non seulement à son sujet mais encore sur ses voisins qu'elle haïssait à mort. Elle me révéla les étrangetés mijotant au fond de ses chaudrons. Rien que des trésors banals : des crapauds éventrés, des vers de terre amollis, des escargots communs, quelques épluchures de bananes... Elle avait même ajouté un produit chimique inoffensif (issu d'une panoplie bon marché achetée chez un marchand de jouets) pour faire fumer le tout de manière artificielle... Un serpent venimeux en plastique surnageait d'ailleurs dans cette soupe tiédasse, et le comble c'est que je dus faire mine de le prendre pour un vrai pour ne pas la vexer ! Je fus déçu, moi qui m'attendais à des monstruosités plus visqueuses, plus malodorantes... <o:p></o:p>

    Je quittai la sorcière, mes rêves brisés.<o:p></o:p>

    494 - Une piété de plâtre

    Martine est une belle jeune fille intelligente et lucide, passablement pieuse. Épanouie, équilibrée, franche, rien en elle ne peut laisser supposer quelque singerie comportementale, hypocrisie sociale ou frasque sexuelle cachée. Pourtant à la messe le dimanche elle adopte une attitude de circonstance parfaitement caricaturale. Les yeux fixant sottement le vide, l'air mièvre, la voix pleine d'onction, elle fait l'ouaille primaire. A la grande satisfaction du prêtre qui se voit conforté dans son rôle de berger.<o:p></o:p>

    Devant l'officiant Martine bêle avec conviction, affiche son sourire le plus puéril, s'efface de toute sa piété, s'extasie lourdement devant les images saintes les plus niaises... Bref elle fait la Vierge d'Épinal.<o:p></o:p>

    Elle considère la pratique religieuse avec le sérieux de ces petites dévotes de province torturées par les dogmes, obsédées par la doctrine, sclérosées par les formules latines. Fidèle aux règles les plus ridicules inspirées par son missel, Martine perd tout sens critique dès qu'elle passe le porche de l'église. Au point qu'elle se fond avec les esprits étriqués qui prient en sa compagnie une heure par semaine, allant jusqu'à suivre sans complexe leurs moeurs vestimentaires : fichu sur la tête et chapelet à la main, la jeune fille devient une petite vieille agenouillée, rabougrie, insignifiante.<o:p></o:p>

    Est-elle sincère ? <o:p></o:p>

    La vérité est qu'en dehors de la messe Martine a un comportement mensonger, sa vraie nature de bigote profonde s'exprimant dans toute son ineptie une fois qu'elle se retrouve agenouillée devant le prêtre. Toute la semaine elle ment, singeant la jeune fille qu'elle n'est pas. Et ne vit que pour ce moment intense et bête où enfin elle peut laisser se manifester la petitesse de son âme immature.<o:p></o:p>

    495 - Le castrat

    Avec sa voix d'ange, il troublait hommes et femmes. Créature énigmatique au charme androgyne, le castrat était entouré de prétendantes toutes plus belles les unes que les autres. Une seule cependant avait retenu son attention, pour qui il éprouvait les mêmes feux. Amputé de sa partie profonde, il n'en aimait que plus passionnément cette femme : l'organe vital qu'il sentait battre dans sa poitrine était entier, lui. N'était-ce pas l'essentiel ?<o:p></o:p>

    Cet amour exempt de corruptions charnelles l'enivrait et le chagrinait tout à la fois. L'amante quant à elle était éprise de chasteté, de beauté, d'idéal, éprise de cet eunuque à la voix d'oiseau qui incarnait ses plus chères aspirations amoureuses... Leur hyménée asexué était beau et tragique, pitoyable et sublime. Le sopraniste avait remplacé son mâle argument par un céleste substitut, consolateur et exquisément éthéréen. Sa voix de flûte valait la plus flatteuse des virilités, au moins auprès de la gent raffinée.<o:p></o:p>

    Émotions supérieures, pureté du coeur, élévation des sentiments liaient les amants dans leur ascension amoureuse. Leur union chaste était une oeuvre d'art dédiée à la Musique, à la Beauté, à la Poésie. Envié, admiré, jalousé de tous, le couple passait des nuits exaltées et brillantes où l'Art présidait à leurs émois esthètes et vertueux.<o:p></o:p>

    L'amant à la voix séraphique souffrait toutefois de ne posséder que son attribut vocal pour toute séduction. Ornement suprême à la portée des initiés et des intrigantes parmi les plus belles, lui conférant gloire et prestige certes, mais signature irréparable de sa mâle déchéance. Le sacrifice était beau... Et cruel. N'était-ce pas ce qui en faisait le prix ?<o:p></o:p>

    Hôte des princes, statue vivante affranchie des pesanteurs de ce monde, le demi-homme était traité comme un demi-dieu. Las ! Le baume de la renommée ne parvenait pas à l'apaiser. <o:p></o:p>

    Conscient de ses hauteurs comme de ses limites, l'asexué aspirait à des ivresses qui eussent pu contenter les féminines ardeurs, des plus nobles aux plus triviales, des plus légères aux plus profondes. Il se languissait de ne pouvoir se ranger sous les lois naturelles de l'amour. Alors que tous louaient sa particularité vocale et que, porté par la grâce, il échappait au commun, sa condition quasi angélique lui était devenue odieuse. A l'abri des misères de la chair, il n'en était pas moins privé de ses éclats. <o:p></o:p>

    S'épanchant vers l'élue, celle-ci ne pouvait que recueillir ses larmes d'orphelin, émue par ce jeune chêne à qui l'on avait ôté la sève. Privé de sa virilité, l'éploré était bouleversant dans les bras de la belle : doucement, tout doucement il sanglotait, sanglotait avec sa voix d'enfant dans le giron de l'aimée...<o:p></o:p>

    Et c'est là, inconsolable et pathétique, que le chant du roseau devenait le plus beau.<o:p></o:p>

    496 - Un amour de femme

    Marquis,

    Cette lettre ne vous émouvra nullement, je m'en doute bien. Aurais-je un jour pu concevoir ce qui m'arrive ? La folie Marquis, la folie. Quand je vous ai vu pour la première fois, j'ai tressailli d'horreur. Chauve, comment auriez-vous pu avoir les cheveux au vent ? Bossu, vous ne regardiez que vos pieds. Bancal, il ne vous restait plus qu'à cancaner pour mieux ressembler au volatile palmé. Ce que vous ne vous êtes pas privé de faire en ma présence. Grotesque, pitoyable, mal vêtu, laid, grossier, mal éduqué, goujat, vous me plûtes dans votre abjection.
    <o:p></o:p>

    Vous pousserez des éclats de rire aigus en lisant cette lettre, j'en suis persuadée. Faites donc Marquis, vous n'en serez que plus exquis. Raillez, crachez, médisez, votre séduction est là. Odieux, insupportable, repoussant, vous me plaisez. Faites seulement le gentil, le beau, l'humble, et votre charme se brisera aussitôt. Ce qui fait votre prix, c'est votre bosse, votre bassesse, votre rire cruel.<o:p></o:p>

    Moi je vous trouve beau cher Marquis, parce que pittoresque, méchant, fat, égoïste. Vous ne cherchez pas à plaire, voilà qui est aimable. Vous vous moquez de moi, c'est désarmant. Vous êtes comme la peste : le monde vous fuit. Charmante misanthropie !<o:p></o:p>

    Marquis, je vous offre mon hymen, il est à vous car pour vous je brûle. Je sais que vous le refuserez et que cela me fera pleurer. Mais vous, ça vous fera rire et médire. Et votre rire injuste, vos mots coupants seront ma consolation... Je vous aime Marquis, pour une fois n'aurez-vous pas pitié de l'Humanité ? Je suis une belle femme, jeune, convoitée, vierge encore, fortunée, caressante... Refuser ma virginité vous procurera plus de satisfaction que l'accepter, hélas ! Comme je sais tout cela ! Cette lettre est vaine, vous me la jetterez au visage en poussant votre rire impitoyable. Votre rire, ho ! Combien je l'aime et je le hais tout à la fois ! Marquis, mon amour pour vous est voué à l'échec, au mépris. <o:p></o:p>

    Les choses sont bien faites : plus vous bafouerez cet amour étrange et dolent que je vous porte, plus je vous aimerai Marquis. Riez maintenant que vous avez lu ma lettre, riez à gorge déployée cher Marquis. Je vous aime dans votre rire cynique et éclatant, dans votre bosse et votre laideur, dans votre définitive ignominie qui, ne craignant pas de se mesurer à tout, si fière d'elle-même monte jusqu'aux étoiles pour leur ravir leur éclat inutile.<o:p></o:p>

    497 - L'intrus

    Chaque soir un homme étrange s'invite chez moi. Vers minuit je l'entends monter l'escalier du couloir. Il frappe toujours trois coups secs à la porte. Je lui ouvre et tout simplement il vient s'asseoir à ma table, sans un mot. Il attend. Et ne repart qu'une fois avalé son bol de soupe, sans un remerciement. Le seul moyen efficace que j'ai trouvé pour qu'il ne s'attarde pas trop sous mon toit, c'est de lui servir son dû. Vers vint-trois heures je lui prépare donc sa soupe, tous les jours. Et j'attends.<o:p></o:p>

    Qui est cet étranger aux allures énigmatiques que je ne connais pas et qui tous les soirs vient réclamer sa soupe en silence ? Me connaît-il ? Est-ce un méchant revenant ? Un ange déguisé en mendiant désireux d'éprouver les vivants ? Le Diable ? Ou plus banalement un pauvre hère qui aurait trouvé la bonne combine pour se remplir le ventre à moindre frais ? Depuis un an que dure ce manège, je n'ai aucune explication.<o:p></o:p>

    Au début j'ai bien tenté de l'interroger sur ses origines, son nom, ses desseins... Mais il parle très peu. Il m'a seulement répondu qu'il était un homme, qu'il était là et qu'il désirait un bol de soupe. Et c'est tout. De temps à autre il émet des réflexions mystérieuses qui me laissent dans une grande perplexité. Par exemple un soir, entre deux gorgées de soupe, je l'entendis murmurer :<o:p></o:p>

    - "Ce soir est pleine la coupe. Cette soupe, c'est mon sang."<o:p></o:p>

    Ces allusions christiques me firent penser un moment que j'avais affaire au Crucifié. Mais aussitôt après il ajouta :<o:p></o:p>

    - "Le roi a perdu son bouffon, je trempe ma girbette dans l'eau de mon bol."<o:p></o:p>

    Il fallait chercher ailleurs une explication à sa présence. Après de telles paroles l'identité de mon hôte n'était pas simple à établir... Grave et saugrenu, burlesque et impénétrable, absurde et mystique, tel apparaissait le mangeur de soupe. Contrastes déroutants qui ne me permirent jamais de connaître la vérité.<o:p></o:p>

    Ce soir mon invité sera là. Il frappera à ma porte, entrera, s'assoira devant son bol chaud. Il repartira aussitôt dans la nuit sans prononcer un mot, ou alors quelques paroles sibyllines, profondes et cocasses. Puis j'irai me coucher, ne me fatiguant plus à chercher une explication à cette énigme qui, me semble-t-il, durera jusqu'au jour de ma mort.<o:p></o:p>

    498 - Une folie d'amour

    La pucelle est laide de visage. Le soldat ne semble pas très regardant sur l'éclat de ses conquêtes : sous le soleil de juin toutes les filles ont de la poitrine et les robes légères sont des invites pour tout ce qui porte moustaches et baïonnette. Les fruits ont mûri à temps, le loup rôde, la laide Suzon est loin d'être gourde. Eugène, après l'horreur des tranchées a l'oeil indulgent pour tout ce qui ressemble à une femme. En permission depuis peu, se perdre dans la volupté, chercher la douceur féminine lui est un devoir, un acte de rébellion contre les obus, la terreur, la mitraille, là-bas... <o:p></o:p>

    Bientôt l'humble Suzon tombe dans les bras du poilu. Demain il sera peut-être mort. Après la boucherie des combats, le feu de la chair. L'étreinte est bestiale, profonde, belle et désespérée. Les amants se roulent dans la paille, ivres de vin blanc et d'amour. Les coeurs se révèlent, les corps exultent, les têtes tournent, on se fait des serments fous...<o:p></o:p>

    Les bruits de la guerre sont loin.<o:p></o:p>

    Le corps apaisé, Suzon se sent belle. Son soldat est son "premier". Eugène lisse ses moustaches en caressant le menton de la coquine, l'humeur mélancolique, le geste attentionné, l'air tendre et gaillard. Mais l'amour, le vrai, l'inattendu, le fou, l'aveugle, le déconcertant, a surpris la Suzon. Elle l'herbe sauvage, lui le soldat brisé. Demain déjà, il lui faudra retourner au combat. Que faire ?<o:p></o:p>

    Il n'y a rien à faire. Les tranchées ont déjà broyé l'âme d'Eugène. Sous ses jolies moustaches, c'est une épave. Demain il exposera son corps au fer et au feu "pour la France". Demain il sera mort, c'est décidé ! Cette étreinte était son dernier hommage rendu à la vie, sa dernière volonté avant d'en finir. Demain il se laissera ensevelir par la boue de Verdun en hurlant son désespoir. Eugène n'aime pas la guerre, n'aime pas le drapeau, n'aime pas cet enfer patriotique qui l'a déjà tué en dedans. <o:p></o:p>

    Ils se sont quittés sur un dernier baiser, elle l'herbe sauvage, lui le soldat brisé...<o:p></o:p>

    Quatre-vingts années se sont écoulées depuis. A presque cent ans la Suzon est encore plus laide qu'à vingt ans : grabataire, ridée, effrayante, complètement démente. Elle ne s'est jamais mariée. Dans l'hospice qu'elle hante depuis si longtemps, plus personne ne l'entend quand de sa bouche édentée elle murmure entre des sanglots de moribonde, le regard affligé, la main tremblante, la voix inaudible :<o:p></o:p>

    - "Eugène, il s'appelait Eugène et j'l'aimais c't'homme-là... L'tranchée l'a pris mon Eugêne... Il m'a aimée avant d'partir et moi j'l'aimais aussi, d'tout mon coeur... D'tout mon coeur mon Eugène..."<o:p></o:p>

    499 - Le silence est d'or

    Alphonse aimait la Berthe en secret. Depuis vingt ans qu'il avait été engagé à la ferme, il courtisait toujours aussi timidement la fille du patron. Il lui jetait des regards furtifs à table, lui adressait de manière anodine des mots codés sensés être doux qu'elle recevait avec placidité. Vingt ans que ça durait ! La Berthe était devenue énorme, rougeaude, repoussante, mais Alphonse avait conservé intact son émoi originel. <o:p></o:p>

    Il n'avait d'yeux que pour celle qui lui avait souri une fois, une seule fois, lors de son premier jour passé à la ferme. Pure courtoisie de la part de la fille de son employeur ou véritable aveu d'amour, comment savoir ? Il y avait vingt ans déjà... Quoi qu'il en fût, il avait pris ce sourire avec toute la tragique candeur de son coeur de rustre. Une timidité viscérale le tenait toutefois à distance exagérée de l'être cher. Alphonse avait une âme d'authentique vieux garçon.<o:p></o:p>

    En vingt ans la belle était devenue un monstre. Mais le niais était demeuré niais. Heureux homme trompé par le temps, façonné par des moeurs arcadiennes qui ne voyait ni le mal ni la laideur, berger au coeur pur qui ne faisait pas de différence entre la chevrette et la barrique à fromages pourvu que les deux exhalassent le doux parfum de l'oubli... Alphonse s'était sclérosé dans ses habitudes amoureuses. A cinquante ans il espérait encore avoir des enfants de cette femelle encore vierge mais ménopausée qui apparemment n'avait vécu que pour faire tourner la ferme de ses vieux parents. Sa raison d'être à elle semblait se résumer à cette ferme.<o:p></o:p>

    Alphonse continuait ses tendres allusions à l'adresse de l'aimée qui en vingt ans n'y avait vu que du feu. Vingt ans à lui faire une cour aussi discrète qu'inexistante entre le sillon et l'étable ! Vingt ans d'un espoir fou accroché à la charrue, d'un fardeau d'amour traîné patiemment à la force du poing... En effet, Alphonse était resté travailler dans cette ferme uniquement pour gagner la main de la Berthe qui lui avait souri le premier jour, alors qu'il ne devait faire qu'une saison avant de rentrer chez ses parents embrasser une carrière de marchand de bestiaux.<o:p></o:p>

    Dix années encore s'étaient écoulées. Un jour de grande chaleur, dans un moment d'intimité impromptue (événement rarissime en trente ans de "vie commune" à la ferme), alors qu'ils étaient seuls aux champs, le coeur serré, n'y tenant plus, s'adressant au mastodonte, Alphonse finit par lui avouer :<o:p></o:p>

    - "La Berthe, si je suis resté à la ferme depuis trente ans, c'est pour toi. Pour toi la Berthe ! T'entends dis ? C'est par amour pour toi. J'ai jamais osé te le dire en trente ans mais aujourd'hui je crois que c'est le moment. Tu m'avais souri le premier jour, tu te rappelles ? Tu m'avais souris ce jour-là et depuis ça n'est jamais sorti de mon coeur. C'est pour ça que je suis resté, pour hériter de ta main la Berthe. Tu te rappelles dis, quand tu m'avais souri ce jour-là ? Tu m'aimais donc la Berthe ? "<o:p></o:p>

    - "Alphonse, lui répondit Berthe, je t'ai aimé dès le premier jour c'est vrai. Mais comme tu n'as jamais semblé faire attention à moi j'ai pris pour de l'indifférence ta froideur. Ca m'a tuée en dedans de moi. Je me suis désespérée sans jamais rien laisser paraître de ma peine. Je me suis mise à manger pour mieux oublier, et bien sûr toi tu semblais faire encore moins attention à moi. Je pensais que ça t'était complètement indifférent que je devienne une coche. Toujours aussi impassible, tu travaillais à mes côtés. Et maintenant tu dis que tu m'aimais... Mais pourquoi ne m'as-tu pas dit ça les premiers jours Alphonse ? Ca nous aurait économisé une vie ! "<o:p></o:p>

    - " La Berthe, je vais te dire... Maintenant que tu m'as ouvert les yeux, je me rends compte d'une chose... C'est vrai, tu es très vite devenue grosse et grasse comme une coche tout de suite après que je t'ai connue. Moi je ne voyais que ton sourire du premier jour, tu comprends ? Pendant trente ans je vivais avec ton sourire d'avant. Mais maintenant que tu m'as dit tout ça, la Berthe, je crois qu'à partir d'aujourd'hui.. Je ne t'aime plus du tout."<o:p></o:p>

    500 - Le chapeau de l'abbé

    L'abbé portait un grand chapeau, ce qui ne l'empêchait pas d'être un sacré paillard. Cela dit, il n'était guère buveur. Ni prêteur. Aussi tenait-il toujours solidement amarré à son front le précieux couvre-chef. Un jour il croisa dans la rue une créature toute de dentelles vêtue et de chair exposée, laquelle créature faisait également partie de ses ouailles. Afin de faire honneur à la femelle flatteusement parée, l'abbé crut bon d'ôter son chapeau. Il salua la passante d'un geste galant, élevant le plus haut possible son chapeau. Le vent l'emporta. L'homme d'Église exigea de la belle qu'elle rattrapât prestement l'objet fuyant.<o:p></o:p>

    La mondaine s'exécuta, cependant Éole fut le plus prompt, et après avoir fait faire quelques tours à sa poursuivante, finit par ravir définitivement son bien à son propriétaire. L'ecclésiastique fit porter la faute à la pécheresse la perte irréparable de son chapeau. En dédommagement il réclama de la coupable l'exclusivité de son hymen durant un mois, sous peine de répandre maintes calomnies sur ses moeurs. La malheureuse dut céder au chantage.<o:p></o:p>

    Comme l'abbé ne buvait pas, il exigea en outre de la fautive qu'elle lui cédât ses cigares, car la frêle victime en effet fumait d'énormes havanes ! Une insolence de plus que devait châtier scrupuleusement le prêtre-justicier. Ainsi l'abbé ne portait certes plus de chapeau sur la tête mais sortait avec un cigare aux lèvres, une dame du monde au bras. Le manège dura un mois, comme prévu. Une fois que la scélérate se fut affranchie de sa dette, l'abbé se fit offrir par elle un nouveau chapeau.

    Il pouvait sortir seul à nouveau dans la rue avec sa chère acquisition, fier comme un coq de clocher. Chapeau qu'il n'avait pas volé après un mois d'abstinence chapelière, foi d'abbé !
    <o:p></o:p>

     


    votre commentaire